III.
L’environnement
1.
Le souci écologiste
Réaction à l’agression industrielle
L’écologie que l’on considère ici est une politique de▶ la vie et des équilibres dynamiques du vivant en tant qu’ils sont menacés par l’agression ◀de▶ la civilisation industrielle. L’écologie nous rappelle que le progrès technique et la science elle-même ne peuvent rien contre les lois fondamentales ◀de▶ la Nature, et qu’à vouloir les ignorer, c’est la survie ◀de▶ l’humanité que l’on menace.
L’écologie est donc une véritable politique, non pas au sens des rivalités partisanes, mais à celui des stratégies ◀d’▶une civilisation. En tant que prévision des conditions ◀de▶ santé et ◀d’▶activité créatrice ◀de▶ notre société occidentale, elle est même la politique par excellence, s’il reste vrai que « gouverner c’est prévoir ».
Le souci écologique, souvent qualifié ◀de▶ « mode » par des chroniqueurs irréfléchis, répond en réalité à la « mode » du bétonnage des campagnes, ◀de▶ la pollution ◀de▶ l’air, des sols, des eaux et des océans par la production, le transport et l’usage gaspilleur des énergies primaires.
Le souci écologique répond à l’extinction ◀de▶ centaines ◀d’▶espèces animales (baleines, éléphants, phoques, papillons…), à l’accumulation ◀de▶ déchets radioactifs dont nul ne sait comment se débarrasser « et qui doivent être complètement isolés ◀de▶ la biosphère pendant 200 000 à 240 000 ans, période bien plus longue que celle ◀de▶ l’histoire ◀de▶ l’homme »18.
Le souci écologique résulte aussi des pénuries qui s’annoncent pour la fin ◀de▶ ce siècle : du pétrole, ◀de▶ l’uranium, ◀de▶ l’eau potable, et possiblement ◀de▶ l’oxygène si l’on continue à détruire les principales sources ◀de▶ sa production : le plancton des océans et les forêts déjà détruites à 40 % dans le monde depuis 1882.
Les rapports entre l’écologie et les agressions multiformes ◀de▶ la technostructure industrielle contre la Nature, contre les communautés, contre la physiologie ◀de▶ l’espèce et ◀de▶ l’individu sont analogues aux rapports entre la médecine et les « maladies ◀de▶ civilisation » comme le cancer et l’infarctus.
C’est surtout par la crainte des effets possibles ◀de▶ l’énergie nucléaire — bombes ou centrales — sur l’environnement naturel et urbain, que le souci écologique a été éveillé dans la jeunesse et chez les intellectuels et scientifiques ◀de▶ nos pays, en tant qu’ils se sentent et se veulent responsables envers la société.
La résistance au nucléaire résulte ◀de▶ questions ◀de▶ bon sens telles que : « Pourquoi avons-nous besoin ◀de▶ tant et ◀de▶ toujours plus ◀d’▶énergie ? N’y aurait-il pas moyen ◀d’▶atteindre nos buts à moindres frais ? Ou ◀d’▶utiliser ◀de▶ manière plus efficace ce que nous avons ? »19 À quoi l’on peut ajouter : « À quel prix avons-nous obtenu ce surcroît ◀d’▶énergie ? » Et ◀d’▶une manière plus générale : « À quel prix le Progrès matériel ? » Ce prix étant peut-être celui ◀de▶ notre milieu vital — ◀de▶ notre survie.
Dangers signalés par l’écologie
Les rapports annuels des Nations unies sur l’État ◀de▶ l’environnement, ◀de▶ 1974 à 1978, dénoncent au nombre des dangers majeurs que la civilisation industrielle fait courir à la Nature et par là même à l’humanité :
1. L’altération ◀de▶ la couche ◀d’▶ozone. Les aérosols, les engrais azotés, les explosions nucléaires et les vols supersoniques militaires et civils constituent une menace peut-être grave pour la couche ◀d’▶ozone stratosphérique (15 à 50 km au-dessus ◀de▶ la surface terrestre en moyenne) qui protège contre les rayons ultraviolets la vie ◀de▶ l’homme, des animaux, des récoltes, des océans et du plancton. On estime que la couche ◀d’▶ozone a déjà été réduite par l’effet des aérosols ◀d’▶au moins 1 %, et le sera ◀de▶ 10 % en 2050 si l’on continue… Une guerre nucléaire mondiale aurait des conséquences désastreuses à cet égard : elle pourrait détruire ◀de▶ 20 % à 70 % l’écran vital que forme la couche ◀d’▶ozone. L’explosion (dite « excursion ») ◀d’▶un surgénérateur contenant 4 à 5 tonnes ◀de▶ plutonium transformées en aérosols dispersés tout autour de la planète par les courants stratosphériques serait pire encore, mais serait peut-être la dernière explosion possible, faute de survivants encore disposés à en organiser d’autres. ◀De▶ diverses études, conduites indépendamment les unes des autres, sur les effets probables ◀d’▶une déflagration nucléaire, il résulte en effet :
1° Que les dommages seraient tels — étendue, durée, irréversibilité dans la plupart des cas, coûts irréels ◀de▶ la restauration des villes et des cultures irradiées — que l’humanité entière pourrait en être mortellement atteinte. (Blés des USA contaminés, qui nourrissent 45 % ◀de▶ l’humanité ; villes ◀de▶ l’Europe de l’Ouest balayées par les nuages ◀de▶ plutonium en aérosol, raz ◀de▶ marée détruisant des millions ◀d’▶hectares ◀de▶ culture, ◀d’▶où famines, épidémies, révoltes vaines et meurtrières, etc.)
2° Que par suite les écologistes et tous les scientifiques ont dès maintenant pour devoir ◀de▶ préconiser une politique ◀de▶ destruction des armes nucléaires dans tous les pays qui en possèdent, ainsi que le démantèlement des réacteurs (« conventionnels » ou surgénérateurs) qui permettraient à ◀de▶ nouveaux pays ◀d’▶en fabriquer et ◀de▶ les utiliser à la manière des terroristes. Ce qui fera crier à l’utopie, bien sûr, mais est-il « réaliste » ◀de▶ laisser les choses suivre leur cours actuel vers la catastrophe finale ?
Ajoutons encore que les dommages à la couche ◀d’▶ozone persisteront ◀de▶ 50 à 200 ans après que l’homme aura cessé ◀de▶ les causer.
2. Le cancer par l’environnement. Le cancer est aujourd’hui reconnu comme résultant à 60 % à 90 % ◀de▶ notre environnement industriel, pénétré par « un demi-million ◀de▶ substances chimiques » et dix mille de plus chaque année. « La plupart sont sans aucun doute cancérigènes, surtout en combinaisons qu’il est impossible ◀d’▶expérimenter toutes. »20
3. La perte des sols. La surface ◀de▶ terrain cultivée par habitant ◀de▶ notre globe aura diminué ◀de▶ moitié à la fin du siècle. Six-cents-millions ◀d’▶hectares ◀de▶ terre cultivable auront été détériorés par l’érosion des sols, la salinisation, la progression urbaine, tandis que la population mondiale aura doublé.
La révélation ◀de▶ cette stérilisation ◀de▶ la terre, qui constitue peut-être la nouvelle la plus sensationnelle du siècle, a passé pratiquement inaperçue. Sur elle, pourtant, devrait se fonder la politique ◀de▶ notre génération.
4. L’abattage des arbres et le maintien des terres en jachère, ouvrant la voie à l’érosion (par vents et eaux), sont les causes principales des dégâts aux sols et ensuite des famines dont vont souffrir et souffrent déjà des populations entières. C’est là la forme que prend la crise ◀de▶ l’énergie pour tous les pauvres ◀de▶ la terre. Le total des arbres coupés est très supérieur à celui des arbres en croissance21. Le recul mondial des forêts oblige des millions ◀d’▶hommes et ◀de▶ femmes à parcourir des distances toujours plus grandes pour se chauffer, cependant qu’il permet aux habitants ◀de▶ nos villes ◀de▶ lire distraitement leur journal, fait ◀d’▶arbres sacrifiés.
Les quatre phénomènes décrits par le rapport des Nations unies pour 1977 paraissent reliés entre eux ◀de▶ tant de manières que la Commission les juge en fait « indissociables ». Il n’y a donc pas ◀d’▶autre moyen ◀de▶ lutte que dans une étroite coopération interrégionale ou intercontinentale selon les cas.
Le premier ◀de▶ ces phénomènes (couche ◀d’▶ozone atteinte) intéresse la totalité ◀de▶ la vie sur notre planète. Le deuxième (cancer) intéresse surtout le monde industrialisé (Occident et Japon). Quant aux troisième et quatrième (perte ◀de▶ sols, forêts détruites), ils affectent surtout le tiers-monde, mais l’Europe subira inévitablement et rapidement leurs contrecoups.
Aux dangers majeurs dénoncés par l’ONU, il faut ajouter en ce qui concerne plus spécialement l’Europe :
5. La pénurie ◀d’▶eau potable. Selon une étude ◀de▶ la Commission économique pour l’Europe (Nations unies), l’eau des rivières et des nappes souterraines est déjà insuffisante pour les besoins ◀de▶ plusieurs ◀de▶ nos pays. L’Allemagne et la Belgique sont déjà importatrices ◀d’▶eau. Alors que les réserves diminuent, la demande croît : il faudra recourir à l’eau salée pour refroidir les centrales nucléaires, ◀d’▶où accroissement des activités économiques sur les zones côtières, ◀d’▶où nouveau risque ◀de▶ déséquilibre écologique sur un littoral déjà fragile à cet égard. D’autre part, lacs, rivières et fleuves sont gravement menacés par la pollution industrielle : le Rhin, « poubelle ◀de▶ l’Europe », déverse dans la mer du Nord 60 000 tonnes ◀de▶ déchets par jour.
6. Les produits nocifs dans l’alimentation, qui la dénaturent sous prétexte de la « conserver », c’est-à-dire pour la vendre plus longtemps. Cela concerne en premier lieu les chapitres du cancer, du rachitisme, et ◀de▶ la mortalité infantile.
7. L’extinction ◀d’▶espèces animales et végétales. Pour l’Europe du Nord : harengs, baleines, insectes nécessaires à la pollinisation, hannetons, papillons, etc. La péninsule Ibérique et les Balkans possèdent encore la flore la plus riche ◀d’▶Europe, mais dans ces deux régions, deux-cents à trois-cents espèces sont menacées ◀d’▶extinction.
8. Les mégalopoles invivables ◀de▶ 2 à 13 millions ◀d’▶habitants, livrées à la délinquance produite par les grands ensembles, pollués et polluants (air et eaux), et dévorateurs ◀d’▶énergie (tours, embouteillages, publicités lumineuses, etc.).
2.
Nature des obstacles aux mesures requises
Dans la très grande majorité des cas ◀de▶ pollution ou ◀de▶ gaspillage, les remèdes ou les moyens ◀de▶ prévention sont connus. Mais une série ◀de▶ résistances organiques, dans nos sociétés ◀de▶ type européen, freine leur application ou la rendent inopérante.
Résistance des industries. — La réduction des pollutions augmente les coûts et les délais ◀de▶ production. La politique des grandes firmes consiste donc : a) à nier les dégâts (« Ce sont des bobards ◀de▶ gauchistes ») ; b) à les minimiser (« On exagère », « On fait le jeu des Soviets », « Nos experts ont démontré… ») ; c) à tourner les règlements édictés par les États ; d) à annoncer que « désormais » toutes les précautions sont prises ; e) et même à en prendre quelques-unes ; f) mais, si ces précautions s’avèrent trop coûteuses, à exporter dirigeants et machines, licences et pollutions dans des pays où la réglementation est moins sévère, voire inexistante — quitte à créer du chômage dans le pays ◀d’▶origine, et des nuisances du type Seveso dans le pays ◀d’▶accueil.
Résistance des États. — Le jeu est le même, à ceci près qu’au lieu d’exporter la pollution, l’État, qui ne peut plus la nier, prend à sa charge les indemnisations, puis les mesures ◀de▶ prévention, puis le contrôle des règles « strictes » édictées par son ministre ◀de▶ l’Environnement après dix ou quinze ans ◀d’▶abus devenus insupportables. Ce qui revient à faire supporter les frais ◀de▶ la pollution par ses victimes réelles ou potentielles, c’est-à-dire les contribuables, plutôt que par ses auteurs, qu’il ne faut pas indisposer. Au reste, les frais ◀de▶ récupération ◀de▶ lacs, ◀de▶ fleuves, ◀de▶ littoraux déjà fortement compromis sont tels que l’on comprend que l’État hésite. Pour nettoyer le bassin du Rhin, ◀de▶ Strasbourg à Rotterdam par exemple, il faudrait un milliard ◀de▶ francs français par an. Comment trouver cette somme dans un budget déjà si lourdement obéré par l’aide aux firmes polluantes mais qui travaillent pour la défense nationale ?
Au surplus, nos États opposent aux mesures écologiques ◀de▶ tous ordres que préconisent les organisations privées ou mixtes, européennes ou mondiales, une fin ◀de▶ non-recevoir anticipée dès l’instant où une solution communautaire (transfrontalière, continentale ou planétaire) aux menaces ◀de▶ pollution les plus courantes22 ou les plus dramatiques23 risquerait ◀de▶ porter une atteinte quelconque à la « souveraineté nationale ». Nos États réagissent comme un malade qui invoquerait l’habeas corpus pour interdire qu’on lui arrache une dent ou qu’on lui impose une quarantaine avant ◀d’▶aller porter sa contagion chez le voisin.
Les motifs ◀de▶ la non-application des mesures écologiques prises par les gouvernements, du sabotage des mesures préventives contre les effets chroniques des pollutions ◀de▶ tous ordres, ou du refus officiel ◀de▶ coopérer sur le plan international, relèvent donc tous ◀d’▶une priorité accordée aux profits économiques d’une part, aux « nécessités ◀de▶ la défense nationale » d’autre part.
Ce qui nous conduit à la conclusion que les menaces accumulées contre la Nature et l’environnement humain par la civilisation industrielle ne pourront être surmontées que dans la seule mesure où seront surmontés les dogmes du profit financier privé et ◀de▶ la souveraineté absolue des États, en tant qu’ils sont considérés comme les critères ultimes ◀de▶ toute action politique, sociale ou militaire.
Si les Européens n’arrivent pas très vite à comprendre que le réalisme consiste à prévenir les écocatastrophes imminentes, non pas à flatter les vanités nationales, la crise actuelle est sans issue.
3.
Solutions européennes
Les liens entre Économie, Énergie et Écologie
Ces liens sont tels qu’il ne serait pas sérieux ◀de▶ vouloir poursuivre simultanément l’intégration économique dans le cadre des Neuf ou des Douze, et la désintégration des équilibres naturels dans le cadre des souverainetés nationales.
Parmi les mesures à la fois écologiques et économiques qui s’imposent sans discussion à nos populations, nous dresserons tout d’abord une liste indicative — non exhaustive — des tâches écologiques les plus généralement tenues pour urgentes et réalisables :
1. La Commission des Communautés a demandé à ses services ◀d’▶établir un plan européen ◀de▶ l’eau qui permettrait ◀d’▶intervenir dans certains projets ◀de▶ gestion des eaux, ◀d’▶intérêt commun pour plusieurs États. L’une des premières tâches européennes est en effet la sauvegarde des lacs, rivières et fleuves pollués. (Exemples : le lac Léman pollué au mercure et au phosphore, et fortement eutrophisé ; le Rhin, pollué par cinq pays ; les estuaires transformés en aéroports et en docks pour pétroliers, ◀d’▶où destruction ◀de▶ la faune marine, etc.)
2. La lutte contre l’accroissement ◀de▶ la concentration ◀de▶ CO2 dans l’atmosphère, qui pourrait entraîner la fonte des calottes polaires, ◀d’▶où une élévation du niveau des mers suffisante pour noyer toutes les villes portuaires.
3. La protection ◀de▶ la couche ◀d’▶ozone, par interdiction des aérosols, limitation des vols supersoniques et des engrais azotés.
4. Le contrôle sévère des produits chimiques : détergents, insecticides, colorants, agents conservateurs des produits alimentaires, etc.
5. L’abandon des surgénérateurs au profit des sources ◀d’▶énergie solaire, éolienne, géothermique, biologique. L’option en faveur des surgénérateurs serait en effet irréversible : les surgénérateurs créeraient des tonnes ◀de▶ déchets radioactifs à traiter et à surveiller sans relâche jusqu’à l’extinction ◀de▶ leur activité, que rien au monde ne peut accélérer ◀d’▶une seconde. Il est trop clair qu’aucun gouvernement existant ne saurait s’engager à assurer cette gestion pendant 240000 ans : aucune civilisation jusqu’ici n’a duré plus ◀de▶ 4000 ans.
6. L’arrêt immédiat ◀de▶ la production ◀de▶ substances chimiques nouvelles dont on ne saurait pas démontrer expérimentalement qu’on maîtrise les moyens ◀de▶ les éliminer sans dommages pour l’environnement ou pour les humains.
7. Le sauvetage des espèces animales : baleines, phoques, éléphants, tigres, ocelots, etc., etc., menacées ◀d’▶extinction à tout jamais irréparable.
8. L’arrêt du bétonnage des campagnes : 18 % du sol des Pays-Bas est déjà bétonné, et ce sera 25 % avant la fin du siècle. À quoi serviront les autoroutes quand l’essence coûtera vingt fois plus qu’aujourd’hui ? La mise à l’étude immédiate ◀de▶ formules ◀de▶ substitution à l’auto (et par suite peut-être aux autoroutes) devrait être une des tâches prioritaires ◀d’▶une autorité fédérale européenne.
9. L’adoption par tous nos pays ◀de▶ critères ◀d’▶urbanisme propres à prévenir le développement ◀d’▶allure cancéreuse des mégalopoles. (Villes nouvelles ◀de▶ 50000 habitants préconisées par C. Doxiadis et par nombre ◀d’▶urbanistes ◀d’▶avant-garde ; limitation du nombre ◀d’▶étages ; rues et places fermées à la circulation automobile ; transports publics gratuits.)
10. L’étude des climats, des agents ◀de▶ modifications climatiques, et des conséquences à en tirer pour nos industries et nos procédés ◀de▶ production ◀d’▶énergie.
Au niveau européen, ces mesures impliquent des accords fédéraux, supranationaux, permettant seuls ◀d’▶entreprendre la lutte contre les pollutions « justifiées » par des calculs ◀de▶ profit local ou « autorisées » par la carence ◀de▶ lois nationales réglant la protection ◀de▶ l’environnement.
Une fois de plus, dans ce domaine, il apparaît à l’évidence que les solutions souhaitables ne deviendront possibles qu’au prix de l’union continentale ◀de▶ nos pays.
La première mesure générale indispensable étant ◀de▶ normaliser les prescriptions anti-pollution, afin de prévenir les évasions ◀d’▶industries polluantes vers les pays les moins exigeants à cet égard (procédé auquel recourent habituellement les multinationales).
La seconde mesure générale étant ◀de▶ confier à des agences continentales la distribution des tâches écologiques, selon leurs dimensions, tantôt à la fédération, tantôt aux régions.
◀De▶ l’énergie aux régions par l’écologie
Ces remèdes, pour agir, appellent deux conditions fondamentales :
a) La formation ◀d’▶institutions régionales, plus petites que la plupart de nos États nationaux, et mieux adaptées aux réalités locales, dont la diversité précisément est l’un des caractères distinctifs ◀de▶ l’Europe.
C’est au niveau régional, et là seulement, que peuvent être réalisées avec efficacité les mesures écologiques contre la pollution des eaux (nappes phréatiques, lacs, rivières), pour la production ◀d’▶énergie solaire, éolienne, géothermique ou biologique, pour la protection des sols et des forêts, la défense des paysages et des monuments, etc.
b) La formation ◀d’▶agences fédérales ◀de▶ compétence continentale, seules capables ◀de▶ planifier des mesures ◀de▶ très grandes dimensions : protection ◀de▶ la couche ◀d’▶ozone, protection des mers et des fleuves internationaux ; contrôle des produits alimentaires qui circulent en import-export dans tous nos pays ; interdiction des surgénérateurs par accord international ; substituts à l’auto et aux autoroutes ; normalisation des règlements anti-pollution.
Des institutions mixtes seraient amenées à traiter, par exemple, ◀de▶ problèmes ◀d’▶urbanisme, ◀de▶ sols, ◀de▶ mers, ou ◀de▶ sauvetage des espèces.
Ces conditions ◀de▶ réalisation ◀de▶ mesures conservatoires ◀de▶ l’homme, ◀de▶ la Nature, des villes, et ◀de▶ leurs interrelations équilibrées, excluent absolument le recours automatique à la « souveraineté nationale absolue » et au principe sacro-saint ◀de▶ la « non-ingérence », principes que l’on oublie d’ailleurs ◀d’▶appliquer quand on crée des menaces ◀de▶ pollution contre un pays voisin. La morale (et l’utilité pour le plus grand nombre) doit passer avant les égoïsmes et les prestiges nationaux, mal compris la plupart du temps.
L’humanité ◀d’▶aujourd’hui et ◀de▶ demain ne peut accepter que les États invoquent leur « souveraineté » pour se soustraire à des obligations écologiques vitales, sous prétexte que celles-ci se trouvent être, le plus souvent, selon leur nature et leurs dimensions, continentales, transfrontalières ou régionales.
Changer ◀de▶ cap
Certes, il n’est pas question que tous les citoyens et citoyennes ◀de▶ nos pays se transforment en savants écologistes. Ce qui est requis par la crise actuelle, impérieusement, c’est que les femmes et les hommes ◀d’▶Europe, les plus conscients ◀de▶ leur devoir civique, s’habituent à subordonner le « progrès » matériel au bien-être moral, le profit immédiat ◀de▶ quelques-uns aux chances ◀de▶ bonheur ◀de▶ chacun, la « défense nationale » à la paix, l’énergie aux buts du travail qu’elle est censée servir ; et les mythes nationalistes aux réalités quotidiennes.
Il est fort peu probable que les mesures préconisées dans ce Rapport soient appliquées par les États s’ils n’y sont pas contraints par des accidents graves, d’ores et déjà inévitables, et par la volonté des citoyens, telle qu’elle pourra s’exprimer notamment lors des élections au Parlement européen.
En assumant leurs droits autant que leurs devoirs à l’échelle locale, et en votant pour les candidats les plus conscients des réalités écologiques et régionales, nos peuples possèdent désormais des moyens efficaces ◀de▶ donner forme au seul avenir possible pour l’Europe.