V
Le balcon sur l’▶eau
Tu es appuyée debout contre moi, et nous regardons à nos pieds ◀l’▶eau vivante. ◀La▶ brume est proche. Une haute muraille derrière nous ferme ◀le▶ monde. Tu ne trembles pas, tu t’appuies. Nos reflets ondulent très peu, gris sur ◀le▶ blanc doucement luisant ◀de▶ ◀la▶ surface ; mais ◀le▶ silence a des vagues profondes.
◀L’▶eau clapote avec tendresse, et se retient… Et ◀l’▶air chargé ◀d’▶attente. Nos têtes immobiles sont près de se toucher, nos regards s’en vont à ◀la▶ rencontre ◀de▶ ce qui est voilé. Retiens ton souffle, retiens ton envie ◀de▶ fermer ◀les▶ yeux contre une épaule, attends encore un peu plus fort, écoute encore plus purement…
Solennité autour de nous : il y a une grande lenteur. C’est ◀l’▶avenir ou ◀l’▶éternité qui ouvre ◀la▶ bouche pour dire quelque chose, écoute, attends… Peut-être que déjà ◀la▶ parole fut dite et reçue quelque part en nous-mêmes, dans ◀la▶ brume où nous sommes perdus avec ce clapotis ◀d’▶une eau étrangement vivante et qui rêve ; et rien que nos yeux qui brillent dans ◀l’▶étendue où nos deux formes confondent leur ombre et leur songe…
Odeur ◀de▶ ◀l’▶eau, — pour toute ◀la▶ vie.
Bogliaco, lac ◀de Garde, 1928.