I. Préhistoire du CERN
Dans les▶ archives du Centre européen de la culture figure, datée ◀de▶ juin 1953, une note « confidentielle », rédigée par Jean-Paul de Dadelsen. Cette note donnera sans doute ◀le▶ meilleur résumé du dossier historique qui va suivre.
◀Le▶ projet ◀de▶ Laboratoire européen ◀de▶ recherches nucléaires est une initiative européenne
◀Les▶ adversaires du Laboratoire européen ◀de▶ physique nucléaire invoquent entre autres deux séries ◀d’▶arguments. ◀Les▶ uns reposent sur ◀la▶ méconnaissance des objectifs poursuivis et des possibilités mêmes des futurs appareils : ils insistent sur ◀les▶ dangers qu’évoque ◀la▶ seule pensée ◀d’▶une installation « atomique ». ◀Les▶ autres proviennent ◀de▶ ◀la▶ méconnaissance des véritables origines du projet : ils présentent ce dernier comme une des multiples expressions ◀de▶ ◀l’▶ingérence américaine dans nos affaires.
Voyons ce qu’il en est ◀de▶ cette deuxième série ◀d’▶arguments.
◀La▶ présentation officielle des faits
◀Le▶ mois dernier, ◀le▶ Conseil européen pour ◀la▶ recherche nucléaire (CERN) a publié son second rapport aux États membres (Rome, 5 mai 1953). Ce rapport, dont ◀le▶ but est ◀de▶ présenter, sous une forme concise, toutes ◀les▶ informations essentielles nécessaires aux personnes qui pourront être appelées à formuler une opinion, résume ◀les▶ origines du projet ◀de▶ ◀la▶ manière suivante :
C’est, peut-on lire, au cours de ◀la▶ 5e session ◀de▶ ◀la▶ Conférence générale ◀de▶ ◀l’▶Unesco, réunie à Florence en 1950, que fut adoptée, sur une proposition ◀de▶ ◀la▶ délégation des États-Unis, une résolution tendant à « faciliter et encourager ◀la▶ création et ◀l’▶organisation ◀de▶ laboratoires et ◀de▶ centres ◀de▶ recherches régionaux ». Cette résolution faisait suite à ◀de▶ nombreuses discussions qui avaient lieu au sein de ◀l’▶Unesco et du Conseil économique et social ◀de▶ ◀l’▶ONU.
◀Le▶ rapport du CERN ajoute un peu plus loin : « Bien que cette résolution ne mentionnât ni un domaine spécial ◀de▶ recherche, ni une région géographique particulière, il apparut bientôt que… ◀l’▶établissement ◀d’▶une coopération internationale dans ◀le▶ cadre européen, en ce qui concerne ◀les▶ recherches fondamentales sur ◀la▶ structure ◀de▶ ◀la▶ matière, constituait un des objectifs ◀les▶ plus utiles et prometteurs. » ◀L’▶année suivante, en 1951, ◀l’▶Unesco soumit aux gouvernements ◀le▶ projet du « Laboratoire international (européen) ◀de▶ recherches nucléaires », qui doit être construit à Genève. Comme ◀l’▶Unesco ne pouvait pas, tant pour des raisons financières qu’administratives, prendre en charge son exécution, cet organisme convoqua, en décembre 1951, une conférence ◀de▶ représentants gouvernementaux ayant pour tâche ◀d’▶assurer ◀l’▶organisation et ◀le▶ financement des études nécessaires. ◀La▶ Conférence aboutit à ◀la▶ création, ◀le▶ 15 février 1952, du « Conseil européen pour ◀la▶ recherche nucléaire », qui groupe 11 États européens.
Cette présentation des faits, à laquelle se réfère ◀la▶ presque totalité des articles ◀de▶ presse, appelle deux remarques principales :
1. Dans son souci ◀de▶ concision et dans son parti ◀de▶ ne mentionner que ◀les▶ débats intervenus dans ◀le▶ cadre ◀de▶ réunions intergouvernementales, elle passe sous silence ◀la▶ véritable origine du projet, substituant à un dessein qui fut en réalité extrêmement précis, une résolution vague dont on ne voit pas exactement comment elle a abouti au programme actuel.
2. En prenant ainsi comme point ◀de▶ départ ◀la▶ résolution ◀de▶ Florence, elle tend à accréditer ◀l’▶idée ◀de▶ ◀l’▶origine américaine du projet, du moins dans ses contours ◀les▶ plus généraux.
Sans vouloir méconnaître ◀l’▶attachement qu’ont toujours montré ◀les▶ USA, au sein des Nations unies, à ◀la▶ création ◀d’▶instituts internationaux ◀de▶ recherches, il importe ◀d’▶établir ◀la▶ genèse véritable et ◀la▶ progression ◀de▶ ◀l’▶idée du laboratoire, ne fut-ce que pour parer aux attaques ◀d’▶une propagande mensongère. Aussi bien n’y a-t-il jamais eu action en recherche ◀de▶ paternité qui fût moins incertaine.
◀La▶ réunion ◀de▶ Genève du 12 décembre 1950
C’est au cours de ◀la▶ Conférence européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, réunie à Lausanne, du 8 au 12 décembre 1949, sous ◀les▶ auspices du Mouvement européen, que fut, pour la première fois, posé sur le plan européen ◀le▶ problème ◀de▶ ◀la▶ coopération en matière de recherche nucléaire. Dans une résolution adoptée à ◀la▶ quasi-unanimité des délégués ◀de▶ 22 pays, ◀la▶ Conférence recommandait : « … ◀la▶ création ◀d’▶instituts européens spécialisés, en liaison étroite avec ◀les▶ organismes nationaux correspondants et avec ceux ◀de▶ ◀l’▶Unesco ». Comme application caractéristique des principes énoncés dans ◀la▶ résolution, ◀la▶ Conférence proposait ◀de▶ « mettre à ◀l’▶étude ◀la▶ création ◀d’▶un Institut ◀de▶ science nucléaire orienté vers ◀les▶ applications à ◀la▶ vie courante ».
Cette mise à ◀l’▶étude du Laboratoire fut confiée au Centre européen de la culture, organisateur ◀de▶ ◀la▶ Conférence, comme l’une ◀de▶ ses premières tâches. ◀La▶ Commission ◀de▶ coopération scientifique du Centre, présidée par Raoul Dautry, administrateur général du Commissariat français pour ◀l’▶énergie atomique, précisa et compléta ◀le▶ projet ; dans sa séance du 12 décembre 1950 à Genève, qui groupait des physiciens et directeurs ◀d’▶instituts nucléaires ◀de▶ six pays européens, elle jeta ◀les▶ bases mêmes du plan actuellement en cours ◀d’▶exécution, allant jusqu’à préciser ◀les▶ critères qui devaient guider ◀le▶ choix du futur emplacement du Laboratoire ; elle suggérait enfin ◀la▶ création immédiate, à Paris, en relation avec ◀l’▶Unesco, ◀d’▶un bureau ◀d’▶études chargé ◀de▶ mettre au point ◀le▶ programme des travaux. Il était en outre convenu que ◀l’▶Unesco réunirait des délégués gouvernementaux pour étudier avec eux ◀le▶ financement du plan et ◀les▶ conventions internationales à établir.
◀Le▶ rôle ◀de▶ ◀l’▶Unesco a donc consisté, en résumé, à porter ◀le▶ projet du CEC (Lausanne 1949, Genève 1950) au stade des négociations intergouvernementales. Ceci fait, ◀le▶ Laboratoire, doté ◀d’▶un Conseil ◀de▶ représentants des gouvernements, a cessé ◀d’▶être lié, soit au CEC, soit à ◀l’▶Unesco.
Ainsi se trouve très clairement établie ◀l’▶origine européenne ◀d’▶un projet qui répond d’ailleurs à des besoins spécifiquement européens. On peut dire davantage : si ◀le▶ Laboratoire doit être édifié à Genève, c’est aussi que sa première ébauche a été établie à Genève. Par un juste retour, ◀l’▶honneur ◀de▶ ◀l’▶abriter revient à ◀la▶ Suisse — ◀d’▶où ◀l’▶idée est partie.
Reprenons maintenant avec plus ◀de▶ détails ◀l’▶itinéraire que ◀l’▶on vient de survoler, et qui est en fait celui ◀de▶ ◀la▶ préhistoire du CERN. Car ◀l’▶histoire scientifique ◀de▶ ◀l’▶organisme s’est déroulée dès 1951 en toute indépendance du CEC, bien que sur ◀la▶ lancée ◀de▶ son initiative.
Itinéraire ◀d’▶une idée (I) : Premières lueurs dans ◀l’▶œil ◀d’▶un physicien, puis ◀d’▶un ingénieur
Colloque du XXe anniversaire du CEC : extraits du Rapport général présenté par D. de Rougemont (d’après un enregistrement)
Dans ◀les▶ années 1945 à 1949, il n’était vraiment nul besoin ◀d’▶être un physicien diplômé pour concevoir ◀l’▶importance et ◀la▶ nouveauté des recherches nucléaires : il venait de se passer, au Japon, certaines choses qui avaient alerté ◀la▶ Terre entière.
À Princeton (New Jersey), où j’habitais encore en mars 1947, j’avais eu ◀le▶ bonheur ◀de▶ passer une longue soirée avec Einstein. Celui-ci, ayant lu ◀les▶ Lettres sur ◀la▶ bombe atomique que je venais de publier en anglais1, m’avait invité par téléphone à venir ◀le▶ voir ◀le▶ soir même « puisque nous sommes voisins, comme je ◀l’▶apprends par votre livre ».2 Et dès cette conversation, où nous avions beaucoup parlé ◀de▶ ◀la▶ situation ◀de▶ ◀l’▶Europe, j’avais compris qu’il fallait absolument lier ◀les▶ idées ◀d’▶union européenne et ◀de▶ maîtrise ◀de▶ ◀l’▶énergie nucléaire : deux choses à ce moment-là aussi frappantes par leur nouveauté que par leur mutuelle utilité.
◀De▶ là ◀les▶ entretiens que j’eus dès mon retour définitif en Europe avec ◀l’▶ancien ministre Raoul Dautry, alors administrateur général du Commissariat à ◀l’▶énergie atomique. Je passai ◀de▶ longues heures dans son bureau ◀de▶ Paris. Un jour, comme je prenais congé, il me dit en riant : « Savez-vous que tous nos entretiens précédents ont été enregistrés ? Je me doutais ◀de▶ quelque chose. J’ai fait des heures supplémentaires pour des recherches dans cette pièce, et j’ai trouvé là, sous mon bureau, un micro ◀d’▶un modèle inédit, sensationnel. J’ai tout de suite su lequel ◀de▶ mes collègues était capable ◀de▶ ◀l’▶avoir inventé. Et pour me venger, j’ai pris ◀le▶ brevet ! »
Raoul Dautry était probablement ◀le▶ seul homme en Europe si clairement désigné par ses dons ◀d’▶humaniste, sa carrière ◀d’▶ingénieur et son rôle politique, pour lancer un projet qui apparaissait alors plus voisin ◀de▶ ◀la▶ science-fiction que du réalisme, seul honoré par ◀la▶ fonction publique. Il coïncidait étroitement avec ◀l’▶exposé des problèmes que je lui avais soumis en vue de ◀la▶ réunion ◀d’▶une Conférence européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, que ◀le▶ Mouvement européen avait chargé son Bureau ◀d’▶études ◀de▶ Genève ◀d’▶organiser, et qui devait se tenir à Lausanne du 8 au 12 décembre 1949. Il allait apporter à nos travaux une contribution décisive, à partir du message ◀de▶ Louis de Broglie, dont il donna lecture à ◀la▶ séance inaugurale du congrès.
Message ◀de▶ Louis de Broglie (extraits)
[…] Chaque pays s’efforce ◀de▶ son mieux à organiser son travail scientifique par ◀l’▶extension et ◀la▶ coordination des enseignements, par ◀le▶ développement des laboratoires et des centres ◀de▶ recherches. Mais, à ◀l’▶heure actuelle, une telle organisation dans ◀les▶ cadres nationaux ne peut plus suffire. […]
Un mouvement général créé par des raisons ◀de▶ convulsions internationales porte aujourd’hui certaines nations à se grouper et à mettre au moins en partie en commun, à l’intérieur de chaque territoire, leurs intérêts et leurs efforts.
Ce n’est pas seulement sur le plan économique ou politique que ces mouvements paraissent souhaitables ou même nécessaires ; c’est aussi sur le plan intellectuel, et particulièrement sur le plan scientifique.
À ◀l’▶heure où, justement, on parle ◀de▶ ◀l’▶union des peuples ◀de▶ ◀l’▶Europe, ◀la▶ question se pose donc ◀de▶ développer cette nouvelle unité internationale, un laboratoire ou institution où il serait possible ◀de▶ travailler scientifiquement, en quelque sorte en dehors et au-dessus du cadre des différentes nations participantes. Résultat ◀de▶ ◀la▶ coopération ◀d’▶un grand nombre ◀d’▶États européens, cet organisme pourrait être doté ◀de▶ ressources plus importantes que celles dont disposent ◀les▶ laboratoires nationaux et pourrait, par ◀la▶ suite, entreprendre des tâches qui, par leur ampleur et leur coût, restent interdites à ceux-ci. Il servirait à coordonner ◀les▶ recherches et ◀les▶ résultats obtenus, à comparer ◀les▶ méthodes, à adopter et à réaliser des programmes ◀de▶ travail, avec ◀la▶ collaboration des savants des diverses nations. […]
◀L’▶état actuel du monde ne permet pas encore ◀de▶ réaliser à ◀l’▶échelle terrestre ◀de▶ tels centres ◀de▶ recherches, mais il serait certainement très utile ◀de▶ chercher à en établir dans ◀le▶ cadre plus restreint ◀d’▶une fédération européenne. […]
Resserrant ◀les▶ liens entre ◀les▶ hommes ◀de▶ science des différents pays, centralisant ◀les▶ ressources, assurant ◀la▶ coopération des moyens matériels et des ressources intellectuelles, devant absolument réaliser une circulation plus aisée des études, publications, informations, ◀la▶ création ◀de▶ ce centre ◀de▶ recherche symbolisera ◀la▶ mise en commun dans ◀le▶ domaine intellectuel ◀d’▶une partie des énergies ◀de▶ ◀l’▶Europe contemporaine. Cette convergence des efforts est plus facile à réaliser sur ce plan que sur d’autres, parce que ◀les▶ intérêts matériels ou nationaux y jouent un moindre rôle, et offre un exemple ◀de▶ ce qu’il faudrait, peu à peu, réaliser dans d’autres domaines. ◀Le▶ caractère universel et très souvent désintéressé ◀de▶ ◀la▶ recherche scientifique semble ◀l’▶avoir prédestinée à travailler dans une mutuelle et fructueuse collaboration.
Aussi, cette forme ◀de▶ coopération doit-elle être un des objectifs ◀les▶ plus immédiats ◀de▶ ceux qui endossent ◀la▶ tâche ◀de▶ rapprocher ◀les▶ peuples européens et ◀de▶ faire collaborer ◀les▶ valeurs diverses au progrès ◀de▶ ◀la▶ civilisation.
◀Les▶ principes généraux formulés par ◀le▶ prince de Broglie allaient recevoir du fait ◀de▶ Raoul Dautry des illustrations opérationnelles et qui se révélèrent décisives.
Extraits du discours ◀de▶ Raoul Dautry
Puisque M. de Broglie a fait appel à ◀la▶ collaboration ◀d’▶éventuels ingénieurs, souffrez qu’un ◀d’▶eux, comme tous professionnellement attiré vers ◀l’▶action et ◀la▶ réalisation, réponde au désir que ◀le▶ créateur ◀de▶ ◀la▶ mécanique ondulatoire a exprimé dans ◀le▶ beau message que je viens de vous lire et au pressant appel que M. Paul-Henri Spaak vient de nous adresser.
« Soyez audacieux et clairs dans ◀l’▶examen ◀de▶ vos objectifs », nous a-t-il dit. Soyez pratiques.
Je m’efforcerai ◀de▶ ◀le▶ satisfaire en présentant demain à ◀la▶ Commission des institutions une résolution qui me paraît propre à retenir ◀l’▶attention du Conseil de l’Europe et ◀de▶ ◀l’▶ensemble des Européens.
Anticipant sur ◀les▶ travaux ◀de▶ cette Commission, mon intention est ◀de▶ dire ici, dans ce pays ◀d’▶ingénieurs éminents, tous traditionnellement penchés vers ◀le▶ progrès matériel, base si nous ◀le▶ voulons du progrès moral, dans ◀les▶ domaines techniques ◀les▶ plus divers, qu’il est temps ◀de▶ réaliser une institution européenne dans ◀le▶ domaine ◀de▶ ◀l’▶énergétique. Je veux dire pour être plus précis dans celui ◀de▶ ◀l’▶infiniment grand, source ◀de▶ ◀l’▶énergie cosmique, et dans celui ◀de▶ ◀l’▶infiniment petit, source ◀de▶ ◀l’▶énergie atomique. […]
Quant aux études sur ◀l’▶énergie atomique, sur son emploi et ses applications, je n’ai pas besoin ◀de▶ rappeler ce que ◀les▶ écoles britannique, allemande, italienne, danoise, suisse, hollandaise, française et autres ont fait pendant quarante ans. Si maintenant ◀l’▶éclat ◀de▶ leurs travaux paraît moindre qu’autrefois, à quoi est-ce dû ? Ce n’est évidemment pas au manque ◀de▶ grands savants, au manque ◀de▶ matières premières, au manque ◀de▶ moyens mécaniques ou autres, car ◀l’▶Europe en est riche, c’est au manque ◀de▶ moyens financiers. ◀L’▶Europe, nous ◀le▶ savons que trop, est ruinée. […]
Ce que chaque nation européenne est incapable ◀de▶ faire, ◀l’▶Europe unie peut ◀le▶ faire et je n’en doute pas, ◀le▶ ferait brillamment.
Il faut qu’elle s’y décide. Un jour, peut-être avant vingt ans, ◀la▶ vie matérielle ◀de▶ ◀l’▶Europe ne sera plus assurée par des millions ◀de▶ tonnes ◀de▶ charbon mais par quelques tonnes ◀d’▶uranium. Ce jour-là ◀la▶ physionomie ◀de▶ ◀l’▶économie mondiale sera changée et si ◀les▶ industries européennes se trouvaient condamnées au seul emploi des sources énergétiques actuelles, elles n’auraient plus qu’à fermer leurs portes.
Gouvernements, savants et techniciens doivent donc dès maintenant se préparer à faire face aux besoins ◀de▶ demain. Pour que ceux ◀d’▶aujourd’hui et ceux ◀de▶ demain puissent être à ◀la▶ hauteur ◀de▶ leurs tâches, il faut que ◀l’▶Europe leur en donne dès aujourd’hui ◀les▶ moyens.
Est-ce possible ? Je ◀le▶ crois.
Est-ce difficile ? Certainement.
Mais quand une chose est difficile, ne faut-il pas ◀la▶ faire sur ◀l’▶heure, et quand elle est impossible, ne faut-il pas ◀l’▶entreprendre dans ◀la▶ minute ?
Enfin, ◀le▶ Rapport général présenté à ◀la▶ séance inaugurale ◀de▶ ◀la▶ Conférence par son auteur, D. de Rougemont, orientait ◀les▶ débats vers des objets précis dans ◀le▶ domaine des recherches scientifiques.
Extraits du Rapport général
[…] Nationalisation ◀de▶ ◀la▶ recherche scientifique. ◀La▶ situation des physiciens mérite une mention particulière. Nous nous bornerons à citer à ce sujet deux extraits ◀d’▶un article ◀de▶ M. Jean Thibaud, directeur ◀de▶ ◀l’▶Institut français ◀de▶ physique atomique. « Dans ◀le▶ domaine ◀de▶ ◀la▶ physique, écrit-il, des résultats ◀d’▶une incroyable portée intellectuelle sont actuellement maintenus secrets et ne donnent pas lieu, comme avant ◀la▶ guerre, à des communications ◀de▶ portée internationale. Il y a loin de ◀la▶ situation présente à celle ◀d’▶il y a dix ans, où certaines découvertes étaient annoncées par télégramme dans des périodiques à diffusion mondiale… »
◀L’▶État fait peser sur ◀les▶ recherches ◀de▶ ◀la▶ physique nucléaire un lourd contrôle et « des suspicions quasi policières », qui tendent à subordonner entièrement ◀le▶ savant à des exigences politiques et militaires. Élargissant ◀le▶ problème, M. Thibaud constate que « dans un État moderne, non anarchique, où existe une ligne ◀de▶ conduite officielle dans ◀la▶ conduite des affaires extérieures comme intérieures, ◀l’▶homme ◀de▶ science comme ◀l’▶artiste, comme ◀le▶ littérateur, représente, pour ◀le▶ gouvernement, ◀l’▶insécurité idéologique et, en soi, une tendance libertaire ; il encourt donc, à priori, ◀la▶ suspicion du régime qui s’en remet à lui pour lui assurer une avance technique sur ses rivaux. Seuls des hommes ◀de▶ science politiquement « engagés » — et engagés dans ◀la▶ ligne que souhaite ◀le▶ régime — pourraient être assurés ◀de▶ ◀la▶ confiance ◀de▶ ce dernier. » […]
Résolutions à étudier. Nous recommanderons donc en conclusion, ◀la▶ mise au point et ◀l’▶adoption ◀d’▶un nombre limité ◀de▶ résolutions pratiques, tendant toutes à ◀la▶ suppression pure et simple des obstacles à ◀la▶ libre circulation. […]
Pour ◀la▶ recherche scientifique, entendue au sens ◀le▶ plus large et dans tous ◀les▶ domaines du savoir : établissement ◀de▶ plans ◀de▶ coopération européens (et non pas seulement ◀de▶ relations surveillées et réticentes entre organismes nationaux). Il y aurait lieu ◀de▶ fixer un ordre ◀de▶ priorité. C’est ainsi que ◀les▶ recherches dans ◀le▶ domaine ◀de▶ ◀la▶ physique nucléaire semblent devoir être « européanisées » en premier lieu, notamment parce qu’elles entraînent des frais prohibitifs pour chaque nation prise isolément. […]
Fonds européen pour ◀les▶ recherches scientifiques. Selon ◀les▶ indications données à ◀la▶ fin ◀de▶ la première section ◀de▶ ce rapport (« Résolutions à étudier », paragraphe 4), il y a lieu ◀de▶ recommander ◀d’▶urgence ◀la▶ création ◀d’▶un Fonds européen ◀de▶ ◀la▶ recherche scientifique qui serait contrôlé directement par ◀les▶ organes compétents du Conseil de l’Europe.
Un projet ◀de▶ Centre européen des recherches atomiques, éventuellement lié à ce Fonds, et dont ◀l’▶importance capitale ne saurait échapper à personne, sera soumis à ◀l’▶examen ◀de▶ ◀la▶ Conférence.
Ces deux messages, et ◀la▶ partie du Rapport général consacrée aux sciences, furent discutés à Lausanne par une commission ◀d’▶une quinzaine ◀de▶ membres, parmi lesquels figuraient notamment aux côtés ◀de▶ Raoul Dautry : Max von Laue, prix Nobel ◀de▶ physique, ◀le▶ mathématicien Paul Montel, doyen ◀de▶ ◀la▶ Faculté des sciences ◀de▶ ◀la▶ Sorbonne, André George, principal assistant ◀de▶ Louis de Broglie, ◀le▶ grand biologiste anglais Cyril Darlington, Jean Willems, président du Centre ◀de▶ recherches universitaires belge, ◀le▶ chimiste italien Mario Rollier, ◀le▶ physicien Ferretti, représentant du professeur Amaldi, et ◀le▶ professeur Gustavo Colonnetti, président du Conseil italien ◀de▶ ◀la▶ recherche scientifique.
◀La▶ veille ◀de▶ la première séance — et ceci fera sentir ◀l’▶atmosphère ◀de▶ ◀l’▶époque — j’avais soutenu une très vive discussion avec ◀les▶ dirigeants du Mouvement européen, qui patronnait ◀la▶ Conférence. L’un ◀d’▶eux, radicalement hostile à toute discussion publique des problèmes nucléaires, en vint à me dire : « Vous voulez donc livrer tous nos secrets atomiques aux Russes ? » Parler ◀de▶ recherches atomiques, en ce temps-là, évoquait immédiatement ◀la▶ possibilité ◀de▶ faire sauter ◀la▶ Terre, ou au moins ◀la▶ préparation ◀d’▶une Troisième Guerre mondiale, ◀les▶ grandes manœuvres ◀de▶ ◀l’▶espionnage et des secrets ◀d’▶État… Et ◀de▶ fait, des journalistes qui avaient entendu ◀la▶ lecture du message ◀de▶ Louis de Broglie et ◀le▶ discours ◀de▶ Dautry, harcelaient ◀les▶ membres ◀de▶ ◀la▶ Commission scientifique et devenaient une telle nuisance que je me vis obligé, le deuxième jour, ◀d’▶enfermer nos quinze savants dans une salle du Tribunal fédéral où se tenait ◀la▶ Conférence, et s’ils voulaient sortir, il leur fallait téléphoner au secrétariat…
Lors de ◀la▶ séance finale du 12 décembre 1949, lecture fut donnée ◀d’▶une résolution — que ◀l’▶on va lire — qui est la première formulation délibérée ◀de▶ ce qu’allait devenir ◀le▶ CERN.
Ici nous laisserons ◀la▶ parole à Raoul Dautry. Un an après ◀la▶ conférence ◀de▶ Lausanne, ◀le▶ 7 décembre 1950, il communiquait au CEC ◀l’▶article suivant — destiné au journal ◀L’▶Activité nationale et internationale — dans lequel il expose avec ◀les▶ nuances ◀les▶ plus précises ◀l’▶évolution ◀de▶ ◀l’▶idée, ◀de▶ Lausanne 1949 à ◀la▶ réunion décisive du 12 décembre 1950 au siège du CEC.
Itinéraire ◀d’▶une idée (II) : ◀les▶ cheminements
Vers un fonds européen ◀de▶ ◀la▶ recherche scientifique (article ◀de▶ Raoul Dautry, daté du 7 décembre 1950) :
◀L’▶idée ◀de▶ créer des laboratoires scientifiques européens — et même intercontinentaux — a été soulevée à plusieurs reprises dans ◀les▶ milieux officiels des Nations unies ces dernières années. Notamment, en août 1949, ◀le▶ secrétaire général ◀de▶ ◀l’▶ONU réunissait un congrès des experts scientifiques qui étudièrent ◀la▶ création ◀d’▶organismes dépendants des Nations unies et précisèrent ◀les▶ conditions dans lesquelles pouvait être créé un Institut international ◀de▶ recherches météorologiques en Suède.
C’est à ◀la▶ Conférence européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, tenue à Lausanne des 8 au 12 décembre 1949, sous ◀les▶ auspices du Mouvement européen qu’il semble qu’ait été abordé pour la première fois ◀le▶ problème, dans toute son étendue. Préparée par ◀le▶ Bureau ◀d’▶études pour un Centre européen de la culture (dirigé à Genève par ◀l’▶écrivain Denis de Rougemont assisté ◀de▶ Raymond Silva), présidée par M. Salvador de Madariaga, cette Conférence groupa 170 délégués représentant 22 pays européens. Un important message ◀de▶ M. le Prince de Broglie ouvrit ◀la▶ discussion, après ◀la▶ lecture ◀d’▶un Rapport général préparé par ◀le▶ Bureau ◀d’▶études qui avait souligné, dans son chapitre ◀de▶ ◀la▶ recherche scientifique, ◀le▶ coût sans cesse plus élevé des installations nécessaires et sa disproportion avec ◀les▶ possibilités budgétaires tant nationales que privées. ◀Les▶ débats conduisirent ◀la▶ Commission des institutions européennes à reconnaître qu’en deux domaines ◀de▶ recherches au moins, ◀l’▶Europe réunirait toutes ◀les▶ chances ◀de▶ se retrouver un premier rang :
1° dans celui ◀de▶ ◀l’▶astrophysique, si elle pouvait disposer ◀d’▶un observatoire européen édifié en un lieu présentant ◀d’▶aussi parfaites conditions que ◀le▶ nouvel observatoire français ◀de▶ Saint-Michel de Provence et muni ◀de▶ télescopes et ◀d’▶un équipement ◀d’▶une puissance égale à ceux détenus par ◀les▶ États-Unis ;
2° dans celui ◀de▶ ◀la▶ physique nucléaire, si elle pouvait rassembler ◀les▶ sources ◀de▶ matières premières ◀de▶ Belgique, ◀de▶ Norvège et d’autres pays, aux puissantes industries mécaniques et électriques ◀de▶ Suisse, ◀de▶ Hollande et d’ailleurs et aux Écoles ◀de▶ physique ◀de▶ Grande-Bretagne, ◀de▶ France, du Danemark, ◀d’▶Italie qui disposent chacune ◀de▶ savants ◀de▶ qualité mais en nombre relativement faible.
En conclusion, ◀la▶ résolution générale suivante fut votée dans ◀le▶ corps des résolutions prises par ◀la▶ Conférence :
« ◀La▶ Conférence européenne ◀de▶ ◀la▶ culture
considérant
que ◀la▶ coopération des nations ◀de▶ ◀l’▶Europe pour ◀la▶ recherche dans ◀les▶ sciences ◀de▶ ◀la▶ nature et ◀les▶ sciences humaines exerce une profonde influence sur ◀l’▶union des esprits et ◀le▶ développement ◀de▶ ◀la▶ conscience européenne,
recommande
que ◀les▶ organismes nationaux pour ◀la▶ recherche existant actuellement embrassent ◀l’▶ensemble des sciences ◀de▶ ◀la▶ nature et des sciences humaines et que des organismes semblables soient créés dans ◀les▶ pays où ils n’existent pas encore ;
que, pour assurer ◀l’▶indépendance des savants et ◀l’▶influence ◀de▶ leurs découvertes sur ◀la▶ culture, ces organismes soient dotés ◀d’▶un budget suffisant et jouissent ◀d’▶une gestion autonome ;
que ◀les▶ directeurs ◀de▶ ces institutions se réunissent périodiquement en vue ◀d’▶établir entre eux une collaboration constante ;
considérant, d’autre part,
que certaines recherches scientifiques exigent des moyens ◀d’▶action qui dépassent ◀les▶ possibilités nationales et exigent une collaboration européenne,
recommande
◀la▶ création ◀d’▶instituts européens spécialisés en liaison étroite avec ◀les▶ organismes nationaux correspondants et avec ceux ◀de▶ ◀l’▶Unesco.
Comme application caractéristique des principes énoncés dans ◀la▶ présente résolution, ◀la▶ Commission propose ◀de▶ mettre à ◀l’▶étude ◀la▶ création ◀d’▶un Institut ◀de▶ science nucléaire orienté vers ◀les▶ applications à ◀la▶ vie courante. »
◀L’▶opinion publique est donc saisie, depuis décembre 1949. Comment depuis a-t-elle agi sur ◀les▶ milieux officiels des Nations unies et des différents pays ? Des contacts avec ◀l’▶Unesco (qui est toute désignée pour appuyer ◀de▶ son autorité et ◀de▶ ses moyens une résolution ◀de▶ cette importance), furent établis grâce à M. Pierre Auger, directeur ◀de▶ ◀la▶ section des sciences naturelles et exactes. ◀Le▶ résultat en fut, ◀le▶ 7 juin dernier à Florence, ◀l’▶important projet ◀de▶ résolution, présenté par ◀le▶ professeur Rabi, prix Nobel ◀de▶ physique, au nom de ◀la▶ délégation américaine, devant ◀la▶ Commission du programme et du budget ◀de▶ ◀la▶ Conférence générale ◀de▶ ◀l’▶Unesco qui autorise son directeur général « à aider et à encourager ◀la▶ formation et ◀l’▶organisation ◀de▶ centres régionaux ◀de▶ recherches et ◀de▶ laboratoires, en vue ◀d’▶accroître et ◀de▶ rendre plus efficace ◀la▶ collaboration internationale des savants dans des domaines où ◀l’▶effort ◀d’▶une nation seule ne saurait suffire ». ◀La▶ Commission, en approuvant cette résolution, précisa qu’il appartenait à ◀l’▶Unesco ◀d’▶étudier ◀le▶ coût et ◀l’▶emplacement ◀de▶ ces centres, ◀d’▶apporter son aide dans ◀l’▶établissement ◀de▶ leurs programmes et décida ◀de▶ fournir une somme supplémentaire ◀de▶ 25 000 dollars aux centres déjà existants. Parmi ◀les▶ centres prévus, ◀l’▶Unesco a particulièrement souligné ◀l’▶intérêt ◀de▶ ◀la▶ création, en Europe occidentale, ◀d’▶un « Centre ◀de▶ recherche pour ◀l’▶accroissement des connaissances nouvelles en physique et dans d’autres sciences » et a retenu ◀le▶ nom ◀de▶ M. Pierre Auger comme son organisateur éventuel.
Ensuite, ◀le▶ 19 août dernier, ◀le▶ Conseil économique et social des Nations unies, à Lake Success, a consacré une longue discussion à ◀l’▶institution ◀de▶ laboratoires ◀de▶ recherches scientifiques. Une résolution présentée par ◀la▶ France et ◀le▶ Danemark a préconisé ◀la▶ réunion ◀d’▶une conférence ◀de▶ savants pour formuler des observations et notamment établir un ordre ◀de▶ priorité dans ◀la▶ création ◀de▶ ces laboratoires internationaux.
Enfin, M. Torrès-Bodet, directeur général ◀de▶ ◀l’▶Unesco vient ◀d’▶appuyer ◀de▶ son autorité personnelle ce projet ◀de▶ « création ◀d’▶instituts et ◀de▶ laboratoires fonctionnant à ◀l’▶échelle mondiale » en ◀le▶ préconisant à ◀la▶ séance ◀d’▶ouverture, à Nice, ◀le▶ 5 décembre dernier, ◀de▶ ◀la▶ Conférence internationale des universités où se sont réunis ◀les▶ recteurs et professeurs ◀de▶ 53 nations.
On ◀le▶ voit, ◀l’▶idée avancée en décembre 1949 a gagné en profondeur, a touché ◀de▶ larges milieux, s’est précisée — mais il appartient à ses promoteurs ◀de▶ ◀la▶ promouvoir au rang ◀d’▶une institution régulière et vivante.
C’est pourquoi, après une première séance du 7 octobre dernier où il a affirmé ◀la▶ nécessité ◀d’▶agir et ◀d’▶aller vite, ◀le▶ Conseil supérieur du Centre européen de la culture qui siège en ce moment à Genève, a mis de nouveau ◀la▶ question à son ordre du jour et a invité M. Pierre Auger et d’autres éminentes personnalités scientifiques à prendre part à ses discussions.
Puisque ◀la▶ recherche scientifique a cessé, dans certains domaines — en ◀l’▶absence ◀d’▶équipements et ◀d’▶outillages suffisants — ◀d’▶être possible pour ◀les▶ nations ◀d’▶Europe prises isolément, il faut donc nous hâter ◀d’▶« européaniser » nos moyens, nos outillages et nos plans, si nous ne voulons pas condamner nos savants à ◀l’▶inefficacité et, peut-être, ◀les▶ conduire à quitter ◀l’▶Europe.
R. DAUTRY
Vice-président du conseil ◀de▶ direction du Centre européen de la culture
Itinéraire ◀d’▶une idée (III) : ◀l’▶Acte créateur
◀Les▶ erreurs si fréquentes sur ◀l’▶origine du CERN s’expliquent par ◀le▶ fait qu’on ignore très généralement ◀la▶ réunion du 12 décembre 1950 au Centre européen de la culture.
◀L’▶institution venait ◀d’▶être inaugurée au mois ◀d’▶octobre, elle était encore inconnue du grand public, riche ◀de▶ projets mais pauvrement dotée par ◀le▶ Mouvement européen et quatre ou cinq seulement des quatorze États membres, en ce temps-là, du Conseil de l’Europe.
Il apparaît donc opportun ◀de▶ reproduire ici in extenso ◀les▶ deux documents-témoins ◀de▶ ◀la▶ conception du CERN.
◀La▶ réunion du 12 décembre 1950 au CEC : Résolution
◀La▶ Commission ◀de▶ coopération scientifique du Centre européen de la culture (patronné par ◀l’▶Assemblée consultative européenne)
réunie ◀le▶ 12 décembre, à Genève, au Centre européen de la culture,
vu ◀la▶ résolution ◀de▶ ◀la▶ Conférence européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, à Lausanne, en décembre 1949, sur ◀la▶ coordination des recherches scientifiques,
vu ◀la▶ résolution n° 2.21 ◀de▶ ◀la▶ Conférence générale ◀de▶ ◀l’▶Unesco, à Florence, en juin 1950,
vu ◀la▶ résolution du Conseil économique et social des Nations unies adoptée à Genève, ◀le▶ 14 août 1950,
recommande :
a) ◀la▶ création, conformément aux vœux ◀de▶ ◀l’▶Unesco et du Centre européen de la culture, et en relation avec leurs secrétariats, ◀d’▶un laboratoire européen ◀de▶ physique nucléaire, centré sur ◀la▶ construction ◀d’▶un grand instrument ◀d’▶accélération des particules élémentaires.
◀La▶ puissance ◀de▶ cet instrument devra être supérieure à celle prévue pour ◀les▶ appareils actuellement en construction.
b) ◀la▶ constitution ◀d’▶un fonds européen pour ◀la▶ construction et ◀le▶ fonctionnement ◀de▶ ce laboratoire. Ce fonds serait alimenté annuellement par ◀les▶ cotisations des États fondateurs, selon un barème établi sur ◀la▶ formule d’après laquelle sont calculées ◀les▶ cotisations nationales aux Nations unies, ◀le▶ total annuel ◀de▶ ces cotisations pouvant être évalué à 5 millions ◀de▶ dollars pendant ◀les▶ cinq premières années.
c) ◀le▶ choix ◀d’▶un emplacement qui satisfasse divers critères tels que :
1. proximité ◀d’▶un Centre important ◀de▶ recherches et ◀d’▶enseignement ;
2. ravitaillement facile en main-d’œuvre spécialisée et proximité ◀de▶ sources ◀d’▶énergie ;
3. commodité ◀d’▶accès pour ◀les▶ pays fondateurs ;
4. facilité ◀d’▶accorder à cet emplacement un statut ◀d’▶exterritorialité.
d) ◀l’▶exécution ◀de▶ ce projet selon ◀les▶ étapes suivantes :
— 1951. Études préparatoires par un Bureau ◀d’▶études ;
— 1952-1955. Construction du grand appareil ;
— 1953. Mise en place ◀de▶ ◀l’▶équipement auxiliaire.
e) ◀la▶ création immédiate, à Paris, en relation avec ◀l’▶Unesco, ◀d’▶un Bureau ◀d’▶études chargé ◀de▶ préparer ◀les▶ plans ◀de▶ construction, ◀le▶ futur programme ◀de▶ travail et ◀l’▶organisation technique et administrative du Laboratoire ;
f) ◀la▶ création dès à présent ◀d’▶un Centre ◀de▶ formation ◀de▶ physiciens théoriciens, destinés à constituer ◀la▶ section théorique indispensable au Laboratoire.
Compte rendu analytique ◀de▶ ◀la▶ réunion du 12 décembre 1950
1. ◀La▶ résolution ci-jointe a été adoptée à ◀l’▶unanimité ◀le▶ 12 décembre 1950, à Genève, au Centre européen de la culture, par ◀la▶ Commission ◀de▶ coopération scientifique du Centre, groupant ◀les▶ personnalités suivantes :
Étaient présents :
MM. D. de Rougemont, directeur du Centre européen de la culture, président ◀de▶ séance3 ; P. Auger (France), directeur du Département des sciences exactes et naturelles ◀de▶ ◀l’▶Unesco ; Paul Capron (Belgique), vice-président ◀de▶ ◀la▶ Commission scientifique ◀de▶ ◀l’▶Institut interuniversitaire ◀de▶ physique nucléaire ; Bruno Ferretti (Italie), professeur à ◀l’▶Université ◀de▶ Rome, membre du Centro di Studi per ◀la▶ Fisica nucleare ; H. A. Kramers (Pays-Bas), président ◀de▶ ◀l’▶Union internationale ◀de▶ physique ; P. Preiswerk (Suisse), professeur à ◀l’▶École polytechnique fédérale à Zurich ; Gunnar Randers (Norvège), Institutt for Atomenergi ; Mario Rollier (Italie), professeur au Politecnico de Milan, Istituto di Chimica generale e analitica ; J. Verhaeghe (Belgique), président ◀de▶ ◀la▶ Commission scientifique ◀de▶ ◀l’▶Institut interuniversitaire ◀de▶ physique nucléaire.
S’étaient excusés ou fait représenter :
MM. E. Amaldi (Italie), Centro di Studi per ◀la▶ Fisica nucleare (représenté par M. Ferretti) ; comte Alessandro Casati (Italie), président ◀de▶ ◀la▶ commission culturelle et scientifique ◀de▶ ◀l’▶Assemblée consultative européenne ; Gustavo Colonnetti (Italie), président du Consiglio Nazionale delle Ricerche ; Raoul Dautry (France), administrateur général du Commissariat à ◀l’▶énergie atomique ; André George (France), du Commissariat à ◀l’▶énergie atomique ; Max von Laue (Allemagne), prix Nobel ◀de▶ physique, professeur ◀de▶ physique théorique à ◀l’▶Université ◀de▶ Goettingen ; C. Manneback (Belgique), professeur ◀de▶ physique théorique à ◀l’▶Université ◀de▶ Louvain ; P. Scherrer (Suisse), professeur à ◀l’▶Institut ◀de▶ physique ◀de▶ ◀l’▶École polytechnique fédérale à Zurich ; Manne Siegbahn (Suède), ◀de▶ ◀l’▶Institut Nobel ◀de▶ physique à Stockholm ; Ivar Waller (Suède), professeur à ◀l’▶Université ◀d’▶Upsala ; Jean Willems (Belgique), directeur du Fonds national ◀de▶ ◀la▶ recherche scientifique.
2. ◀Les▶ objections parfois formulées contre ◀la▶ construction ◀d’▶un laboratoire européen ◀de▶ physique nucléaire (ainsi certains délégués à ◀la▶ conférence ◀de▶ Lausanne craignaient une opposition américaine entraînant ◀les▶ réticences ◀de▶ gouvernements européens) ont été explicitement annulées par ◀la▶ résolution présentée par un délégué américain, ◀le▶ prof. Rabi, prix Nobel ◀de▶ physique, à ◀la▶ Conférence générale ◀de▶ ◀l’▶Unesco, à Florence, et votée ◀le▶ 16 juin 1950, entraînant ◀l’▶adhésion ◀de▶ principe des gouvernements membres ◀de▶ ◀l’▶Unesco.
Cette résolution précise que :
« ◀le▶ directeur général (◀de▶ ◀l’▶Unesco) est autorisé à :
faciliter et encourager ◀la▶ création et ◀l’▶organisation ◀de▶ laboratoires et centres ◀de▶ recherche régionaux, afin qu’une collaboration plus étroite et plus fructueuse s’établisse entre ◀les▶ hommes ◀de▶ science ◀de▶ différents pays qui s’efforcent ◀d’▶accroître ◀la▶ somme des connaissances humaines dans ◀les▶ domaines où ◀les▶ efforts déployés isolément par l’un quelconque des États ◀de▶ ◀la▶ région intéressée ne sauraient permettre ◀d’▶y parvenir. ◀L’▶Unesco devra déterminer dans quelle mesure ◀la▶ création ◀de▶ tels centres ◀de▶ recherches régionaux est possible et nécessaire, effectuer des enquêtes préliminaires sur leur fonctionnement et leur installation et aider à élaborer leurs programmes ◀de▶ travail ; mais elle ne prélèvera pas ◀de▶ fonds sur son budget régulier pour participer aux frais ◀de▶ construction ou ◀d’▶entretien. »
À cette conférence ◀de▶ Florence, ◀le▶ prof. Rabi avait précisé oralement qu’il envisageait notamment en Europe occidentale, ◀la▶ création ◀d’▶un Laboratoire ◀de▶ physique nucléaire pour ◀l’▶étude des particules ◀de▶ haute énergie.
Néanmoins, si ◀l’▶Unesco avait voulu exécuter seule cette résolution, elle aurait eu des difficultés à :
a) définir ◀la▶ région, c’est-à-dire, établir une liste des pays participants ;
b) faire comprendre à certains ◀de▶ ses membres extraeuropéens qu’ils bénéficieraient indirectement des résultats obtenus au Laboratoire ;
c) établir un budget.
M. Auger précise qu’il assiste à ◀la▶ réunion ◀de▶ ◀la▶ Commission comme représentant officiel du directeur général ◀de▶ ◀l’▶Unesco M. Torrès-Bodet, qui ◀l’▶a prié :
1. ◀d’▶obtenir des conseils ◀de▶ ◀la▶ Commission ;
2. ◀d’▶aboutir à un programme précis ◀de▶ coopération entre ◀l’▶Unesco et ◀le▶ Centre européen de la culture sur cette question.
3. (paragraphe a) ◀de▶ ◀la▶ résolution)
Pour ◀le▶ programme du Laboratoire, M. Auger signale qu’à une récente réunion ◀de▶ physiciens à Oxford, deux tendances se sont manifestées :
1. ne pas trop limiter au début ◀le▶ domaine des recherches ;
2. comme ◀le▶ proposait M. Niels Bohr, commencer par créer un grand instrument ◀d’▶accélération ◀de▶ particules (◀d’▶un milliard ◀de▶ volts) et se grouper autour.
Selon ◀la▶ commission, un bévatron qui serait construit en Europe avec une puissance inférieure à celle ◀de▶ ◀l’▶appareil américain n’aurait pas ◀d’▶intérêt scientifique. Un des savants participants précise, non sans humour, que ◀l’▶on devrait envisager ◀la▶ construction en Europe ◀d’▶un cosmotron « ◀de▶ puissance légèrement supérieure » à celle ◀de▶ ◀l’▶instrument américain actuellement prévu.
◀La▶ durée ◀de▶ construction ◀de▶ ◀l’▶appareil est évaluée à trois ans. Ce travail devrait donc être entrepris ◀le▶ plus rapidement possible (dès 1951).
4. (paragraphe b) ◀de▶ ◀la▶ résolution)
M. Ferretti signale que ◀le▶ projet américain ◀de▶ Brookhaven prévoit, pour ◀la▶ construction ◀d’▶un cosmotron, ◀de▶ ses instruments auxiliaires (trois machines ordinaires) et ◀de▶ son outillage ◀d’▶utilisation, une dépense ◀de▶ 10 millions ◀de▶ dollars par an pendant cinq ans.
M. Randers estime que ◀les▶ frais ◀de▶ construction en Europe pourront ne pas dépasser un quart des frais prévus aux États-Unis.
Les premiers calculs ont fait apparaître que ◀les▶ cotisations nationales prévues (établies selon un coefficient calculé en multipliant ◀le▶ chiffre ◀de▶ population par ◀le▶ revenu national moyen par habitant) entraîneraient pour chaque nation des charges annuelles très supportables.
À titre ◀d’▶exemple, et sans engager ◀le▶ gouvernement français, M. Auger précise qu’une dépense annuelle ◀de▶ 2 millions ◀de▶ dollars (soit 20 pour cent des besoins pour ◀les▶ cinq premières années) aurait probablement paru acceptable à ◀la▶ France, qui avait basé ses premiers calculs sur des estimations plus élevées.
En outre, M. Capron, rappelant que ◀les▶ grandes compagnies industrielles privées savent parfaitement qu’elles doivent leur puissance commerciale à leurs bureaux ◀d’▶études, fait observer qu’il serait dès à présent possible ◀de▶ s’adresser à ◀de▶ grandes compagnies privées belges, suisses, etc., pour obtenir pour ◀le▶ Laboratoire une première mise ◀de▶ fonds, sans attendre ◀les▶ contributions gouvernementales pour amorcer ◀le▶ travail.
En fin de compte, ◀la▶ somme globale annuelle ◀de▶ 5 millions ◀de▶ dollars a été établie en tenant compte des dernières estimations disponibles.
5. (paragraphe c) ◀de▶ ◀la▶ résolution)
En discutant ◀le▶ choix ◀d’▶un emplacement, ◀la▶ Commission a été d’accord pour insister particulièrement sur :
a) ◀la▶ présence dans ◀la▶ région avoisinante ◀d’▶une main-d’œuvre ◀de▶ haute qualité technique, en précisant qu’il s’agissait ◀d’▶ouvriers ◀de▶ travail fin et non pas ◀d’▶un large ravitaillement en main-d’œuvre lourde ;
b) ◀la▶ proximité ◀d’▶une ville importante exerçant une certaine attraction, par ses agréments propres, sa situation géographique en Europe, ou son climat. M. Auger rappelle à ce propos ◀les▶ difficultés qu’ont eues ◀les▶ Canadiens à attirer du personnel ◀de▶ qualité dans leur station ◀de▶ physique nucléaire ◀de▶ Chalk River, très bien équipée, mais très éloignée ◀de▶ toute agglomération importante. Par contre, ◀la▶ Commission a estimé qu’en raison des inconvénients politiques que pouvait comporter ◀le▶ voisinage ◀d’▶une grande capitale nationale, un emplacement à proximité ◀de▶ Paris n’était pas à inclure dans ses suggestions.
c) ◀la▶ proximité ◀d’▶une frontière. Un tel emplacement faciliterait ◀l’▶octroi, par ◀les▶ gouvernements du Conseil de l’Europe, ◀d’▶un statut ◀d’▶exterritorialité. Il a été précisé qu’un emplacement en bordure ◀de▶ ◀la▶ mer comporterait ◀les▶ mêmes avantages, puisque pouvant bénéficier ◀d’▶un statut analogue à celui ◀d’▶un port franc ;
d) ◀le▶ problème ◀de▶ ◀la▶ langue : puisque dans un tel Laboratoire, en moyenne, pour un travailleur qualifié, il faudra deux techniciens, et que ces techniciens seront ◀de▶ diverses origines nationales, il est souhaitable que ◀les▶ ouvriers parlent une langue européenne ◀de▶ grande diffusion et non pas un patois ;
e) ◀la▶ nécessité ◀de▶ trouver un terrain permettant ultérieurement ◀d’▶accroître ◀la▶ superficie du Laboratoire.4
6. (paragraphe d) ◀de▶ ◀la▶ résolution)
Il est estimé que ◀le▶ Laboratoire permettra ◀de▶ premières recherches environ deux ans après que ◀l’▶on aura commencé ◀la▶ construction du grand appareil.
Pour ◀l’▶équipement en appareils secondaires, par exemple en cyclotrons, M. Auger mentionne que ◀l’▶Angleterre pourrait être disposée à céder au Laboratoire ◀le▶ cyclotron ◀de▶ Liverpool ou celui ◀de▶ Birmingham, instruments qu’elle n’arrive pas actuellement à employer à plein rendement, faute ◀d’▶un personnel suffisant ◀de▶ direction des expériences.
7. Concernant ◀le▶ développement parallèle ◀de▶ ◀la▶ connaissance et des techniques appliquées, ◀les▶ problèmes qu’implique ◀la▶ décision ◀de▶ centrer sur cet instrument ◀le▶ Laboratoire envisagé ont été évoqués par ◀la▶ Commission.
M. Kramers a exprimé ◀la▶ crainte que :
— ◀de▶ petits pays se trouvent privés ◀de▶ leur meilleur personnel scientifique pour ◀la▶ création du Laboratoire ;
— qu’un tel Laboratoire soit moins utile pour ◀la▶ jeunesse scientifique européenne que ne ◀le▶ serait un centre européen ◀d’▶enseignement.
M. Rollier par contre estime que, en envoyant certains ◀de▶ leurs chercheurs au Laboratoire envisagé, non seulement ◀les▶ pays participants ne ◀les▶ perdront pas, mais ils en tireront un profit scientifique accru, alors qu’en ◀les▶ gardant chez eux ils risqueraient ◀de▶ laisser leurs talents inemployés.
En résumé, ◀la▶ Commission constate que :
Il est patent qu’en ce moment, faute ◀d’▶un outillage scientifique adapté à ◀la▶ recherche moderne, ◀les▶ universités européennes produisent moins ◀de▶ physiciens (surtout théoriciens) qu’elles ne pourraient en produire. Des universités qui pourraient certaines années produire dix physiciens ◀de▶ talent sont obligées ◀de▶ n’encourager que quelques sujets et ◀de▶ laisser d’autres partir vers ◀les▶ industries faute de pouvoir leur offrir un outillage et des débouchés. Ce même manque ◀de▶ moyens oblige ces universités, ou des instituts ◀de▶ ◀la▶ valeur du Polytechnicum de Zurich, à se rabattre en physique expérimentale sur des problèmes secondaires négligés par ◀la▶ recherche américaine.
Dans ces conditions, ◀les▶ jeunes physiciens ◀les▶ plus doués sont attirés par ◀l’▶émigration aux États-Unis d’Amérique, qui actuellement peuvent seuls leur permettre ◀de▶ poursuivre leurs recherches avec ◀les▶ moyens ◀les▶ plus récents. Après un séjour ◀de▶ quelques années aux États-Unis, il est fréquent qu’ils décident ◀de▶ s’y fixer ; ils sont donc perdus pour ◀le▶ développement ◀de▶ ◀la▶ connaissance en Europe, et du même coup dans leur propre pays.
◀Le▶ problème suivant se trouve ainsi posé :
Si ◀l’▶Europe renonçait à se doter ◀d’▶un outillage scientifique suffisant (dont ◀le▶ prix est désormais prohibitif pour des ressources nationales), elle s’exposerait dans ◀l’▶avenir :
— non seulement à tomber dans une dépendance complète à l’égard des États-Unis dans ◀le▶ domaine vital ◀de▶ son équipement énergétique
— mais encore à voir décliner parallèlement ◀la▶ qualité ◀de▶ ses recherches ◀de▶ science pure, puisqu’il est impossible ◀de▶ former des théoriciens qui travailleraient dans une sorte ◀de▶ « vide » intellectuel, et sans être constamment (comme ◀les▶ théoriciens ◀de▶ Princeton) alimentés en problèmes imprévus par ◀les▶ stations ◀d’▶expérimentation et ◀de▶ développement technique.
En d’autres termes, un renoncement ◀de▶ ◀l’▶Europe à se doter ◀de▶ cet outillage scientifique ◀la▶ condamnerait, non seulement à un déclin politique et économique encore accéléré, mais du même coup, à un déclin ◀de▶ toute sa pensée (qui dans tous ◀les▶ domaines subit constamment des corrections ou accélérations qui lui viennent des sciences exactes).
8. (paragraphe e) ◀de▶ ◀la▶ résolution)
◀La▶ Commission a donné mandat à M. Auger ◀de▶ créer sans attendre, en liaison avec M. Dautry, un Bureau ◀d’▶études qui étudiera ◀les▶ plans ◀de▶ construction du Laboratoire et préparera son programme ◀de▶ travail. Il est entendu que ce Bureau (trois ou quatre personnes, plus ◀le▶ personnel ◀de▶ secrétariat) aura un recrutement international. Il est également convenu qu’une ◀de▶ ses premières tâches sera ◀d’▶envoyer un ◀de▶ ses membres en mission à Brookhaven, pour y étudier ◀le▶ projet quinquennal américain ◀de▶ cosmotron (notamment pour ◀les▶ prévisions ◀de▶ prix).
9. M. Auger précise qu’il préparera pour ◀la▶ signature du directeur général ◀de▶ ◀l’▶Unesco une lettre demandant aux gouvernements dont ◀la▶ participation est prévue s’ils seraient prêts à envoyer un délégué à une réunion envisagée pour avril 1951 à ◀l’▶Unesco. Cette réunion, après examen des plans préparés par ◀le▶ Bureau ◀d’▶études, adopterait un projet ◀de▶ construction et ◀de▶ financement du Laboratoire.
◀La▶ Commission, après avoir entendu M. Auger préciser que ◀la▶ Yougoslavie, membre ◀de▶ ◀l’▶Unesco, serait certainement heureuse ◀de▶ pouvoir faire participer ses chercheurs aux travaux envisagés, estime que ◀les▶ invitations pourraient être envoyées aux directions gouvernementales des recherches scientifiques des 14 pays suivants :
Allemagne de l’Ouest — Autriche — Belgique — Danemark — France — Grèce — Italie — Luxembourg — Norvège — Pays-Bas — Royaume-Uni — Suède — Suisse — Yougoslavie.
10. (paragraphe f) ◀de▶ ◀la▶ résolution)
Étant donné ◀la▶ pénurie actuelle en physiciens théoriciens capables ◀de▶ diriger ◀les▶ recherches du Laboratoire, et ◀les▶ délais qu’exige leur formation, il a été reconnu qu’il fallait dès à présent commencer à préparer ◀l’▶équipe ◀de▶ physiciens théoriciens qui équiperont ◀le▶ Laboratoire lorsqu’il sera prêt à fonctionner.
11. ◀La▶ Commission a entendu une jeune mathématicienne française, Mlle Morette, ancienne élève ◀d’▶Oppenheimer à Princeton, qui est en train d’organiser, en France, un cours ◀d’▶été ◀de▶ deux mois où une vingtaine ◀de▶ jeunes physiciens choisis parmi ◀les▶ plus brillants viendraient se mettre au courant des derniers développements ◀de▶ ◀la▶ physique nucléaire sous ◀la▶ direction des maîtres ◀les▶ plus éminents (quatre professeurs complétés par des professeurs visitants). Ces cours orientés dans ◀la▶ direction ◀de▶ recherche qu’ouvre ◀l’▶emploi du cosmotron, porteront notamment sur ◀la▶ mécanique quantique, ◀la▶ théorie quantique des champs et ◀de▶ ◀l’▶action à distance, ainsi que sur ◀les▶ problèmes ◀de▶ haute énergie étudiés dans ◀la▶ station américaine ◀de▶ Berkeley (Californie).
Il est entendu que MM. Dautry et Auger s’emploieront à obtenir ◀les▶ crédits nécessaires pour ◀l’▶organisation ◀de▶ ce cours dès 1951.
12. ◀La▶ Commission se réunira à nouveau, environ la troisième semaine ◀de▶ mars 1951, pour examiner les premiers plans élaborés par ◀le▶ Bureau ◀d’▶études et entendre ◀le▶ directeur ◀de▶ ce Bureau.
Genève, ◀le▶ 18 décembre 1950.
◀Le▶ chef du département des commissions ◀d’▶études, Jean-Paul de Dadelsen
Itinéraire ◀d’▶une idée (IV) : Étapes
Dès ◀l’▶été 1951, ◀le▶ projet est pris en charge par ◀l’▶Unesco, qui ◀le▶ négocie avec 14 gouvernements européens.
Une série ◀de▶ colloques scientifico-diplomatiques étudient ◀le▶ problème du site. Trois candidatures sont longuement mises en balance : Genève (région ◀de▶ Meyrin), Bâle-Mulhouse, et ◀le▶ Danemark.
◀Le▶ site ◀de▶ Meyrin près Genève est finalement adopté : c’est celui que souhaitait ◀la▶ Commission scientifique du CEC.
Si ◀l’▶on se reporte aux cinq critères formulés lors de ◀la▶ réunion du 12 décembre 1950, au CEC, on s’aperçoit — après-coup — qu’ils désignent à ◀l’▶évidence Genève. En effet, si Bâle-Mulhouse satisfait aux critères a, b et c, il se voit exclu par d ; de même que ◀le▶ Danemark se voit exclu par a peut-être, mais assurément par c et d.
◀De▶ fait, au cours de ◀la▶ réunion du 12 décembre 1950, des cartes au l/20 000e ◀de▶ ◀la▶ région ◀de▶ Meyrin (Genève) furent déroulées sur ◀la▶ table ◀de▶ ◀la▶ Commission : deux longs rectangles y étaient dessinés en rouge, l’un en Suisse et l’autre en France, ◀de▶ part et ◀d’▶autre ◀de▶ ◀la▶ route Genève-Saint-Genis. C’est ◀le▶ site qui fut retenu après beaucoup de palabres, et qui a été récemment étendu — côté français — à ◀l’▶occasion ◀de▶ ◀la▶ construction du « Super-CERN ».
Seule, ◀l’▶exterritorialité n’est pas encore réalisée à cette date (printemps 1975).
À ◀l’▶occasion du débat du 6 juillet 1954, à ◀la▶ Chambre française, sur ◀la▶ ratification ◀de▶ ◀la▶ convention pour ◀l’▶établissement du CERN, ◀la▶ question ◀de▶ ◀la▶ paternité ◀de▶ ◀l’▶idée est débattue, et ◀le▶ rôle initial ◀de▶ ◀la▶ conférence ◀de▶ Lausanne en 1949 établi en toute clarté. (Voir ◀l’▶Appendice, p. 40).
◀Le▶ 10 juin 1955, la première pierre du CERN est posée par M. Max Petitpierre, président ◀de▶ ◀la▶ Confédération suisse — qui rappellera dans son discours ◀le▶ rôle joué par ◀la▶ conférence ◀de▶ Lausanne et par ◀le▶ CEC.
◀Le▶ 16 août 1957, ◀le▶ directeur général du CERN, professeur C. J. Bakker, peut annoncer que « ◀le▶ Synchrocyclotron, premier des deux accélérateurs en construction au CERN (Organisation européenne pour ◀la▶ recherche nucléaire) à ◀l’▶usage des savants ◀d’▶Europe, fonctionne maintenant au maximum ◀de▶ son énergie ».
Fin 1959, un communiqué ◀de▶ presse du CERN annonce que ◀le▶ synchrotron à protons « ◀le▶ plus puissant du monde » a été mis en marche et a déjà donné des résultats expérimentaux intéressants.
◀Le▶ 19 février 1971, ◀le▶ Conseil du CERN adopte ◀le▶ programme du Laboratoire II, et dès ◀l’▶automne, ◀la▶ « taupe » se met à creuser un tunnel ◀de▶ 7 km, destiné aux « anneaux ◀de▶ stockage à intersections » (ISR) et vulgairement désigné sous ◀le▶ nom ◀de▶ Super-CERN.
Itinéraire ◀d’▶une idée (V) : un regard en arrière…
Lors du Colloque marquant ◀le▶ XXe anniversaire du CEC — du 11 au 14 octobre 1970 — une séance consacrée à ◀la▶ coopération scientifique au niveau européen donna ◀l’▶occasion à M. Pierre Auger — dont on a vu ◀le▶ rôle décisif dans ◀la▶ création du CERN — ◀de▶ prononcer un discours sur ◀les▶ origines du CERN.
Il ne sera pas sans intérêt pour ◀l’▶historien ◀de▶ rapprocher ◀les▶ souvenirs ◀de▶ P. Auger des documents cités plus haut.
Discours ◀de▶ M. Pierre Auger
◀L’▶entrée dans ◀le▶ monde où nous vivons ◀d’▶un organisme nouveau, qu’il s’agisse ◀d’▶un être vivant ou ◀d’▶une institution, passe par une série ◀de▶ phases qui se commandent ◀les▶ unes ◀les▶ autres.
◀L’▶idée, ◀la▶ conception, ◀la▶ naissance proprement dite, ◀le▶ développement. Et c’est bien ce qui s’est passé dans ◀le▶ cas du CERN, ◀l’▶Organisation européenne ◀de▶ recherches nucléaires, et c’est au cours ◀d’▶une réunion du Centre européen de la culture, ici à Genève ◀le▶ 12 décembre 1950 que s’est produit l’un des événements essentiels ◀de▶ cette chaîne, ◀la▶ conception.
◀L’▶étape précédente, celle ◀de▶ ◀l’▶idée, est plus difficile à préciser : on peut citer ◀la▶ conférence ◀de▶ Lausanne du 9 décembre 1949, au cours de laquelle un message ◀de▶ Louis de Broglie fut présenté par ◀le▶ ministre Raoul Dautry, message qui recommandait ◀d’▶étudier ◀la▶ création possible ◀d’▶un laboratoire ou ◀d’▶un institut où il serait possible ◀d’▶œuvrer pour ◀la▶ science en dehors et au-dessus du cadre des nations participantes. Il faut remarquer ici que seule cette idée initiale était énoncée, et ni ◀le▶ domaine du CERN — même pas ◀la▶ physique nucléaire — ni ◀le▶ caractère européen n’étaient cités.5 Plus anciennement encore, dès ◀l’▶automne 1946, ◀le▶ porte-parole ◀de▶ ◀la▶ délégation française auprès du Conseil économique et social des Nations unies, Henri Laugier, avait proposé ◀la▶ création ◀de▶ laboratoires placés sous ◀la▶ protection ◀de▶ ◀l’▶ONU et financés autant que possible sur ◀le▶ budget ◀de▶ celle-ci. Il justifiait sa proposition par ces mots : « ◀Le▶ travail créateur en commun des chercheurs ◀de▶ nations différentes contribuera grandement à faire naître un esprit international. » Une commission ◀d’▶experts convoquée pour étudier ◀la▶ question demanda aux savants du monde entier s’ils approuvaient cette idée et, dans ◀l’▶affirmative, quelles seraient ◀les▶ tâches auxquelles selon eux ces instituts devraient se consacrer. Finalement, on réunit ainsi un nombre appréciable ◀de▶ projets constructifs, imposants « châteaux en Espagne », des courants ◀les▶ plus divers ◀de▶ ◀la▶ recherche. Il est vrai qu’à ◀l’▶époque, ◀les▶ maîtres ◀d’▶œuvre qui auraient voulu ◀les▶ réaliser restaient introuvables. Une résolution des Nations unies ◀de▶ 1946 décida ◀de▶ lancer une enquête sur ◀la▶ possibilité ◀de▶ créer des laboratoires internationaux, enquête qui a donné lieu à ◀la▶ publication ◀d’▶un très intéressant volume, mais n’aboutit à aucune réalisation concrète. Ces idées, très générales, se sont cependant précisées au cours de divers entretiens entre physiciens — remarquons que ce sont ◀les▶ physiciens et plus spécialement ◀les▶ physiciens nucléaires qui seuls se sont montrés actifs sur ce terrain, à cette époque : Amaldi, Rabi, Kowarski, moi-même, et aussi Berardini, Kramers, Bakker. Rabi était très impressionné par ◀l’▶émigration des physiciens européens vers ◀les▶ États-Unis et pensait à un laboratoire européen pour ◀les▶ retenir ◀de▶ ce côté ◀de▶ ◀l’▶Atlantique. Mais ◀de▶ tels entretiens, si utiles qu’ils aient été, ne pouvaient conduire à des actions concrètes que si un cadre plus officiel était trouvé, permettant ◀d’▶espérer un accès aux pouvoirs publics des pays que ◀l’▶on pouvait intéresser à une telle œuvre.
Et c’est alors qu’est intervenue une phase essentielle et qui a pour cadre ◀l’▶Unesco, lors de sa cinquième assemblée générale, en juin 1950 à Florence. ◀La▶ résolution 2.21, adoptée à ◀la▶ quasi-unanimité, autorisait ◀le▶ directeur général à assister et encourager ◀la▶ formation et ◀l’▶organisation ◀de▶ centres et ◀de▶ laboratoires régionaux ◀de▶ recherche, afin de rendre plus efficace ◀la▶ collaboration des hommes ◀de▶ science dans leur recherche, dans des domaines où ◀l’▶effort ◀d’▶un pays isolé serait insuffisant. Dans ce but, ◀le▶ directeur général est autorisé à étudier ◀les▶ besoins et ◀les▶ possibilités ◀de▶ tels centres régionaux, ◀de▶ procéder à des estimations ◀de▶ leur coût et ◀d’▶examiner leurs sites possibles, ◀d’▶aider dans ◀la▶ formulation ◀de▶ leurs programmes, mais sans prélever ◀de▶ fonds sur son budget régulier pour participer aux frais ◀de▶ construction et ◀d’▶entretien.
En réalité, Rabi avait eu beaucoup de peine à obtenir ◀de▶ ◀la▶ délégation américaine ◀le▶ dépôt ◀de▶ cette résolution ; il avait bataillé toute ◀la▶ nuit, m’a-t-il dit. Et il avait soigneusement utilisé des termes très généraux, ne parlant ni ◀de▶ ◀l’▶Europe ni ◀de▶ physique nucléaire.6 Mais telle quelle, cette résolution suffisait pour lancer ◀le▶ mouvement, et, comme directeur du Département des sciences, j’étais chargé ◀de▶ ◀la▶ mettre en œuvre. Sans argent, ce n’était pas très facile. Ce que j’ai pu faire, les premiers mois, c’était essentiellement ◀de▶ me faire une opinion personnelle sur ◀le▶ sujet ◀d’▶un tel laboratoire, sur ◀la▶ région à choisir — et là ◀l’▶Europe s’imposait — et sur ◀les▶ personnes compétentes à contacter pour vendre ◀l’▶idée — comme disent ◀les▶ Américains — et pour préparer ◀les▶ conseils et groupes ◀de▶ travail qui seraient nécessaires. C’est à ce stade que ◀l’▶intervention du Centre européen de la culture vint apporter une occasion inespérée ◀de▶ porter ◀la▶ discussion devant un groupe ◀de▶ savants ◀de▶ premier ordre afin de préciser ◀le▶ domaine dans lequel devait raisonnablement se situer ◀le▶ laboratoire projeté et recruter des bonnes volontés pour poursuivre ◀l’▶action sur un plan à la fois authentiquement scientifique et international.
◀Le▶ souvenir ◀de▶ ces sessions ◀de▶ décembre 1950, il y a vingt ans, est resté très vif dans ma mémoire. ◀Les▶ physiciens présents, Ferretti, Kramers, Preiswerk, et ceux que ◀l’▶on appelle parfois ◀les▶ hommes d’État scientifiques (scientific statesmen) Randers, Capron, Verhaeghe, Rollier, constituaient avec moi une commission ◀de▶ coopération scientifique du Centre, et ◀les▶ échanges ◀de▶ vues sur ◀les▶ chances ◀de▶ réussite et sur ◀le▶ programme ◀d’▶équipement du laboratoire projeté étaient à la fois enthousiastes et réalistes. Avec une pointe ◀d’▶émerveillement ◀de▶ pouvoir faire ainsi des plans grandioses avec une chance sérieuse ◀de▶ réussite, ce qui était absolument nouveau. Et il s’agissait en effet ◀de▶ plans grandioses pour ◀l’▶époque : construire ◀le▶ plus puissant accélérateur ◀de▶ particules du monde ! ◀Le▶ coût ◀de▶ cet instrument projeté ne pouvait être fixé exactement, mais on parlait déjà ◀de▶ dizaines ◀de▶ millions ◀de▶ dollars. ◀La▶ comparaison ◀de▶ ces chiffres avec ◀le▶ budget ◀de▶ ◀l’▶Unesco devait produire sur ◀les▶ dirigeants ◀de▶ cette dernière organisation un effet extraordinaire : ils avaient ◀l’▶impression que ◀la▶ souris essayait ◀d’▶accoucher ◀d’▶une montagne.
Dans ◀les▶ documents, brefs mais précis, qui ont résulté ◀de▶ ◀la▶ réunion du 12 décembre 1950, on voit, comme me ◀l’▶écrivait Denis de Rougemont, ◀le▶ profil du CERN se préfigurer déjà nettement. Par rapport à ◀la▶ résolution ◀de▶ ◀l’▶Unesco, plusieurs pas importants étaient faits : ◀le▶ programme, ◀la▶ construction ◀d’▶un accélérateur ◀de▶ puissance élevée (on parlait ◀de▶ 10 mégavolts) et ◀la▶ région choisie : ◀l’▶Europe. On avait même fixé ◀les▶ critères qui devaient présider au choix du site, choix qui fut assez long à se faire, mais finalement respecta ◀les▶ critères : proximité ◀d’▶une ville importante possédant une université mais non ◀d’▶une grande capitale politique, proximité ◀d’▶une frontière, usage ◀d’▶une langue ◀de▶ grande diffusion, situation centrale et, enfin, climat et environnement agréables. Bien entendu, ◀les▶ caractéristiques précises du futur PSa ne pouvaient être fixées et, en particulier, on ne connaissait pas encore ◀les▶ progrès que ◀l’▶on pouvait réaliser par ◀la▶ méthode ◀de▶ ◀la▶ focalisation alternée. C’est elle qui a permis, quelques mois plus tard, ◀de▶ fixer aux environs ◀de▶ 30 mégavolts ◀la▶ performance espérée.
Mais ◀l’▶ambition avouée ◀de▶ doter ◀l’▶Europe ◀d’▶un instrument exceptionnel, permettant ◀d’▶offrir aux jeunes physiciens ◀l’▶occasion ◀de▶ se placer sur ◀le▶ front ◀d’▶onde du progrès scientifique dans ◀le▶ domaine des particules fondamentales, a été certainement ◀le▶ moteur essentiel ◀de▶ toute ◀l’▶entreprise et permet, seule, je crois ◀d’▶expliquer ◀le▶ dévouement et ◀l’▶enthousiasme avec lequel tant ◀d’▶hommes ◀de▶ science ont donné leur temps et leurs efforts.
◀La▶ réunion du 12 décembre au Centre européen de la culture n’a pas eu seulement pour résultat cette fixation des principales caractéristiques du futur organisme (il ne s’appelait pas encore CERN à cette époque) mais elle a permis ◀de▶ franchir un des obstacles initiaux ◀de▶ toute entreprise ◀de▶ ce genre, un obstacle absurde en valeur absolue, mais hélas, déterminant. Je ne disposais ◀d’▶aucune ressource budgétaire après ◀la▶ Conférence générale ◀de▶ Florence. Après ◀la▶ réunion ◀de▶ Genève, je reçus 3 millions ◀de▶ francs ◀de▶ ◀la▶ France et 50 000 francs belges. C’était assez pour faire fonctionner ◀les▶ groupes ◀de▶ travail nécessaires jusqu’à ◀la▶ conférence constitutive. ◀L’▶argent fut versé à ◀l’▶Unesco dans un compte spécial, à ma disposition directe. Je pus alors constituer ◀les▶ équipes ◀de▶ volontaires et ◀le▶ travail ◀de▶ préparation scientifique, technique, et il ◀le▶ fallait, juridique, put commencer ; je dois dire que j’avais reçu ◀de▶ ◀l’▶Unesco une contribution essentielle : ◀la▶ collaboration ◀de▶ Jean Mussard, alors dans mon Département des sciences exactes et naturelles. Jean Mussard a fourni un travail considérable, efficace et enthousiaste et je tiens à ◀le▶ remercier ici, affectueusement. ◀Les▶ étapes qui suivirent dans ◀la▶ constitution du CERN se sont produites dans ◀le▶ cadre ◀de▶ ◀l’▶Unesco — en particulier ◀la▶ séance ◀de▶ Paris puis ◀de▶ Genève où ◀le▶ CERN I, organisation préparatoire, fut constitué. Ce signe CERN, je ◀le▶ rappelle, signifiait Centre européen ◀de▶ recherches nucléaires. Puis ◀le▶ CERN I, organisme indépendant, procéda à ◀la▶ création du CERN définitif, en conservant ◀le▶ sigle que je lui avais choisi et qui a fait ◀le▶ tour du monde. Il est considéré comme un modèle pour ◀la▶ coopération scientifique européenne.
Je ne rappellerai pas ◀les▶ aventures diverses du CERN en formation, du PS en construction. Choix ◀de▶ site, après ◀de▶ longues discussions, des visites en Hollande, à Genève, au Danemark. Genève fut choisie et ◀le▶ site même déterminé au cours ◀d’▶une randonnée en autocar où je fis arrêter ◀la▶ voiture sur ◀la▶ route ◀de▶ Meyrin, près de ◀la▶ frontière, et avisant un champ écarté ◀de▶ toute habitation, jouxtant ◀la▶ frontière, je dis au conseiller ◀d’▶État Picot : Pourquoi pas là ? Cela s’appelait : À Franchevaux, à cette époque, sur ◀le▶ cadastre.
Mais ◀l’▶histoire du CERN émaillée ◀de▶ détails parfois pittoresques, nous conduirait trop loin de ce qui nous intéresse je crois, aujourd’hui : c’est ◀le▶ rôle joué par un organisme intellectuel, non gouvernemental, ◀le▶ Centre européen de la culture, rôle qu’il a pu jouer justement à cause de ◀la▶ liberté ◀d’▶action que lui permet son statut et du haut niveau des personnalités qu’il peut réunir sur une question européenne intéressant ◀le▶ progrès des sciences ou ◀de▶ ◀la▶ culture.
Permettez-moi maintenant ◀de▶ vous communiquer quelques réflexions relatives à ◀la▶ question des laboratoires européens et ◀de▶ façon plus générale aux organisations scientifiques européennes. Il en existe plusieurs catégories et même en réalité chacune d’entre elles forme une catégorie ! Je ne parle que des organisations intergouvernementales, car ◀les▶ sociétés européennes, comme ◀la▶ société européenne ◀de▶ physique, n’ont pas ◀de▶ programme opérationnel.
Le premier critère est celui du domaine géographique couvert, c’est-à-dire ◀de▶ ◀la▶ liste des membres, car ce groupe peut être constitué par ◀les▶ « six » comme dans ◀le▶ cas ◀de▶ ◀l’▶Euratom, ou ◀les▶ « dix » ◀de▶ ◀l’▶Esro, ou ◀les▶ « treize » du CERN, du groupe ◀de▶ ◀l’▶Est ◀de▶ Dubna, etc. Le second critère serait un critère ◀de▶ domaine scientifique, qui peut être pur ou appliqué, ou ◀les▶ deux : CERN et Esro, Eldo, Euratom respectivement. Et ces différences se font gravement sentir lorsque ◀les▶ assemblées ou ◀les▶ conseils délibèrent sur ◀les▶ programmes et ◀les▶ budgets. ◀Les▶ domaines couverts doivent être assez attrayants pour ◀les▶ gouvernements en plus des scientifiques qui ont évidemment les premiers ◀la▶ parole. ◀L’▶atome, ◀le▶ noyau, ◀l’▶espace, ◀l’▶astronomie avec ◀l’▶Eso, peut-être ◀la▶ biologie moléculaire avec ◀l’▶Embo. Je ne me risquerai pas à prophétiser au sujet du prochain essai. Mais il n’y a pas que ◀les▶ gouvernements à convaincre, il faut pouvoir créer dans ◀la▶ communauté scientifique européenne un mouvement ◀d’▶intérêt assez puissant. Là aussi ◀le▶ sujet est essentiel, car ◀la▶ raison principale qui peut déterminer ◀l’▶assentiment des hommes ◀de▶ science réside dans ◀les▶ avantages ◀de▶ ◀la▶ coopération au point de vue gros équipement et au point de vue ◀de▶ ◀la▶ constitution ◀d’▶équipes multidisciplinaires. Le dernier point de vue est, par exemple, celui qui est déterminant pour ◀la▶ biologie moléculaire, qui ne nécessite pas ◀d’▶équipement du calibre des accélérateurs. Pour ◀l’▶espace, au contraire, ◀la▶ mise en route ◀d’▶un centre technique comme celui ◀de▶ ◀l’▶Estec en Hollande représente un effort qui serait excessif pour beaucoup de pays européens.
Ces considérations paraissent raisonnables et elles ont paru telles à moi-même comme à Amaldi, Rabi et quelques autres. Mais j’ai pourtant dû dépenser pas mal ◀de▶ temps et ◀d’▶énergie à ◀l’▶époque (c’est-à-dire entre 1950 et 1952) pour vaincre ◀les▶ réticences — et même ◀l’▶opposition déclarée — ◀de▶ nombreux physiciens nucléaires, dans tous ◀les▶ pays qui sont ensuite devenus membres du CERN : « Vous allez enlever ◀l’▶argent à nos laboratoires nationaux, vous nous enlèverez aussi ◀les▶ jeunes chercheurs. » « Tout ◀le▶ budget passera en frais ◀d’▶administration internationale », etc. ◀L’▶état d’esprit a bien changé depuis et c’est certainement en majeure partie ◀le▶ succès du CERN qui ◀l’▶a déterminé.
Il se pourrait que ◀l’▶entrée ◀de▶ ◀la▶ Grande-Bretagne dans ◀le▶ Marché commun — et par voie ◀de▶ conséquence dans ◀l’▶Euratom — relance ◀les▶ activités européennes dans ◀le▶ domaine des sciences. Peut-être pas sous ◀la▶ forme ◀de▶ laboratoires coopératifs nouveaux, mais comme suite à ◀la▶ conférence dite « Minespol » ◀de▶ ◀l’▶Unesco où ◀les▶ ministres responsables ◀de▶ ◀la▶ politique scientifique des pays ◀d’▶Europe — ◀de▶ ◀la▶ Grande Europe — se sont réunis. Un bureau européen va peut-être fonctionner à ◀l’▶Unesco et on pourrait en attendre des services importants.
Nucléaire et européen
M. Auger a raison ◀de▶ rappeler que ◀le▶ message ◀de▶ M. de Broglie ne précisait en fait ni ◀la▶ spécialisation scientifique ni ◀la▶ fonction européenne ◀de▶ ◀l’▶institut proposé. Toutefois, ce qu’il ne faut pas oublier c’est que ◀le▶ message ne fut en vérité que ◀l’▶amorce — jugée nécessaire par Raoul Dautry — du projet ◀de▶ laboratoire européen. C’est au discours ◀de▶ Dautry, recommandant expressément « ◀la▶ création ◀d’▶un Institut européen spécialisé ◀de▶ sciences nucléaires », puis à ◀la▶ Résolution finale ◀de▶ ◀la▶ Conférence qu’il faut faire remonter ◀l’▶origine précise du projet.
Quant aux « applications à ◀la▶ vie courante », cette expression s’explique par ◀la▶ volonté ◀d’▶exclure ◀d’▶entrée ◀de▶ jeu toute idée ◀d’▶utilisation militaire, mais elle ne signifie nullement que ◀l’▶on entend exclure ◀la▶ recherche fondamentale et « désintéressée » — comme devaient ◀le▶ marquer très nettement Raoul Dautry, ◀les▶ communiqués émanant du CEC en décembre 1950, et ◀les▶ commentaires figurant dans ◀les▶ bulletins du CEC des années 1951 à 1955.
…et un regard en avant
Après ◀l’▶intervention ◀de▶ M. Pierre Auger, ◀la▶ parole fut donnée à M. John Adams, directeur du « Super CERN » et principal responsable ◀de▶ ◀la▶ construction du premier CERN.
Professor John Adams’ speech
I came along to listen to Pierre Auger talk about the beginnings of CERN, and I have been concerned recently with the continuation of CERN, which in some ways is just as important. Pierre Auger just said that CERN has acted as a sort of leader in the international field, an example, which has been followed by other international organizations, scientific organizations, Esro, Eso, the Molecular Biological Organization, and so on.
Of course, an example of that kind in some ways has to continue. I do not mean that in the sense that, if it is doing something useful, it should not be stopped. But providing it is doing something useful, and doing it well, an example has to continue, otherwise people instead of pointing to the banner Pierre Auger mentioned, point to the fact that the organization is no longer there — to an absence of banner if you like. And this would make it very difficult to start anything else of a similar kind in Europe.
Now this is just an aside, so to speak, because Pierre Auger mentioned us features of CERN. The other feature of CERN of course is the research it does, and the importance of this in Europe. At this moment, we are discussing the setting up of what has been called Super-CERN (I think this is a fabrication of the press, we never refer to it as Super-CERN but we refer to it as the need for building a larger accelerator than the one we built several years ago, in fact about ten times the size of the original one. And the reason for doing this is simply that as the science, the research has gone on, and we find we need higher energy of particles to continue this research).
I try to put it in the framework of the discussion here : the situation of the moment in Europe, in science, is very different from what it was twenty years ago — different in many respects : CERN, for example, was a highly original and somewhat daring idea twenty years ago, when it was discussed by MM. Denis de Rougemont, Pierre Auger and others ; now this idea is established in Europe, CERN exists, everybody can look at it, and it is no longer original, no longer venturous in some ways. If we want to go on with the European collaboration in physics, one has to look for the reason for the relationships between the kind of pure research which is done by places like CERN, like Esro in space, by Embo in molecular biology, and ask what basic relationships does this research have with the European society. I think this relationship is with the education system ; I believe this kind of pure research, basic research is part of the education system, and one has to look at the development of the education system in Europe in the next 20 or 30 years — because these are the planning periods one is talking about — and one has to try to relate places like CERN, which only exist to provide facilities for universities all over Europe for the education system — one has to try to relate them to the European expansion in education, particularly higher education.
Just to finish a rather rambling speech — since I did not know I had to make one — I think CERN has been a success. One is talking now of its future, of a new device, which we want in order to continue the research. This is linked, I think, with the European situation in higher education, and it is linked, I think, with the European spirit as expressed by our meeting this morning.
Conclusion
Comme ◀le▶ soulignait lors du colloque du Centre européen de la culture, 1970, ◀le▶ professeur Louis Dick, collaborateur ◀de▶ la première heure du CERN, il s’agit là du succès ◀d’▶une entreprise supranationale qui a eu ◀le▶ courage — et ◀le▶ bon sens élémentaire — ◀de▶ passer outre aux tabous nationaux et au conservatisme des universitaires ; mais une telle réussite, si complète et rapide, serait-elle encore possible dans ◀l’▶Europe ◀d’▶aujourd’hui, en proie aux derniers sursauts des nationalismes ?
◀Le▶ rôle décisif concédé par ◀les▶ États membres au directeur général paraît exemplaire. Mais cette condition ◀d’▶indépendance et ◀d’▶efficacité ◀de▶ ◀l’▶organisme ne fut obtenue qu’à ◀la▶ faveur du peu de bruit fait dans les premiers temps autour du projet.
Or, ainsi que ◀le▶ constatait non sans regret M. Pierre Auger lors du colloque du CEC en 1970 : « On ne peut pas toujours faire ◀les▶ choses à petit bruit ! » D’autre part, dans certains domaines, ◀l’▶excès ◀de▶ discrétion peut se révéler néfaste.
◀La▶ question est des plus actuelles. Elle se pose ◀d’▶une manière dramatique à propos des centrales nucléaires. C’est un problème ◀d’▶information à la fois des citoyens et des gouvernants. P. Auger rappelait que ◀le▶ CERN avait fait ◀l’▶objet ◀d’▶un référendum à Genève, beaucoup craignant que ce laboratoire « atomique » n’entraînât des effets nocifs par radiation (souvenir inévitable ◀d’▶Hiroshima et manque ◀d’▶information sur ◀la▶ nature exacte ◀d’▶un synchrocyclotron). À cette occasion, Pierre Auger avait composé, dans ◀la▶ bonne tradition des physiciens, ◀le▶ quatrain suivant :
To whom it may concern
The purpose of the Cern
Is for mankind to learn
Not for cities to burn.
Voué à ◀la▶ connaissance pure, sans nulle tricherie ou arrière-pensée militaire, ◀le▶ CERN, s’il était proposé aujourd’hui, ne pourrait guère séduire ◀la▶ volonté ◀de▶ puissance des États : on sait bien qu’ils accordent peu ◀d’▶importance à ce qui n’a pas ◀d’▶intérêt militaire. En revanche, il ne ferait plus peur au citoyen moyen, lequel penserait, au pire, que c’est ◀de▶ ◀l’▶argent perdu.
Mais il n’en va pas de même des centrales nucléaires. Là, c’est ◀l’▶État qui essaie ◀de▶ faire passer « à petit bruit » des projets qu’on prévoit désastreux à long terme… (Mais, à long terme, ◀les▶ fonctionnaires ◀d’▶aujourd’hui seront depuis longtemps à ◀la▶ retraite : il n’y a donc pas ◀de▶ problème « sérieux ».)
Devant ◀le▶ tir ◀de▶ barrage des mensonges officiels à ◀l’▶appui des centrales nucléaires, des ventes ◀d’▶armes, des manipulations monétaires, devant ◀les▶ oui ◀de▶ principe, mais en fait non, que réitèrent ◀les▶ États-nations lorsqu’il s’agit ◀de▶ construire des instruments communs ◀de▶ science, ◀d’▶éducation, ◀de▶ paix, on est tenté ◀de▶ penser que « ◀l’▶heure ◀de▶ ◀l’▶Europe unie a passé ».
Certes, dans ◀les▶ circonstances actuelles, ni ◀la▶ CECA (approuvée distraitement, il y a 25 ans, par un Conseil des ministres français que ◀l’▶exposé ◀de▶ Robert Schuman avait comme à dessein endormi) ; ni ◀la▶ CEE ; ni même ◀le▶ Conseil de l’Europe ; ni, à plus forte raison, ◀les▶ institutions privées comme ◀le▶ Collège ◀d’▶Europe et ◀le▶ Centre européen de la culture — ne seraient possibles ou même proprement concevables.
◀La▶ cause européenne a progressé dans ◀les▶ esprits (65 % pour un gouvernement européen, dans tous ◀les▶ sondages ◀d’▶opinion). Mais ◀les▶ États sont plus négatifs que jamais. ◀La▶ Crise ne fait que renforcer ◀les▶ égoïsmes nationaux et ◀les▶ souverainetés ◀d’▶autant plus ombrageuses qu’elles n’ont plus ◀d’▶autre vrai pouvoir que celui ◀de▶ dire non à toute espèce ◀de▶ projet ◀de▶ solidarité.
Ce qui est passé, c’est ◀l’▶heure ◀d’▶une Europe illusoire, celle qu’on croyait pouvoir fonder sur ◀les▶ États.
Ce qui vient, ce qui est là, c’est ◀l’▶heure ◀d’▶inventer ◀de▶ nouvelles formes ◀de▶ communauté, et avant tout : ◀les▶ régions fédérées.
Appendice : Un débat à ◀la▶ Chambre française en 19547
Extraits du Journal officiel ◀de▶ ◀la▶ République française, Assemblée nationale, Séance du mardi 6 juillet 1954.
Discussion du projet ◀de▶ ratification ◀de▶ ◀la▶ convention pour ◀l’▶établissement du CERN.
M. Charles Viatte, rapporteur pour avis, résume et conclut son intervention par ces mots : « ◀Le▶ projet qui vous est présenté sera bienfaisant pour ◀l’▶avenir ◀de▶ ◀la▶ science française. » (p. 3227)
Au nom du parti communiste, M. Georges Cogniot présente un contre-projet, ◀le▶ crédit ◀de▶ 700 millions demandé pour ◀le▶ CERN serait affecté à un institut purement français.
Il s’élève contre ◀le▶ projet du CERN, « institution qui échappe à ◀la▶ souveraineté nationale » (p. 3228). Il ajoute : « ◀La▶ science française est exsangue, elle a besoin ◀d’▶une transfusion, et ◀le▶ Centre européen se présente comme une saignée. […] Pour cacher ◀l’▶absence totale ◀de▶ protection des intérêts français dans ◀la▶ nouvelle entreprise cosmopolite, on nous a dit beaucoup de choses en commission. On nous a dit et répété qu’il s’agit ◀d’▶une initiative française… ◀La▶ vérité historique est que ◀l’▶idée du Centre a été conçue en 1949 par ◀les▶ hommes ◀de▶ ce qu’on appelle ◀le▶ Mouvement européen, lors de ◀la▶ conférence ◀de▶ Lausanne ◀de▶ cette organisation. »8 (p. 3229, col. l)
M. Jules Moch répond : « Je voudrais insister sur ◀le▶ fait qu’il ne s’agit ici ni ◀d’▶un mouvement pour ◀l’▶Europe, ni ◀d’▶un mouvement politique, ni ◀de▶ ◀la▶ Communauté européenne du charbon et de l’acier, moins encore ◀de▶ production ◀de▶ bombes atomiques, mais simplement ◀de▶ ◀la▶ construction ◀d’▶un laboratoire important et que nous aurions du mal à réaliser par nos propres moyens. » (p. 3229, col. 2)
M. Daniel Mayer, président ◀de▶ ◀la▶ commission rappelle que dans son rapport, M. Viatte a précisé que « dès ◀la▶ session ◀de▶ 1949 ◀de▶ ◀la▶ Conférence européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, tenue à Lausanne, M. Dautry donnait lecture ◀d’▶un message du prince Louis de Broglie insistant pour que ◀l’▶Europe prenne sa place parmi ◀les▶ puissances se livrant à des recherches nucléaires. C’est ce message qui a été à ◀l’▶origine ◀de▶ ◀la▶ convention présentement soumise à ◀la▶ ratification ◀de▶ ◀l’▶Assemblée. » (p. 3232, col. 2)
Enfin, cette dernière déclaration ◀de▶ ◀l’▶opposition :
« M. Georges Cogniot. Monsieur ◀le▶ rapporteur nous a dit : toutes vos références au Mouvement européen n’ont rien à voir avec ◀le▶ projet en discussion. Je regrette beaucoup, monsieur ◀le▶ rapporteur, mais j’ai sous ◀les▶ yeux un document officiel intitulé Notes et études documentaires qui contient un article sur « ◀l’▶organisation européenne pour ◀la▶ recherche nucléaire » et à la troisième ligne duquel je lis :
« C’est à ◀la▶ Conférence européenne ◀de▶ ◀la▶ culture tenue à Lausanne en décembre 1949, sous ◀les▶ auspices du Mouvement européen… »
Ce n’est pas moi qui ai établi ◀la▶ liaison entre ◀le▶ Centre européen ◀de▶ recherches nucléaires et ◀le▶ Mouvement européen, mais un document émanant ◀de▶ ◀la▶ présidence du conseil.