Avertissement
Le Journal d’▶un intellectuel en chômage décrivait la France ◀de▶ l’entre-deux-guerres. Le Journal ◀d’▶Allemagne montrait l’hitlérisme dressé contre elle et contre toute l’Europe. Ce troisième récit qui se passe surtout en Suisse et en Amérique pendant la guerre, mais aussi dans d’autres pays — Hollande, Portugal, Argentine —, a pour véritable sujet non plus une nation, un régime, mais le désordre ◀de▶ l’époque, vu ◀de▶ près.
Pas plus que les deux précédents, ce journal n’est vraiment « intime ». (Il m’arrive ◀d’▶en tenir ◀de▶ ce genre, mais je les garde pour mon seul usage.) Dans toutes les notes et réflexions que j’ai écrites pendant sept ans — et dont un certain nombre ont paru à leur date, réagissant à l’événement — j’ai fait un choix, éliminant la confidence et ne gardant en général que les fragments que j’estimais significatifs ◀de▶ l’époque. Si pourtant j’ai pris soin ◀d’▶indiquer çà et là, par ◀de▶ brèves allusions tout au moins, certaines circonstances privées, c’est qu’il est parfois important ◀de▶ situer le sujet qui décrit par rapport aux objets ◀de▶ sa description, ne fût-ce que pour donner une clef ◀de▶ correction. La ligne ◀d’▶horizon dépend à chaque instant ◀de▶ l’endroit où nous nous tenons, elle se déplace et change, et l’on peut dire que nous la portons avec nous. Ainsi ◀de▶ la plupart de nos observations sur les faits réputés objectifs. Et c’est pourquoi l’effort ◀de▶ discrétion ◀de▶ l’auteur le plus décidé à ne jamais parler ◀de▶ soi se voit déjoué par les descriptions mêmes qu’il nous propose, et qui ne sont que les rébus ◀de▶ ce qu’il s’imaginait taire ou dissimuler. Finalement, quoi qu’on dise on dit tout, si le lecteur a l’oreille fine. Il ne reste donc plus qu’à distraire ce lecteur, à orienter son attention vers des objets que l’on suppose plus dignes ◀de▶ retenir son intérêt : coutumes, anecdotes et paysages. Et c’est ce que l’on trouvera dans ce nouveau recueil ◀de▶ notes sur l’existence ◀de mon temps, — celle dont l’Histoire ne parlera pas, la plus réelle.