Dépolitiser la▶ politique (printemps 1971)dg
Dans ◀Le▶ Monde du 16 juin 1971, à propos d’élections partielles en Sicile, je lis ceci : « … ◀la▶ politisation à outrance ◀de▶ ◀la▶ campagne électorale, bien qu’elle ne concernât que des enjeux municipaux ou provinciaux… ».
Voilà pris en flagrant délit ◀l’▶abus du terme politique et ◀de▶ ◀l’▶adjectif politisé, devenu courant dans nos journaux, à ◀la▶ TV et dans tous nos débats.
◀La▶ politique, dans cette acception ridicule mais ◀de▶ très loin ◀la▶ plus courante du terme, ne signifie rien de plus que ◀la▶ rivalité des sectes ou factions dénommées « partis politiques », et n’a strictement rien à voir avec ◀la▶ définition correcte — dérivée ◀de▶ polis, ◀la▶ cité — ◀de▶ ◀la▶ politique comme stratégie des affaires publiques.
Politiser une campagne signifie donc réduire ◀la▶ lutte électorale à des slogans et mythes partisans, c’est-à-dire détourner ◀l’▶attention des problèmes réels — aliéner ◀l’▶intérêt civique.
Dans ◀le▶ cas sicilien, c’est réduire ◀les▶ élections à une pâle copie du « totocalcio ».
J’éprouve ◀la▶ nécessité ◀d’▶analyser quelques « prises » opérées sur ◀l’▶immédiate réalité civique européenne, dans ◀l’▶espoir ◀de▶ serrer de plus près ◀le▶ sens ◀de▶ quelques-uns des mots-clés notre époque.
Une approche aphoristique, me semble-t-il, s’y prêtera mieux qu’un discours ordonné.
1. ◀L’▶État-nation totalitaire du xxe siècle accomplit ◀les▶ vœux du fascisme, chacun sait cela, mais aussi ◀les▶ vœux du Karl Marx d’après 1848, ce « révolutionnaire mort jeune », comme ◀l’▶appelaient Aron et Dandieu, celui que Bakounine comparait à Bismarck, et qui pensait que ◀l’▶État doit être fort pour servir fortement ◀le▶ Prolétariat, lequel ne manquera pas ◀de▶ s’en emparer un jour — après quoi, logiquement, ◀l’▶État dépérira. Or, sous Lénine, c’est ◀le▶ contraire qui se produit : ◀l’▶État conquis par ◀le▶ petit groupe des bolchéviques, ◀les▶ phagocyte séance tenante, Lénine compris96.
◀L’▶État-nation — formule Napoléon, Bismarck, Lénine, Mussolini, Staline, Hitler, Brejnev, Mao — égale Police plus Idéologie. N’importe quelle idéologie, d’ailleurs, jacobine ou fasciste, marxiste ou maoïste, socialiste ou franquiste : ◀le▶ contenu allégué ne change rien aux formes institutionnelles, seules contraignantes. ◀L’▶État-nation s’est toujours révélé beaucoup plus fort que ◀les▶ mouvements qui s’en sont emparé. Et quant à leurs doctrines collectivistes, ◀de▶ droite ou ◀de▶ gauche, il a vite fait ◀de▶ ◀les▶ réduire à leur dénominateur commun : ◀la▶ bureaucratie du Parti régnant. Bismarck reste ◀le▶ maître « objectif » ◀de▶ Lénine. Après quoi, ◀les▶ fascistes vont copier sans nulle peine ◀les▶ modèles bolchéviques, eux-mêmes copiés sur ◀le▶ modèle jacobin97 ◀de▶ ◀l’▶État « ultranationaliste » écrasant ◀les▶ autonomies et ◀les▶ soviets locaux ou régionaux.
2. ◀Les▶ idéologies ne comptent pas, au regard des structures ◀de▶ ◀l’▶État. ◀L’▶espagnole et ◀la▶ russe se veulent hostiles à mort, et par quelles différences cela s’est-il traduit dans ◀les▶ procès ◀de▶ Leningrad et ◀de▶ Burgos ?
On ne trouvera ◀de▶ nuances un peu marquées que dans ◀l’▶esprit des communistes français, qui dénoncent ◀les▶ « fascistes assassins », mais murmurent « qu’ils ne peuvent manquer ◀de▶ regretter » que ne soient pas « mieux motivées » ◀les▶ condamnations ◀de▶ Leningrad contre des Juifs qui n’ont ◀d’▶autre tort que ◀de▶ ◀l’▶être.
D’ailleurs, ◀la▶ bonne ou mauvaise foi des gens ◀de▶ parti ne change rien à leur action concrète. Je ne renvoie pas dos à dos ces fascistes et ces communistes, je ne dis pas qu’ils sont tous ◀les▶ mêmes. Ils se haïssent, non sans quelques raisons, mais cela ne compte pas. ◀Les▶ structures qui gouvernent ces deux nations relèvent ◀d’▶une seule et même implacable logique, celle ◀de▶ ◀l’▶État totalitaire, aboutissement normal ◀de▶ ◀l’▶idée ◀de▶ souveraineté revendiquée par une entité politique.
Au reste, ◀l’▶État totalitaire n’est que ◀le▶ stade ultime du stato-nationalisme « démocratique » régnant sur tous nos pays. Nulle discontinuité des uns à l’autre, dans nul domaine. Pour passer au plus sanglant racisme, il suffirait que ◀la▶ France prenne au sérieux ◀les▶ paroles ◀de▶ son chant sacré « Qu’un sang impur abreuve nos sillons ! »
Duclos, Séguy et ◀le▶ PC français se font « champions ◀de▶ ◀l’▶indépendance nationale » avec autant ◀de▶ feu que Debré. Et si ◀la▶ « Diane française » ◀d’▶Aragon reste moins efficace que Déroulède, cette injustice n’est due qu’aux circonstances, non à ◀la▶ différence des talents.
3. Ni ◀l’▶Internationale ouvrière ni ◀la▶ catholicité ne tiennent plus devant ◀la▶ vraie religion ◀de▶ notre temps. Quand ◀le▶ pape demande ◀la▶ grâce des accusés ◀de▶ Burgos, et quand un PC européen s’inquiète poliment ◀de▶ ◀la▶ double condamnation à mort ◀de▶ Leningrad, ils se voient accusés ◀d’▶ingérence dans des affaires qui relèvent, leur dit-on, ◀de▶ ◀la▶ seule souveraineté nationale — c’est-à-dire ◀de▶ ◀la▶ seule religion qui ait encore un bras séculier et qui s’en serve. On ne brûle plus ◀les▶ hérétiques du christianisme mais on fusille ou pend ceux que ◀l’▶on accuse ◀d’▶intelligences avec ◀l’▶ennemi. On emprisonne ◀les▶ objecteurs. On ◀les▶ excommunie littéralement en ◀les▶ privant ◀de▶ leurs droits civiques. ◀La▶ gauche s’en moque et ◀la▶ droite s’en réjouit. Seul, un député ◀de▶ Nancy ose refuser ◀le▶ salut à ◀l’▶État, tel Guillaume Tell.
4. ◀Le▶ seul problème politique sérieux ◀d’▶aujourd’hui est ◀de▶ défaire ◀l’▶État-nation. Défaire ◀l’▶État-nation (et je ne dis pas détruire ◀l’▶État, j’y reviendrai), c’est ◀la▶ seule hérésie créatrice au xxe siècle.
Car avec ◀l’▶État-nation relâché ou totalitaire, « démocrate » ou « populaire », « purement formel » (c’est-à-dire accordant ◀le▶ droit ◀de▶ grève, ◀de▶ discuter et ◀de▶ circuler sur ◀la▶ planète) ou « enfin concret » (c’est-à-dire refusant tous ces droits) — ni ◀l’▶union ◀de▶ ◀l’▶Europe, ni ◀la▶ participation civique, par suite, aucune révolution réelle ne sont imaginables.
Tant qu’on laissera nos États-nations affirmer en dépit de tout leur souveraineté absolue et s’en autoriser non seulement pour refuser toute mesure ◀d’▶union concrète mais pour justifier des conduites criminelles (ventes ◀d’▶armes, ◀d’▶avions et ◀de▶ sous-marins déclarés « défensifs », procès ◀de▶ Burgos et ◀de▶ Leningrad, prison pour ◀les▶ objecteurs ◀de▶ conscience, peine ◀de▶ mort pour ◀les▶ objecteurs politiques et ◀les▶ émigrants virtuels, etc.), ◀l’▶Europe unie ne sera qu’une malingre chimère. On ◀l’▶aura suffisamment empoisonnée pour prouver qu’elle n’est pas saine.
5. ◀La▶ véritable alternative du siècle.
En 1949, à ◀la▶ Conférence européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, à Lausanne, j’entre à 2 heures du matin dans un salon ◀d’▶hôtel pour écrire ◀le▶ message final du congrès, à lire ◀le▶ lendemain matin. Je trouve là Carlo Schmid et des amis. Je leur demande ◀de▶ me suggérer un incipit. Carlo Schmid s’écrie sans hésiter : Il faut faire ◀l’▶Europe, ou il faut faire ◀la▶ guerre !
Aujourd’hui, il faut faire une révolution si ◀l’▶on veut « faire ◀l’▶Europe, non ◀la▶ guerre ».
Il faut défaire et dépasser ◀l’▶État-nation, fauteur ◀de▶ guerre, et seul obstacle à ◀l’▶union ◀de▶ ◀l’▶Europe comme à ◀la▶ participation des citoyens à toutes ◀les▶ affaires qui ◀les▶ regardent. Ce qui suppose nécessairement : une fédération continentale dont ◀les▶ régions seront ◀les▶ unités ◀de▶ base.
Je ◀l’▶avais écrit dès 1940 et ◀le▶ redis au congrès fédéraliste ◀de▶ Montreux en 1947 :
Il n’y a, dans ◀le▶ monde du xxe siècle, que deux camps, deux politiques, deux attitudes humaines possibles. Ce ne sont pas ◀la▶ gauche et ◀la▶ droite, devenues presque indiscernables dans leurs manifestations. Ce ne sont pas ◀le▶ socialisme et ◀le▶ capitalisme, l’un tendant à se faire national et l’autre étatique. Ce ne sont pas ◀la▶ Tradition et ◀le▶ Progrès, qui prétendent également défendre ◀la▶ liberté. Et ce ne sont pas non plus ◀la▶ Justice et ◀la▶ Liberté, qu’il est aussi impossible ◀d’▶opposer en réalité qu’en principe. Aujourd’hui — repoussant tous ces anciens débats à ◀l’▶arrière-plan — il y a ◀le▶ totalitarisme, et il y a ◀le▶ fédéralisme. Une menace et une espérance. ◀Le▶ totalitarisme est simple et rigide, comme ◀la▶ guerre, comme ◀la▶ mort. ◀Le▶ fédéralisme est complexe et souple, comme ◀la▶ paix, comme ◀la▶ vie.
Cette antithèse domine ◀le▶ siècle. Elle est son véritable drame. Toutes ◀les▶ autres pâlissent devant elle, sont secondaires ou illusoires, ou dans ◀le▶ meilleur des cas, lui sont subordonnées.98
6. Analyse ◀de▶ quelques clichés.
◀La▶ jeunesse est ◀l’▶âge des clichés, pour ◀la▶ grande masse, si elle est ◀l’▶âge du génie pour quelques scientifiques, et ◀de▶ ◀la▶ grande poésie pour deux ou trois par siècle.
Certains me disent que ◀la▶ Jeunesse dit aujourd’hui (c’est leur écho) :
b) Seul compte ◀le▶ combat ◀de▶ ◀la▶ gauche.
c) Il faut garder ◀le▶ contact avec ◀les▶ masses.
d) Et que faites-vous ◀de▶ ◀la▶ lutte des classes ?
e) ◀La▶ culture est un piège bourgeois.
f) Vous tentez ◀de▶ dépolitiser ◀le▶ problème.
Je réponds dans cet ordre fortuit. (Tout en notant que « ◀la▶ Jeunesse » est une expression ◀de▶ journalistes. ◀L’▶humanité ne se reproduit pas tous ◀les▶ vingt-cinq ans et par tranches. À tout instant ◀de▶ ◀la▶ société, il y a des hommes ◀de▶ tous ◀les▶ âges, inextricablement mêlés, et co-responsables ◀de▶ tout.)
a) « ◀L’▶Europe, connais pas ! » Dommage pour vous, mais ◀le▶ remède est simple : un séjour en Afrique ou en Asie au titre ◀de▶ ◀l’▶assistance technique ou, à défaut ◀d’▶un visa pour ◀la▶ Chine, un an à Milwaukee, quelques semaines à Riazan : vous comprendrez ce que tous ◀les▶ autres au monde ont si nettement et rageusement compris tandis que vous vous complaisiez dans cette mauvaise conscience narquoise qui est ◀la▶ bonne conscience du gauchiste. Quand Sartre, à la suite de Fanon, se félicite ◀de▶ ce que ◀les▶ Angolais « massacrent à vue ◀les▶ Européens », vous ◀l’▶applaudissez sans remarquer qu’il vient de crever votre alibi.
b) « Seul compte ◀le▶ combat ◀de▶ ◀la▶ gauche. » ◀La▶ corrosion des champs, des villes, des eaux, ◀de▶ ◀l’▶air, des corps et du sommeil par ◀l’▶industrie et par ◀l’▶auto est-elle un produit spécifique ◀de▶ notre société ◀de▶ consommation et du capitalisme ◀de▶ profit ? ◀La▶ destruction massive et populaire des oiseaux ◀de▶ ◀la▶ vallée du Yang-Tsé accusés ◀de▶ manger des graines, ◀d’▶où prolifération ◀d’▶insectes dans ◀les▶ récoltes, ◀d’▶où famine pour ◀les▶ masses chinoises, est-ce un produit spécifique du communisme ? Ces phénomènes sont décisifs pour ◀l’▶avenir ◀de▶ ◀l’▶humanité, mais ◀les▶ énervés ◀de▶ Nanterre ne veulent pas en entendre parler : ils discutent avec une rage froide des moyens théoriques et pratiques — ou mieux : théoriquement pratiques — ◀de▶ détruire un « système » dont certains ◀de▶ leurs aînés leur ont parlé à partir de Mai 68, et qui pousse ◀la▶ perversité jusqu’à ne pas exister comme système. (Nul ne ◀l’▶a jamais défini.)
Si ◀l’▶on admet que ◀la▶ droite se définit par ◀le▶ souci ◀de▶ conservation et ◀d’▶ordre, ◀la▶ gauche par une volonté ◀d’▶innovation et ◀de▶ progrès bousculant ◀les▶ équilibres traditionnels et ◀le▶ confort prétendu bourgeois, voyons comment cela se traduit dans ◀la▶ réalité du siècle. Prenons ◀le▶ problème majeur ◀de▶ ◀l’▶écologie.
C’est décidément ◀la▶ droite patronale qui est responsable ◀de▶ ◀la▶ destruction du milieu naturel et du confort des citadins, c’est elle qui refuse encore, parce que trop coûteuses, ◀les▶ normes et régulations qu’il s’agit ◀d’▶imposer ◀de▶ toute urgence au développement des industries (auto, avion en premier lieu) et ◀de▶ leurs innovations plus polluantes ◀les▶ unes que ◀les▶ autres. ◀La▶ droite ne « conserve » rien que ◀le▶ pouvoir ◀de▶ s’enrichir aux dépens de ◀la▶ Nature qu’elle bouleverse et des populations urbaines qu’elle intoxique.
◀La▶ gauche alors, dans cette affaire ? Elle proteste contre ◀la▶ pollution, à ◀l’▶exemple et à ◀la▶ suite ◀d’▶intellectuels bourgeois, mais refuse elle aussi ◀les▶ mesures nécessaires pour arrêter ◀la▶ pollution, parce qu’elle redoute leurs incidences sur ◀le▶ pouvoir ◀d’▶achat des « masses ».
Finalement, gauche et droite politiciennes s’accordent en fait pour préférer ◀le▶ niveau de vie quantitatif au mode de vie qualitatif.
Il faudra bien que cela change, si ◀l’▶on veut que ◀la▶ vie continue, mais ce ne sera qu’au prix ◀d’▶une révolution dont ◀la▶ gauche comme ◀la▶ droite feront ◀les▶ frais.
c) « Garder ◀le▶ contact avec ◀les▶ masses », dites-vous. Vous ne croyez pas en Dieu, que vous n’avez jamais vu. Avez-vous vu ◀les▶ masses, auxquelles vous croyez ? Moi, je ◀les▶ ai vues dans une Allemagne possédée par ◀le▶ verbe et ◀le▶ tam-tam hitlériens. De Gaulle a eu ◀le▶ contact, en prenant ses bains ◀de▶ foule. Mais ◀les▶ partis qui invoquent ◀les▶ masses ne rassemblent jamais que des minorités, comme on ◀le▶ voit dans ◀les▶ élections libres. Et quand un philosophe qui veut parler aux masses monte sur un tonneau devant ◀les▶ usines Renault, il réunit deux-cents curieux. Curieux ◀d’▶entendre un produit si typique ◀de▶ « ◀l’▶élite ».
Si ◀les▶ masses signifient ◀les▶ ouvriers ◀d’▶usine, elles sont partout minoritaires, et de plus elles fondent à vue ◀d’▶œil au profit du secteur tertiaire. ◀L’▶automation doit supprimer à terme ◀la▶ condition prolétarienne. Où seront ◀les▶ masses ? Dans Tel Quel.
(N. B. « ◀Les▶ jeunes pensent… disent… refusent… exigent… » Si ◀l’▶on s’en tient aux nombres, ◀les▶ mouvements fédéralistes européens touchent beaucoup plus ◀de▶ jeunes que ◀les▶ sectes gauchistes. Et c’est cela qui comptera lors ◀d’▶élections à ◀l’▶échelle ◀de▶ ◀l’▶Europe. ◀Les▶ sondages montrent en effet que 65 % des personnes interrogées dans ◀les▶ pays ◀de▶ ◀la▶ CEE se déclarent favorables à ◀l’▶union ◀de▶ ◀l’▶Europe, et que ◀les▶ jeunes ◀de▶ 18 à 35 ans constituent 75 % ◀de▶ cette majorité.)
d) « Mais où est ◀la▶ lutte des classes dans tout cela ? », me disent ces dévots scandalisés, comme d’autres intégristes s’écrieraient que j’ai oublié ◀le▶ péché originel, tout simplement !
Eh bien, ◀la▶ lutte des classes est une réalité très différente ◀de▶ celle dont je traite ici. Elle me paraît indépendante du problème ◀de▶ ◀l’▶État-nation, et c’est même tout ce qu’elle peut nous apprendre à son sujet. En effet, qu’en est-il aujourd’hui ◀de▶ ◀la▶ lutte des classes ?
En URSS d’abord. Vous me dites que ◀le▶ problème là-bas ne se pose plus, puisque ◀le▶ Prolétariat est au pouvoir, s’étant approprié ◀les▶ moyens ◀de▶ production. Bien. Mais chacun peut voir que ce qui est aboli, c’est ◀la▶ lutte, ce ne sont pas ◀les▶ classes 99. Chacun peut voir ◀les▶ différences qui subsistent entre ouvriers ◀d’▶usine, paysans des kolkhozes, apparatchiks et membres ◀de▶ ce qu’on appelle chez nous ◀les▶ professions libérales. En France, ◀la▶ condition ◀d’▶un ouvrier ◀d’▶usine nationalisée ne diffère pas ◀de▶ celle ◀d’▶un ouvrier ◀d’▶usine privée, mais diffère largement ◀de▶ ◀la▶ condition ◀d’▶un ouvrier des pays ◀de▶ ◀l’▶Est dits « socialistes » : ce dernier étant non seulement moins bien payé (en valeur absolue et en pouvoir ◀d’▶achat) mais privé du droit ◀de▶ s’en plaindre, du droit ◀de▶ grève, et ◀de▶ toute participation aux décisions ◀de▶ ◀l’▶entreprise, fixées par ◀le▶ Plan à Moscou. (Faut-il penser qu’« objectivement », ce serait ◀la▶ haine des ouvriers plus encore que ◀de▶ ◀la▶ bourgeoisie que traduisaient ◀les▶ prises ◀de▶ position pro-Est des jeunes gens ◀de▶ ◀l’▶Ouest ◀de▶ Paris ?)
Mais au fait, pourquoi tenez-vous tant à ◀la▶ lutte des classes ? Voulez-vous entretenir ◀la▶ haine qui pousse à ◀la▶ révolte ? Voulez-vous ◀la▶ destruction physique ou morale des bourgeois ? ou ◀la▶ dictature du prolétariat ? Ou bien ne faites-vous que répéter un mot d’ordre du siècle passé ?
Entretenir ◀la▶ haine qui pousse à ◀la▶ révolte (tendance gauchiste) ? Ce serait en fait maintenir ◀la▶ condition prolétarienne pour mieux nourrir sa lutte, et cette politique du pire s’opposerait donc nécessairement au progrès technique, dans ◀la▶ mesure où il peut être libérateur.
Détruire ◀la▶ bourgeoisie (slogan anarchiste) ? Que resterait-il, à part une poignée ◀de▶ meurtriers, eux-mêmes bourgeois ?
Mais non, vous êtes sérieux, disciplinés et réalistes : vous voulez ce que veut ◀le▶ Parti, et qu’il appelle dictature du Prolétariat. C’est vouloir quelque chose ◀d’▶impossible, car ce slogan est ◀le▶ type même ◀de▶ ◀l’▶énoncé dénué ◀de▶ sens, comme on ◀le▶ voit en remplaçant ses termes par leur définition. Si ◀le▶ Prolétariat est ◀la▶ classe non possédante, aliénée ◀de▶ ce fait, il cesse ◀d’▶être Prolétariat dès ◀l’▶instant qu’il accède au pouvoir et à ◀la▶ propriété des moyens ◀de▶ production. Prolétariat et dictature sont des termes contradictoires ou mutuellement exclusifs. Ce qui existe et que ◀l’▶on veut cacher derrière ◀l’▶écran ◀de▶ ce pseudo-concept, c’est ◀la▶ réalité ◀de▶ ◀la▶ dictature, indépendante ◀de▶ toute idéologie et qui ne peut être, par définition, exercée par ◀le▶ Prolétariat100.
Cela dit, je ne vais pas esquiver ◀la▶ réponse.
Je suis contre ◀la▶ lutte des classes, parce qu’il faut supprimer ◀la▶ condition prolétarienne et non pas assurer sa « victoire », impossible par définition.
Dès 1933, Robert Aron et Arnaud Dandieu écrivaient dans L’Ordre nouveau :
Nous avons ◀les▶ moyens techniques ◀d’▶abolir ◀la▶ condition prolétarienne, et ni ◀les▶ démocraties parlementaires, ni ◀la▶ dictature fasciste, ni ◀l’▶étatisme soviétique, n’envisagent ◀la▶ suppression ◀de▶ cette forme moderne ◀de▶ ◀l’▶esclavage.101
◀Le▶ point IV du Programme ◀de▶ base ◀de▶ l’Ordre nouveau préconisait un service civil universel prenant « ◀la▶ relève du Travail » :
L’Ordre nouveau est fondé sur ◀l’▶abolition ◀de▶ ◀la▶ condition prolétarienne, ◀la▶ dictature comme ◀l’▶esclavage du prolétariat étant également des consolidations ◀de▶ ◀l’▶oppression technique dont souffrent ◀les▶ travailleurs. Abolir ◀la▶ condition prolétarienne signifie répartir sur ◀la▶ totalité du corps social, sans distinction ◀de▶ classe, ◀l’▶ensemble du travail automatique et inhumain que ◀le▶ rationalisme bourgeois imposait aux seuls prolétaires.102
◀La▶ condition prolétarienne créée par ◀l’▶essor industriel anarchique et inhumain des débuts du xixe siècle doit être abolie par une technique enfin soumise aux possibilités libératrices ◀de▶ ◀la▶ machine.
Aujourd’hui, c’est ◀l’▶automation qui nous permet ◀d’▶atteindre ◀l’▶objectif que visait ◀le▶ Service civil.
◀La▶ négation (Aufhebung) ◀de▶ ◀la▶ condition prolétarienne ne sera pas obtenue par ◀l’▶étatisation des instruments ◀de▶ production — laquelle ne change rien, on vient de ◀le▶ voir, à ◀l’▶existence concrète des ouvriers —, mais bien par ◀l’▶appropriation des machines à leurs fins humaines, à leurs fins non seulement ◀de▶ profit matériel et financier, mais ◀de▶ libération morale et énergétique.
Tout ◀le▶ reste est mauvaise littérature, c’est-à-dire pollution idéologique ◀de▶ jeunes cervelles excitées mais incultes.
e) « ◀La▶ culture, qu’est-ce que c’est ? », me disent-ils encore. Si vous ne comprenez pas, voyez Mao : sa Révolution « culturelle », vous ne lui avez donc jamais demandé ce que ça veut dire ?
C’est ◀le▶ renversement du marxisme. Relisez Marx : ◀de▶ 1844 à ◀la▶ fin, il n’a pas varié sur ce point : ◀la▶ classe ou plutôt ◀le▶ parti que ◀la▶ révolution met en mesure ◀de▶ manipuler ◀les▶ mécanismes ◀de▶ production économique, ou infrastructure, du même coup se rend maître ◀de▶ déterminer ◀les▶ phénomènes ◀de▶ ◀la▶ superstructure politique, religieuse ou culturelle. Mao maintenant prétend ◀le▶ contraire, et sous ◀l’▶étiquette « culturelle » fait attaquer ◀le▶ Parti qui, sous sa direction, avait tenté ◀d’▶appliquer Marx.
Mais ◀le▶ contraire ◀d’▶une erreur ◀de▶ Marx, même si c’est décrété par Mao, n’est pas nécessairement une vérité empiriquement vérifiable. ◀La▶ culture étant un ensemble ultracomplexe ◀de▶ réflexes moraux, mentaux et affectifs, et ◀de▶ systèmes ◀de▶ valeurs, donc ◀de▶ références ou ◀de▶ jugements, on ne peut agir sur elle que par ◀la▶ création et ◀la▶ diffusion efficace ◀d’▶œuvres « marquantes », et par ◀l’▶éducation : procédés à moyen ou à long terme, qui ne s’accordent pas avec ◀l’▶idée ◀de▶ révolution violente.
Dans un sens beaucoup moins romantique, non violent, non instantané, il est clair que ◀la▶ révolution qu’implique et que représentera au total ◀l’▶union ◀de▶ ◀l’▶Europe sera culturelle d’abord ou ne sera pas : en ce sens que ◀l’▶obstacle à ◀l’▶union ◀de▶ nos peuples par ◀la▶ fédération continentale des régions est ◀d’▶ordre culturel, éducatif ; il est dans nos manuels ◀d’▶histoire et, par là, dans ◀la▶ tête ◀de▶ nos politiciens. C’est ◀l’▶école qui a formé des générations ◀de▶ nationalistes, c’est elle qui doit former la première génération européenne103.
f) « Vous voulez donc dépolitiser ◀les▶ problèmes ? »
Oui, si ◀la▶ politique est ◀le▶ jeu des partis et des États-nations étiquetés ◀de▶ gauche et ◀de▶ droite, capitalistes, socialistes et fascistes. Mais ce n’est pas là notre définition ◀de▶ ◀la▶ politique.
Quand on parle ◀d’▶« élargir ◀la▶ CEE pour englober ◀la▶ politique », que veut-on dire ? Que ◀l’▶économie, qui est ◀le▶ domaine propre des Communautés, ne fait pas partie ◀de▶ ◀la▶ politique ? Que celle-ci serait donc « autre chose » ? Mais quelle chose ?
On parle ◀de▶ « politique » dans ◀les▶ journaux comme s’il allait de soi que c’est une activité distincte ◀de▶ ◀l’▶économie, ◀de▶ ◀la▶ culture… Or, en dehors de ◀la▶ politique industrielle et commerciale, ◀de▶ ◀la▶ politique sociale, ◀de▶ ◀la▶ politique agricole, ou des transports, ou ◀de▶ ◀l’▶éducation, ou ◀de▶ ◀la▶ recherche, et surtout ◀de▶ ◀la▶ politique écologique — quelle politique en soi est-elle imaginable ? Toutes ◀les▶ réalités sérieuses une fois déduites, que reste-t-il ? ◀Les▶ jeux, plus ou moins passionnants, ◀de▶ ◀la▶ rivalité des partis à ◀l’▶intérieur des États-nations, et du prestige moral et militaire que ◀les▶ États-nations tentent ◀d’▶imposer à ◀l’▶extérieur.
Il est donc clair qu’une Europe fédérée serait, selon ◀le▶ sens courant du terme « politique », radicalement dépolitisée.
(Je note ici que ◀la▶ politique au sens des relations entre États-nations n’est pas démocratique et ne peut sans doute pas ◀l’▶être. Elle est encore ◀de▶ type dynastique, en tant que son but pratique reste ◀la▶ puissance collective, et pas du tout ◀le▶ libre développement des personnes. C’est que ◀l’▶État-nation ne s’est pas constitué en vue de certaines tâches sociales définies, mais pour gérer ◀l’▶héritage plus ou moins légitime des États royaux, sans nul rapport avec ◀les▶ tâches sociales ◀d’▶aujourd’hui. ◀L’▶agent souverain ◀de▶ cette politique-là n’est jamais ◀le▶ Peuple mais ◀l’▶État, substitut du roi qu’il fallait servir.)
En revanche, si ◀l’▶on admet avec Aristote que ◀la▶ politique est ◀l’▶aménagement des relations humaines dans ◀la▶ cité (polis), elle devient : ◀l’▶art ◀de▶ formuler, composer et hiérarchiser ◀les▶ finalités ◀de▶ ◀la▶ vie publique — et c’est là sa fonction stratégique — puis ◀l’▶art ◀de▶ participer aux décisions qui, aux divers niveaux communautaires (◀de▶ ◀la▶ municipalité aux agences continentales en passant par ◀les▶ régions) traduisent ces options générales — et c’est ◀le▶ civisme.
Politique veut dire stratégie, et civisme tactique — ◀les▶ deux énoncés impliquant ◀le▶ service des finalités que ◀l’▶on assigne à ◀la▶ cité, et non pas ◀le▶ service ◀de▶ ◀la▶ cité comme ◀le▶ voulaient Platon, Maurras, Staline, Hitler et ◀le▶ Duce.
◀D’▶où ◀l’▶on voit que ◀le▶ « politique d’abord » ◀de▶ Maurras ne veut rien dire, car il n’y a pas ◀de▶ politique à priori, ni ◀de▶ stratégie dans ◀le▶ vide ; il y faut une finalité (ou cause finale) et des contenus, plus ou moins résistants ou inertes, à organiser, orienter, dynamiser et animer.
Ou, s’il faut ◀le▶ redire autrement :
◀L’▶acte politique ne consiste nullement à décider en son âme et conscience et au plus près de ses intérêts, si ◀l’▶on va faire ◀le▶ saut ◀d’▶un centre gauche modéré à un centre droit résolument progressiste, ou ◀d’▶un marxisme ◀de▶ « lecture » althussérienne à quelque néo-mao-praticisme purement théorique et telquellisant. Car ces décisions dramatiques qui absorbent ◀le▶ plus clair des énergies ◀d’▶une jeunesse ivre ◀de▶ vocables, sont ◀d’▶effet nul sur ◀les▶ actions et ◀les▶ réalités proprement politiques ◀d’▶aujourd’hui. Prenons ◀l’▶exemple des réalités écologiques.
Dès lors que ◀les▶ hypothèses calculées sur ◀les▶ trois prochaines décennies, à partir de cinq paramètres, concluent toutes, sauf une seule, à une catastrophe générale entre 2020 et 2060, ce qu’il faut décider aujourd’hui, ce sont ◀les▶ conditions ◀de▶ survie du genre humain. Dans ce domaine, ◀l’▶acte politique tel que je ◀l’▶ai défini, qui est ◀le▶ choix des priorités104 en vertu d’une certaine échelle des valeurs ou finalités, consiste désormais, et pratiquement, à décider ◀la▶ hiérarchie des sacrifices nécessaires. Faut-il réduire ◀la▶ natalité ? ◀la▶ pollution ? ◀le▶ niveau de vie ? ◀les▶ investissements ? ou ◀l’▶exploitation des ressources naturelles ? En tous ◀les▶ cas, il faut réduire quelque chose. Mais il apparaît assez vite que réduire tel ou tel paramètre isolément ne peut au mieux que différer, au pire que rapprocher ◀l’▶échéance fatale. ◀Les▶ calculs prévisionnels du MIT que ◀l’▶on vient de soumettre au Congrès des USA105 concluent que ◀le▶ seul espoir est dans une réduction simultanée, ◀de▶ 20 à 75 % selon ◀les▶ cas, ◀de▶ ◀la▶ consommation, ◀de▶ ◀la▶ production, ◀de▶ ◀la▶ natalité et des investissements, et surtout ◀de▶ ◀la▶ pollution et du pillage des ressources terrestres.
Voilà qui ne peut se décider dans ◀la▶ rue, dans ce « discours » dont ◀les▶ barricades sont ◀les▶ signes flamboyants — mais un blindé ◀les▶ repasserait en dix secondes et leur ôterait toute « signifiance », pour peu que ◀la▶ police refuse ◀de▶ jouer ◀le▶ jeu et ◀de▶ tenir son rôle convenu dans ◀le▶ rite des émeutes parisiennes.
◀L’▶acte politique par excellence va consister à prendre, au nom de ◀l’▶humanité, un ensemble organique ◀de▶ décisions conservatoires ◀de▶ ◀l’▶humain.
Seul un gouvernement européen, c’est-à-dire un Conseil fédéral formé des chefs des offices fédéraux, sera capable ◀de▶ prendre ◀de▶ telles décisions.
Or, il n’y aura ◀de▶ gouvernement européen que sur ◀la▶ base des régions, et nous voici ramenés au concept clé ◀de▶ toute révolution digne aujourd’hui ◀de▶ ce nom.
g) Personne, communauté, et leur lien politique.
« Une révolution sociale… possède un caractère ◀d’▶universalité, parce qu’elle part du point de vue ◀de▶ ◀l’▶individu particulier réel, parce que ◀la▶ cité sociale dont ◀l’▶individu refuse désormais ◀d’▶être séparé représente ◀la▶ vraie nature sociale ◀de▶ ◀l’▶homme. » Marx, Remarques critiques…, 1844.
« Sur le plan ◀de▶ ◀la▶ tradition révolutionnaire, nous rencontrons, d’une part, un mouvement vers ◀l’▶universel où ◀l’▶individualisme agressif tend à créer une communauté révolutionnaire unique… d’autre part, un mouvement ◀de▶ libération… ◀de▶ tous ◀les▶ groupes naturels, ◀de▶ toutes ◀les▶ tendances locales opprimées par ◀l’▶État despotique. Entre ces deux mouvements, il y a une corrélation nécessaire. » Arnaud Dandieu, Sur ◀la▶ nation, 1931.
« ◀La▶ conquête ◀de▶ ◀la▶ personne, … et ◀l’▶effort qu’il nous faut entreprendre… pour situer en ce centre ◀de▶ ◀l’▶homme ◀le▶ centre ◀de▶ ◀la▶ société, préfigure dès maintenant ◀la▶ conquête et ◀l’▶effort ultime auxquels pourra jamais prétendre une révolution humaine. » D. de Rougemont, Penser avec les mains, 1933-1936.
« ◀La▶ révolution que j’appelle, qui fera seule ◀l’▶Europe, et qui ne peut être faite que par ◀l’▶Europe en train de se faire, consiste, en remarquable analogie avec ◀la▶ Renaissance et ses étapes, à déplacer ◀le▶ centre du système politique, non seulement ◀de▶ ◀la▶ nation vers ◀l’▶Europe, mais encore vers ◀l’▶humanité dans son ensemble et en même temps vers ◀la▶ personne. » D. de Rougemont, Lettre ouverte aux Européens, 1970.
Voilà pourquoi ◀les▶ libertés locales, ◀le▶ pouvoir régional si ◀l’▶on préfère, non, ce n’est pas un truc électoral, un système plus ou moins astucieux, mais un moyen ◀de▶ créer ce qui nous manque ◀le▶ plus en Occident — ◀de▶ ◀la▶ Californie au fleuve Amour —, à savoir une communauté où ◀la▶ personne puisse librement participer.
C’était ◀le▶ défi que ma génération affrontait dans ◀les▶ années 1930. ◀Les▶ nazis, ◀les▶ fascistes, ◀les▶ communistes tentaient ◀de▶ donner des solutions, que nous jugions fausses, à ce problème fondamental que ◀les▶ démocraties ne voyaient même pas : ◀le▶ problème ◀de▶ ◀la▶ communauté.
◀La▶ révolte des étudiants, ◀de▶ Berkeley à Paris en passant par Berlin, Prague et Madrid, a ressuscité cette angoisse et dramatisé ◀la▶ question, sans apporter ◀d’▶éléments ◀de▶ solution.
Devine ou je te dévore ! dit ◀le▶ Sphinx à Œdipe, qui n’a ◀le▶ droit ◀de▶ répondre que ◀d’▶un mot.
◀La▶ réponse, aujourd’hui, c’est EUROPE.
Janvier 1971.