L’▶amour, pas ◀la▶ guerre (19-25 octobre 1978)ae af
◀Les▶ bénéfices ◀de▶ ◀l’▶armement
Il n’y a pas ◀d’▶issue si nous ne changeons pas profondément notre type ◀de▶ société. ◀L’▶État-nation fonctionne pour ◀la▶ guerre. C’est sa vocation. Il fabrique, il vend, il achète des armes, portées par des vecteurs intercontinentaux et non plus par des soldats observant ◀la▶ ligne bleue des Vosges.
Plus ◀l’▶État est grand, plus ◀l’▶industrie se développe, plus ◀la▶ guerre risque ◀d’▶être un holocauste général. Doit-on encore ◀le▶ démontrer ? Avec ◀les▶ armes que nous possédons, nous ne pouvons pas nous payer ◀le▶ luxe ◀d’▶un conflit international qui, à coup sûr, éliminerait ◀le▶ genre humain. Tout ce que ◀l’▶on nous raconte pour nous rassurer est mensonge. ◀De▶ ◀l’▶aveu même ◀de▶ nos dirigeants, ◀les▶ centrales nucléaires n’auront plus ◀de▶ raison ◀d’▶être dans trente ans. D’ici là, et en attendant ◀le▶ déluge… ◀l’▶énergie nucléaire devient notre principale source ◀de▶ revenus.
Et ◀l’▶on oublie, entre autres, ◀les▶ énergies douces. ◀Le▶ soleil appartient à tout le monde ; ◀les▶ fours solaires ne représentent aucun bénéfice pour ◀l’▶État. Alors, on construit des centrales et des usines ◀de▶ retraitement, qui mettent en jeu ◀le▶ sort ◀de▶ ◀l’▶humanité.
◀Les▶ partisans du nucléaire ripostent que ◀l’▶on « ne fait rien sans risques ». Ils savent néanmoins qu’il y a eu ◀de▶ nombreux incidents, dissimulés à ◀l’▶opinion parce que peu spectaculaires ; ils savent que, par exemple, ◀les▶ plans ◀de▶ Creys-Malville ont été deux fois recommencés, car ◀la▶ sécurité du surgénérateur est défaillante.
Un seuil critique
Qui peut affirmer que ◀la▶ construction définitive sera parfaite ? Personne ! Si ◀l’▶usine explosait (« entrait en excursion », disent pudiquement ◀les▶ savants), diffusant sous forme plus ou moins gazeuse quatre tonnes et demie du plutonium, Grenoble, Lausanne, Genève, seraient rasées et — pensent la plupart des spécialistes, comme l’un des inventeurs ◀de▶ ◀la▶ bombe atomique — ◀les▶ poussières radioactives contamineraient toute ◀la▶ terre…
Oh ! nul ne souhaite ◀la▶ fin prématurée ◀de▶ ◀l’▶espèce. Nous avons cependant atteint un seuil critique. Si ◀le▶ risque est mortel (tous ◀les▶ rapports sérieux ◀le▶ répètent), pourquoi ◀le▶ prendre ? Il faut s’abstenir. Un point, c’est tout ! Mais voilà… ◀La▶ préparation ◀de▶ ◀la▶ guerre, baptisée « dissuasive », polarise ◀les▶ économies « nationales » et ◀les▶ entraîne dans une dépendance obsédante et angoissée vis-à-vis ◀d’▶une énergie incontrôlable. Déjà, ses retombées investissent ◀la▶ mer, ◀l’▶eau douce, ◀l’▶air, ◀les▶ sols. ◀Les▶ déchets radioactifs que nous sommes obligés ◀de▶ stocker (mais où ? pour ◀l’▶instant on ◀les▶ jette dans ◀les▶ océans !) devront faire ◀l’▶objet ◀d’▶une surveillance constante pendant… cent-mille ans ! Beau cadeau à nos descendants !
Halte aux pouvoirs anonymes
« ◀L’▶Amoco-Cadiz » ne devait pas couler, n’est-ce pas ? Je ne crois pas à ◀la▶ vertu du discours mais à ◀la▶ leçon des faits : seule une catastrophe (tôt ou tard une centrale cassera) persuadera ◀les▶ États ◀d’▶arrêter cette course stupide au nucléaire.
Denis de Rougemont ne se préoccupe pas seulement ◀de▶ cet aspect effrayant ◀de▶ notre « désolante civilisation qui dégrade tout et convertit en un slogan,“métro-boulot-dodo”, ◀les▶ aspirations naturelles ◀de▶ ◀l’▶homme ». Il ne lui suffit pas, comme tant d’autres, ◀de▶ clamer son inquiétude. Il propose un scénario, celui-ci infiniment plus optimiste.
Nous avons ◀les▶ moyens ◀de▶ sauver in extremis « ◀l’▶environnement », ◀la▶ nature et ses habitants. Mais ce sauvetage n’aurait aucun sens si nous ne sommes plus là ou, ce qui revient au même, si nous sommes encore là mais aliénés, incapables ◀de▶ jouir ◀de▶ ◀la▶ vie.
◀Les▶ gens éprouvent de plus en plus ◀la▶ nécessité ◀de▶ se retrouver dans des tâches communes. Ils en ont assez ◀d’▶être muselés, exploités, traités en robots. Déjà, s’amorcent partout des luttes autonomistes dans ◀les▶ bourgs et villages ◀d’▶Europe. Des milliers ◀de▶ mouvements (groupes ◀d’▶actions municipales, associations féminines, fédéralistes, écologistes, etc.) sont à ◀l’▶œuvre, ébauchent ◀le▶ relief des régions européennes fédérées que j’évoque dans mon projet : « ◀L’▶avenir est notre affaire ». ◀L’▶État-nation ne doit plus empêcher ◀les▶ régions ◀de▶ s’exprimer, ◀de▶ créer, ◀d’▶inventer… mais descendre ◀de▶ son piédestal à hauteur des communes. Quand ◀le▶ pouvoir est divisé, il est moins offensif et dangereux. Quand on est plus petit, on n’est pas obligatoirement plus gentil, mais on fait moins ◀de▶ mal !
Il ne s’agit pas ◀de▶ transformer ◀l’▶Europe en super-État, mais ◀d’▶assembler harmonieusement des unités intelligibles, pacifiques, solidaires et responsables, dans lesquelles ◀les▶ individus se sentent appartenir à un univers commun, et non plus être esclaves ◀d’▶un ordre sur lequel ils n’ont aucune influence. ◀Le▶ fédéralisme, c’est ◀l’▶art ◀de▶ faire coexister et coopérer des hommes distincts, ayant des lois différentes, mais qui peuvent mieux être eux-mêmes quand ils veulent vivre mieux ensemble.
On retrouve dans cette proposition (qui n’est déjà plus une utopie dans ◀la▶ mesure où des actions sont entreprises et où des résultats sont obtenus) ◀l’▶originalité généreuse du « personnalisme », mouvement philosophique que Denis de Rougemont anima avant-guerre avec Emmanuel Mounier (1905-1950). Pour ◀les▶ personnalistes, ◀l’▶homme est « tout entier corps et tout entier esprit ». Alors que ◀l’▶individualisme est isolement et défense, ◀le▶ personnalisme est au contraire ouverture, acte ◀d’▶amour.
Un système fondé sur ◀la▶ solidarité
J’aime, donc ◀la▶ vie vaut ◀la▶ peine ◀d’▶être vécue.
Or, ◀la▶ communication, ◀la▶ relation à autrui, expérience fondamentale ◀de▶ ◀la▶ personne, est réprimée dans ◀l’▶État-nation. Pour changer ◀le▶ monde et, en premier lieu, ◀l’▶Europe, Denis de Rougemont appelle à ◀la▶ responsabilité qui engendre ◀la▶ liberté. Au mot ◀de▶ Jean-Paul Sartre : « ◀L’▶enfer c’est ◀les▶ autres », il réplique : « ◀L’▶enfer c’est ◀l’▶absence des autres, c’est ◀la▶ foule solitaire. »
Pour que ◀le▶ meilleur gagne en nous, ajoute-t-il, il nous faut d’abord ◀le▶ rendre présent, ◀l’▶anticiper, se demander : « Que puis-je faire ? » avant « Que va-t-il arriver ? » Une seule réponse : « Toi-même ». On ne devient libre que si, par sa propre responsabilité, on se donne consistance. Sinon, point ◀de▶ communautés, ni donc ◀de▶ régions, ni ◀d’▶Europe, ni ◀de▶ paix, ni ◀de▶ futur. Commençons par remplacer ◀le▶ système qui multiplie ◀les▶ occasions ◀de▶ haine et ◀de▶ guerre par un autre qui favorise ◀la▶ solidarité. Cette solidarité peut très vite être mise à ◀l’▶épreuve.
◀Le▶ couple ◀de▶ 1980 n’est plus soumis à un choix déterminé par ◀les▶ familles ou par ◀l’▶intérêt. Vouloir se marier, avoir ou non des enfants, est devenu un acte responsable autant que libre, dont ◀les▶ partenaires ne fusionnent pas, ne sont pas subordonnés l’un à l’autre, mais conjuguent dans une totale égalité leurs différences pour créer une œuvre. Toutes ◀les▶ enquêtes ◀le▶ confirment : ◀les▶ jeunes sont plus sensibles à ◀l’▶aspect « œuvre commune » du mariage que nous ◀l’▶étions autrefois. Je vois là une espérance. Pour moi, ◀le▶ couple ◀de▶ demain est une image claire du système fédéraliste auquel je rêve.