Recréer la place publique (1er juillet 1973)bc
Dire que j’approuve les idées de ces douze articlesbd serait▶ faible : je m’y reconnais. Il s’agirait maintenant de les illustrer. Car elles demeurent assez difficiles et abstraites sous la forme condensée que demande le journal.
Je voudrais souligner une idée dominante : que les structures d’une cité peuvent interdire la vie communautaire — c’est le cas de nos villes — ou au contraire la favoriser, l’aménager.
Encore faudrait-il décrire ces structures. J’ai toujours soutenu que la démocratie, au sens actif et créatif du mot, n’◀est▶ pas possible, s’il n’y a pas une « agora » ou un « forum » — une « place » au cœur de la cité. Si la place du village, du quartier, de la ville, n’◀est▶ plus qu’un parking, et si les rues ◀sont▶ livrées aux autos qui essaient au mieux de s’éviter, non aux piétons qui aimeraient se rencontrer, la démocratie n’existe plus, ses racines ◀sont▶ coupées et ses sources taries.
Dans cet article conclusif, il ◀est▶ question de fédéralisme première et deuxième manière. Je ◀suis▶ pour la deuxième. Ramuz ◀était▶ pour la première. Il me disait un jour au Central, à Lausanne : « Entre nous, nous ◀sommes▶ fédéralistes, je veux bien dire séparatistes » (parlant de Berne).
Non, le fédéralisme n’◀est▶ pas l’autarcie cantonale, l’État-nation cantonal, la fermeture du canton sur soi-même ! Le fédéralisme ◀est▶ une méthode pour garantir le maximum d’autonomie des unités fédérées, grâce à un minimum de services communs. Mieux : c’est une répartition des services étatiques, une redistribution des compétences selon la loi suivante :
— placer le pouvoir de décision au niveau communautaire correspondant aux dimensions des tâches à résoudre. Le chemin vicinal ressort de la commune, l’autoroute continentale, de la fédération.
Discuter tout cela « dans la rue » ou « sur la place publique », à la bonne heure ! Mais encore faut-il qu’elles existent, cette rue, cette place publique, où le beau mot de voisinage reprenne son sens.
J’applaudis au projet d’une grande discussion sur le sens concret de l’expression « propriété socialisée ».
Pour nous y préparer, lisons Proudhon, que l’on trouve aujourd’hui en livre de poche. L’affaire Lip ◀est déjà prévue, définie, et à mon sens résolue, dans la pensée du grand fédéraliste franc-comtois.