La▶ place du livre dans ◀l’▶information ◀de▶ ◀l’▶homme moderne (1970)a
Mesdames et Messieurs, à ma stupéfaction, je me trouve en plein accord avec mon ami Louis Armand, sauf sur un seul point, c’est quand il dit que ◀les▶ mathématiques ne se prêtent pas à ◀la▶ liturgie, ne se prêtent pas au chant. Il y a tout de même un exemple, c’est ◀la▶ manière ◀de▶ psalmodier ◀la▶ table des multiplications à ◀l’▶école primaire qui m’a toujours frappé, et ceci prouve que ◀la▶ liturgie n’est pas seulement ◀l’▶expression ◀d’▶une émotion mais un moyen mnémotechnique dans certains cas.
Ceci dit, j’aurai une seule remarque, non pas du tout en contradiction avec ce que vient de vous dire M. Armand, mais plutôt complémentaire à propos du mot « information ».
Je prends ◀le▶ mot information en pensant au livre et au caractère spécifique ◀de▶ ◀l’▶information que ◀l’▶on peut avoir par un livre : je ◀le▶ prends dans son sens étymologique qui est très proche de formation. Il y a des livres ◀de▶ pure information, comme on dit, ◀d’▶information courante, qui sont ◀les▶ dictionnaires, ◀les▶ encyclopédies, qui sont des réservoirs ◀de▶ recettes, ◀de▶ noms, ◀de▶ dates, des « data banks » comme on dit aujourd’hui. Je ne sais pas ◀la▶ traduction française. Banques ◀d’▶informations.
Mais ◀le▶ livre, au sens noble du mot, au sens ◀de▶ ◀la▶ Renaissance, ◀le▶ livre ◀d’▶humaniste, ◀le▶ livre ◀de▶ philosophe, ◀le▶ livre ◀d’▶essayiste, ◀de▶ romancier, ◀le▶ livre ◀de▶ poète, je ◀le▶ vois par contraste avec ◀les▶ moyens audiovisuels comme une espèce ◀d’▶appareil très simple, aussi simple dans ses éléments constitutifs que ◀les▶ transistors qui sont pour moi ◀le▶ comble ◀de▶ ◀l’▶élégance en technique, ce petit truc tout simple… Donc des appareils formés ◀d’▶éléments extrêmement simples à usages complexes et nombreux, dont ◀le▶ pouvoir spécifique ◀d’▶information consiste en ceci que, quand vous lisez un livre, vous avez en quelque sorte ◀l’▶esprit polarisé. Cela vous oriente, vous organise, et qualifie un certain nombre ◀de▶ signes et ◀de▶ significations.
Je vois ◀le▶ livre donc comme un appareil formé ◀de▶ mots et ◀de▶ phrases, disposés ◀de▶ telle sorte que ◀le▶ sens spécifique que ◀l’▶auteur veut faire passer ne passe que dans ◀la▶ mesure où ce système ◀de▶ mots et ◀de▶ phrases oriente ◀l’▶esprit du lecteur ◀de▶ ◀la▶ manière ◀la▶ plus précise dans une seule bonne direction sur ◀les▶ mille, sur ◀les▶ millions, sur ◀l’▶infinité des directions possibles.
Alors, qu’est-ce qui produit cet effet ◀d’▶orientation, ◀d’▶organisation ◀de▶ ◀l’▶information et ◀de▶ qualification ? C’est quelquefois ◀le▶ style ; dans ce cas, c’est ◀le▶ style qui est ◀le▶ message même du livre, qui fonctionne donc comme orientateur, comme polarisateur ◀de▶ ◀l’▶esprit et pas seulement ◀de▶ ◀l’▶esprit mais aussi ◀de▶ ◀la▶ sensibilité et du sentiment. Quelquefois, c’est ◀l’▶agencement des arguments dans un ouvrage philosophique, ou quelquefois ce sont simplement des situations dans un ouvrage romanesque. Mais toujours un livre digne du nom ◀de▶ livre, est un appareil qui fonctionne ◀de▶ cette manière-là, opère, transmet son message, est lui-même un message, plus ou moins bien imprimé ensuite ou stocké dans ◀la▶ mémoire individuelle, dans cette banque ◀d’▶informations qu’est ◀la▶ mémoire individuelle.
Donc il semble que ◀la▶ fonction essentielle du livre, si on laisse ◀de▶ côté ◀les▶ encyclopédies, ◀les▶ dictionnaires, et ◀les▶ autres recueils ◀de▶ références ou répertoires, c’est ◀de▶ faire passer un message unique et qui est global, qui tient à tout ◀le▶ livre, qui tient à sa composition, à sa structure, à son style, à ses rythmes au moins autant qu’à ◀l’▶enchaînement des arguments. Il n’y a pas deux livres pareils, alors qu’il peut y avoir un nombre considérable ◀de▶ moyens ◀de▶ faire passer une même information objective non qualifiée, non organisée, ◀de▶ ◀la▶ formuler et ◀de▶ ◀la▶ transmettre. J’entends par information objective un nombre, un nom, un procédé, un fait, un accident.
◀Le▶ livre c’est donc ◀de▶ ◀l’▶information formatrice. C’est un organisme formateur indépendamment des informations objectives qu’il peut ou non contenir et utiliser comme matériel.
Cet appareil, nous ◀le▶ traversons en lisant un livre, nous faisons une expérience ◀de▶ transformation qui nous transforme nous-mêmes, nous digérons ce qu’il y a dans ◀le▶ livre et je dirai qu’en revanche et en retour ◀le▶ livre nous digère ◀d’▶une certaine manière. Quand nous disons que nous sommes « absorbés » dans un livre, est-ce que c’est lui qui nous absorbe ou nous qui ◀l’▶absorbons ? C’est une question qu’on peut se poser, et cela me fait penser à ce passage très fameux ◀de▶ ◀l’▶Apocalypse où ◀l’▶auteur entend une voix du ciel qui lui dit : « Va au-devant ◀de▶ cet ange et prends ce petit livre ouvert qu’il a dans ◀les▶ mains, et quand tu ◀l’▶auras pris, mange-◀le▶, dévore-◀le▶ ; il te sera très amer aux entrailles mais très doux à ◀la▶ bouche et après cela tu pourras prophétiser. » Moi, je dirais : « après ça, tu pourras simplement agir ou méditer ». Nous ne sommes pas tous destinés à devenir des prophètes. Mais vous voyez qu’il y a cette espèce ◀d’▶interaction qui indique bien ◀la▶ valeur transformatrice qui existe dans un livre, dans ce petit appareil qu’est ◀le▶ livre dont on ne sait jamais si c’est lui qui nous avale, ou nous lui.
Voilà, me semble-t-il, ◀le▶ bon usage du livre. Et je voulais y insister pour que ◀l’▶on ne croie pas, puisqu’on parle ◀d’▶information, que ◀le▶ livre est une manière surannée ◀d’▶informer ◀les▶ gens. ◀La▶ radio, ◀la▶ télévision ou ◀de▶ bons dictionnaires pourraient faire plus vite ? Peut-être… Si vous me donnez une minute, je voudrais vous lire une page ◀de▶ Nietzsche que j’ai retrouvée ce matin même, sur « ◀la▶ lente lecture ». Je voudrais qu’on affiche cette page dans toutes ◀les▶ librairies et je voudrais ◀l’▶opposer à une annonce publicitaire qu’on voit paraître de plus en plus fréquemment dans ◀les▶ journaux et qui dit : « apprenez à lire vite ». ◀Le▶ président Kennedy lisait très, très vite ; il absorbait, je ne sais combien ◀de▶ milliers ◀de▶ mots à ◀la▶ minute.
Alors je crois que toute ◀la▶ propagande en faveur du livre, aujourd’hui, si ◀l’▶on veut sauver ◀la▶ spécificité du livre, doit être dans ◀le▶ sens ◀de▶ ces quelques lignes ◀de▶ Nietzsche que je vais vous lire. C’est dans ◀la▶ préface ◀de▶ son recueil Aurore.
« Philologue », dit-il, et en disant cela il veut dire, et il faut traduire ça ainsi : amateur ◀de▶ lettres, ◀de▶ langage, amateur ◀d’▶humanisme.
Philologue, cela veut dire maître ◀de▶ ◀la▶ lente lecture. On finit même par écrire lentement. Ne rien écrire ◀d’▶autre que ce qui pourrait désespérer ◀l’▶espèce ◀d’▶homme qui se hâte ! [voilà pour ◀l’▶annonce que je vous citais]. Car ◀la▶ philologie est cet art vénérable qui, ◀de▶ ses admirateurs, exige avant tout une chose : se tenir à ◀l’▶écart, prendre du temps, devenir silencieux, devenir lent. Un art ◀d’▶orfèvrerie, une maîtrise ◀d’▶orfèvre. C’est justement à cause de cela qu’il est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, justement par là que ◀le▶ livre charme et séduit ◀le▶ plus au milieu d’un âge du travail, je veux dire ◀de▶ ◀la▶ précipitation, ◀de▶ ◀la▶ hâte indécente qui s’échauffe et qui veut vite en finir ◀de▶ toutes choses, même ◀d’▶un livre fût-il ancien ou nouveau. Il enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement, avec profondeur, égards, avec des précautions, arrière-pensées, des paroles ouvertes, avec des doigts et des yeux délicats. Ami patient, ce livre ne souhaite pour lui que des lecteurs parfaits. Apprenez à bien me lire. Lisez-moi lentement.
M. Denis de Rougemont va maintenant répondre, à son tour, à un certain nombre ◀de▶ questions posées.
Eh bien, ce ne sont pas ◀les▶ sujets qui manquent, ce qui est difficile, c’est ◀le▶ temps ◀de▶ lente lecture pour bien se pénétrer des questions.
Je disais que ◀les▶ sujets ne manquent pas, mais ◀le▶ temps ◀de▶ ◀les▶ lire lentement me manque à cette tribune, et je devrais manger ◀les▶ fiches, ◀les▶ unes après ◀les▶ autres, et puis vous demander ◀le▶ temps ◀de▶ ◀les▶ digérer.
J’essaierai ◀de▶ grouper plusieurs ◀de▶ ces questions qui se réfèrent à ◀l’▶audiovisuel, aux rapports entre ◀l’▶audiovisuel et ◀le▶ livre.
On me fait remarquer que ◀le▶ livre a ce gros avantage sur ◀la▶ télévision que : « ◀les▶ moyens ◀de▶ communication ◀de▶ masse — écrit-on — sont en fait de plus en plus centralisés, contrôlés, par un nombre de plus en plus restreint ◀d’▶hommes ou ◀d’▶intérêts. ◀Le▶ dissentiment dans ce qu’il y a de plus scandaleux, et non pas seulement ◀de▶ pittoresque et ◀de▶ folklorique, ne rencontre-t-il pas plus ◀de▶ difficultés à s’exprimer qu’au temps où il suffisait ◀d’▶une très modeste mise ◀de▶ fonds pour publier un livre ? »
Cette critique-là s’adresse essentiellement, me semble-t-il, à ◀la▶ télévision, ou dans un sens moins grave à ◀la▶ radio, à quoi il faut opposer non pas seulement ◀le▶ livre, mais ◀le▶ disque. ◀La▶ bande enregistrée, ◀la▶ bande magnétique qui joue à peu près ◀le▶ même rôle que ◀le▶ livre, c’est-à-dire qui peut être comme ◀le▶ livre un agent ◀d’▶individualisme, ◀d’▶individualisation en face de cet agent collectivisant qu’est ◀la▶ télévision.
On a fait remarquer que ◀la▶ télévision recrée ◀le▶ tribalisme, ◀les▶ sentiments ◀de▶ tribu, ◀d’▶autant plus fortement aujourd’hui qu’elle ne dépasse guère un certain rayon, contrairement à ◀la▶ radio qui va beaucoup plus loin, et contrairement au livre et à ◀l’▶imprimé qui, eux, n’ont pas ◀de▶ limite en général. ◀La▶ télévision, c’est quelque chose qu’on vous impose ; il y a un très petit nombre ◀de▶ programmes, vous n’avez aucun choix. C’est fait pour un certain ensemble, une certaine tribu, une partie même ◀de▶ ◀la▶ nation, si ◀la▶ nation est grande. Vous n’avez aucun moyen ◀de▶ répliquer. Vous pouvez protester quelquefois — moi ça m’arrive souvent devant mon poste ◀de▶ télévision — mais c’est une protestation absolument vaine, sans aucune suite. Tandis que ◀la▶ situation est complètement différente quand vous êtes devant votre bibliothèque personnelle. Vous pouvez choisir, Louis Armand ◀le▶ disait tout à ◀l’▶heure, suivant votre humeur, quand vous voulez, ◀le▶ livre est toujours disponible et prêt à correspondre à votre humeur, à votre curiosité, à votre faim du moment.
Alors, je pense que loin de dire que ◀le▶ livre doit être supplanté par ◀la▶ télévision, il nous faut ◀le▶ développer tant que nous pouvons, au fur et à mesure que ◀la▶ télévision cherche à nous imposer certaines doctrines officielles qui sont, en effet, maniées uniquement par ◀les▶ gens qui ont ◀le▶ pouvoir et ◀les▶ fonds nécessaires pour ◀le▶ faire.
À cet égard, je voudrais ajouter un petit renseignement. Ça touche au livre, vous allez voir. Je cherchais ◀les▶ moyens, avec un groupe ◀de▶ gens, ◀de▶ contre-battre ◀les▶ effets ◀de▶ certaines télévisions, notamment pour introduire un angle ◀de▶ vision plus européen dans ◀les▶ programmes. Et alors, on se disait : « Qu’est-ce qu’il faut faire ? Est-ce qu’il faut créer un poste européen ◀de▶ télévision ? » Ça sera très difficile d’abord ◀de▶ ◀le▶ créer, et ◀de▶ ◀le▶ financer, et ensuite ◀de▶ transmettre cela assez loin, parce qu’il faut des autorisations ◀de▶ certains pays et ◀de▶ certains gouvernements. Alors, quelqu’un m’a fait observer qu’on pouvait peut-être s’en tirer pour ◀le▶ moment en diffusant ◀de▶ petits films que ◀l’▶on peut faire passer sur ◀la▶ télévision, sur son poste personnel, des petits films qui sont comme ◀l’▶équivalent du microsillon. C’est dans cette toute petite boîte, et chacun peut passer cela. C’est ◀la▶ cassette. C’est un palliatif. Ce n’est pas suffisant, mais c’est ◀l’▶équivalent du livre par rapport à ◀la▶ télévision. Vous pouvez choisir votre cassette ; vous n’avez pas ◀d’▶actualité immédiate, vous ne ◀l’▶avez pas non plus dans ◀le▶ livre. Il faut toujours au moins un mois pour sortir un livre sur ◀l’▶actualité.
Quelqu’un me demande « si par exemple, ◀la▶ bande enregistrée pourrait succéder au livre », moi je ne ◀le▶ pense pas. Il y a des gens pour lesquels ◀l’▶ouïe est ◀le▶ sens ◀le▶ plus développé et d’autres pour qui c’est ◀la▶ vision. On peut combiner aussi ◀les▶ deux choses. Je pense que c’est une affaire ◀d’▶entraînement, ◀de▶ goût personnel, ◀de▶ possibilités différentes.
Quelqu’un me demande « si ◀le▶ livre étant tributaire ◀de▶ ◀la▶ langue, il n’y aurait pas lieu ◀de▶ développer ◀la▶ recherche ◀d’▶une langue internationale ? ◀L’▶espéranto, par exemple, ce qu’on a essayé ◀de▶ faire jusqu’ici mais sans grand succès ? »
Alors là, je crois pouvoir reprendre en réponse ◀la▶ distinction que je faisais tout à ◀l’▶heure entre deux sens du mot « information ». S’il s’agit ◀d’▶informations courantes, que vous pourrez aussi bien trouver dans un dictionnaire ou un répertoire, pourquoi ne pas ◀les▶ diffuser en espéranto, à supposer qu’il y ait beaucoup de gens qui ◀le▶ sachent. Cela, c’est ◀l’▶information objective, détachée, ◀le▶ petit élément ◀d’▶information. Mais si vous voulez ◀de▶ ◀l’▶information au sens ◀de▶ formation, sur lequel j’ai insisté tout à ◀l’▶heure, alors là, ◀la▶ langue est essentielle. ◀La▶ langue fait partie du message du livre. ◀L’▶espéranto ne ◀le▶ fera jamais. ◀La▶ langue française, si on est ◀de▶ langue française, ça vous apporte plus que ◀de▶ ◀l’▶information objective. Ça vous apporte une orientation ◀de▶ ◀la▶ sensibilité et du sentiment ◀d’▶une manière que vous ne pouvez pas dissocier ◀de▶ ◀l’▶information objective qu’il y a dans ◀le▶ livre ; c’est quelque chose que vous ne pouvez jamais espérer ◀d’▶une langue synthétique comme ◀l’▶espéranto.
J’ai pris cette question parce qu’elle me permet ◀de▶ préciser ce que j’appellerais « information » tout à ◀l’▶heure.
Quelqu’un me dit : « C’est très joli, lente lecture, mais encore faudrait-il que ◀l’▶ouvrier, ◀la▶ femme ◀de▶ ménage, ◀l’▶employé ◀de▶ bureau, ◀le▶ contremaître, aient assez ◀de▶ temps. Est-ce que, face au rythme ◀de▶ ◀la▶ vie actuelle auquel nous sommes tous soumis, il est encore possible ◀de▶ se ménager des moments ◀de▶ lente lecture ? »
Première remarque : ce ne sont pas ◀les▶ gens qui ont ◀le▶ plus ◀de▶ temps qui lisent ◀le▶ mieux, ni même qui lisent ◀le▶ plus. Je connais des gens qui sont tout à fait dans ◀le▶ style employé ◀de▶ bureau, femme ◀de▶ ménage, contremaître, qui sont ◀d’▶énormes lecteurs. Ils trouvent toujours ◀le▶ temps nécessaire, aux dépens de leur sommeil quelquefois, plutôt qu’aux dépens de leur travail. C’est dommage, il faudrait arriver à réduire ce temps ◀de▶ travail ; c’est au fond tout ◀l’▶effort ◀de▶ ◀la▶ technique actuelle qui va là absolument dans ◀le▶ sens du livre, c’est-à-dire qu’il diminue ◀les▶ temps ◀de▶ travail et augmente ◀les▶ temps ◀de▶ loisir. Alors, je voudrais que, pendant ces temps ◀de▶ loisir, après ◀la▶ très rapide lecture ◀de▶ tri, comme dirait M. le Lionnais, on mette ◀de▶ côté un certain nombre ◀de▶ livres, qu’on relira pendant toute sa vie, dans lesquels on découvrira toujours plus ◀de▶ choses.
Je crois qu’on va vers une époque où ◀le▶ loisir va devenir ◀le▶ sérieux ◀de▶ ◀la▶ vie, ◀le▶ loisir et ◀la▶ culture. Jusqu’à présent, ◀le▶ sérieux ◀de▶ ◀la▶ vie c’est, bien entendu, ◀le▶ temps qu’on consacre au travail, à gagner sa vie. Et puis ensuite, on se repose comme on peut, on s’amuse un peu. Il semble depuis à peu près deux-cents ans que ◀le▶ sérieux ◀de▶ ◀la▶ vie, c’est ◀le▶ temps du travail. C’est en train de changer. ◀L’▶accent est en train de passer sur ◀le▶ temps des loisirs, ◀de▶ ◀la▶ culture, parce que, justement, ◀le▶ nombre ◀d’▶heures ◀de▶ travail diminue constamment ; il pourra diminuer beaucoup plus rapidement au fur et à mesure [que] ◀l’▶automation se développera. Ce n’est pas à mon voisin, que j’irai apprendre ce genre ◀de▶ choses. Je pense que nous allons maintenant vers un état ◀de▶ ◀la▶ société où, tout doucement, ◀l’▶aiguille va passer du travail au loisir et ce sera pour ◀le▶ loisir, sérieux ◀de▶ ◀la▶ vie, qu’on travaillera un petit peu, pour s’assurer ce qu’il faut, pour avoir ◀le▶ temps ◀de▶ lire lentement.
Quelqu’un demandait — c’était à M. Louis Armand d’ailleurs — « s’il ne fallait pas opposer ◀le▶ livre à ◀la▶ revue » et faisait observer « qu’on lit énormément ◀de▶ revues en France, ce qui pourrait compenser ◀les▶ chiffres un peu pessimistes des statistiques disant qu’on lit trop peu ».
On ne peut pas vraiment opposer ◀les▶ deux choses parce que vous savez très bien que ◀les▶ revues sont faites en bonne partie ◀de▶ chapitres ◀de▶ livres publiés ◀d’▶avance ou ◀de▶ critiques ◀de▶ livres. Enfin, ◀la▶ revue, ça tourne autour du livre, c’est une antichambre du livre ou c’est ◀le▶ lieu où ◀l’▶on parle du livre ◀d’▶une manière un peu plus prolongée.
Je ne voudrais pas prendre plus ◀de▶ temps, M. Le Lionnais a encore beaucoup de choses à dire sans doute.