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L’autogestion politique
« Se gouverner vaut mieux qu’être bien gouvernés »
Les▶ régions, en dernière analyse, sont ◀l’▶expression ◀de▶ ◀la▶ volonté ◀d’▶autogestion ◀de▶ ◀l’▶homme en lutte contre ◀l’▶aliénation statolâtrique, civile ou militaire, fasciste ou communiste, dictatoriale ou démocratique.
Mais ◀l’▶autogestion, qu’est-ce que c’est ?
Peut-être un ◀de▶ ces mots dont Valéry dit qu’ils chantent plus qu’ils ne parlent ? Trop ◀d’▶auteurs, il est vrai, en ont fait un mystère, comme d’autres ont fait ◀de▶ ◀l’▶État ou du pouvoir, et ◀de▶ ◀la▶ nation sous ◀la▶ Terreur. On dirait qu’ils redoutent que ◀le▶ simple citoyen découvre un jour que ◀l’▶autogestion ne dépend pas des partis politiques, et n’est pas plus ◀de▶ gauche que ◀de▶ droite ou du centre, mais traduit une option fondamentale en faveur de ◀la▶ liberté, non ◀de▶ ◀la▶ puissance, ◀de▶ ◀la▶ responsabilité, non ◀d’▶une discipline partisane ; et ◀d’▶une gestion bien contrôlée et pas du tout ◀d’▶un « gouvernement fort ». Better self-governed than well governed (« Se gouverner plutôt qu’être bien gouvernés »), dit un slogan des autonomistes écossais.
« ◀La▶ politique fut d’abord ◀l’▶art ◀d’▶empêcher ◀les▶ gens ◀de▶ se mêler ◀de▶ ce qui ◀les▶ regarde. À une époque suivante, on y adjoignit ◀l’▶art ◀de▶ contraindre ◀les▶ gens à décider sur ce qu’ils n’entendent pas168. »
◀L’▶autogestion et ◀le▶ régionalisme démocratique peuvent se déduire ◀de▶ ces deux définitions par changement ◀de▶ signe des termes clés :
« ◀L’▶autogestion sera d’abord ◀l’▶art ◀d’▶inciter ◀les▶ gens à se mêler ◀de▶ ce qui ◀les▶ regarde. Elle appellera bientôt ◀l’▶art ◀de▶ remettre en question ◀les▶ décisions qui ◀les▶ concernent et qui ont été prises sans eux. »
Disons en termes simples que ◀l’▶autogestion, c’est d’abord ◀la▶ gestion par ◀les▶ communautés dites ◀de▶ base — municipalités et entreprises, puis régions — des tâches ◀de▶ nature étatique qui leur sont propres, à leur niveau. Mais c’est aussi ◀l’▶exercice permanent des pouvoirs ◀de▶ décision politique et ◀de▶ contrôle ◀de▶ ceux qui ◀les▶ exécuteront.
À ◀la▶ gestion centralisée et nécessairement ruineuse (voir toute ◀la▶ presse ◀de▶ ce jour), dont ◀l’▶indicateur est ◀le▶ PNB, s’oppose ◀l’▶autogestion possiblement heureuse à tous ◀les▶ niveaux communautaires, et son indicateur sera ◀le▶ plaisir ◀de▶ vivre. (Il est au plus bas, comme on sait, dans ◀les▶ pays totalitaires, ◀d’▶où ◀l’▶interdiction ◀de▶ ◀les▶ quitter, c’est-à-dire ◀de▶ « voter avec ses pieds » selon ◀la▶ rude expression ◀de▶ Lénine : ils se videraient.)
Si maintenant ◀l’▶on me sommait ◀de▶ décrire ◀les▶ processus ◀d’▶établissement ◀de▶ ◀l’▶autogestion, je répondrais que ◀les▶ leçons ◀de▶ créativité spontanée sont en général décevantes ; qu’il appartient aux intéressés seuls, et pas à moi, ◀de▶ dire comment ils doivent agir à leur manière ; et que ◀l’▶autogestion justement consiste à s’inventer dans des voies non frayées. Je puis bien exhorter mon prochain et lui crier : deviens toi-même ! Mais si je parvenais à lui expliquer comment, et s’il appliquait ma recette, il deviendrait un autre, et tout serait perdu. C’est son risque. Ce n’est pas mon savoir.
En revanche, il n’est pas trop difficile ◀de▶ définir ◀l’▶autogestion par ce dont elle diffère essentiellement, à savoir ◀l’▶autarcie, et par ce qu’elle devra remplacer dans ◀le▶ monde ◀de▶ demain, à savoir ◀les▶ nationalisations ou ◀l’▶étatisation.
◀L’▶autarcie, idéal ◀de▶ tous ◀les▶ chefs d’État, mais qu’ils n’osent plus avouer après Hitler, implique que ◀l’▶on s’enferme et que ◀l’▶on s’autosuffise : c’est ◀l’▶état de siège en permanence — comme on a vu que ◀l’▶État totalitaire est ◀l’▶état ◀de▶ guerre institutionnalisé. ◀Le▶ concept ◀d’▶autarcie relève donc du système stato-national, tandis que ◀les▶ régions autonomes, autogérées et fédérées relèvent du modèle très complexe des échanges qui assurent ◀la▶ santé ◀d’▶un corps vivant, et désignent ◀l’▶état ◀de▶ paix entre communautés humaines.
◀L’▶autogestion peut aussi se définir par ce qu’elle est destinée à remplacer demain, si ◀l’▶on ne veut pas étatiser toute ◀l’▶existence ◀de▶ nos nations.
Et tout d’abord, ◀l’▶autogestion doit être vue comme ◀l’▶antithèse ◀de▶ ce qu’on appelle « nationalisation » — ◀d’▶un terme évidemment impropre, destiné à dorer ◀la▶ pilule pour ◀les▶ industriels et à flatter ◀la▶ vanité des citoyens dans ◀les▶ pays où « tout ce qui est national est nôtre » comme ◀l’▶affirmait ◀la▶ devise ◀de▶ ◀l’▶Action française, reprise aujourd’hui par Marchais. ◀La▶ nationalisation est une notion confuse qui ne correspond à du réel que dans ◀la▶ mesure où elle désigne en fait ◀la▶ mainmise ◀de▶ ◀l’▶État sur ◀les▶ grandes industries, mines, automobiles, productions ◀d’▶énergie. Elle ne correspond pas à ◀la▶ réalité ◀de▶ ◀la▶ nation, sauf si ◀l’▶on confond celle-ci avec ◀l’▶État centralisé, non sans ◀l’▶avoir d’abord, et à cet effet, déclarée « une et indivisible ». ◀Le▶ terme ◀de▶ « socialisation » ne serait d’ailleurs pas moins impropre, sauf si ◀l’▶on décrétait que ◀l’▶État est ◀la▶ société face aux individus, comme ◀le▶ gouvernement est ◀la▶ nation face à ◀l’▶Étranger. (Mais ce ne sont là qu’allégories.)
◀Le▶ seul terme exact est donc « étatisation », mais c’est précisément celui que nos gouvernements redoutent par-dessus tout ◀de▶ prononcer : il n’en faudrait pas plus pour faire échouer, sur tel point plus sensible et mieux défendu, ◀l’▶entreprise qu’ils poursuivent sans relâche dans tous ◀les▶ domaines ◀de▶ ◀la▶ vie publique : ◀l’▶appropriation par ◀l’▶État des moyens ◀de▶ production : machines, terres, main-d’œuvre ; des mass médias et ◀de▶ tous ◀les▶ moyens ◀d’▶information ; ◀la▶ prise ◀de▶ contrôle du management, ◀de▶ ◀l’▶économie, des banques et des investissements, ◀de▶ ◀la▶ formation professionnelle et ◀de▶ ◀l’▶enseignement aux trois degrés.
Ce programme, qui est officiellement celui des communistes dits « marxistes » et des dictatures militaires, paraît déjà plus qu’à moitié réalisé dans la plupart des États-nations occidentaux à dominante démo-chrétienne, sociale-démocrate, ou centriste, comme ils ◀l’▶ont tous été par alternance depuis ◀la▶ fin ◀de▶ ◀la▶ Seconde Guerre mondiale. Qu’il suffise ◀de▶ rappeler ◀les▶ « nationalisations » ◀d’▶industries clés ; ◀le▶ contrôle direct ou indirect d’une part sans cesse croissante du PNB. (40 % en France !) ; ◀le▶ monopole ◀de▶ ◀la▶ production ◀d’▶énergie et ◀la▶ manipulation des investissements qu’il permet, ◀la▶ propriété directe des mass médias ou ◀la▶ participation majoritaire dans leurs organes directeurs ; ◀l’▶embargo sur ◀les▶ informations concernant ◀la▶ pollution des airs, des sols, des eaux et des aliments, dès qu’elle est en rapport avec ◀les▶ secrets ◀de▶ ◀la▶ Défense nationale, c’est-à-dire neuf fois sur dix ; ◀le▶ monopole ◀de▶ ◀l’▶instruction publique, ◀l’▶influence politique sur ◀les▶ universités, ◀la▶ fonctionnarisation des grands postes du management dans ◀les▶ finances comme dans ◀l’▶industrie.
◀L’▶avènement ◀de▶ ◀l’▶État totalitaire, quelle que soit sa couleur, ne pourrait qu’achever cette entreprise, en supprimant à coups ◀de▶ matraque ◀les▶ dernières résistances que lui opposent encore constitutions, tribunaux réguliers, coutumes libérales, droit ◀d’▶association et droit ◀d’▶opposition, « particularismes locaux » et autres survivances ◀d’▶un attachement aux libertés ◀de▶ ◀la▶ personne décidément incompatible avec ◀les▶ exigences des républiques populaires socialistes et nationales à dictature militaire résolument démocratique.
C’est ainsi que ◀la▶ Révolution française, comme ◀l’▶a montré Tocqueville169, a consisté principalement à parachever ◀l’▶œuvre ◀de▶ centralisation administrative poursuivie pendant des siècles par ◀les▶ rois mais longtemps retardée par ◀les▶ « privilèges », c’est-à-dire par ◀les▶ libertés légales et coutumières qui survivaient dans ◀les▶ provinces.
Qu’on ◀la▶ baptise nationalisation ou socialisation, qu’on ◀la▶ présente comme une conquête révolutionnaire ou comme ◀la▶ garantie ◀de▶ ◀l’▶ordre social, ◀l’▶étatisation ◀de▶ ◀la▶ société, dans ◀les▶ régimes en mutation vers leurs simplifications totalitaires, n’aura d’autres effets réels que ◀l’▶accumulation des pouvoirs ◀de▶ décision, ◀de▶ management, ◀de▶ politique économique et ◀d’▶information dans ◀les▶ bureaux ◀de▶ ◀la▶ capitale.
Elle suppose une nation indivisible que ◀l’▶État seul représente en droit. Dans cette structure centralisée, on ne peut plus changer que Smith en Jones et Dupont en Durand, l’un étant ◀de▶ gauche, l’autre ◀de▶ droite. Remplacer ◀les▶ patrons et ◀les▶ propriétaires ◀d’▶entreprises par des fonctionnaires du Parti paraît être ◀le▶ résultat ◀le▶ plus concret ◀d’▶une révolution communiste ; ◀les▶ remplacer par des officiers caractérise un coup ◀d’▶État fasciste. Mais il arrive que ◀les▶ officiers se déclarent ◀d’▶extrême gauche, et que ◀les▶ plus hauts fonctionnaires ◀d’▶un régime communiste se déclarent maréchaux.
Que ◀les▶ ouvriers « s’approprient » ◀la▶ chaîne ◀de▶ production n’allège en rien leur sort. Si ◀la▶ chaîne est néfaste par ◀le▶ rythme inhumain qu’elle impose, il faut ◀la▶ supprimer. Si elle se révèle plus utile que nuisible, il faut supprimer ◀l’▶esclavage ◀de▶ ses servants. Il faut donc supprimer ◀la▶ condition prolétarienne, en faisant exécuter ◀le▶ travail servile par un service civil universel mais bref. Pas plus qu’on ne peut humaniser ◀la▶ chaîne, on ne peut démocratiser ◀l’▶État-nation. Reste à ◀le▶ désarticuler en tant qu’État, pour en répartir ◀les▶ fonctions aux niveaux où elles sont requises. Démocratiser ◀l’▶État reviendrait à nationaliser et/ou socialiser ◀la▶ dictature : c’est ce que font ◀les▶ partis communistes mis au pouvoir dans ◀l’▶Est européen par ◀l’▶armée russe.
◀Les▶ régions autonomes, autogérées et fédérées sont donc ◀la▶ seule alternative à ◀l’▶État-nation, autant dire à ◀la▶ destruction prochaine ◀de▶ ◀l’▶homme, et tout d’abord ◀de▶ ◀la▶ nature par ◀l’▶homme.
Pour ◀les▶ années qui viennent, je ne vois ◀d’▶autre issue praticable que dans ◀l’▶improvisation ◀de▶ compromis entre un socialisme libertaire et un libéralisme social, ◀la▶ différence ne relevant que ◀de▶ ◀l’▶allégeance partisane des tenants ◀de▶ l’une ou l’autre doctrine.
Dangers réels ou non ◀de▶ ◀la▶ formule régionale
1. — « ◀La▶ balkanisation ◀de▶ ◀l’▶Europe. » Ce qui fait peur, c’est ◀l’▶idée fausse que se font ◀de▶ ◀la▶ région ◀la▶ majorité des électeurs, leurs députés, et ◀la▶ moitié des chroniqueurs qui inventent ◀l’▶opinion publique tout en croyant peut-être qu’ils ◀l’▶expriment. Partant des modèles qu’ils connaissent, ils n’imaginent donc ◀la▶ région que sous ◀la▶ forme ◀d’▶un mini-État-nation. Un vrai fédéraliste veut tout autre chose, il veut même à peu près ◀le▶ contraire.
◀La▶ loi française sur ◀la▶ régionalisation me paraît avoir été faussée au départ du fait qu’on a conçu ◀la▶ région à partir de ◀l’▶État central, non des communes. On ◀l’▶a conçue comme un petit État mis en tutelle, non comme une grappe ◀de▶ communes autonomes. Comme un pouvoir de plus, non pas comme un service nouveau. Comme « découpée » par ◀les▶ soins tatillons des bureaux ◀de▶ ◀la▶ capitale, et non pas composée, encore moins « reconnue » à partir des besoins et des réalités vécues. Comme un cadre imposé ou décrété, non comme un espace défini par ◀les▶ modalités ◀de▶ ◀l’▶action civique dans ◀le▶ concret ◀de▶ ◀la▶ vie, des relations humaines, et des décisions qu’elles demandent.
Car ce qui importe, pourquoi ne pas ◀le▶ dire une fois de plus, c’est que ◀la▶ région soit cet espace ◀de▶ participation civique où ◀l’▶homme puisse devenir présent au monde et à soi-même conjointement.
La plupart des difficultés qu’éprouve un homme ◀de▶ notre temps essayant ◀de▶ concevoir une Europe des régions proviennent ◀d’▶un modèle que ◀l’▶école publique a été seule en mesure ◀d’▶imposer depuis un siècle, et selon lequel ◀l’▶homme ◀d’▶aujourd’hui croit sans ◀la▶ moindre discussion en une série ◀de▶ propositions axiomatiques ◀de▶ ce genre ::
— ◀l’▶État doit être unique et indivisible ;
— ◀de▶ son siège, qui est ◀la▶ capitale, ◀l’▶État régit souverainement toute ◀l’▶existence publique ◀de▶ ◀la▶ nation, c’est-à-dire pratiquement, ◀de▶ ◀l’▶ensemble des hommes vivant sur un territoire délimité par ◀le▶ hasard des guerres et ◀les▶ calculs souvent faux des traités ;
— tout ce qui relève du domaine public (dans ◀les▶ secteurs ◀de▶ ◀l’▶économie, ◀de▶ ◀l’▶environnement, ◀de▶ ◀l’▶enseignement, ◀de▶ ◀la▶ fiscalité et ◀de▶ ◀l’▶armée) doit dépendre ◀d’▶un seul et même organisme, ◀l’▶État, dans ◀les▶ limites ◀d’▶un seul et même territoire, sur lequel cet État s’est déclaré souverain ;
— cette superposition forcée ◀de▶ réalités radicalement hétérogènes constitue ◀l’▶unité nationale, terme absolu ◀de▶ toute histoire ◀d’▶un peuple normalement évolué. Ayant « fait son unité » (comme on fait sa puberté) ce peuple devient une « nation immortelle », et ◀l’▶État qui agit en son nom dispose ◀de▶ ◀la▶ vie et ◀de▶ ◀la▶ mort ◀de▶ ses membres, plus ou moins citoyens ou sujets selon ◀les▶ régimes, mais toujours contribuables. ◀L’▶Église n’a plus ◀le▶ droit ◀de▶ brûler ses hérétiques, mais ◀l’▶État a ◀le▶ devoir ◀de▶ sévir contre ceux qui contestent ses dogmes, séparatistes en temps ◀de▶ paix, pacifistes en temps ◀de▶ guerre.
◀La▶ réduction proprement insensée ◀de▶ réalités humaines physiques, spirituelles, culturelles, économiques… à une seule et unique surface géographique déclarée « sol sacré ◀de▶ ◀la▶ patrie » correspond à quelque chose ◀de▶ fondamental chez ◀l’▶homme néolithique, nomade fixé au sol à partir du Xe millénaire avant notre ère. Au cours des siècles ◀de▶ ◀l’▶histoire moderne, ce sont ◀les▶ guerres qui ont servi ◀de▶ prétexte à ces concentrations forcées, c’est ◀la▶ préparation des guerres, leur conduite et leurs suites qui ont notamment accrédité ◀l’▶idée que ◀l’▶économie doit être mise par priorité au service des desseins politiques ◀d’▶un État et non pas ◀de▶ ◀la▶ prospérité des citoyens.
Dans ce système ◀de▶ représentation ◀de▶ ◀la▶ société, imposé par ◀l’▶école à ◀l’▶homme ◀d’▶aujourd’hui, ◀la▶ région ne saurait apparaître que sous ◀la▶ forme ◀d’▶un mini-État régi par ◀les▶ bureaux ◀de▶ ◀la▶ préfecture au lieu de ◀l’▶être par ceux ◀de▶ ◀la▶ capitale. ◀Les▶ possibilités ◀de▶ participation du citoyen à ◀la▶ vie ◀d’▶une région ◀de▶ ce type ne seraient pas ◀d’▶un ordre essentiellement différent ◀de▶ ce qu’elles sont aujourd’hui. ◀La▶ vie communale, par exemple, ne serait pas restaurée du seul fait que ◀le▶ montant et ◀l’▶ordonnancement des ressources ◀d’▶une commune seraient décidés dans une ville moins éloignée que ◀la▶ ville capitale : ce n’est pas ◀la▶ distance qui compte ici, mais ◀l’▶extériorité du centre ◀de▶ décision.
◀La▶ région en tant qu’État-nation réduit, c’est-à-dire gouverné par un pouvoir unique et omnivalent s’exerçant sur tous ◀les▶ secteurs ◀de▶ ◀la▶ vie publique, aurait sans doute plus ◀de▶ chances ◀de▶ favoriser ◀l’▶inquisition administrative que ◀d’▶accroître ◀les▶ libertés et ◀les▶ prises ◀de▶ responsabilités civiques. Elle ne serait à aucun titre un modèle neuf ◀de▶ relations humaines et ◀de▶ structure du pouvoir. Elle ne représenterait aucune révolution, au sens où j’ai toujours compris ◀le▶ terme, qui n’est pas « tout casser », mais au contraire, poser un nouvel ordre.
On voit maintenant combien se trompent ceux qui craignent que ◀les▶ régions « balkanisent » ◀l’▶Europe ou ◀la▶ « ramènent au Moyen Âge ». Balkaniser ◀le▶ continent est justement ◀le▶ fait ◀de▶ nos États-nations européens, qui étaient dix-neuf en 1914 et sont vingt-neuf en 1976. Quant au Moyen Âge, MM. Pompidou, Debré et Marchais s’imaginent qu’il suffit ◀d’▶évoquer son spectre hideux pour mettre en fuite ◀les▶ partisans ◀de▶ ◀la▶ région. « ◀L’▶expression Europe des régions non seulement me hérisse, mais me fait dire que ceux qui ◀l’▶emploient font un étrange retour en arrière. Il y a déjà eu ◀l’▶Europe des régions. C’était ◀le▶ Moyen Âge et ◀la▶ féodalité170. » Jouons là-dessus au jeu des Sept Erreurs lancé par un journal français. Nous trouverons une première erreur sur ◀l’▶accusation ◀de▶ retour en arrière, alors que tout ◀le▶ problème des régions à créer est devant nous ; une erreur sur ◀la▶ féodalité, système juridique fondé sur ◀les▶ liens personnels, non pas sur ◀le▶ contrat fédéral entre égaux ; une double erreur sur ◀la▶ région, qui n’est ni souveraineté, ni fief ; une erreur sur ◀l’▶empire qui n’était pas ◀l’▶Europe puisque ◀les▶ États royaux naissants ◀de▶ France et ◀d’▶Angleterre refusaient déjà ◀d’▶y adhérer au nom d’une souveraineté qu’ils voulaient « sans limites sur leurs terres » ; enfin, une double erreur, de nouveau, sur ◀l’▶Europe : d’une part elle n’existait au Moyen Âge que sous ◀la▶ forme ◀de▶ christianitas, sans nulle conscience ◀d’▶être ◀l’▶Europe ; d’autre part, elle n’est pas quelque chose qu’il s’agit ◀de▶ ressusciter mais ◀d’▶inventer.
2. — « Trop complexes ! » Pour honorer leurs fins respectives ◀de▶ liberté des personnes ou ◀de▶ puissance collective, ◀le▶ système régional ne sera jamais assez complexe, ◀le▶ système stato-national jamais assez uniforme. Or, il s’avère dans nos laboratoires que ◀la▶ complexité et ◀la▶ diversité sont ◀les▶ meilleurs garants ◀de▶ ◀la▶ stabilité et ◀de▶ ◀la▶ durée ◀d’▶un organisme vivant ou ◀d’▶une espèce171, et cela vaut pour une société — à condition toutefois que ◀les▶ échanges entre ◀les▶ parties du système soient très nombreux et très rapides172. En revanche, plus il y a ◀d’▶uniformité, soit imposée ◀de▶ ◀l’▶extérieur, soit résultant ◀d’▶une dégradation énergétique interne raréfiant et ralentissant ◀les▶ échanges, plus fréquents et dangereux seront ◀les▶ bouleversements, guerres, révolutions, crises, famines, désorganisation sociale, aboutissant à ◀l’▶atonie générale, ou à ◀la▶ prolifération sans frein ◀de▶ ◀l’▶identique, à la manière des cellules cancéreuses.
Simplifier, uniformiser, réduire et dissocier tout ce qui veut être à sa façon, non à la mienne, c’est ◀le▶ réflexe ◀de▶ tout individu — fonctionnaire, ménagère ou ministre — confronté à une tâche qu’il n’aime pas, qui dépasse ses capacités et pour cette raison ◀le▶ fatigue. Au député à ◀la▶ Convention qui demandait ◀la▶ départementalisation ◀de▶ ◀la▶ France « pour faciliter ◀l’▶administration », Mirabeau riposta superbement que « ◀le▶ but ◀d’▶une administration n’est pas ◀d’▶être facile, mais ◀d’▶être juste et éclairée ». Elle sera injuste et aveugle à ◀la▶ mesure ◀de▶ ◀l’▶uniformité ◀de▶ ses décrets, comme nous ◀le▶ voyons tous ◀les▶ jours. Mais il y a pire.
Toute prétention à uniformiser ◀les▶ individus et leurs comportements aux dépens de ◀la▶ diversité des vocations, dons et charismes, toute mesure légale qui refuse ◀de▶ tenir compte des différences régionales et culturelles dans ◀les▶ mœurs et coutumes, ◀le▶ langage, ◀l’▶enseignement ou ◀la▶ liturgie, est en réalité une violence exercée contre ◀la▶ personne. « Toutes ces violences aboutissent à ◀l’▶effacement des différences », écrit René Girard, pour lequel au contraire « ◀l’▶ordre, ◀la▶ paix et ◀la▶ fécondité reposent sur ◀les▶ écarts différentiels : ce n’est pas ◀la▶ différence mais bien sa perte qui cause ◀la▶ confusion violente173 ».
◀La▶ physique et ◀la▶ biologie contemporaines, comme ◀la▶ sociologie du post-marxisme viennent ainsi confirmer ◀les▶ recherches initiées dès ◀les▶ années 1930 par ◀les▶ personnalistes français, puis reprises par la plupart des fédéralistes européens, et concluant à ◀la▶ nécessité des petites unités ◀de▶ base, à géométrie variable selon leur fonction formatrice, reliées en systèmes ◀d’▶échanges très complexes des personnes et ◀de▶ créations autant que ◀de▶ biens quantifiés, et formant ◀le▶ tissu vivant ◀d’▶une société nouvelle.
Contre ◀le▶ règne des « terribles simplificateurs » prophétisés par Jacob Burckhardt, règne qui vient ◀d’▶arriver parmi nous avec ◀les▶ dictatures par ◀l’▶uniforme et ◀l’▶accroissement délibéré ◀de▶ ◀l’▶entropie civique et morale au nom de ◀la▶ puissance ◀d’▶un parti, point ◀d’▶autre alternative que ◀les▶ régions, ◀la▶ liberté par ◀le▶ respect des différences et ◀les▶ risques passionnants ◀de▶ ◀l’▶autonomie, au nom des fins communes à tous ◀les▶ hommes.
Il y a là, sans doute, un choix moral, mais plus sûrement et simplement un choix vital : ou bien nous laissons ◀les▶ États-nations persister dans leur souveraineté négative, ou bien nous régionalisons — universalisons nos sociétés. La seconde branche ◀de▶ ◀l’▶alternative peut seule permettre ◀la▶ survie du genre humain174.
3. — ◀La▶ « taille européenne. » C’est au Technocrate inconnu que ◀l’▶on doit cette expression. Beaucoup ◀l’▶emploient, ◀l’▶air entendu, mais nul ne sait ce qu’elle signifie. ◀Les▶ régions, nous dit-on, doivent être ◀de▶ « taille européenne ». Quelle est cette taille ? Qui en décide ? Au nom de quoi ? Que veut-on dire ?
On me répond qu’il s’agit ◀de▶ « découper » des régions qui soient assez grandes, assez peuplées, assez industrialisées et bétonnées pour être « compétitives à ◀l’▶échelle européenne ». Mais « compétitives » avec quoi ? — Avec ◀les▶ Länder allemands, me dit-on. Encore faudrait-il savoir lesquels : ◀la▶ Bavière, 71 000 km2 et douze millions ◀d’▶habitants, ou Hambourg, 747 km2 et moins ◀de▶ deux millions ◀d’▶habitants ?
◀De▶ fait, ◀les▶ Savoyards, ◀les▶ Alsaciens ou ◀les▶ Niçois se moquent bien que ◀la▶ région à laquelle on ◀les▶ a rattachés soit déclarée « compétitive » avec ◀la▶ Ruhr, ◀le▶ Piémont ou ◀les▶ Midlands. Car une région, comme telle, ne sera jamais compétitive : ◀l’▶adjectif ne saurait s’appliquer qu’à une firme. Dassault, Fiat, Pechiney peuvent être « compétitifs » avec ce qui se fait à Détroit, à Essen ou à Bâle, mais si l’une ◀de▶ ces firmes s’installait dans Rhône-Alpes, ce serait en vertu de ses seuls intérêts, non pas ◀de▶ ceux ◀de▶ ◀la▶ région ; et ses déficits seuls, sous forme de « coûts externes » (forêts détruites, pollution en tous genres, épuisement des ressources naturelles) tacitement pris en charge par ◀l’▶État, se verraient « partagés » avec ◀les▶ contribuables.
Soyons sérieux : jamais ◀les▶ habitants ◀d’▶une région ne se rassembleront dans ◀l’▶intention ◀de▶ devenir « compétitifs ». Qu’en auraient-ils de plus ? Quel sens pour eux ? C’est une idée ◀de▶ technocrate, ◀de▶ ministre ou ◀de▶ fonctionnaire qui ne raisonne qu’en termes de pouvoir et ◀de▶ prestige. Ce n’est pas un souci ◀d’▶homme réel, ◀de▶ femme réelle, c’est trop loin de ◀la▶ vie quotidienne. En revanche, ce qui peut rassembler et dresser citoyens et citoyennes ◀d’▶une région, c’est ◀l’▶idée ◀de▶ prendre en main leurs destinées, c’est ◀la▶ volonté ◀de▶ recouvrer leur autonomie, et ◀de▶ sauvegarder leur mode de vie. C’est ◀l’▶idée ◀de▶ ◀la▶ région elle-même et sa réalité vécue, non pas ◀les▶ bobards du « prestige national » dont ◀les▶ grandes firmes et ◀l’▶État central seraient seuls à se partager ◀les▶ avantages éventuels.
◀La▶ prétention compétitive serait tout simplement puérile, si ◀l’▶on ne distinguait, derrière ◀l’▶argument ◀de▶ ◀la▶ « taille européenne », ◀le▶ modèle obsédant ◀de▶ ◀l’▶État-nation napoléonien défini par ses seules frontières — ces « cicatrices ◀de▶ ◀l’▶histoire », disait Georges Bidault — et non pas selon ◀les▶ réalités, mais selon ◀la▶ volonté ◀de▶ puissance ◀d’▶un chef d’État, ◀d’▶un parti au pouvoir.
Or, ◀le▶ but principal ◀d’▶une région, contrairement à celui ◀d’▶un État-nation, n’est pas ◀d’▶affirmer sa puissance mais ◀de▶ servir ◀les▶ libertés ; n’est pas ◀de▶ se montrer plus fort que tel voisin par ◀les▶ armes ou par ◀la▶ richesse, mais ◀de▶ rester maître chez soi et ◀de▶ s’administrer comme on ◀l’▶entend, non comme ◀l’▶entendent ◀les▶ bureaux ◀de▶ ◀la▶ capitale. Et cela change tout. Notamment ◀la▶ question ◀de▶ ◀la▶ taille.
Faut-il rappeler que ◀les▶ créations ◀les▶ plus mémorables ◀de▶ ◀la▶ culture européenne sont toutes nées ◀de▶ foyers locaux ? Padoue, moins ◀de▶ trois-mille habitants du temps ◀de▶ Giotto, n’est pas seulement Giotto, mais ◀l’▶averroïsme. Florence n’est pas seulement Botticelli et ◀le▶ néo-platonisme, mais Savonarole et ◀la▶ pré-Réforme, pas seulement Machiavel et ◀le▶ discours du Prince, mais Pic ◀de▶ ◀la▶ Mirandole et ◀le▶ discours sur ◀l’▶homme. Weimar n’est pas seulement Goethe et Schiller, mais ◀l’▶Université ◀d’▶Iéna, ◀d’▶où ◀la▶ philosophie allemande, ◀d’▶où Marx, etc. Et ◀les▶ cours ducales ◀de▶ Ferrare, ◀de▶ Mantoue, ◀de▶ Milan, ◀d’▶Urbino ; et Venise, Gand, Genève, Tolède et Montpellier, Coimbra, Oxford, Göttingen, sont-elles « ◀de▶ taille européenne » ? Je ne sais. Elles ont fait ◀l’▶Europe, celle ◀de▶ ◀la▶ culture, ◀la▶ plus vraie.
Au plan ◀de▶ ◀la▶ politique générale, existerait-il une juste « taille européenne » ? Je ◀la▶ verrais plutôt petite, si cela signifie quelque chose, comme par exemple : que ◀les▶ pouvoirs locaux, contrôlés par ◀les▶ citoyens, ne sont pas assez grands pour déclencher leur guerre, mais assez autonomes pour ne pas faire celle des autres. (Cela supposerait, il est vrai, ◀la▶ plus grande révolution ◀de▶ ◀l’▶histoire ◀de▶ ◀l’▶Occident : remplacer ◀la▶ volonté ◀de▶ puissance par celle ◀de▶ liberté. Ses chances sont faibles, mais ce sont celles ◀de▶ ◀la▶ durée ◀de▶ ◀l’▶humanité, inverses ◀de▶ celles ◀de▶ ◀la▶ durée ◀de▶ ◀l’▶État-nation.)
Au plan ◀de▶ ◀l’▶économie enfin : que Rhône-Alpes soit « compétitif » avec Rhein-Westphalen intéresse peut-être quelques statisticiens à ◀l’▶échelon national (c’est-à-dire à Paris), mais ce qui intéresserait ◀les▶ habitants ◀de▶ ◀la▶ région serait ◀de▶ pouvoir se prononcer sur ◀les▶ problèmes qui ◀les▶ concernent.
Et puis, finissons-en avec ces questions ◀de▶ taille. Il nous faut des régions ◀de▶ toutes grandeurs, selon ◀les▶ dimensions ◀de▶ leurs problèmes, ◀la▶ qualité ◀de▶ leur mode de vie, ◀les▶ goûts et volontés ◀de▶ leurs habitants. A-t-on jamais exigé une « taille européenne » ◀de▶ nos États-nations ? Du Luxembourg ou ◀de▶ ◀la▶ France, lequel des deux États a-t-il ◀la▶ taille ? Je vais vous ◀le▶ dire : c’est ◀le▶ plus petit. En tant qu’État souverain, un et indivisible, ◀la▶ France est trop grande, et il n’en va pas autrement ◀de▶ ◀la▶ Grande-Bretagne, ◀de▶ ◀l’▶Espagne, ◀de▶ ◀la▶ République fédérale et ◀de▶ ◀l’▶Italie. Devant ◀l’▶impossibilité ◀d’▶administrer et ◀d’▶animer ces « grands ensembles » politiques, ◀l’▶Allemagne se divise en Länder, ◀l’▶Italie en régions à parlements élus, ◀la▶ Grande-Bretagne procède à une « dévolution » des pouvoirs ◀de▶ ◀la▶ capitale aux conseils locaux, et ◀la▶ France même admet ◀le▶ principe, au moins, ◀d’▶une décentralisation (encore que ◀le▶ pouvoir central entende ◀l’▶imposer à sa manière). Ce ne sont là que signes avant-coureurs ◀d’▶un phénomène beaucoup plus ample et plus profond.
Théoriciens et praticiens ◀de▶ ◀la▶ politique, ◀de▶ ◀la▶ sociologie, ◀de▶ ◀l’▶économie et ◀de▶ ◀la▶ prospective en viennent aux mêmes conclusions : tout appelle aujourd’hui ◀les▶ petites unités.
Et cela n’est pas contradictoire avec ◀la▶ tendance qui nous porte à ◀la▶ fédération du Continent. Car seules ◀les▶ petites unités accepteront ◀de▶ se fédérer. Pour défendre leurs libertés contre ◀l’▶État.
4. — Détruire ◀de▶ grandes réalités historiques ? Je connais bien cet « honnête homme » et ◀d’▶esprit non prévenu qui frémit à m’entendre répéter qu’il faut défaire et dépasser ◀l’▶État-nation. — « Hé quoi ! Il n’y aurait plus ◀de▶ France ni ◀d’▶Espagne, ◀d’▶Autriche ni ◀de▶ Royaume-Uni ? Désastre pur, et proprement inconcevable ! Perte ◀d’▶immenses trésors ◀de▶ souvenirs et ◀d’▶espoirs, ruine ◀de▶ ces monuments édifiés par ◀les▶ siècles, témoins des gloires et des drames ◀d’▶un peuple… Mais vous rêvez, monsieur. Rien ◀de▶ tout cela n’arrivera. Ce serait rayer ◀d’▶un trait ◀de▶ plume toute notre histoire. On n’a jamais rien vu ◀de▶ pareil, et il n’y a pas ◀la▶ moindre chance qu’on ◀le▶ voie jamais. »
Désastre pur ? Mais demandez-vous ceci : qu’est-ce que ◀les▶ habitants ◀de▶ ◀l’▶Hexagone ou ◀de▶ ◀la▶ Peau ◀de▶ Vache ibérique auraient à perdre si ◀la▶ France et ◀l’▶Espagne se voyaient divisées chacune en une dizaine ◀de▶ régions linguistiques autonomes175 ? Qu’est-ce que ◀les▶ habitants ◀de▶ ◀la▶ Botte ont perdu à se voir divisés en une vingtaine ◀de▶ régions dont trois dotées ◀d’▶un exécutif autonome ? Et ◀les▶ Allemands de l’Ouest à vivre dans onze Länder ? Qu’est-ce que ◀les▶ Suisses ont ◀de▶ moins que ◀les▶ Belges à jouir ◀de▶ ◀la▶ paix dans vingt-six cantons souverains (dont trois bilingues et un quadrilingue) plutôt que ◀de▶ mener ◀la▶ guerre des langues dans un État unitaire ? Je vais vous ◀le▶ dire : ce qu’ils ont ◀de▶ moins, c’est justement ◀la▶ guerre. Et cette réponse vaut curieusement, pour toutes ◀les▶ questions précédentes.
Votre angoisse à ◀la▶ seule idée que ◀le▶ sujet ◀de▶ votre histoire puisse disparaître, il serait relativement aisé ◀de▶ ◀la▶ dissiper, car ce sujet que vous teniez pour éternel a deux-cents ans au plus, et souvent beaucoup moins. Mais derrière cette angoisse avouée s’en cache une autre moins avouable. Ces gloires, ces drames, ces grands souvenirs, que sont-ils ◀d’▶autre en vous que des images ◀de▶ guerre, ◀de▶ batailles, ◀de▶ révolutions, idéalisées par ◀l’▶école et ◀les▶ commentateurs ◀de▶ ◀la▶ TV ?
◀L’▶idée qu’il n’y aurait plus ◀de▶ guerres possibles si ◀les▶ sujets ◀de▶ ◀la▶ guerre s’évanouissaient, crée dans ◀l’▶esprit ◀de▶ beaucoup ◀d’▶hommes et ◀de▶ femmes une espèce ◀de▶ vertige insupportable. Leur image du monde se brouille. Inutile ◀de▶ faire ici, après tant d’autres, ◀l’▶analyse ◀de▶ ce processus. Allant tout de suite à son terme, je leur dis : si vous ne voulez pas ◀les▶ régions, c’est qu’elles se forment aux dépens de ◀l’▶État-nation ; or, il est ◀le▶ vrai sujet des guerres qui se préparent et bien sûr, vous êtes contre ◀la▶ guerre, mais si je vous montre ◀les▶ moyens ◀de▶ rendre toute guerre impossible, vous allez bientôt me haïr. Je sais trop bien que l’un ou l’autre, hors de soi, finira par crier que je suis un lâche et, pire peut-être, un « dangereux utopiste ».
5. — Où sera ◀la▶ souveraineté ? « Votre système tend à ◀la▶ suppression des pouvoirs publics qui, ◀de▶ tout temps ont été jugés nécessaires pour réprimer ◀les▶ désordres sociaux, ◀les▶ violations ◀de▶ ◀la▶ légalité, ◀le▶ banditisme, et ◀l’▶avidité conquérante des peuples voisins. Votre idéal est sans doute généreux, mais nous mènerait à ◀l’▶anarchie et au chaos. ◀La▶ critique systématique ◀de▶ ◀l’▶autorité, ◀de▶ ◀l’▶establishment, ◀la▶ contestation ◀de▶ ◀la▶ souveraineté nationale, croyez-vous qu’elles soient sans relation avec ◀la▶ criminalité et ◀la▶ délinquance juvéniles en progression dans nos démocraties ? »
— Erreur totale. Erreur tragique ! N’auriez-vous donc pas remarqué que plus ◀les▶ pouvoirs publics sont étendus, plus ils accroissent ◀les▶ dimensions du désordre social, c’est-à-dire, par alternances, du banditisme et ◀de▶ ◀l’▶avidité conquérante des nations. Loin de réprimer, voire ◀de▶ prévenir ◀la▶ délinquance, vos pouvoirs ◀d’▶ordre ◀la▶ « nationalisent » ! Qu’est-ce que ◀la▶ guerre, sinon ◀la▶ criminalité étatisée ? Certes, ◀la▶ dictature, ◀la▶ tyrannie sont ◀le▶ comble du pouvoir tel que vous ◀l’▶entendez, mais comme ◀l’▶a dit un grand penseur du siècle dernier : « ◀la▶ tyrannie est ◀le▶ souverain désordre176 ». ◀Les▶ plus grands pouvoirs politiques, sociaux, économiques et idéologiques jamais concentrés entre ◀les▶ mains ◀d’▶un seul tyran ont conduit aux plus grands massacres ◀de▶ ◀l’▶histoire ! Hitler et Staline ont multiplié par plusieurs millions ◀les▶ victimes ◀de▶ ◀la▶ criminalité « normale » ◀de▶ leur époque. C’est cela, ◀l’▶Ordre ?
En fait, c’est ◀la▶ répression ◀de▶ ◀l’▶Anarchie, non ◀l’▶Anarchie, qui a « justifié » ◀les▶ plus grands crimes ◀de▶ ◀l’▶histoire. Augmentez ◀le▶ pouvoir, vous étendrez ◀la▶ guerre, qui est à la fois ◀le▶ pire désordre et ◀le▶ crime ◀le▶ plus cher du monde — celui par excellence qui ne paie pas.
Au surplus, cette souveraineté dont vous dites craindre que ◀les▶ régions ◀la▶ mettent en péril en s’accordant pardessus ◀les▶ frontières177 m’a tout ◀l’▶air ◀de▶ ne plus exister que ◀d’▶une manière négative. On peut encore refuser en son nom toute solidarité avec d’autres pays, comme ◀l’▶illustrent ◀les▶ conférences sur ◀le▶ droit ◀de▶ ◀la▶ mer, par exemple ; mais on ne peut plus rien entreprendre. Jean Bodin ◀l’▶avait définie comme « ◀le▶ droit ◀de▶ commencer une guerre et ◀de▶ ◀la▶ terminer quand on ◀le▶ veut ». Ce lien congénital avec ◀la▶ guerre nous permet ◀de▶ mesurer ◀la▶ décadence et ◀le▶ caractère toujours plus illusoire ◀de▶ ◀la▶ souveraineté nationale. Ni ◀la▶ France ni ◀la▶ Grande-Bretagne ne seraient plus souveraines aux yeux de Bodin, puisqu’elles ont dû stopper leur guerre ◀de▶ Suez sur un froncement ◀de▶ sourcils ◀d’▶Eisenhower et un bref grognement ◀de▶ Khrouchtchev. Quant à commencer une guerre, au point ◀d’▶exténuation où se trouve aujourd’hui ◀l’▶intendance militaire ◀de▶ nos pays, personne n’ose y songer sérieusement. « Rien ne se fera plus que ◀le▶ monde entier ne s’en mêle », écrivait Valéry, dans ◀les▶ années 1930, et il constatait déjà que « ◀l’▶agrandissement et ◀l’▶accroissement ◀de▶ connexions du champ des phénomènes politiques », rendait « impuissant et même inutilisable ◀le▶ génie des grands gouvernements du passé ».
Dans ◀la▶ mesure où elle est utile et même vitale, ◀la▶ souveraineté ne peut plus consister que dans ◀le▶ pouvoir du peuple ◀d’▶une communauté ◀de▶ gérer ses propres affaires. Or, ce pouvoir ne peut être effectif, en mode direct, qu’à ◀l’▶échelle des régions, grappes ◀de▶ communes ; et pour ◀les▶ tâches ◀de▶ dimensions plus vastes, à ◀l’▶échelle ◀de▶ ◀la▶ fédération, par ◀les▶ délégations du peuple européen.
6. — Dépasser ce qui est… vers quoi ? On pourrait se demander s’il n’est pas très dangereux ◀de▶ vouloir dépasser un régime quand ◀le▶ suivant n’existe pas encore dans un consensus général, ou du fait ◀d’▶une logique évidente au plus grand nombre. Vous risquez, me dit-on, ◀de▶ créer un vide, et ◀de▶ nous pousser vers ◀le▶ chaos, en déconsidérant ce qui existe vaille que vaille, et qui a ◀le▶ mérite ◀d’▶être là, sans avoir assuré ◀les▶ bases ◀d’▶un régime neuf.
Oui, ◀les▶ dangers que vous redoutez existent : ce sont ceux ◀de▶ ◀la▶ marche à pied. À chaque pas, vous cessez ◀d’▶être bien assuré sur votre base, et ◀d’▶avoir « ◀les▶ deux pieds sur ◀la▶ terre ». Marcher résulte ◀d’▶un déséquilibre en avant. Il vous faut accepter ce risque. Autrement, allez vous coucher.
7. — « ◀La▶ région serait-elle une panacée ? »
Oui sans doute, dans ◀l’▶exacte mesure où ◀le▶ système dont ◀l’▶État-nation figure ◀le▶ cœur (une pompe aspirante et foulante) fomente ◀la▶ malgérance universelle que j’ai décrite.
Je ◀l’▶avais entrevu dès ma jeunesse, durant ◀les▶ années 1930. Je n’ai cessé ◀de▶ mettre au point ma vision, ◀de▶ ◀la▶ corriger à ◀l’▶aide des « troubles » qui m’indiquaient ◀de▶ tourner ◀la▶ molette tantôt à gauche tantôt à droite, afin de mieux centrer ◀le▶ regard. (D’autres tournant toujours à gauche, ou toujours à droite, ne tardaient pas à ne plus rien voir et se fiaient ◀d’▶autant plus à leur doctrine que nulle observation ne venait plus ◀la▶ corriger. Pour ◀les▶ uns, pas ◀de▶ camps nazis ; pour ◀les▶ autres, en Russie soviétique, un système « positif » ◀de▶ rééducation obligatoire mais gratuit, tout comme ◀l’▶école primaire ◀de▶ mon enfance. Et je ne dis rien ◀de▶ ◀l’▶intelligentsia ◀de▶ Paris, ◀de▶ Berlin ou ◀de▶ Rome, hypnotisée bien moins par ◀les▶ clichés marxistes que par ◀la▶ peur ◀de▶ n’être pas marxiste — pas sortable intellectuellement, impubliable, et pratiquement inexistante.)
Une panacée ? On dira oui, je crois, quand on aura pris ◀le▶ soin ◀de▶ vérifier ce qui suit :
— que ◀la▶ région, dans tous ◀les▶ éléments du système ◀de▶ ◀la▶ crise que j’ai décrits, permet ◀d’▶inverser ◀les▶ évolutions, y oblige même ;
— qu’elle permet ◀de▶ réguler ◀l’▶emploi — problème non résolu dans ◀le▶ cadre national178 ;
— qu’elle retient ◀les▶ jeunes gens à ◀la▶ terre, crée des foyers locaux ◀de▶ rayonnement ;
— qu’elle permet ainsi à ◀la▶ communauté générale ◀de▶ se reformer, et au civisme ◀de▶ trouver où s’exercer ;
— qu’elle assure ◀la▶ défense de ◀l’▶environnement sur ◀les▶ lieux mêmes où il est menacé ;
— qu’elle favorise ◀la▶ défense militaire par ◀la▶ tactique du hérisson, créant ainsi (voir ◀le▶ Vietnam) un obstacle majeur insaisissable radicalement déconcertant pour toute agression atomique ;
— qu’elle met un terme à ◀l’▶inflation des pouvoirs stato-nationaux ;
— qu’elle permet, implique et promeut une fédération ◀de▶ ◀l’▶Europe, sur ◀la▶ base des communautés ◀de▶ toute nature, complémentaires plus que compétitives ;
— et qu’enfin ces sept points résument assez bien ce qui peut assurer ◀la▶ survie ◀de▶ ◀l’▶Occident, et ses conséquences pour ◀le▶ Monde.
— « Vous croyez donc qu’une simple modification ◀de▶ ◀la▶ structure administrative ◀de▶ notre société occidentale va résoudre ◀la▶ crise (universelle) que vous avez d’abord décrite ? »
— Je ne crois pas qu’une structure par elle-même soit capable ◀de▶ rien sauver. Mais ◀le▶ changement ◀d’▶attitude civique qu’implique ce changement ◀de▶ structure, et qu’il encouragera bien avant ◀d’▶être en place, par ◀le▶ seul fait que des hommes luttent pour ◀l’▶établir — voilà ◀le▶ remède agissant sur ◀les▶ causes ◀les▶ plus profondes ◀de▶ ◀la▶ dis-sociation dont nous souffrons, en même temps que sur ses effets.
8. — « Utopie ! »
On sait que ◀le▶ mot forgé par Thomas More, qui en fit ◀le▶ titre ◀de▶ son plan ◀d’▶une société bonne et heureuse, signifie « ◀le▶ pays ◀de▶ nulle part » ou « ◀le▶ non-pays ». C’est tout ◀le▶ contraire ◀de▶ ◀la▶ région, pays unique par définition, puisqu’il n’existe et ne prend nom qu’en tant qu’il diffère des voisins, pays concret par excellence, puisque sa forme est celle que dessinent sur ◀la▶ Terre des fonctions et besoins assumés tels qu’ils sont, ici et maintenant, tandis que ◀l’▶Utopie est fuite devant ◀le▶ réel hors de ◀l’▶espace mais aussi hors du temps.
En revanche, ◀l’▶Utopie selon Thomas More, ◀le▶ nowhere, ◀le▶ nulle part ou ◀le▶ n’importe où, désigne exactement ◀la▶ nation et ◀l’▶État des jacobins ; une idéologie qui flotte dans ◀les▶ airs prête à s’abattre sur nos terres comme nuée ◀de▶ sauterelles robotisées. ◀L’▶État-nation, modèle copié partout, sans tenir compte ◀de▶ rien qui vive, c’est ◀l’▶utopie par excellence : ◀le▶ poncif à plaquer n’importe où, donc nulle part.
Ceux qui crient : Utopie ! dès que je parle ◀de▶ régions sont tout simplement contre ; c’est leur droit, mais ils ne savent pas très bien ◀la▶ langue qu’ils parlent.
Du gouvernement des régions
Cependant, ◀les▶ dangers fictifs ne doivent pas nous cacher ◀les▶ obstacles réels ; ni tant de craintes sans fondement, certaines difficultés constitutives, qui, elles, tiennent à ◀la▶ formule même des régions, du moins telle que je ◀la▶ conçois. ◀La▶ présence ◀de▶ ces difficultés authentifie pour moi ◀la▶ spécificité du phénomène, et plus encore sa nouveauté.
◀Le▶ danger que ◀les▶ ethnies réclamant leur État ne dupliquent en petit ce qu’elles reprochent en grand à leurs oppresseurs ◀d’▶aujourd’hui n’est pas niable, et je ne ◀l’▶ai pas dissimulé, tout en plaidant ◀le▶ moindre mal : un petit État vaut toujours mieux qu’un grand, sauf pour ◀la▶ guerre. Mais cette difficulté relève plutôt ◀d’▶une persistance du syndrome stato-national, que ◀de▶ ◀la▶ problématique du nouveau régime. Il n’en va pas de même ◀de▶ ◀la▶ difficulté que je voudrais ici bien mettre en évidence, et qui, elle, s’attache normalement à ma doctrine des régions à géométrie variable, et par suite, non exactement superposables.
Je rappelle qu’une région définie par ◀les▶ problèmes ◀d’▶environnement et ◀d’▶urbanisme n’a pas nécessairement ◀le▶ même territoire qu’une région définie par ◀l’▶ethnie, ou encore par ◀les▶ problèmes ◀de▶ production et ◀de▶ distribution ◀de▶ ◀l’▶énergie. La première peut être englobée dans ◀les▶ autres qui ◀la▶ débordent, ou seulement en intersection avec l’une, ou avec l’autre, ou avec ◀les▶ deux. Voici comment ◀le▶ problème me semble se poser.
Si ◀l’▶on admet 1° que chaque fonction détermine sa propre région ; 2° que ◀les▶ différentes régions ainsi formées ne correspondent pas nécessairement à un même espace et n’ont pas ◀les▶ mêmes temps ◀de▶ variation ; cependant que 3° ◀l’▶activité proprement politique, ou « pilotage », consiste à composer toutes ◀les▶ fonctions, à ◀les▶ équilibrer dans leur mouvement (notamment par ◀les▶ attributions budgétaires et par ◀l’▶information) ◀de▶ telle manière que leur résultante générale pointe sans cesse vers ◀les▶ finalités qu’une société reconnaît pour siennes — comment va s’exercer au niveau régional ce pouvoir proprement politique ? Qui aura charge ◀de▶ répartir ◀le▶ produit des impôts levés dans ◀la▶ région ? Finalement, où sera ◀la▶ région donnant un nom et quelque cohérence visible à cet ensemble ◀d’▶activités fonctionnelles ◀d’▶aires diverses ?
Pour dissiper ◀de▶ proche en proche ◀l’▶obscurité qui paraît émaner ◀de▶ telles questions, repartons ◀de▶ nos bases, du fondement des régions : nous verrons bien si cela conduit à souhaiter ou non un pouvoir régional.
◀La▶ région se définit comme un ensemble ◀de▶ syndicats (ou coopératives) ◀de▶ communes, chacun répondant à une fonction déterminée : écoles, environnement et urbanisme, transports, commerce, industries, production et distribution ◀d’▶énergie, hygiène publique, etc.
Certaines communes jugent ◀de▶ leur intérêt ◀de▶ se rattacher à tous ◀les▶ syndicats, d’autres à quelques-uns seulement, certaines enfin préfèrent participer à un autre ensemble voisin pour telle fonction particulière, ◀l’▶objectif restant ◀le▶ même, qui n’est pas ◀l’▶unité et ◀la▶ puissance ◀de▶ ◀l’▶ensemble, mais ◀le▶ service des groupes qui ◀le▶ composent librement.
Notons que ◀la▶ liberté ◀de▶ se rattacher à des ensembles différents, que j’ai nommée pluralité des allégeances et que je tiens pour essentielle et décisive179 n’est nullement exclusive ◀d’▶un pouvoir politique aux compétences bien définies. Elle ne s’oppose en fait, mais là, radicalement, qu’à ◀la▶ seule prétention totalitaire. Une foi, une loi, un roi comme ◀le▶ disait ◀la▶ Ligue des catholiques français au xvie siècle. Ein Volk, ein Reich, ein Führer comme ◀le▶ répétèrent ◀les▶ nazis et comme ◀le▶ pensent encore parmi nous ◀les▶ fanatiques ◀de▶ ◀l’▶État-nation, tant communistes que nationalistes.
Supposons maintenant que telle commune, ou tel syndicat ◀de▶ communes estime qu’une proportion plus grande des ressources financières ◀de▶ ◀la▶ région devrait lui être allouée. Qui va trancher ? ◀Le▶ problème est vraiment politique (au sens que ◀l’▶on vient de rappeler) comme ◀le▶ sont en réalité toutes ◀les▶ décisions relatives aux proportions des dépenses budgétaires : ces chiffres-là et eux seuls ne mentent pas. Et c’est ici qu’on voit paraître ◀la▶ nécessité ◀de▶ quelque conseil régional dans lequel chaque fonction, chaque syndicat ◀de▶ communes ait ses représentants élus.
Ce pouvoir régional, émanation du peuple et proche de lui, à tous égards, rendra compte ◀de▶ sa gestion devant ◀le▶ peuple souverain et devant lui seul, dont il sera ◀le▶ serviteur et non ◀le▶ prince.
Mais pour ◀l’▶exercice même ◀de▶ leur autogestion, ◀les▶ régions ont besoin de plus grand qu’elles — plus grand par ◀la▶ vision globale des problèmes et ◀de▶ leurs connexions, par ◀l’▶ampleur des moyens ou plutôt du crédit dont il dispose, et par ◀la▶ quantité, ◀la▶ qualité, ◀la▶ candeur ◀de▶ ◀l’▶information qu’il est en mesure ◀de▶ dispenser.
Ce plus grand qui était ◀l’▶État-nation, s’est disqualifié pour ◀le▶ rôle : en bornant sa vision à ses seuls intérêts et tant pis pour ◀l’▶Europe et ◀le▶ Monde, et tant pis pour ses propres régions ; en bloquant ◀le▶ plus clair ◀de▶ ses moyens sur une « défense nucléaire » incompatible avec ◀les▶ raisons ◀d’▶être ◀de▶ ce qu’il prétend défendre ; enfin en mettant ◀l’▶embargo sur toutes informations devenues vitales pour ◀la▶ survie du genre humain, guerre ABC, centrales nucléaires et pollution des océans.
Ici ◀l’▶on voit paraître ◀la▶ nécessité ◀d’▶un organisme qui assumerait au plan continental ◀la▶ concertation politique, ◀l’▶arbitrage entre ◀les▶ régions, et leur information sans retard ni réserve, condition ◀de▶ leur autonomie.