Aspects culturels de▶ ◀la▶ coopération dans ◀les▶ régions frontalières (été 1972)di
I. Définitions
Appelons culture non seulement ◀l’▶ensemble des œuvres produites par une société à travers ◀les▶ âges, mais aussi ◀l’▶ensemble des manières ◀de▶ sentir, ◀de▶ penser, ◀de▶ juger et ◀de▶ s’exprimer ◀les▶ plus communément pratiquées par ◀les▶ membres ◀de▶ cette société. Ou encore ◀le▶ système des valorisations religieuses, éthiques, esthétiques, juridiques et sociales qui caractérisent ◀la▶ société en question.
Appelons région ◀le▶ champ ◀d’▶action mesurable ◀d’▶un phénomène socioéconomique, ethnique, culturel ou écologique, en liaison plus ou moins étroite avec une aire géographique qui variera d’ailleurs selon ◀la▶ nature du phénomène considéré et selon son évolution historique.
◀Les▶ régions socioéconomiques sont généralement constituées par un ensemble ou système ◀de▶ besoins et ◀de▶ ressources, ◀de▶ flux ◀de▶ biens et ◀de▶ services, ◀d’▶urbanisation et ◀de▶ taux ◀de▶ croissance, qui ne saurait coïncider que par accident et temporairement avec un territoire délimité ne varietur par des frontières « naturelles » ou par des frontières administratives fixées en d’autres temps et circonstances selon des critères non économiques (militaires, politiques, linguistiques, prétendument historiques, etc.). ◀Les▶ régions ethniques, constituées par des populations ◀de▶ langues et ◀de▶ coutumes communes, sont liées ◀d’▶une manière beaucoup plus stable dans ◀le▶ temps à des territoires bien plus précisément déterminés, mais il est rare qu’elles coïncident avec ◀les▶ frontières étatiques décidées au hasard des traités au xixe et au xxe siècles. La plupart sont ou bien englobées (◀de▶ gré ou ◀de▶ force) dans un État national beaucoup plus grand et qui entend effacer leurs limites traditionnelles, ou bien divisées ◀d’▶une manière accidentelle (en vertu d’un mélange diplomatique ◀d’▶hypocrisie et ◀d’▶ignorance) par ◀les▶ frontières stato-nationales.
C’est ◀la▶ division politique ou administrative des régions ethniques et socioéconomiques qui crée la plupart des problèmes culturels, dont nous avons à traiter ici et que nous allons énumérer.
II. Problèmes culturels des régions frontalières
1. On se bornera à un ou deux exemples ◀de▶ chacun des groupes principaux ◀de▶ problèmes observés : langues, enseignement aux trois degrés et formation technique, mass médias.
Langues. En Alsace, après ◀la▶ fin ◀de▶ ◀la▶ guerre et ◀de▶ ◀l’▶occupation nazie, ◀l’▶enseignement ◀de▶ ◀l’▶allemand, langue maternelle des Alsaciens, est supprimé. Ce n’est qu’en 1952 qu’il est rétabli dans ◀les▶ deux dernières classes ◀de▶ ◀l’▶école primaire, deux heures par semaine (trois heures pour trois classes en 1960). Mais chaque élève a ◀le▶ droit ◀de▶ préférer une autre langue, chaque maître peut refuser ◀de▶ donner ces leçons ! Et du côté officiel, on ergote sur ◀la▶ qualité ◀de▶ « langue maternelle » du « dialecte alsacien », tandis que du côté alsacien on multiplie ◀les▶ distinguos entre langue, dialecte ou « forme orale ◀d’▶une langue », forme orale et forme écrite du Hochdeutsch, etc. Voici quelques chiffres plus clairs :
En 1954, 436 000 personnes sur 459 000 dans ◀le▶ Haut-Rhin, et 629 578 sur 662 000 dans ◀le▶ Bas-Rhin étaient germanophones (c’est-à-dire unilingues, bilingues ou trilingues). Quant aux francophones purs, ils étaient 32 432 dans ◀le▶ Bas-Rhin et 22 500 dans ◀le▶ Haut-Rhin.106
Rien ◀d’▶étonnant donc si 85 à 90 % des parents répondent oui à ◀la▶ question : « Voulez-vous que ◀l’▶allemand soit enseigné à vos enfants dès ◀l’▶école primaire ? » Mais en 1964, ◀le▶ député alsacien Henri Ulrich peut écrire que depuis ◀la▶ fin ◀de▶ la dernière guerre « ◀l’▶enseignement ◀de▶ ◀l’▶allemand en Alsace a été organisé de façon à être pour ainsi dire inefficace. Ici et là, il aurait même été habilement saboté. ◀L’▶expression n’est pas trop forte. Il a suffi quelquefois ◀d’▶enseigner ◀l’▶allemand, ou ◀de▶ réclamer ◀l’▶enseignement ◀de▶ ◀l’▶allemand pour que ◀les▶ sentiments patriotiques ◀d’▶un homme osant s’élever contre ◀la▶ résistance plus ou moins officielle ◀de▶ certaines administrations soient mis en doute »107.
Des problèmes similaires se posent aux Valdotains et Piémontais ◀de▶ langue française, aux Roussillonnais, Majorcains et Barcelonais ◀de▶ langue catalane, aux Tyroliens du Haut-Adige, aux Basques ◀de▶ France et ◀d’▶Espagne, aux Slovènes ◀de▶ ◀la▶ vallée ◀d’▶Udine, mais aussi aux Gallois, Bretons, Occitans, Sorabes, Croates du Burgenland, etc. ◀La▶ répression ◀de▶ ◀la▶ liberté linguistique exerce sur une part importante ◀de▶ ◀la▶ population européenne une action humiliante et démoralisante108.
C’est grave. Car « notre langage fabrique notre pensée pour nous » (Georges Mounin). En brimant, ridiculisant, interdisant ◀la▶ langue maternelle, ◀l’▶État-nation ◀de▶ style xixe siècle a prétendu imposer sa pensée, fût-elle précisément absence ◀de▶ vraie pensée, pur conformisme politique, et ce faisant, il s’est lui-même dénaturé : au lieu d’être au service ◀de▶ ◀la▶ communauté, il est devenu — au moins en prétention — ◀le▶ Souverain totalitaire.
2. ◀L’▶enseignement aux trois degrés et ◀la▶ formation professionnelle et technique souffrent, dans une bonne moitié ◀de▶ ◀l’▶Europe, c’est-à-dire dans ◀les▶ « régions frontalières » qui séparent nos 26 États-nations, des effets paralysants du stato-nationalisme, qui selon ◀les▶ cas interdit expressément ou bloque en fait :
— ◀la▶ mobilité des étudiants et des enseignants ;
— ◀l’▶équivalence des degrés, du bachot au doctorat en médecine ou au diplôme ◀d’▶ingénieur, ◀d’▶architecte, ◀de▶ psychologue ;
— ◀l’▶effectus civilis, ou droit ◀d’▶exercer dans un pays voisin ◀la▶ profession pour laquelle on a été diplômé dans son pays.
Quant au contenu ◀de▶ ◀l’▶enseignement : ◀les▶ manuels ◀d’▶histoire et ◀de▶ géographie (aux trois degrés) ont tout fait, depuis plus ◀d’▶un siècle, pour que ◀les▶ valeurs et grandeurs nationales soient seules enseignées, ◀les▶ réalités régionales étant systématiquement oblitérées ou frappées ◀d’▶interdit, au prix de distorsions éhontées des faits. Ainsi ◀l’▶ignorance sur ◀les▶ réalités immédiates est générale.
3. ◀La▶ presse, ◀la▶ radio, ◀la▶ TV
◀La▶ diffusion ◀de▶ ◀la▶ presse ◀d’▶une région comme Rhône-Alpes et ◀la▶ composition ◀de▶ son audience ont fait ◀l’▶objet ◀d’▶études très poussées (qui vont jusqu’à compter combien ◀de▶ lecteurs du Progrès ◀de▶ Lyon et du Dauphiné libéré ◀de▶ Grenoble possèdent ◀de▶ machines à laver « dont, à tambour horizontal 668 ; ◀d’▶un autre type, 211 »). Mais nous ne trouvons pas ◀de▶ données sur ◀la▶ diffusion ◀de▶ cette même presse en Suisse romande voisine : secret professionnel, dit-on. (◀Les▶ chiffres seraient-ils trop bas pour être avoués ?) ◀La▶ réciproque est vraie pour ◀la▶ diffusion des journaux ◀de▶ Genève et Lausanne en France voisine. Là encore, ◀l’▶ignorance ◀de▶ ce qui se passe à quelques kilomètres ◀de▶ chez soi est générale.
◀La▶ radio ◀de▶ nos divers pays est généralement mieux entendue que ◀la▶ TV dans ◀les▶ régions de même langue, mais beaucoup moins écoutée.
◀La▶ TV ayant une portée moindre, ne peut être reçue dans ◀de▶ nombreuses régions que s’il y a des relais. Or on observe que ◀les▶ relais ne sont installés qu’à des fins politiques : ◀le▶ Val ◀d’▶Aoste naguère encore à majorité francophone se plaint ◀de▶ n’avoir pas ◀de▶ retransmission ◀de▶ ◀la▶ TV suisse romande mais seulement ◀de▶ ◀la▶ TV italienne. Quant à ◀l’▶Alsace : « nombreux sont ceux qui désireraient que ◀les▶ émissions locales ◀de▶ ◀l’▶ORTF en langue allemande ne soient pas limitées à des quarts ◀d’▶heure symboliques. ◀Les▶ observateurs non alsaciens relèvent d’ailleurs tous que ◀les▶ Alsaciens ont commencé à acheter des téléviseurs à partir du jour où ◀les▶ progrès techniques ont permis ◀de▶ fabriquer des postes à modulation ◀de▶ fréquence et par conséquent ◀de▶ capter ◀la▶ TV allemande. En 1959, il n’y avait en effet que 4000 récepteurs ; en 1964 on en a compté 80 000 ! »109
◀La▶ Suisse romande bénéficie largement des relais TV français du Jura et des Alpes ◀de▶ Savoie, installés à ◀l’▶intention des Français du pays ◀de▶ Gex, ◀de▶ Haute-Savoie et ◀de▶ Savoie ; mais nul relais ne transmet aux Français la TV suisse ◀de▶ langue française.
4. ◀Le▶ théâtre et ◀la▶ musique ne souffrent pas des mêmes entraves nationalistes. Il n’y a pas là ◀de▶ problèmes sérieux. On a beau répéter que ◀la▶ musique ne connaît pas ◀de▶ frontières : ◀d’▶une manière générale, ◀le▶ rayonnement des opéras et des orchestres demeure municipal, n’atteint pas ◀les▶ dimensions régionales.
5. ◀Les▶ livres, en principe, passent ◀les▶ douanes en franchise. En réalité, 1) ◀les▶ douaniers se réservent ◀le▶ droit ◀de▶ permettre ou non leur passage, selon ◀les▶ titres ou parfois ◀les▶ images ◀de▶ ◀la▶ couverture ; 2) ◀les▶ prix sont majorés jusqu’à 30 % dans ◀le▶ pays voisin, sous prétexte de « frais ◀de▶ distribution ».
6. Presse, mass médias, écoles, font peu ou rien pour combattre ◀les▶ stéréotypes nationaux, et pour montrer (comme il serait aisé ◀de▶ ◀le▶ faire dans une région frontalière) que ces clichés généralement hostiles aux voisins se justifient mal. Ils naissent ◀le▶ plus souvent dans ◀la▶ presse des capitales, lorsqu’on y prépare une guerre ou qu’on ◀la▶ fait.
Tout se passe comme si ◀les▶ gouvernements comptaient sur ◀la▶ persistance des stéréotypes ◀d’▶hostilité pour contribuer à maintenir ◀la▶ « cohésion nationale ».
III. ◀Les▶ frontières
◀Les▶ problèmes qu’on vient ◀d’▶évoquer sont créés par ◀les▶ frontières. Et ce sont ◀les▶ frontières qui empêchent ◀de▶ ◀les▶ résoudre. Ou plus exactement : c’est ◀le▶ dogme ◀de▶ ◀la▶ souveraineté nationale absolue et illimitée, c’est-à-dire sacro-sainte, matérialisé par ◀les▶ frontières.
Or il est clair pour quiconque, aujourd’hui, que ◀le▶ tracé des frontières étatiques est accidentel, sans plus ◀d’▶utilité démontrable qu’administrative, et très nuisible à tout autre égard. ◀Les▶ frontières sont encore capables ◀d’▶entraver ◀la▶ circulation des biens et des services, mais non pas ◀d’▶arrêter ◀la▶ pollution, ◀les▶ ondes, ◀les▶ tempêtes, ◀la▶ propagande ; elles bloquent ◀les▶ échanges qu’il faudrait favoriser, mais sont impuissantes contre ◀les▶ nuisances qu’il faudrait arrêter.
◀D’▶une manière générale, elles coupent arbitrairement des régions homogènes, des nationalités ou ethnies caractérisées, des ensembles économiques actuels ou potentiels, des entités écologiques, créant ◀d’▶un côté ◀de▶ ◀la▶ frontière des minorités brimées (Sud-Tyrol, Val ◀d’▶Aoste, Basques, etc.), séparant une métropole ◀de▶ son hinterland (Lille, Bâle, Genève), bloquant des processus ◀de▶ développement économique ou culturel (Aachen-Liège-Maastricht, Bâle-Mulhouse-Freiburg), compromettant ◀les▶ mesures urgentes ◀de▶ sauvetage ◀de▶ ◀l’▶environnement (Rhin, Léman, etc.). « ◀La▶ carte des États ne coïncide pas avec ◀la▶ carte des peuples ; et ◀les▶ écarts définissent ◀les▶ minorités. » (Guy Héraud, Peuples et langues ◀d’▶Europe, Paris, 1966). « Cicatrices ◀de▶ ◀l’▶Histoire »110 ou « résultats des viols répétés ◀de▶ ◀la▶ géographie par ◀l’▶histoire »111, ou ◀de▶ ◀l’▶écologie par ◀la▶ politique, ou ◀de▶ ◀la▶ culture par ◀les▶ intérêts économiques et des raisons ◀de▶ prestige étatique, ◀les▶ frontières actuelles ont été fixées pour des raisons historiques qui, pour la plupart, ont cessé ◀d’▶être des raisons.
◀Le▶ caractère indiscutablement pathogène ◀de▶ nos frontières politiques est celui du lit ◀de▶ Procuste qu’on nomme État-nation. Il procède ◀de▶ ◀la▶ volonté, en somme démente, ◀d’▶imposer une même frontière fixe, un même territoire « sacré » à des réalités hétérogènes par nature, et qui ne sont superposables ni dans ◀l’▶espace ni dans ◀le▶ temps : ◀le▶ sous-sol et ◀la▶ langue, ◀l’▶administration et ◀l’▶écologie, par exemple. On prétend ◀les▶ forcer dans un espace unique, mais aussi dans un temps qu’on dirait arrêté pour ◀l’▶occasion.
Dans ◀l’▶espace : ◀les▶ frontières sont ◀d’▶autant plus rigides et plurivalentes que ◀l’▶État est plus totalitaire ◀d’▶ambition. Si ◀la▶ souveraineté ◀de▶ ◀l’▶État est limitée aux tâches administratives, ◀les▶ frontières sont ouvertes et insensibles, comme entre ◀les▶ cantons suisses et ◀les▶ Länder allemands : pas plus gênantes que ◀les▶ démarcations entre départements français.
Dans ◀le▶ temps : ce qui rend manifeste ◀la▶ dysfonction ◀de▶ ◀la▶ frontière unique, c’est ◀la▶ disparité des rythmes ◀de▶ changement auxquels obéissent ◀les▶ réalités susceptibles ◀de▶ définir des régions : ◀l’▶économie, ◀l’▶ethnie et ◀la▶ volonté politique.
Relevons ce paradoxe : ◀les▶ ethnies sont des communautés ◀de▶ langues sans liens avec un territoire (point ◀de▶ langues autochtones en Europe, toutes viennent d’ailleurs), mais une fois établies dans une région, on constate ◀l’▶extraordinaire stabilité ◀de▶ leurs limites ; tandis que ◀l’▶économie, qui est en partie liée au sol (climat, secteur primaire maritime ou agricole, ressources naturelles pour ◀l’▶industrie, etc.), est en fait beaucoup plus indépendante ◀de▶ ses établissements territoriaux, continuellement changeants au gré des développements techniques, commerciaux, financiers, etc.
◀Le▶ rythme ◀de▶ changement des régions ethniques est millénaire ; celui des régions économiques est décennal ; mais ◀la▶ frontière politique unique et omnivalente que ◀l’▶État-nation prétend imposer tant aux ethnies qu’à ◀l’▶économie se trouve modifiée deux ou trois fois par siècle, sans liaison avec ◀les▶ deux autres rythmes, pour des « raisons » ◀de▶ force militaire, ◀de▶ prestige national, ou simplement par ◀l’▶incompétence des négociateurs ◀de▶ traités.
◀De▶ là, tous ◀les▶ « dommages économiques » énumérés par ◀le▶ Rapport ◀de▶ base et « ◀les▶ désavantages sociaux » et « tensions politiques dangereuses » mentionnées dans son introduction. Il n’y a pas ◀de▶ « juste frontière » imaginable, dès lors qu’elle est polyvalente. Et cela n’irait pas mieux si on ◀la▶ déplaçait. Car il n’y a pas ◀de▶ bonne frontière nationale, ◀la▶ moins mauvaise étant tout simplement celle qui se laisse ◀le▶ mieux traverser.
IV. Il n’y a pas ◀de▶ cultures nationales
Mais il faut bien admettre aussi que ◀la▶ nocivité des frontières, résultant ◀de▶ ◀la▶ non-coïncidence des limites administratives, des réalités ethniques et des dynamismes économiques, n’est que ◀la▶ traduction du dogme ◀de▶ ◀la▶ souveraineté totale, universelle et indivisible ◀de▶ ◀l’▶État-nation ◀de▶ type moderne, dont ◀la▶ croyance aux « cultures nationales » est à la fois l’un des présupposés nécessaires et l’un des agents ◀de▶ propagande ◀les▶ plus efficaces.
◀L’▶école nous a conté que chaque État est une entité qui comporte une langue nationale, une culture nationale et une économie nationale, une histoire nationale bien distincte ◀de▶ ◀l’▶histoire générale et une géographie propre, ◀le▶ tout délimité par des « frontières naturelles ». Or tout est faux dans cet enseignement.
◀La▶ culture, en Europe, n’est pas ◀la▶ juxtaposition ◀de▶ vingt-cinq « cultures nationales », puisqu’elle existait bien avant ◀la▶ formation récente ◀de▶ nos États-nations112.
◀Le▶ mot natio qui désignait d’abord ◀les▶ groupes ◀d’▶étudiants de même langue maternelle dans ◀les▶ villes universitaires, s’est étendu aux peuples parlant ◀la▶ même langue, sans qu’il fût question pour autant ◀de▶ ◀les▶ enfermer dans ◀les▶ frontières ◀d’▶un même État.
Il n’est pas vrai que nos États-nations correspondent à ◀l’▶aire ◀de▶ diffusion ◀d’▶une langue. Dans ◀les▶ frontières ◀de▶ ◀la▶ France actuelle, on parle huit langues : breton, flamand, allemand, italien, occitan, catalan, basque, et naturellement ◀le▶ français, imposé comme seule langue officielle en 1539 (édit ◀de▶ Villers-Cotterêts). Si ◀la▶ France entendait revendiquer ◀la▶ Wallonie, ◀la▶ Suisse romande et ◀le▶ Val ◀d’▶Aoste au nom de ◀l’▶unité linguistique, elle devrait s’amputer, pour ◀le▶ même motif, ◀de▶ près de ◀la▶ moitié ◀de▶ ses territoires actuels. Quant à ◀la▶ langue allemande, si elle devait coïncider avec un État, il faudrait annexer à ◀la▶ République fédérale, outre ◀la▶ DDR, ◀la▶ Suisse alémanique, ◀les▶ Sudètes, ◀l’▶Autriche, ◀le▶ Sud-Tyrol, et ◀les▶ minorités germanophones ◀de▶ ◀la▶ Belgique, ◀de▶ ◀l’▶Alsace, du Schleswig, ◀de▶ ◀la▶ Transylvanie, ◀de▶ ◀la▶ Slovénie, ◀de▶ ◀la▶ Pologne, des pays baltes et — si celle-là subsiste — ◀de▶ ◀la▶ Volga.
◀Les▶ « frontières naturelles » ne sont pas moins chères à ◀l’▶école — ni plus vraies pour autant. Cette notion, qui a son origine sous Louis XIV, est mise en forme par ◀la▶ Révolution (discours du Prussien Anacharsis Cloots à ◀la▶ Convention) et triomphe par ◀les▶ écoles servant ◀l’▶État-nation, dès ◀la▶ fin du xixe siècle. C’est ainsi qu’on nous a inculqué que ◀le▶ Rhin sépare « naturellement » ◀les▶ peuples ◀de▶ ses rives, tandis que ◀le▶ Rhône ◀les▶ unit.
De même, ◀les▶ Pyrénées « séparent ◀l’▶Espagne de la France ». En réalité on trouve des Basques des deux côtés ◀de▶ ◀la▶ chaîne, dans sa partie ouest, des Catalans des deux côtés, dans ◀la▶ partie est, mais ni Français ni Espagnols. Quant aux Alpes : on y parle des deux côtés des dialectes italiens au sud ; français à ◀la▶ hauteur des vallées vaudoises et ◀d’▶Aoste ; allemand en Suisse ; puis ladin des Grisons au Tyrol ; allemand de nouveau jusqu’au nord ◀de▶ Trieste…
Non, ◀les▶ frontières ◀de▶ nos États n’ont jamais été « naturelles ». Elles sont accidentelles et arbitraires, comme ◀les▶ conflits armés dont elles figurent ◀les▶ traces.
En nous présentant ◀l’▶Europe comme un puzzle ◀de▶ nations en teintes plates, et ◀la▶ culture européenne comme une addition ◀de▶ prétendues « cultures nationales », ◀les▶ manuels scolaires justifient ◀les▶ pires chauvinismes, fauteurs ◀de▶ deux guerres mondiales où ◀l’▶Europe a failli périr.
◀La▶ vérité, c’est que ◀la▶ culture ◀de▶ tous nos peuples est une, quoique tissée ◀de▶ contradictions dans sa genèse même ; qu’elle s’est formée à partir ◀d’▶influences indo-européennes, gréco-latines, celtes et germaniques, arabes et slaves, souvent incompatibles entre elles — ◀de▶ là ◀le▶ caractère essentiellement contestataire ◀de▶ son génie — mais qui nous ont tous affectés, à doses variables, et qui ont éduqué notre vision du réel, que nous ◀le▶ sachions ou non, que nous soyons « cultivés » ou non. Toutes ◀les▶ grandes écoles ◀d’▶art, ◀d’▶architecture, ◀de▶ musique, ◀de▶ philosophie, ◀de▶ littérature et ◀de▶ doctrine sociologique ou politique, ont été paneuropéennes, et non pas nationales.
◀Les▶ grands courants européens, ◀les▶ grandes écoles ◀d’▶art et ◀de▶ pensée : c’est ◀l’▶unité ◀de▶ notre culture commune. Mais qu’en est-il ◀de▶ nos diversités tant vantées, et à juste titre ? Est-il vrai, comme ◀le▶ disent ◀les▶ discours officiels, que ces « précieuses diversités » soient celles ◀de▶ nos nations ? Je propose là-dessus deux observations faciles à vérifier.
1. Chacun ◀de▶ nos pays a un nord et un midi, des croyants et des incroyants, des hommes ◀de▶ gauche et des hommes ◀de▶ droite, des romantiques et des classiques, des progressistes et des conservateurs. Dans la plupart des cas, ◀les▶ libéraux ◀de▶ pays différents s’entendront mieux entre eux qu’avec ◀les▶ fanatiques ◀de▶ leur propre nation ; ◀les▶ hippies ◀d’▶un pays s’accorderont mieux avec ceux ◀de▶ n’importe quel autre qu’avec ◀les▶ conformistes ◀de▶ chez eux, etc. Ce ne sont pas nos appartenances nationales qui nous diversifient vraiment, mais des écoles ◀de▶ pensée, des styles ◀de▶ vie. Supprimez ◀les▶ frontières nationales, vous n’appauvrirez en rien ◀les▶ diversités ◀de▶ ◀l’▶Europe : au contraire, vous ◀les▶ libérerez !
2. ◀La▶ création culturelle en Europe est ◀d’▶autant plus riche et plus intense qu’elle est moins centralisée et que ses foyers sont plus nombreux. Au Moyen Âge, ces foyers ◀de▶ création sont ◀les▶ universités, à ◀la▶ Renaissance ◀les▶ cités et ◀les▶ très petits États du Nord de l’Italie, des Flandres, ◀de▶ ◀la▶ Bourgogne et ◀de▶ ◀la▶ Rhénanie, du Languedoc et ◀de▶ ◀la▶ Castille, Genève au xvie siècle, Zurich au xviiie … On sait ◀le▶ rôle merveilleusement fécondant ◀de▶ petites villes comme Tubingue, Iéna, Weimar ou Dresde dans ◀les▶ Allemagnes romantiques, celles ◀de▶ Hegel, ◀de▶ Schelling et des Schlegel, ◀de▶ Novalis et ◀de▶ Jean-Paul, ◀de▶ Hölderlin et ◀de▶ Humboldt, au moment même où Napoléon fait ◀de▶ ◀la▶ France un vaste désert culturel en mobilisant à Paris tous ◀les▶ esprits ◀de▶ mérite qu’il n’a pas bannis.
◀Le▶ grand secret ◀de▶ ◀la▶ vitalité inégalée ◀de▶ notre culture européenne, je ◀le▶ vois dans cette interaction perpétuelle des grands courants continentaux, et des foyers locaux et régionaux ◀de▶ création. Dans ce jeu entre grands courants et foyers locaux, unité et diversité, ◀l’▶échelon national ne joue aucun rôle, est simplement omis, inexistant.
◀Les▶ régions culturelles ou ethniques ne coïncident pas avec ◀les▶ régions administratives, qui sont inadéquates pour définir ◀les▶ régions économiques, et moins encore avec ◀les▶ régions écologiques.
◀La▶ volonté stato-nationale ◀de▶ faire coïncider ces entités hétérogènes ne peut engendrer que crises inutiles et conflits aberrants.
V. Nécessité ◀de▶ dépasser ◀le▶ cadre stato-national
1. ◀Les▶ régions transfrontalières sont ◀les▶ seules unités déjà conformes à ce que sera inévitablement ◀l’▶Europe ◀de▶ demain — s’il y a demain une véritable Europe, et non pas seulement une colonie économique et une colonie idéologico-politique juxtaposées. Car dans ◀le▶ cas ◀d’▶un partage ◀de▶ ◀l’▶Europe entre ces deux sortes ◀d’▶influences, il est clair que ◀les▶ gouvernements stato-nationaux seront scrupuleusement respectés, laissés en place par ◀les▶ puissances colonisantes : rien ne pourra mieux servir ◀les▶ desseins des deux grands (qui ne seront grands que ◀de▶ nos persistantes divisions).
2. Exemple symbolique : ◀les▶ gens ◀d’▶Aoste doivent pouvoir parler directement avec ceux ◀de▶ Chamonix — comme ◀le▶ permet aujourd’hui ◀le▶ tunnel du Mont-Blanc — alors que naguère encore ils devaient s’adresser à Rome, laquelle alertait Paris, qui appelait Chamonix, et déjà ◀l’▶on ne savait plus ◀de▶ quoi il s’agissait. ◀Le▶ tunnel permet un accès rapide et direct. Il nous faut des tunnels partout où il y a une montagne, des cols, des autobus, des routes sans barrière.
Il faut que ◀les▶ relations proches et concrètes prennent ◀le▶ pas sur ◀les▶ relations schématiques et légales avec ◀la▶ capitale — lesquelles tomberont lentement en désuétude à mesure qu’un tissu solide ◀d’▶échanges ◀de▶ biens, ◀de▶ services et ◀de▶ personnes, se nouera entre ◀les▶ régions.
3. ◀Les▶ solutions aux problèmes énumérés sous II. seront à chercher dans ◀le▶ cadre régional, et non pas stato-national. Toute tentative ◀de▶ ◀les▶ résoudre à ◀l’▶échelon national, c’est-à-dire entre capitales, ne peut qu’étouffer ◀les▶ problèmes ou ◀les▶ rendre explosifs. (De même que ◀le▶ centralisme autoritaire étouffe ◀la▶ vie régionale, jusqu’au jour où il provoque des séparatismes.)
4. Ceci ne signifie pas ◀l’▶abolition anarchiste ou ◀le▶ « dépérissement » marxiste ◀de▶ ◀l’▶État, mais sa division, ou mieux sa répartition (conforme au vœu ◀de▶ Proudhon) à tous ◀les▶ étages communautaires, ◀de▶ ◀la▶ commune à ◀la▶ fédération continentale, puis mondiale.
◀L’▶État supérieur (fédération nationale ou continentale) doit garder un rôle ◀d’▶impulsion, ◀de▶ concertation, et ◀de▶ contrôle (au sens ◀d’▶expertise plutôt que ◀de▶ coercition). Il doit défendre ◀les▶ droits du général contre ceux du singulier. Il est aussi ◀le▶ dépositaire des finalités civiques à chaque niveau communautaire — du plan ◀d’▶urbanisation ◀d’▶une commune aux options sur ◀le▶ budget ◀de▶ ◀la▶ recherche fondamentale à ◀l’▶échelon européen.
VI. Premier catalogue ◀de▶ réformes nécessaires fondées sur ◀le▶ principe du dépassement du cadre stato-national
a) Dans ◀l’▶enseignement secondaire : ◀l’▶histoire et ◀la▶ géographie sont à reprendre à partir des réalités proches ◀de▶ ◀l’▶élève, donc régionales, alors qu’elles sont axées depuis un siècle sur ◀les▶ seuls mythes nationaux. Ainsi que ◀l’▶ont demandé en mai 1972 ◀les▶ professeurs ◀d’▶histoire et ◀de▶ géographie ◀de▶ ◀l’▶Académie ◀de▶ Strasbourg : « Il faut actualiser et régionaliser ◀l’▶enseignement. » ◀Les▶ deux efforts vont ◀de▶ pair, soulignons-◀le▶, ◀d’▶autant plus que ◀l’▶actualité englobe ◀le▶ problème européen et que ◀la▶ régionalisation ◀de▶ nos pays ne serait même pas concevable s’il n’y avait ◀l’▶horizon européen.
Enseigner ◀les▶ réalités ◀de▶ ◀la▶ région et ◀l’▶idéal ◀de▶ ◀l’▶Europe au lieu des mythes ◀de▶ ◀l’▶État-nation souverain et des mensonges qui seuls ◀les▶ ont accrédités dans ◀les▶ esprits depuis quatre ou cinq générations, voilà qui suppose une rénovation radicale des programmes officiels, lesquels tablaient sur ◀l’▶effacement des réalités régionales et souvent même en proscrivaient ◀l’▶étude, voire ◀la▶ seule mention.
De plus, il est urgent ◀d’▶introduire un enseignement économique au degré secondaire : la plupart des options proposées aux citoyens, aux électeurs, aux conseillers municipaux, cantonaux, régionaux, concernent des objets économiques que rien ne ◀les▶ a préparés à évaluer. Une connaissance plus concrète ◀de▶ ◀l’▶économie ferait voir à tous que ◀les▶ réalités, dans ce domaine, sont régionales et continentales, mais non pas stato-nationales. (Ex. : il ne s’agit pas ◀de▶ savoir si « ◀l’▶Alsace va basculer dans ◀l’▶orbite économique allemande », mais comment elle peut développer son économie ◀d’▶une manière équilibrée, au sein du système continental ◀d’▶échanges, ◀de▶ concentrations et ◀de▶ spécialisations.)
b) ◀Les▶ régions scolaires (◀d’▶enseignement primaire, secondaire, technique et professionnel) sont à réorganiser au-delà des frontières nationales, en commençant par ◀les▶ régions où ◀la▶ circulation des élèves et des enseignants apparaît virtuellement ◀la▶ plus forte. (Ces régions sont très nombreuses le long de ◀l’▶axe nord-sud, rhénan-alpin.) ◀La▶ création ◀de▶ lycées européens sur ◀le▶ modèle ◀de▶ celui ◀de▶ Luxembourg et ◀l’▶introduction ◀d’▶un baccalauréat européen sont ◀d’▶excellents exemples internationaux ◀de▶ ce qui pourrait être fait à ◀l’▶échelon régional : lycées communs là où ◀la▶ langue est pareille, lycées bilingues, écoles techniques et professionnelles.
Je ne fais qu’indiquer des directions ◀de▶ recherches à poursuivre en toute prudence : ◀les▶ résistances psychologiques sont vite mobilisées dans ce domaine et ◀les▶ programmes scolaires paraissent peu conciliables en tant qu’ils traduisent des schémas uniformément imposés par ◀la▶ capitale, et non pas ◀les▶ mentalités régionales.
c) ◀La▶ coopération interuniversitaire au niveau régional paraît à la fois plus utile, plus riche ◀de▶ contenus, et moins difficile à réaliser qu’au niveau national. Des essais ◀de▶ coopération, limitée mais précise, ont été faits dans ◀la▶ région Bâle-Strasbourg-Freiburg. Un autre projet ◀de▶ coopération est à citer : celui qui tend à grouper dans une coopération régionale ◀les▶ universités ◀de▶ Neuchâtel, Fribourg, Lausanne (I et II), Genève, Aoste (en cours ◀de▶ création), Grenoble (I, II et III), Lyon (I et II), Saint-Étienne, Besançon, et ◀de▶ nombreux instituts universitaires qui s’y rattachent. Objectifs : favoriser ◀la▶ mobilité des étudiants et des professeurs, ◀la▶ formation ◀de▶ pools ◀de▶ recherches ou ◀d’▶instruments et ◀de▶ data-banks, ◀l’▶équivalence des diplômes et, à plus long terme, ◀l’▶effectus civilis, ou droit ◀d’▶établissement et ◀d’▶exercice des professions libérales sur tout ◀le▶ territoire ◀de▶ cette région universitaire.
d) Si ◀l’▶économie fait comprendre ◀la▶ nécessité des régions, et si elle peut être enseignée ◀le▶ plus concrètement à ◀l’▶échelon régional d’abord, mais aussitôt après continental, il en va de même pour ◀l’▶écologie : que ◀la▶ pollution ne connaisse pas ◀de▶ frontières politiques, voilà un fait que tout élève du degré primaire ou secondaire saisit du premier coup d’œil.
D’autre part, ◀les▶ interactions inévitables entre ◀les▶ exigences ◀de▶ ◀l’▶économie et celles ◀de▶ ◀l’▶écologie sont faciles à mettre en évidence à ◀l’▶échelon local et régional. ◀La▶ recherche ◀d’▶un optimum entre croissance industrielle et équilibre humain s’illustre aisément à ce niveau. ◀Les▶ choix à faire par ◀le▶ citoyen deviennent alors par excellence des choix politiques.
VII. ◀De▶ ◀la▶ commune à ◀l’▶Europe par ◀la▶ région
Tous ◀les▶ problèmes régionaux — qu’ils soient économiques, écologiques ou éducatifs — sont liés en fait à des problèmes continentaux. Une commune, une région, n’ont pas ◀les▶ moyens ◀de▶ recherches requis, dans aucun ◀de▶ ces domaines : ces moyens sont ◀de▶ dimension continentale. (Ainsi ◀le▶ CERN et ◀le▶ Super-CERN près de Genève, réalisent au service ◀de▶ ◀l’▶Europe entière ce qu’aucun ◀de▶ nos États, a fortiori ◀de▶ nos régions, ne peut rêver ◀de▶ faire seul.)
En retour, ◀l’▶exécution des mesures jugées nécessaires au terme des recherches « continentales » est bel et bien locale. Exemple : sauver ◀le▶ Léman suppose des recherches théoriques qui relèvent ◀de▶ ◀l’▶échelon continental, mais sont ◀d’▶exécution typiquement régionale et transfrontalière. En économie, ◀l’▶on assiste au même double mouvement couplé ◀de▶ concentration et ◀de▶ décentralisation des entreprises, entre ◀l’▶échelon continental et ◀le▶ régional.
Nous pouvons donc imaginer ◀le▶ modèle suivant ◀d’▶une Europe fédérée :
— des régions fonctionnelles, dotées chacune ◀d’▶une agence régionale ◀de▶ planification ou concertation (économique, sociale, hospitalière, écologique, éducative, des transports, etc.).
— des agences européennes (relevant ◀d’▶assemblées élues qui contrôlent leurs budgets), capables ◀d’▶établir des normes et des plans, qui ◀les▶ mettent en état ◀d’▶orienter et ◀d’▶informer ◀les▶ agences régionales.
◀Les▶ régions seraient ainsi immédiates à ◀l’▶Europe, même si elles choisissaient, comme c’est probable, ◀de▶ rester liées à ◀l’▶échelon national par ◀de▶ libres fédérations.
Conclusions
◀Le▶ fait que ◀les▶ régions fonctionnelles auraient des aires inégales, des définitions territoriales différentes, ne rendraient pas leur administration aussi difficile que certains ◀l’▶imaginent.
Tout s’éclaire et s’ordonne en effet si ◀l’▶on accepte ◀le▶ principe ◀d’▶une organisation ◀de▶ ◀la▶ société partant des racines (des groupes, des entreprises, ◀de▶ ◀la▶ cité) et non du sommet (des idéologies, du dictateur).
Partir ◀d’▶en bas, c’est-à-dire des problèmes dans leur réalité humaine ◀la▶ plus proche de ◀la▶ personne, c’est en fait partir des communes.
Chacune des régions fonctionnelles que nous avons énumérées serait ainsi formée, administrativement par un syndicat ◀de▶ communes. (Elles seraient abonnées à ◀la▶ région écologique, par exemple, comme un particulier est abonné au gaz, à ◀l’▶électricité, au téléphone.)
Si maintenant je transpose en termes politiques mon équation :
Europe ◀de▶ ◀la▶ culture = foyers locaux ◀de▶ création initiant des courants continentaux
cela va donner :
Europe politique = régions autonomes composant une fédération continentale.
Voici donc ◀le▶ modèle fédéraliste ◀de▶ ◀l’▶Europe que je préconise : ◀la▶ complexité des régions rendra justice à nos fécondes diversités, et ◀l’▶ampleur ◀de▶ ◀la▶ fédération exprimera ◀l’▶unité millénaire ◀de▶ ◀la▶ culture occidentale.