« Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ? » (29 octobre 1965)u v
Votre question m’atteint tandis que je m’efforce d’▶ordonner un chaos ◀de▶ notes ◀d’▶âges très divers en vue ◀d’▶un livre sur le protestantisme, promis depuis longtemps à l’éditeur, et pour lequel je proposais, en guise de titre provisoire : La Réforme permanente.
La Réforme ne s’est pas faite une fois pour toutes. Luther et Calvin n’ont pas été les premiers réformateurs ◀de▶ l’Église, et ne seront pas les derniers. Défendre l’héritage ◀de▶ la Réformation, ce n’est pas répéter ce que disaient ses auteurs, mais continuer à réformer. Seuls peuvent être fidèles à l’esprit ◀de▶ Luther et ◀de▶ Calvin un luthéranisme et un calvinisme continuellement repris à leur origine spirituelle et rapportés à leur fin dernière, réinventés par chaque personne pour son usage réel et quotidien, avec tous les risques ◀d’▶hérésie (hardiment assumés) que cela comporte, et en même temps reliés sans relâche à l’espérance ◀de▶ l’Église universelle, à l’avenir catholique, et orthodoxe, à la Pentecôte œcuménique.
Vous avouerai-je qu’en tant que protestant, je me sens jaloux des possibilités réformatrices qui se manifestent dans le concile actuel du Vatican ? Le supérieur général des jésuites critique les missions chrétiennes : chaque mot porte et toute l’Église romaine a pu l’entendre, quoi qu’en décide finalement son chef. Qu’avons-nous ◀de▶ pareil ? Et je ne dis pas seulement : quelle autorité efficace dont les décrets traduisent les vœux ◀d’▶une imposante majorité, mais tout simplement quelle tribune ?
Je constate que l’Église romaine a ◀de▶ meilleurs instruments ◀d’▶autocritique, ◀de▶ remise en question et ◀de▶ renouvellement que les Églises issues ◀de▶ la Réformation… Se pourrait-il qu’elle ait bientôt plus ◀de▶ réformateurs vivants et ◀d’▶avenir que nous n’en vénérons dans notre histoire ? Bon sujet ◀de▶ réflexion, en cet anniversaire.