II. Les▶ débuts ◀de▶ ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture
◀L’▶idée
Cela commence par deux grands rideaux jaunes fermés dans un geste ◀d’▶humeur sur ◀la▶ porte-fenêtre ◀de▶ ma salle ◀de▶ travail, à Ferney. Raymond Silva, secrétaire général du Centre européen de la culture, vient de m’annoncer que ◀le▶ Comité américain pour ◀l’▶Europe unie refuse son aide à notre Centre, jugé « inclassable », et décide ◀de▶ donner un million ◀de▶ dollars à un organisme européen ◀de▶ propagande, déjà richement doté, mais dont ◀l’▶efficacité ne nous paraît pas démontrée.
En tirant mes rideaux je m’écrie : — On ne prête qu’aux riches, c’est entendu. Mais pour être riche, il faut pouvoir donner… — Donc, dit Silva, il faut créer une fondation. — Voilà ◀le▶ mot ! Quand on pensera que nous sommes capables ◀de▶ donner, on nous donnera !
◀De▶ ce dialogue, et ◀d’▶une juste colère, est née ◀l’▶idée ◀de▶ ◀la▶ Fondation, en décembre 1952.
Nous vivions alors une période ◀de▶ vive fermentation européenne. ◀La▶ CECA s’installait à Luxembourg et Jean Monnet saluait en elle une première autorité supranationale, « souveraine dans ◀les▶ limites ◀de▶ sa compétence » (Discours du 11 septembre 1952). ◀Le▶ Marché commun n’était encore que ◀le▶ rêve secret ◀de▶ quelques économistes comme Pierre Uri, ou ◀d’▶hommes d’État comme P.-H. Spaak. Mais ◀le▶ traité instituant ◀la▶ Communauté ◀de▶ défense européenne s’élaborait. À Strasbourg, une Assemblée ad hoc avait chargé Fernand Dehousse ◀de▶ préparer un projet ◀de▶ Constitution européenne. Et ◀le▶ CERN ouvrait ses chantiers près de Genève. Plus que jamais, dans ce concours ◀d’▶innovations économiques, militaires, juridiques et techniques, « ◀l’▶Europe des esprits et des cœurs » devait affirmer sa présence, et rappeler quelques grandes priorités. Et certes, ◀les▶ idées ne manquaient pas, mais ◀les▶ moyens pour ◀les▶ réaliser et propager restaient encore à inventer…
Je retrouve dans mes notes en date du 2 mai 1953, ◀le▶ résumé en six points des « décisions importantes pour ◀l’▶avenir du Centre européen de la culture prises depuis Noël 1952 » :
- 1. Création du Groupe des Vingt et du Courrier fédéral (pour ◀l’▶examen du projet ◀de▶ Constitution européenne, que prépare ◀l’▶Assemblée ad hoc ◀de▶ ◀la▶ CECA).
- 2. Créer une association des « Amis du Centre européen de la culture ».
- 3. Par son moyen, créer une fondation.
- 4. Faire entrer Robert Schuman au Conseil du CEC (liens avec ◀la▶ CECA).
- 5. Convoquer ◀le▶ prochain conseil du CEC à Strasbourg (liens avec ◀le▶ Conseil de l’Europe)9.
- Un sixième point, plus ambitieux, tendait à faire du Centre européen de la culture une sorte ◀de▶ pivot entre ◀l’▶idée européenne et ses réalisations politiques. Ce programme impliquait et appelait ◀l’▶action ◀d’▶un groupe intermédiaire capable à la fois ◀de▶ financer, ◀de▶ conseiller et ◀de▶ contrôler une action pour ◀l’▶Europe inspirée par ◀le▶ Centre, et qui se fût située dès ◀le▶ départ au niveau des idées et des prises ◀de▶ conscience. Car « ◀les▶ obstacles à notre union ne sont pas dans ◀les▶ faits mais bien dans ◀les▶ esprits » avais-je écrit à maintes reprises.
◀La▶ stratégie ◀de▶ ◀l’▶opération me semblait simple : il s’agissait ◀de▶ réunir, au service ◀de▶ ◀l’▶idée fédéraliste, des moyens financiers et politiques suffisants pour faire passer ◀le▶ seuil critique ◀d’▶efficacité aux organismes projetés.
Devant cette tâche bien définie, mesurant ◀les▶ efforts exigés, mais incertain quant à ◀la▶ localisation des ressources, une fois de plus j’ai recours aux conseils ◀de▶ Joseph Retinger, ◀le▶ fondateur, ◀l’▶Éminence grise du congrès ◀de▶ La Haye puis du Mouvement européen. Du fond ◀de▶ sa tanière londonienne où il fait des patiences ◀de▶ cartes entre deux appels téléphoniques, ◀le▶ vieux renard m’a promis ◀d’▶amener à coopérer avec ◀les▶ philosophes, savants et sociologues que je pourrai de mon côté convaincre, « des hommes qui contrôlent des milliards ».
◀La▶ gestation
Raymond Silva et moi écrivons beaucoup de lettres. Retinger déjeune avec beaucoup ◀d’▶hommes influents. ◀Les▶ 14 et 15 novembre 1953, une quinzaine d’entre eux se réunissent à Saint-Germain-en-Laye, au Pavillon Henry IV, dans ◀la▶ chambre où est né Louis XIV.
Sont présents : des dirigeants ◀de▶ conseils nationaux du patronat et ◀de▶ syndicats, des présidents et secrétaires généraux ◀d’▶organisations philanthropiques comme ◀la▶ Ligue des Sociétés ◀de▶ ◀la▶ Croix-Rouge, ou ecclésiastiques comme ◀le▶ Kirchentag, des directeurs ◀de▶ banques nationales et internationales, des PDG ◀de▶ grandes sociétés comme Unilever et Snia Viscosa, enfin des animateurs du Mouvement européen et du Conseil des communes ◀d’▶Europe.
◀Le▶ rassemblement ◀de▶ personnalités aussi diverses s’explique par ◀l’▶intention des organisateurs : créer un cercle élargi ◀d’▶Amis du Centre européen de la culture, et rassembler, autour ◀d’▶un grand projet, des hommes qui contrôlent des moyens importants et se sont signalés dans leur sphère ◀d’▶influence par ◀l’▶intérêt actif qu’ils portent à ◀l’▶union des Européens.
Lecture leur est donnée du texte suivant, écrit par ◀le▶ directeur du Centre européen de la culture :
HABEAS ANIMAM
Situation ◀de▶ ◀l’▶homme au xxe siècle
◀Le▶ totalitarisme règne aujourd’hui sur un tiers ◀de▶ ◀l’▶humanité. Il agit dans ◀les▶ deux autres tiers non seulement par sa propagande et sa diplomatie, mais par ◀la▶ fascination ◀de▶ ses mythes et par ◀la▶ terreur même qu’il exerce.
Dans ◀les▶ pays demeurés libres, ◀le▶ développement ◀de▶ ◀l’▶étatisme aux dépens du sens civique, d’une part, ◀l’▶absence ◀d’▶un idéal commun, d’autre part, minent ◀la▶ résistance spirituelle et politique, préparant ainsi ◀les▶ voies ◀de▶ ◀la▶ tyrannie collectiviste.
Celle-ci s’attaque aux fondements comme aux conquêtes ◀de▶ notre civilisation occidentale, parce qu’elle s’attaque à ◀la▶ notion ◀de▶ ◀l’▶homme qui fut ◀l’▶origine décisive ◀de▶ cette civilisation, et qui en restera ◀le▶ plus haut achèvement.
Ce n’est plus seulement ◀la▶ liberté ◀de▶ ◀la▶ personne — ◀l’▶habeas corpus — qui est contestée au xxe siècle, mais déjà son identité, ◀le▶ droit ◀de▶ chaque homme à son âme, ◀l’▶habeas animam, comme ◀l’▶a dit Ignazio Silone. ◀La▶ tyrannie possède aujourd’hui ◀les▶ moyens ◀de▶ modifier ◀la▶ pensée, ◀les▶ sentiments, et jusqu’au sens ◀de▶ ◀la▶ vérité chez un homme. ◀La▶ mise en esclavage mental ◀d’▶une grande partie ◀de▶ ◀l’▶humanité n’est plus une utopie : ses moyens scientifiques existent, ils sont à ◀l’▶œuvre sous nos yeux.
Foyer ◀de▶ ◀la▶ civilisation occidentale, ◀l’▶Europe a pour mission suprême et impérieuse ◀de▶ susciter ◀la▶ résistance à cette immense offensive anonyme contre ◀l’▶humain, phénomène dont ◀l’▶Histoire n’a pas vu ◀le▶ précédent. Mais ◀l’▶Europe est elle-même en grand péril.
◀Les▶ peuples qu’elle a civilisés retournent contre elles ◀les▶ techniques qui avaient assuré sa puissance. Ceux qu’elle a exploités et opprimés retournent contre elle ◀les▶ idéaux ◀de▶ liberté et ◀d’▶égalité qui avaient assuré son prestige. ◀Les▶ progrès ◀de▶ ◀l’▶hygiène, répandus par ◀les▶ Européens, ont pour effet ◀de▶ bouleverser totalement ◀les▶ rapports démographiques entre ◀l’▶Europe et d’autres groupes ◀de▶ nations. ◀Le▶ nationalisme qui nous divise devient, ailleurs, principe ◀d’▶union à nos dépens. ◀Les▶ sources extérieures ◀de▶ nos richesses tarissent. ◀De▶ grands marchés se ferment à nos produits. Des empires concurrents se dressent.
Ainsi, au moment où ◀les▶ valeurs secondaires ◀de▶ notre civilisation ont conquis ◀le▶ monde, ◀l’▶Europe en perd naturellement ◀le▶ monopole, cependant qu’elle voit ses valeurs fondamentales menacées, et ses positions économiques compromises.
Mais surtout, ◀l’▶Europe se sent impuissante, devant cette montée des périls. ◀Les▶ 325 millions ◀d’▶hommes qui ◀l’▶habitent, à ◀l’▶ouest du rideau ◀de▶ fer, vivent dans ◀la▶ peur ◀de▶ 200 millions ◀de▶ Russes, et dans ◀la▶ dépendance économique ◀de▶ 160 millions ◀d’▶Américains. ◀La▶ raison ◀de▶ cet apparent paradoxe est simple : nous ne nous sentons pas 325 millions ◀d’▶Européens, mais seulement 42 millions ◀de▶ Français, 8 millions ◀de▶ Belges, 3 millions ◀de▶ Norvégiens… Nous pensons encore nationalement, dans ◀l’▶ère des grands empires, des grands marchés, et ◀de▶ ◀la▶ stratégie mondiale. Nous nous sentons en conséquence trop petits pour ◀le▶ siècle, et condamnés à perdre, après nos dernières positions dans ◀le▶ monde, notre indépendance politique, économique, et par suite morale. Tout ce qui fait ◀le▶ sens même ◀de▶ nos vies.
En vérité, ◀l’▶Europe perdra tout cela, si elle persiste dans sa division en une vingtaine ◀de▶ petits États, cause principale ◀de▶ son présent abaissement. Elle ne pourra survivre, et sauver ◀la▶ civilisation, que si elle s’unit. « D’ici vingt-cinq ans, disait récemment ◀la▶ reine Juliana, nous vivrons tous dans une même maison, ou nous mourrons tous dans ◀les▶ mêmes ruines. »
Nature des obstacles à ◀l’▶union
◀Les▶ obstacles à ◀l’▶union européenne sont actuellement ◀d’▶ordre moral, bien plus que matériel. Voici ◀les▶ principaux :
— manque ◀de▶ confiance des Européens en eux-mêmes, et défaitisme devant « ◀le▶ mouvement fatal ◀de▶ ◀l’▶Histoire » ;
— attachement fétichiste à des « souverainetés nationales » qui ont épuisé leurs vertus au xixe siècle et sont devenues en partie fictives : aucun ◀de▶ nos pays ne peut se défendre seul plus ◀de▶ quelques heures ;
— sectarisme politique, égoïsme à courte vue, qui souvent empêchent ◀les▶ gouvernants autant que ◀les▶ peuples ◀de▶ réaliser ◀la▶ nature des périls menaçant ◀de▶ tous côtés ◀l’▶ensemble ◀de▶ ◀l’▶Europe ;
— enfin et surtout, préjugés nationaux à l’égard des voisins, hérités ◀de▶ plusieurs guerres, ou inculqués par ◀l’▶enseignement à tous ◀les▶ degrés, depuis un siècle.
◀Les▶ efforts ◀d’▶union entrepris depuis 1946 se voient aujourd’hui freinés par tous ces facteurs. ◀Les▶ oppositions se raidissent, et se démasquent.
Certes, ◀les▶ sondages ◀de▶ ◀l’▶opinion réelle indiquent sans exception, dans tous nos pays, qu’une large majorité des Européens veut ◀l’▶union. Mais cela n’empêche pas des fractions importantes ◀de▶ ceux qui prétendent parler pour ◀l’▶opinion, et qui disposent des moyens nécessaires dans ◀les▶ parlements et dans ◀la▶ presse, ◀de▶ se conformer avec ensemble aux mots d’ordre lancés par ◀les▶ centrales, secrètes ou non, du communisme. Et leur campagne joue à plein sur ◀les▶ habitudes mentales qu’on vient de rappeler, et sur ◀les▶ slogans qu’elles accréditent : « indépendance nationale », « danger allemand », « offensive ◀de▶ paix russe », « impérialisme américain ».
◀Le▶ temps que ◀l’▶on perd ainsi pour ◀le▶ salut ◀de▶ ◀l’▶Europe, d’autres ◀le▶ gagnent pour sa ruine.
Nécessité ◀de▶ réveiller un sentiment commun des Européens
Il est donc évident que ◀le▶ nœud du problème est dans ◀l’▶attitude morale des Européens eux-mêmes. À défaut ◀d’▶une prise de conscience assez rapide et générale du danger que courent ensemble tous nos pays, mais aussi des ressources immenses dont ◀l’▶Europe disposerait encore à ◀la▶ seule condition ◀de▶ s’unir — tous ◀les▶ traités et pactes que ◀l’▶on pourra conclure seront insuffisants, viendront trop tard, ou resteront lettre morte.
Si au contraire ◀le▶ sentiment ◀de▶ leur destin commun se réveille chez ◀les▶ Européens, la plupart des obstacles existant aujourd’hui paraîtront plus faciles à surmonter, ou même s’évanouiront dans ◀la▶ mesure où ils consistent en préjugés, aveuglements partisans, méfiances non fondées, et surtout ignorance ◀de▶ ◀la▶ vraie situation.
◀Le▶ Centre européen de la culture a été fondé pour contribuer à ce réveil du sentiment européen
Il a commencé par agir dans ◀les▶ domaines ◀de▶ ◀la▶ vie culturelle où il semblait possible ◀d’▶obtenir rapidement des résultats concrets. Il a créé une série ◀d’▶associations et communautés ◀de▶ travail qui fonctionnent dès maintenant sur un plan supranational, comme si déjà ◀l’▶Europe était unie.
Fort ◀de▶ ces premières réalisations, qui lui assurent une base ◀d’▶utilité technique, ◀le▶ Centre peut aborder maintenant ◀d’▶une manière plus large sa vraie mission : devenir un lieu ◀de▶ ralliement et un foyer ◀d’▶initiatives pour tous ceux qui ont compris que ◀l’▶Europe doit s’unir, mais que ◀le▶ développement ◀de▶ ◀l’▶esprit européen reste ◀la▶ condition primordiale et vitale ◀de▶ ◀l’▶union institutionnelle.
Comment élargir ◀l’▶action du Centre ? Comment intensifier ◀le▶ rayonnement ◀de▶ ◀l’▶idée européenne non seulement dans nos différents pays, mais dans ◀les▶ différents milieux responsables ◀de▶ chaque pays ? Comment offrir à des hommes influents ◀l’▶occasion ◀de▶ réunir leurs forces pour ◀le▶ salut public du continent ?
◀L’▶idée ◀de▶ former un groupe ◀d’▶Amis du Centre est née ◀de▶ semblables questions.
◀Les▶ Amis du Centre ne seront pas une organisation, ni un comité, ni un mouvement de plus. Mais d’abord, et tout simplement, une amitié européenne. Un réseau ◀d’▶influences très diverses mises au service ◀de▶ ◀l’▶idéal ◀d’▶union. Une occasion pour quelques personnalités soucieuses des destins ◀de▶ ◀l’▶Europe, et conscientes ◀de▶ leurs responsabilités, ◀de▶ se rencontrer, ◀de▶ s’informer mutuellement, ◀d’▶échanger leurs vues constructives, ◀de▶ discuter des plans ◀d’▶action.
◀Le▶ Centre bénéficiera des suggestions et ◀de▶ ◀l’▶appui collectif ou individuel des Amis. En retour, ceux-ci pourront considérer ◀le▶ Centre comme ◀l’▶éventuel instrument ◀d’▶exécution des projets qu’ils pourraient élaborer en commun.
◀L’▶influence des Amis du Centre prendra des formes multiples et en partie imprévisibles, selon ce que chacun se verra en mesure ◀d’▶apporter, selon ce que chacun décidera ◀d’▶engager dans ◀l’▶action commune, enfin selon ◀le▶ degré ◀de▶ cohésion qui se manifestera dans ◀le▶ groupe.
◀L’▶action individuelle des Amis sera la première condition ◀de▶ ◀l’▶efficacité du groupe. Celui-ci doit se composer ◀de▶ personnalités très diverses, mais ayant en commun ces deux traits ◀d’▶être acquises à ◀l’▶idée européenne, et ◀d’▶exercer une influence incontestée dans des milieux aussi variés que possible : politiques, économiques, intellectuels, sociaux, nationaux ou internationaux.
Chacun devrait se charger ◀d’▶une mission précise dans son milieu, en faveur de ◀l’▶union européenne, et en prenant ◀le▶ Centre comme point ◀d’▶appui, relai ◀de▶ coordination, instrument ◀de▶ diffusion ou ◀d’▶exécution.
Mais s’il est vrai que ◀les▶ chevaliers ◀de▶ ◀la▶ Table ronde agissaient ◀d’▶ordinaire isolément, ou deux par deux, ils se sentaient à chaque instant à la fois soutenus et obligés par leur appartenance à un groupe défini, à un Ordre, ou comme on ◀le▶ disait au Moyen Âge, à une « religion ».
Il faudra donc que ◀les▶ Amis se sentent liés entre eux, autant qu’à ◀la▶ mission générale du Centre, par ◀l’▶idéal européen qui ◀les▶ anime, et par ◀les▶ tâches communes dont ils assumeront ◀la▶ responsabilité.
Parmi ces tâches, ◀la▶ création ◀d’▶une Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture serait ◀de▶ nature à modifier, par sa seule existence, ◀le▶ climat intellectuel et moral ◀de▶ ◀l’▶Europe, en restaurant ◀le▶ sens ◀de▶ notre indépendance et ◀de▶ notre vocation particulière.
Un groupe restreint, discret, sans statuts ni publicité, c’est ce que doivent être ◀les▶ Amis du Centre. Ils ne rêveront pas ◀de▶ dominer par ◀la▶ force. Ils ne souhaiteront pas s’emparer des esprits. Ils voudront au contraire ◀les▶ réveiller, ◀les▶ animer et ◀les▶ orienter, en vue ◀d’▶une grande tâche historique, qui est celle ◀de▶ cette génération.
◀La▶ force dont ils auront besoin est certes ◀d’▶ordre spirituel d’abord, mais toutes ◀les▶ autres en découlent, quand elle est là, et qu’elle est vraie. Il ne s’agit pas ici ◀d’▶idéalisme facile, mais bien du véritable et du seul réalisme, dans une époque dont Churchill pouvait dire prophétiquement, au milieu de ◀la▶ guerre : « The empires of the future are the empires of the mind. »
◀L’▶Empire européen, notre union fédérale, se fera dans ◀les▶ esprits d’abord.
Mais ◀l’▶esprit agit par nos mains, par ◀le▶ moyen ◀de▶ nos engagements et ◀de▶ nos sacrifices personnels.
◀L’▶Europe ne se fera pas toute seule. Elle ne sera pas créée par des discours et adjurations passionnés, ni par un soulèvement spontané ◀de▶ ◀la▶ masse, ni par des textes juridiques. Elle se fera par ◀les▶ hommes qui comprennent que son destin dépend ◀de▶ leur action d’abord.
Il faut que quelques-uns au moins relèvent ce défi ◀de▶ ◀l’▶Histoire. Sans orgueil, mais aussi sans lâche humilité. Quelques-uns peuvent beaucoup, et pour un très grand nombre, s’ils ◀le▶ veulent, s’ils se groupent, et s’ils agissent à temps.
Des Amis du CEC au Club européen
Ce texte dûment approuvé par toutes ◀les▶ personnes présentes, après une discussion au cours de laquelle Louis Camu, président ◀de▶ ◀la▶ Banque ◀de▶ Bruxelles, souligna ◀le▶ sérieux ◀de▶ ◀l’▶engagement sollicité, ◀le▶ groupe décida ◀de▶ prendre ◀le▶ nom ◀de▶ Club européen, et ◀de▶ s’assigner pour première tâche concrète ◀la▶ réalisation rapide ◀d’▶une Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, titre rappelant celui du Centre européen de la culture d’une part, et celui du CERN ◀de▶ l’autre.
Dès ce moment, ◀les▶ choses iront très vite.
Quatre réunions du Club se tiendront en 1954 :
— ◀Les▶ 21 et 22 mars, à Saint-Germain-en-Laye de nouveau, on discute ◀les▶ grandes lignes du programme ◀de▶ ◀la▶ Fondation. Un comité ◀d’▶experts est constitué autour de M. Georges Villiers, président du Conseil national du patronat français (CNPF) pour étudier ◀les▶ aspects juridiques, financiers et fiscaux du projet.
— ◀Le▶ 4 mai, ◀le▶ comité ◀d’▶experts se réunit à Bâle, au siège ◀de▶ ◀la▶ Banque des règlements internationaux, dont l’un ◀de▶ nos membres, M. Marcel van Zeeland, est premier directeur général. Sont étudiés ◀les▶ problèmes posés par ◀le▶ nom, ◀le▶ siège, ◀la▶ structure juridique et administrative, enfin ◀le▶ financement ◀de▶ ◀la▶ Fondation. Une série ◀de▶ rapports informatifs ont été préparés par ◀les▶ soins notamment ◀de▶ ◀l’▶avocat George Nebolsine, qui nous apporte ◀l’▶expérience des fondations américaines en matière de détaxation des dons faits par des corporations ou des personnes privées.
— ◀Les▶ 3 et 4 juillet, à Bruxelles d’abord, puis au château ◀de▶ ◀la▶ Houssière, Robert Schuman — qui vient ◀d’▶entrer au Comité ◀de▶ direction du CEC, et ◀d’▶adhérer au Club — préside d’abord à un large examen ◀de▶ ◀la▶ situation politique en Europe, à ◀la▶ veille du débat décisif sur ◀la▶ CED. ◀Le▶ Club adopte ensuite ◀les▶ propositions ◀de▶ ◀la▶ Commission ◀d’▶experts, discute ◀le▶ projet ◀de▶ statuts, ainsi qu’un plan ◀d’▶activités culturelles. ◀Le▶ siège social ◀de▶ ◀la▶ Fondation est fixé à Genève.
— ◀Les▶ 5 et 6 octobre, pour la troisième fois à Saint-Germain-en-Laye où nous rejoindra ◀le▶ président Antoine Pinay, ◀le▶ Club poursuit ◀l’▶étude du programme ◀d’▶aide aux activités culturelles, puis procède à ◀l’▶adoption des statuts, et à ◀la▶ nomination des premiers membres (choisis dans son sein) du Conseil ◀de▶ ◀la▶ Fondation. Celui-ci prendra ◀le▶ nom ◀de▶ « Conseil des gouverneurs ».
Dès lors, au terme ◀d’▶une préparation rondement menée, comme on ◀l’▶a vu — dans ◀l’▶espace ◀de▶ treize mois seulement à partir de ◀la▶ rencontre initiale du Club — tout est prêt pour ◀la▶ signature des statuts.
◀La▶ Fondation s’ouvre à Genève
La première réunion du Conseil ◀de▶ ◀la▶ Fondation se tint au siège du Centre européen de la culture ◀le▶ 16 décembre 1954.
Étaient présents : MM. Henri Brugmans, recteur du Collège ◀d’▶Europe, Bruges ; Franco Marinotti, président ◀de▶ ◀la▶ Snia Viscosa, Milan ; Joseph Retinger, délégué général du Mouvement européen, Londres ; Denis de Rougemont, directeur du CEC, Genève ; Robert Schuman, ancien président du Conseil, Paris ; Raymond Silva, secrétaire général du CEC, Genève ; Georges Villiers, président du CNPF, Paris ; et ◀le▶ baron van Zeeland, premier directeur ◀de▶ ◀la▶ BRI, Bâle. Excusés : MM. Louis Camu, Hermann Reusch, G. Stein, Paul Rykens.
Quand vint ◀le▶ moment ◀de▶ signer ◀l’▶acte instituant ◀la▶ Fondation et dans lequel figurait ◀le▶ texte définitif des statuts, ◀le▶ notaire exigea, selon ◀la▶ loi suisse, qu’un président, un trésorier et un secrétaire soient élus sur ◀le▶ champ, en sorte qu’ils puissent s’engager au nom de ◀la▶ nouvelle institution. Nous n’avions, à vrai dire, pas prévu telle urgence. Après quelques minutes ◀de▶ pourparlers amicaux, sur ◀les▶ instances du directeur du Centre européen de la culture, Robert Schuman accepta ◀de▶ signer comme président — à titre provisoire, tint-il à souligner — cependant que Marcel van Zeeland signait comme trésorier et D. de Rougemont comme secrétaire.
Cette cérémonie achevée, ◀le▶ Conseil entendit un rapport ◀de▶ MM. de Rougemont et Silva sur ◀l’▶organisation ◀de▶ ◀la▶ Fondation. En voici quelques extraits :
Depuis juin 1953, ◀le▶ CEC s’est chargé, en accord avec ◀les▶ membres du Club européen, du travail préparatoire ◀de▶ ◀la▶ Fondation : réunions du Club, élaboration des statuts, enquêtes fiscales, discussions avec ◀les▶ experts, etc. Cependant, ◀le▶ fonctionnement normal ◀de▶ ◀la▶ Fondation requiert, au minimum et dès ◀le▶ départ, des responsables qualifiés, des locaux, un secrétariat, etc.
Conscients ◀de▶ cette situation ◀de▶ fait, nous sommes disposés, avec ◀le▶ concours ◀d’▶un directeur administratif, à poursuivre pendant un an ou deux ◀la▶ tâche que nous avons accomplie. Cette solution aurait ◀l’▶avantage ◀de▶ raccourcir ◀la▶ période ◀de▶ rodage ◀de▶ ◀la▶ Fondation et pratiquement ◀de▶ permettre à celle-ci ◀de▶ fonctionner dès ◀le▶ début ◀de▶ ◀l’▶année prochaine. Elle permettrait, en outre, ◀de▶ réduire ◀les▶ frais généraux du CEC tout en ramenant au minimum ◀les▶ frais ◀d’▶administration ◀de▶ ◀la▶ Fondation.
Au surplus :
◀Le▶ Conseil des gouverneurs devra aussitôt envisager ◀la▶ nomination ◀d’▶un directeur administratif, chargé plus particulièrement des relations avec ◀les▶ groupements nationaux ainsi que des questions financières (cf. Annexe 5).
◀L’▶Annexe 5 consistait en une lettre adressée ◀le▶ 22 novembre 1954 par ◀le▶ Dr Paul Rykens, président ◀de▶ Unilever, Rotterdam, à M. Raymond Silva, secrétaire général du CEC, lettre qu’il est intéressant ◀de▶ citer ici, ne fût-ce que parce qu’elle atteste ◀l’▶intérêt porté dès ce moment par S. A. R. ◀le▶ prince Bernard des Pays-Bas à ◀la▶ Fondation dont il allait devenir, six mois plus tard, ◀le▶ président, succédant à Robert Schuman, rappelé au gouvernement :
I feel certain that your suggestion that both Mr. de Rougemont and you should continue to look after the interests of the Fondation is an excellent one, also that it can be combined with the valuable work which you two are doing for the Centre européen de la culture.
I had been considering myself the future management of the Fondation, and had the opportunity of discussing this problem with Prince Bernhard. If I had not received your letters before having had time to write, I would have made a similar suggestion to you, both on behalf of Prince Bernhard and myself.
We also came to the conclusion that it would be necessary to associate your work with that of a third person, who naturally would have to be a good linguist, be of international standing and who would have to know both organisation and finance. It is possible that in consultation with Prince Bernhard I may be able to suggest a name of a candidate who might prove to be suitable.
◀Le▶ compte rendu ◀de▶ ◀la▶ réunion inaugurale porte que ◀le▶ Conseil se rallie au projet soumis par ◀les▶ rapporteurs, et décide au surplus ◀d’▶engager à bref délai un directeur chargé ◀de▶ ◀la▶ collecte des fonds et ◀de▶ ◀la▶ coordination des groupements nationaux : il portera ◀le▶ titre ◀de▶ délégué général du Conseil des gouverneurs.
MM. de Rougemont, Silva et ◀le▶ baron van Zeeland sont alors nommés respectivement directeur, secrétaire général et trésorier ◀de▶ ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture.
◀Le▶ 23 février 1955, ◀les▶ statuts sont inscrits au registre du commerce. Ils sont publiés par ◀le▶ Journal officiel ◀le▶ 5 mars. ◀Le▶ 26 mars, ◀le▶ Conseil ◀d’▶État de Genève accorde à ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture une exonération totale ◀d’▶impôts sur ◀le▶ revenu et ◀la▶ fortune, pour cinq ans. Enfin, ◀le▶ 1er avril, ◀le▶ Conseil fédéral suisse accepte ◀d’▶être ◀l’▶autorité ◀de▶ surveillance ◀de▶ ◀la▶ Fondation.
◀Les▶ débuts ◀de▶ ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, ◀de▶ 1955 à 1957
◀Les▶ activités : deux directions principales
Si ◀l’▶on reprend ◀les▶ rapports du directeur sur ◀les▶ activités ◀de▶ ◀la▶ Fondation, du 11 mai 1955 au 16 mars 1957, c’est-à-dire ◀de▶ la deuxième à la huitième et dernière réunion du Conseil des gouverneurs à Genève, on constate que ◀les▶ efforts dans cette période ◀de▶ rodage, ont porté dans deux directions principales : expériences-pilotes ◀d’▶éducation d’une part ; « concert européen », concours musical et bourses pour ◀de▶ jeunes compositeurs d’autre part. Un domaine « populaire » et un domaine « élitaire », en somme.
À quoi sont venues s’ajouter des subventions spéciales distribuées pour la plupart à des entreprises ◀d’▶éducation comme ◀la▶ Journée européenne des écoles et ◀l’▶Association des universitaires ◀d’▶Europe ; à des étudiants et enseignants hongrois réfugiés ; à deux revues européennes ; au Collège ◀d’▶Europe pour un Atlas économique et culturel ◀de▶ ◀l’▶Europe ; enfin au Centre européen de la culture, pour ◀les▶ services ◀de▶ tous ordres : intellectuels et administratifs, mis à ◀la▶ disposition ◀de▶ ◀la▶ Fondation.
Si ◀l’▶on consulte ◀les▶ rapports des exercices financiers ◀de▶ cette même période ◀de▶ rodage, on constate que ◀les▶ décisions du Conseil des gouverneurs se sont traduites par ◀les▶ chiffres suivants :
Administration | 28 % |
Éducation | 22 % |
Musique | 15 % |
Subventions diverses | 15,5 % |
Centre européen de la culture | 16,5 % |
Solde | 3 % |
100 % |
◀Les▶ expériences-pilotes ◀d’▶éducation en milieu populaire et scolaire entreprises par ◀le▶ Centre européen de la culture grâce à ◀l’▶appui ◀de▶ ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture ◀de▶ 1956 à 1957, puis poursuivies jusqu’à ◀la▶ fin ◀de▶ 1959 grâce à des subventions additionnelles ◀de▶ ◀la▶ Ford Foundation, ont été réalisées en Italie (Terracina et Sardaigne), en France (Aire-sur-l’Adour, Caen, Mane en Haute-Provence, Avignon), en Belgique (Bruxelles, Gand) et à Fribourg en Suisse, avec ◀le▶ concours ◀d’▶un très grand nombre ◀d’▶éducateurs, ◀de▶ professeurs et étudiants, ◀de▶ sociologues et ◀d’▶animateurs sociaux, ◀de▶ groupements ◀d’▶artisans, ◀de▶ fonctionnaires régionaux et municipaux, etc. Outre une série ◀de▶ monographies détaillées, elles ont fait ◀l’▶objet ◀d’▶un rapport ◀d’▶ensemble publié par ◀le▶ Bulletin du Centre européen de la culture : Neuf expériences ◀d’▶éducation européenne (déc. 1959).
Sans elles, et sans ◀les▶ contacts très nombreux et fructueux établis dans ◀les▶ milieux ◀d’▶enseignants aux trois degrés ◀de▶ la plupart des pays ◀d’▶Europe, ◀la▶ Campagne ◀d’▶éducation civique européenne, lancée par ◀le▶ Centre européen de la culture quelques années plus tard, n’eût été ni concevable ni réalisable. ◀Le▶ travail ◀de▶ pionnier accompli dans ce domaine par ◀les▶ expériences-pilotes, considéré avec ◀le▶ recul des années, apparaît comme un beau succès ◀de▶ ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture.
Dans ◀le▶ domaine des arts, un jury présidé par Nicolas Nabokov et formé ◀de▶ musicologues et ◀de▶ compositeurs ◀de▶ renom international (Boris Blacher, Paul Collaer, William Glock, Fred Goldbeck et Roman Vlad) a organisé un concours ◀de▶ compositions originales. ◀Les▶ prix, consistant en bourses ◀de▶ 12000 fr. s. chacune, ont été décernés à six jeunes musiciens dont certains, alors complètement inconnus du grand public, ont fait depuis une carrière mondiale, tels Luciano Berio et Yannis Xenakis.
Là encore, cette première expérience « ◀d’▶aide stimulante » à ◀la▶ culture créatrice fut un succès très remarqué. Mais pour servir vraiment ◀la▶ cause ◀de▶ ◀la▶ culture, il eût fallu que ce succès ponctuel fût ◀l’▶initiale ◀d’▶une continuité, ou créât ce qu’on nomme aujourd’hui une image ◀de▶ marque — comme ce devait, un peu plus tard, devenir ◀le▶ cas ◀de▶ ◀l’▶Association européenne des festivals ◀de▶ musique, puis ◀de▶ ◀la▶ Campagne ◀d’▶éducation civique européenne.
Ambiguïté
En eux-mêmes, et dans ◀la▶ mesure où ils n’auraient pas ◀de▶ suite, les premiers résultats positifs obtenus par ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture dans sa période ◀de▶ rodage restaient ◀d’▶un ordre ◀de▶ grandeur décevant par rapport aux nécessités européennes. Pouvait-on espérer beaucoup plus ? On en demeure convaincu, mais il s’agit alors ◀de▶ bien voir ◀les▶ raisons ◀de▶ cet insuccès relatif.
1° ◀Le▶ financement ◀de▶ ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture reposait sur des promesses : celles qui, au nom des patronats européens, avaient été faites et réitérées lors des deux premiers conseils. Or, constate ◀le▶ directeur dans son rapport sur ◀les▶ activités du 24 novembre 1956 :
Sur ◀la▶ somme que ◀la▶ Fondation pensait pouvoir réunir dès 1955 à titre de fonds ◀de▶ démarrage, ◀la▶ moitié seulement a été versée en deux ans. ◀La▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture a donc vécu sur ◀le▶ quart des fonds estimés nécessaires à sa bonne marche.
2° ◀Le▶ rassemblement ◀de▶ gouverneurs représentant quelques-unes des plus grosses sociétés du monde et des patronats ◀les▶ plus riches du continent, n’a pas suffi pour assurer ◀la▶ constitution du capital ◀de▶ départ prévu et promis.
Il s’est produit là quelque chose ◀de▶ pathétique au sens anglais du terme : « ◀les▶ hommes qui contrôlent des milliards » dont Joseph Retinger nous annonçait ◀la▶ venue, venaient à nous en effet, pleins ◀de▶ bonne volonté, pour nous apporter… leurs idées ! Il était admirable, en vérité, ◀de▶ voir quelques-uns des plus grands PDG du continent accepter par simple dévouement à ◀la▶ cause ◀de▶ ◀l’▶Europe, ◀de▶ consacrer en trois ans douze fois deux journées ◀de▶ leur temps aux affaires ◀d’▶une modeste fondation naissante. Mais il était frustrant, pour ◀les▶ animateurs des multiples initiatives déjà créées par ◀le▶ Centre européen de la culture, ◀de▶ recevoir des conseils ◀d’▶amateurs éclairés au lieu des subventions souhaitées, parfois si désespérément…
3° Lors des explications très franches qui marquent le huitième et dernier Conseil tenu à Genève (16 mars 1957), des critiques ayant été formulées touchant ◀les▶ subventions au Centre européen de la culture, deux interventions autorisées remettent ◀les▶ choses au point :
M. R. Schuman tient à rappeler que dans ◀l’▶esprit des fondateurs ◀de▶ ◀la▶ FEC, ◀le▶ CEC devait être chargé ◀d’▶exécuter certains travaux financés par ◀la▶ Fondation. Une collaboration étroite entre ◀les▶ deux institutions était donc voulue dès ◀l’▶origine. Elle reste nécessaire.10
Dans son « Rapport du Trésorier », ◀le▶ baron van Zeeland déclare qu’à son avis, pour tirer ◀la▶ Fondation du marasme ◀de▶ ces derniers mois et lui permettre non seulement ◀de▶ survivre mais ◀de▶ renaître à sa vocation,
il suffirait qu’elle reprît ◀la▶ conception qui avait été celle ◀de▶ ses fondateurs au départ, à Saint-Germain-en-Laye, savoir :
1° ◀La▶ Fondation est un organisme ◀de▶ financement ; ◀le▶ Centre est un organisme ◀d’▶exécution ;
2° ◀La▶ Fondation devait « partir » avec un capital initial minimum entièrement versé. […] Dès ce moment, ◀l’▶irritante question ◀de▶ ◀la▶ répartition entre ces frais ◀d’▶administration et ◀le▶ financement ◀d’▶activités aurait été élucidée une fois pour toutes…
4° ◀La▶ tendance à confier des activités culturelles à ◀la▶ Fondation elle-même, plutôt que ◀de▶ limiter son rôle à ◀l’▶aide aux projets ◀d’▶intérêt européen, rend de plus en plus malaisée ◀la▶ collaboration ◀de▶ ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture et du Centre européen de la culture.
◀La▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture quitte Genève
Lors de ◀la▶ réunion du 16 mars 1957, ◀le▶ directeur, ◀le▶ secrétaire général et ◀le▶ trésorier, tous trois membres fondateurs ◀de▶ ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, présentent leur démission, pour ◀les▶ raisons qu’on vient de dire, mais aussi parce que cette démarche avait été prévue dès ◀le▶ début. ◀Le▶ directeur, n’avait-il pas lui-même proposé que soit limitée à deux ans ◀la▶ durée ◀de▶ son mandat ? D’autre part, il n’avait pas été le dernier à proposer qu’une fois mise sur ses pieds, ◀la▶ Fondation s’éloigne physiquement ◀de▶ ◀la▶ maison où elle était née. Nous pensions à Zurich comme nouveau siège. ◀Les▶ circonstances en décidèrent autrement.
Extraits du procès-verbal du Conseil des gouverneurs en date du 16 mars 1957, à Genève :
◀Le▶ président constate que ◀le▶ fait que ◀le▶ CEC et ◀la▶ Fondation aient leur siège au même endroit a donné lieu, dans certains pays, à des critiques. Un moyen ◀d’▶y mettre fin et ◀de▶ marquer ◀le▶ caractère indépendant ◀de▶ ◀la▶ Fondation ne consisterait-il pas à en transférer ◀le▶ siège ?
Une discussion s’engage sur cette question, à laquelle tous ◀les▶ membres du Conseil prennent part. […]
M. G. Villiers voit mal en quoi un transfert du siège résoudrait ◀les▶ problèmes financiers ◀de▶ ◀la▶ Fondation.
Sir Terence Airey11 signale qu’on lui pose des questions au sujet des liens entre ◀le▶ CEC et ◀la▶ Fondation. ◀Le▶ fait que ◀la▶ Fondation, dont ◀le▶ rôle est ◀de▶ distribuer des fonds, soit placée sous ◀la▶ même direction qu’une ◀de▶ ses principales organisations bénéficiaires, est administrativement parlant malsain. Ce n’est pas une question ◀de▶ personnes, mais ◀de▶ gestion administrative.
M. Reusch se déclare en faveur d’un transfert immédiat du siège ◀de▶ ◀la▶ Fondation, parce qu’à son avis il faut créer un choc psychologique et repartir sur ◀de▶ nouvelles bases. À ◀la▶ question posée par ◀le▶ président ◀de▶ savoir si ◀le▶ transfert effectif constitue à ses yeux une condition ◀de▶ ◀la▶ participation ultérieure du Kulturkreis à ◀l’▶œuvre ◀de▶ ◀la▶ Fondation, M. Reusch répond par ◀l’▶affirmative.
Il est décidé en fin ◀de▶ réunion que si ◀les▶ fonds auxquels S. A. R. ◀le▶ prince des Pays-Bas fera allusion au début ◀de▶ ◀la▶ séance ◀de▶ ◀l’▶après-midi sont disponibles, ◀la▶ Fondation transférera son siège.
[…] Au début ◀de▶ ◀la▶ séance ◀de▶ ◀l’▶après-midi, S. A. R. ◀le▶ prince des Pays-Bas informe ◀le▶ Conseil qu’un groupe ◀d’▶industriels résidant en Hollande lui a fait ◀l’▶offre ◀d’▶une somme importante devant servir à doter des prix décernés à des personnalités culturelles et politiques dont ◀l’▶œuvre a fait progresser ◀l’▶idée européenne. Il est possible que ◀le▶ capital puisse être placé à ◀la▶ disposition ◀de▶ ◀la▶ Fondation. Un entretien téléphonique ◀de▶ S. A. R. ◀le▶ prince des Pays-Bas avec une des personnes intéressées indique que ◀la▶ proposition serait accueillie avec sympathie. Il est possible d’autre part que ◀les▶ donateurs souhaitent que ◀la▶ Fondation ait son siège aux Pays-Bas. S. A. R. ◀le▶ prince des Pays-Bas pense pouvoir fixer ◀le▶ Conseil dans quelques semaines au sujet de cette offre.
Vers ◀l’▶Europe ◀de▶ ◀l’▶an 2000
Nous n’avons pas à retracer ◀l’▶histoire ultérieure ◀de▶ ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture. On sait que sous ◀la▶ haute direction ◀de▶ S. A. R. ◀le▶ prince Bernhard des Pays-Bas, après une période ◀d’▶adaptation aux circonstances nouvelles créées par ◀l’▶arrachement à ◀la▶ maison-mère et ◀l’▶implantation dans ◀le▶ complexe hollandais, ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture a pris son régime ◀de▶ croisière à partir du moment où son directeur, Georges Sluizer, a réussi à concentrer tous ses efforts sur cet objet qui paraît bien être ◀le▶ plus fascinant pour ◀l’▶homme ◀d’▶aujourd’hui : demain.
À partir du projet sur ◀l’▶Europe ◀de▶ ◀l’▶an 2000, ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture a vraiment démarré.
Mais laissons ici ◀la▶ parole à G. Sluizer lui-même : il s’agit ◀de▶ ◀la▶ transcription ◀d’▶un discours prononcé à Genève ◀le▶ 23 octobre 1970, lors du Colloque qui marqua ◀le▶ XXe anniversaire du Centre européen de la culture.
◀Le▶ projet « Europe an 2000 »
par Georges SluizerVous venez de ◀l’▶entendre : sans ◀l’▶initiative ◀de▶ Denis de Rougemont, ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture n’aurait pas existé, elle n’aurait pas été ici aujourd’hui, et, en ◀la▶ représentant, je n’aurais pas pu m’adresser en ce moment à M. de Rougemont comme, en quelque sorte, à mon père ! C’est bien lui en effet qui ◀l’▶a créée, cette Fondation. Pas tout seul évidemment — cela ne se fait jamais tout seul — mais il en est ◀l’▶initiateur. Et ◀la▶ Fondation, qui ne se porte pas trop mal, ◀l’▶en remercie. J’espère que ◀de▶ son côté, il est satisfait ◀de▶ ◀la▶ carrière ◀de▶ son enfant.
Ce n’était pas uniquement une affaire ◀d’▶amour, c’était un père intéressé. Il savait que dans cette Europe ◀les▶ paroles restent trop souvent vaines si elles ne sont pas suivies par des actes. Dans ◀le▶ domaine intellectuel, on peut traduire actes par études, recherches, campagnes. Or pas ◀d’▶études, recherches ou campagnes sans fonds. Créons donc une fondation pour nous procurer des fonds.
◀La▶ Fondation a en effet recueilli des fonds, uniquement ◀de▶ source privée, et a pu appuyer au cours des années divers projets, dont plusieurs activités du Centre. Plus tard elle s’est associée étroitement à ce projet majeur dont M. de Rougemont avait pris ◀l’▶initiative : ◀la▶ « Campagne ◀d’▶éducation civique », où nous sommes heureux ◀de▶ collaborer avec ◀le▶ Centre, aux côtés du Conseil de l’Europe, des Communautés et d’autres organisations parmi lesquelles je veux citer ◀l’▶Association européenne des enseignants.
On m’a demandé ◀de▶ raconter ici — brièvement — ◀la▶ vie qu’a menée cette Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture qui groupe dans ◀le▶ domaine non gouvernemental 18 pays et au sein de laquelle M. Denis de Rougemont est maintenant avec M. Brugmans ◀le▶ doyen du Conseil qui ◀la▶ gouverne. Je crois qu’il est juste qu’une des créations du Centre vienne témoigner ici ◀de▶ ◀la▶ puissance ◀d’▶une inspiration qui ◀l’▶a conduite à occuper dans ◀la▶ vie spirituelle ◀de▶ ◀l’▶Europe une place dont nous croyons pouvoir être légitimement fiers.
Nous n’avons nulle honte ◀d’▶avouer qu’il nous a fallu un certain temps avant de trouver ◀l’▶orientation convenant à une institution qui porte dans son titre même ◀les▶ mots « européenne » et « culture ».
Depuis notre création en 1955 jusqu’à, disons 1962-1963, nous avions, modestement mais utilement je crois, soutenu toutes sortes ◀d’▶activités dans ◀le▶ domaine culturel : séminaires, congrès, publications, manifestations artistiques et autres. Cet éparpillement ◀de▶ nos ressources, bien qu’utile dans ses divers éléments, n’offrait pourtant pas un tableau ◀d’▶ensemble cohérent. Effet pour ◀l’▶Europe : intéressant, mais maigre.
Après quelques années et en même temps que nos amis du Conseil de l’Europe — nous avons compris qu’il fallait canaliser nos efforts pour en augmenter ◀l’▶effet utile. En 1963, ◀la▶ Fondation s’est décidée ◀de▶ centrer ses activités sur ◀l’▶avenir. Je ◀l’▶ai déjà dit ailleurs : ◀le▶ passé et ◀le▶ présent nous paraissaient — et nous paraissent encore ◀d’▶une importance capitale, mais nous n’avions tout simplement pas assez ◀d’▶argent pour nous occuper ◀de▶ tout. ◀Le▶ choix était donc : ◀l’▶avenir. Par conséquent, ◀les▶ jeunes générations passaient au centre ◀de▶ nos préoccupations et cela bien avant ◀les▶ explosions universitaires et autres qu’en France on appelle « ◀les▶ événements ◀de▶ mai 1968 » et qui ailleurs constituent des événements ◀d’▶au moins égale importance, sinon toujours ◀d’▶égale violence.
À ce moment-là presque rien n’était fait en Europe pour attaquer ◀d’▶une façon intensive, scientifique, pragmatique et organisée, ◀les▶ énormes problèmes devant lesquels ◀l’▶Europe allait se trouver dans ◀les▶ décennies à venir. Voilà donc un domaine où ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture pouvait — à côté de ses activités habituelles — réellement se rendre utile pour ◀l’▶Europe, où un plan ◀d’▶ensemble était urgent si on ne voulait pas être dominé par toutes sortes ◀de▶ tragédies bien avant ◀l’▶année 2000.
Mais encore une fois : nous devions limiter nos efforts, nous ne pouvions pas tout attaquer à la fois. Notre choix était : ◀l’▶homme. Un choix très européen je crois : non pas ◀la▶ machine, non pas ◀l’▶économie, ◀l’▶homme. ◀L’▶homme dans ◀la▶ société du xxie siècle. Naturellement, ◀l’▶homme dans son environnement : ◀la▶ cité, ◀la▶ campagne, ◀l’▶usine, ◀l’▶école. Mais avec un grand effort pour changer ◀la▶ domination ◀de▶ ◀la▶ technique, ◀de▶ ◀l’▶économie, ◀de▶ ce qu’on appelle ◀le▶ progrès, par une chose très simple : ◀le▶ bonheur ◀de▶ ◀l’▶homme, ◀le▶ simple bonheur dans sa vie ◀de▶ tous ◀les▶ jours. Un idéal qui vaut ◀la▶ peine ◀d’▶un effort immense, un idéal qui devait réunir ◀les▶ meilleurs cerveaux ◀d’▶Europe autour ◀d’▶un plan réaliste, pratique et réalisable.
Idéalistes, nous aurions voulu tout attaquer ; pratiques, nous nous sommes imposé un choix ; réalistes, nous avons calculé si ce choix avait des chances ◀d’▶être financé.
Bref, des discussions à travers ◀l’▶Europe avec des savants, intéressés dès ◀le▶ début par nos efforts, ont conduit à ◀la▶ conception du Plan Europe 2000, où quatre grands problèmes étaient posés : ◀l’▶éducation, ◀la▶ région urbaine, ◀la▶ société rurale, ◀l’▶homme dans ◀le▶ développement industriel. Mais toujours : ◀l’▶homme au centre ◀de▶ ces problèmes. Si d’autres étudiaient ◀le▶ foudroyant développement technologique ◀de▶ notre société, notre souci se concentrait avant tout sur ◀la▶ situation ◀de▶ ◀l’▶homme dans cet environnement créé par lui, mais dont il risquait ◀de▶ devenir ◀la▶ victime. « Sociological forecasting » à côté de et parfois en lutte avec ◀le▶ « technological forecasting ».
Je ne veux pas ici donner ◀l’▶argumentation ◀de▶ ce plan et ◀de▶ ses composantes, ni pourquoi nous attachons une grande importance à ses principales caractéristiques, qui sont : orientation vers ◀l’▶avenir à long terme, conception interdisciplinaire des problèmes et ◀de▶ leurs solutions, stratégies volontaristes dans ◀le▶ cadre ◀d’▶une conception ◀de▶ vie démocratique et libre.
Je voudrais pourtant insister sur un élément qui, je crois, est à ◀la▶ base ◀de▶ tout changement dans notre société, à savoir un changement ◀de▶ mentalité, un changement ◀d’▶attitude quant à ◀la▶ valeur ◀de▶ ◀la▶ vie ◀de▶ ◀l’▶homme et ◀de▶ sa destinée. Pourquoi tant de jeunes se révoltent-ils, à travers ◀le▶ monde tout entier, contre une société qui danse autour du veau ◀d’▶or, un veau ◀d’▶or « streamlined », techniquement parfait, séduisant, bénéfique et superficiellement bien organisé, mais répandant en même temps autour de lui ◀la▶ pollution ◀de▶ ◀l’▶air, ◀la▶ pollution ◀de▶ ◀l’▶eau, ◀la▶ pollution des esprits, ◀la▶ consécration ◀de▶ vieilles synthèses que ces jeunes n’acceptent plus ?
Dans son esprit et dans ses buts, ◀le▶ Plan Europe 2000 s’attaque à tout cela. Non pour détruire, mais pour construire. Pour créer en premier lieu une mentalité différente, qui mettra ◀l’▶homme en mesure ◀de▶ reconnaître sa destinée, qu’on ne peut pas symboliser par ◀l’▶image ◀d’▶une voiture, ◀d’▶un frigidaire ou ◀d’▶un ordinateur, mais au besoin par un cœur, une flèche et des initiales maladroitement gravés dans un arbre.
Tout ceci pour dire qu’à ◀la▶ base ◀de▶ tout changement dans notre société, ◀de▶ tout changement ◀de▶ mentalité capable ◀de▶ mener à une existence plus paisible et plus heureuse, se trouve ◀la▶ formation ◀de▶ ◀l’▶homme, en d’autres mots : son éducation à travers sa jeunesse et à travers toute sa vie. Ce n’est pas pur hasard si ◀le▶ projet « Réforme ◀de▶ ◀l’▶éducation », « Repenser ◀l’▶éducation ◀de▶ ◀l’▶homme du xxie siècle » est notre projet numéro un, un projet dont plusieurs études entrent directement dans ◀le▶ champ ◀d’▶intérêt du Centre européen de la culture.
Tout ce que nous imaginons pour améliorer ◀le▶ cadre ◀de▶ vie ◀de▶ ◀l’▶homme par ◀les▶ moyens techniques que nous avons et que nous aurons à notre disposition, tous ces efforts n’auraient pas ◀de▶ sens si, dans un environnement différent, éliminant pollutions et nuisances, nous ne pouvions placer un homme différent, c’est-à-dire un homme qui comprend et qui accepte que son bonheur n’est pas fait exclusivement ◀de▶ ces progrès technologiques dont il est devenu ◀l’▶apprenti sorcier.
Voilà quand même un fragment ◀de▶ ◀l’▶idéologie qui nous a incités à lancer à travers ◀l’▶Europe — et au-delà — ce Plan « Europe 2000 » et qui nous a fourni ◀l’▶énergie et ◀l’▶enthousiasme pour essayer ◀de▶ recruter ◀les▶ cerveaux et ◀les▶ fonds, tous deux indispensables à notre entreprise. ◀Les▶ cerveaux, parmi ◀les▶ meilleurs ◀d’▶Europe, déjà réputés ou encore jeunes, se sont déclarés prêts à collaborer. Quant aux fonds nécessaires pour financer des études dont ◀le▶ budget ◀d’▶ensemble s’élève à 4 millions ◀de▶ dollars environ — une somme que ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture est loin de pouvoir fournir toute seule — nous pouvons nous féliciter ◀d’▶avoir obtenu ◀la▶ coopération très efficace ◀de▶ plusieurs grandes fondations européennes, notamment du Portugal, ◀de▶ Suède, ◀d’▶Italie et ◀d’▶Espagne, ◀de▶ quelques grandes entreprises parmi lesquelles je cite deux grandes anglo-néerlandaises, ◀la▶ Shell et Unilever, et ◀le▶ support, moral surtout, ◀d’▶organisations intergouvernementales telles que ◀le▶ Conseil de l’Europe, ◀les▶ Communautés, et ◀l’▶OCDE.
Aucune immixtion des financiers dans ◀les▶ travaux. ◀Le▶ Plan Europe 2000 maintient jalousement une liberté académique totale.
Un mot sur ◀l’▶état actuel des travaux. Pour fournir une base ◀de▶ départ aux quatre projets, et « bâtir sur du neuf », nous avons lancé une série ◀de▶ seize études prospectives générales. Seize auteurs éminents ◀d’▶Europe et ◀d’▶Amérique ont donné leur vision du développement des principaux secteurs ◀de▶ notre société jusqu’à ◀l’▶an 2000. Denis de Rougemont a traité du problème des responsabilités sociales, civiques et politiques. Ces travaux sont terminés, ◀les▶ publications vont paraître dans quelques mois en plusieurs langues. Un bulletin ◀d’▶information sur ces études est à votre disposition ici.
◀Le▶ projet « ◀L’▶éducation ◀de▶ ◀l’▶homme du xxie siècle » est à mi-parcours. Chacun des quatre projets a son comité scientifique international et multidisciplinaire, et un directeur ◀de▶ projet, dont ◀le▶ rôle est très important. ◀Le▶ comité scientifique du projet « Éducation » est présidé par ◀le▶ professeur Janne de Bruxelles. Ici aussi, les premiers rapports vont être publiés en 1971.
◀Le▶ projet « Urbanisation — créer un cadre ◀de▶ vie pour ◀l’▶Européen » — est présidé par ◀le▶ professeur Haegerstrand de l’Université de Lund en Suède. Les premières études ont été lancées cette année. ◀L’▶élaboration du « programme ◀d’▶études » exige pour chaque projet plusieurs années, pendant lesquelles on consulte nombre ◀d’▶experts et ◀d’▶instituts dont certains se verront confier ◀les▶ recherches. Il en est de même pour ◀le▶ projet « ◀La▶ société rurale en ◀l’▶an 2000 », présidé par ◀le▶ professeur Koetter, ◀de▶ Bonn.
Seul ◀le▶ projet « ◀L’▶avenir ◀de▶ ◀l’▶homme dans ◀l’▶industrie » n’a pas encore atteint ◀le▶ stade opérationnel, bien qu’il doive faire partie intégrante du Plan. Plus nous avançons, plus nous voyons que ◀la▶ coordination ◀de▶ ces grands projets est une condition essentielle à ◀la▶ réussite ◀de▶ ◀l’▶ensemble.
Une dernière question que vous pourriez vous poser : quel résultat concret espérez-vous obtenir ◀de▶ tout cela ?
Eh bien, il n’existe pas une seule organisation privée au monde qui pourrait s’imaginer pouvoir réaliser elle-même des changements ◀de▶ structure et ◀d’▶infrastructure dans notre société actuelle. Cela, c’est ◀la▶ tâche des gouvernements. Mais nous espérons que ◀les▶ résultats ◀de▶ nos études, ◀les▶ rapports qui seront produits, ◀les▶ stratégies ou ◀les▶ alternatives qui seront indiquées ou suggérées, seront ◀de▶ telle valeur que ◀les▶ politiciens et dirigeants appelés à prendre ◀les▶ décisions, devront en tenir compte. Au cours des cinq années ◀d’▶étude des projets, nous communiquerons ◀les▶ résultats aux experts, aux parlementaires, à ◀la▶ presse, au public, aux jeunes, et nous ◀les▶ appellerons à une discussion ouverte. Nous souhaitons susciter ainsi un intérêt général pour ces dramatiques problèmes ◀d’▶avenir, un intérêt qui malheureusement fait encore souvent défaut.
Si nous réussissons, par ◀le▶ résultat des études, à réveiller et influencer ◀l’▶opinion publique, scientifique et politique, ◀la▶ réalisation des solutions que ◀les▶ experts proposeront dans ◀le▶ cadre ◀de▶ leurs études fondamentales aura fait un grand pas en avant.
Vous, Mesdames et Messieurs, vous avez accepté ◀de▶ participer à ce colloque du Centre européen de la culture dont ◀le▶ nom, presque identique au nôtre, vous oblige à élargir votre intérêt, au-delà ◀de▶ vos frontières nationales, aux problèmes ◀de▶ ◀l’▶Europe tout entière.
Je souhaite vivement qu’en suscitant autour de vous une prise de conscience des problèmes cruciaux devant lesquels ◀l’▶Europe se trouve placée, vous aidiez toutes ◀les▶ organisations qui sont impliquées dans ◀la▶ recherche et ◀l’▶étude des solutions nécessaires, comme — pour n’en nommer que quelques-unes : ◀la▶ Fondation européenne ◀de▶ ◀la▶ culture, ◀le▶ Conseil de l’Europe et, last but not least, ◀le▶ Centre européen de la culture.
Nos vœux ◀les▶ plus sincères, Monsieur de Rougemont, accompagnent ◀le▶ Centre dans ses activités au cours des décennies à venir. Elles seront ◀la▶ suite logique des nombreuses et importantes initiatives que vous avez développées durant ◀les▶ vingt dernières années. ◀La▶ Fondation, votre enfant, a été heureuse ◀d’▶être associée étroitement à quelques-unes ◀de▶ ces initiatives. Tous deux, nous dépendons pour vivre et pour travailler ◀de▶ ◀l’▶intérêt du public. Je pense que, profondément convaincus ◀de▶ ◀la▶ nécessité ◀d’▶aider ◀l’▶Europe à bâtir un avenir plus harmonieux, nous réussirons à créer cette atmosphère générale ◀de▶ confiance, ◀d’▶attention et ◀d’▶intérêt qui est notre véritable appui.