Denis de Rougemont nous écrit (6-7 juillet 1968)aa
M. P.-O. Walzer suggère à vos lecteurs ( Samedi littéraire, 22 juin 1968) que pendant six ans d’▶Amérique je n’ai fait que « papoter avec des milliardaires nyouorkaises » et me « perfectionner dans les parlers locaux » (?). Bien entendu, mon livre parle ◀d’▶autre chose et ne mentionne, en fait ◀de▶ papotages, que des conversations avec Jacques Maritain, André Breton et Saint-Exupéry — ou mes émissions quotidiennes ◀de▶ « La Voix ◀de▶ l’Amérique parle aux Français ». Mais la caricature veut ces déformations, si la critique honnête les réprouve.
Tout autre chose est ◀d’▶affirmer que j’ai « jeté mon sac (militaire) aux orties » avant de « disparaître dans les Amériques ». Car c’est là m’accuser ◀d’▶un acte bien défini, qui m’eût valu un peu plus, croyez-moi, que les quinze jours ◀de▶ forteresse auxquels le Général m’avait condamné en juin pour un article sur l’entrée ◀d’▶Hitler à Paris.
Soyons précis : un officier qui quitte la Suisse à la fin ◀d’▶août ◀de▶ 1940 en mission et muni ◀d’▶un passeport « ◀de▶ service », il est rigoureusement exclu qu’il ait jeté son uniforme aux orties, c’est-à-dire déserté, peu de jours auparavant. Un critique qui l’en accuserait, à ce moment-là, serait requis ◀de▶ s’en expliquer sur l’heure devant un tribunal militaire, lequel n’admettrait pas l’excuse ◀d’▶une « manière ◀de▶ parler » pour faire drôle.
Cette mise au point, tout à fait superflue pour les lecteurs ◀de▶ mon livre, m’a paru nécessaire pour ceux qui n’auraient lu que l’article du Samedi littéraire.