III.
L’environnement
1.
Le souci écologiste
Réaction à l’▶agression industrielle
◀L’▶écologie que ◀l’▶on considère ici est une politique ◀de▶ ◀la▶ vie et des équilibres dynamiques du vivant en tant qu’ils sont menacés par ◀l’▶agression ◀de▶ ◀la▶ civilisation industrielle. ◀L’▶écologie nous rappelle que ◀le▶ progrès technique et ◀la▶ science elle-même ne peuvent rien contre ◀les▶ lois fondamentales ◀de▶ ◀la▶ Nature, et qu’à vouloir ◀les▶ ignorer, c’est ◀la▶ survie ◀de▶ ◀l’▶humanité que ◀l’▶on menace.
◀L’▶écologie est donc une véritable politique, non pas au sens des rivalités partisanes, mais à celui des stratégies ◀d’▶une civilisation. En tant que prévision des conditions ◀de▶ santé et ◀d’▶activité créatrice ◀de▶ notre société occidentale, elle est même ◀la▶ politique par excellence, s’il reste vrai que « gouverner c’est prévoir ».
◀Le▶ souci écologique, souvent qualifié ◀de▶ « mode » par des chroniqueurs irréfléchis, répond en réalité à ◀la▶ « mode » du bétonnage des campagnes, ◀de▶ ◀la▶ pollution ◀de▶ ◀l’▶air, des sols, des eaux et des océans par ◀la▶ production, ◀le▶ transport et ◀l’▶usage gaspilleur des énergies primaires.
◀Le▶ souci écologique répond à ◀l’▶extinction ◀de▶ centaines ◀d’▶espèces animales (baleines, éléphants, phoques, papillons…), à ◀l’▶accumulation ◀de▶ déchets radioactifs dont nul ne sait comment se débarrasser « et qui doivent être complètement isolés ◀de▶ ◀la▶ biosphère pendant 200 000 à 240 000 ans, période bien plus longue que celle ◀de▶ ◀l’▶histoire ◀de▶ ◀l’▶homme »18.
◀Le▶ souci écologique résulte aussi des pénuries qui s’annoncent pour ◀la▶ fin ◀de▶ ce siècle : du pétrole, ◀de▶ ◀l’▶uranium, ◀de▶ ◀l’▶eau potable, et possiblement ◀de▶ ◀l’▶oxygène si ◀l’▶on continue à détruire ◀les▶ principales sources ◀de▶ sa production : ◀le▶ plancton des océans et ◀les▶ forêts déjà détruites à 40 % dans ◀le▶ monde depuis 1882.
◀Les▶ rapports entre ◀l’▶écologie et ◀les▶ agressions multiformes ◀de▶ ◀la▶ technostructure industrielle contre ◀la▶ Nature, contre ◀les▶ communautés, contre ◀la▶ physiologie ◀de▶ ◀l’▶espèce et ◀de▶ ◀l’▶individu sont analogues aux rapports entre ◀la▶ médecine et ◀les▶ « maladies ◀de▶ civilisation » comme ◀le▶ cancer et ◀l’▶infarctus.
C’est surtout par ◀la▶ crainte des effets possibles ◀de▶ ◀l’▶énergie nucléaire — bombes ou centrales — sur ◀l’▶environnement naturel et urbain, que ◀le▶ souci écologique a été éveillé dans ◀la▶ jeunesse et chez ◀les▶ intellectuels et scientifiques ◀de▶ nos pays, en tant qu’ils se sentent et se veulent responsables envers ◀la▶ société.
◀La▶ résistance au nucléaire résulte ◀de▶ questions ◀de▶ bon sens telles que : « Pourquoi avons-nous besoin ◀de▶ tant et ◀de▶ toujours plus ◀d’▶énergie ? N’y aurait-il pas moyen ◀d’▶atteindre nos buts à moindres frais ? Ou ◀d’▶utiliser ◀de▶ manière plus efficace ce que nous avons ? »19 À quoi ◀l’▶on peut ajouter : « À quel prix avons-nous obtenu ce surcroît ◀d’▶énergie ? » Et ◀d’▶une manière plus générale : « À quel prix ◀le▶ Progrès matériel ? » Ce prix étant peut-être celui ◀de▶ notre milieu vital — ◀de▶ notre survie.
Dangers signalés par ◀l’▶écologie
◀Les▶ rapports annuels des Nations unies sur ◀l’▶État ◀de▶ ◀l’▶environnement, ◀de▶ 1974 à 1978, dénoncent au nombre des dangers majeurs que ◀la▶ civilisation industrielle fait courir à ◀la▶ Nature et par là même à ◀l’▶humanité :
1. ◀L’▶altération ◀de▶ ◀la▶ couche ◀d’▶ozone. ◀Les▶ aérosols, ◀les▶ engrais azotés, ◀les▶ explosions nucléaires et ◀les▶ vols supersoniques militaires et civils constituent une menace peut-être grave pour ◀la▶ couche ◀d’▶ozone stratosphérique (15 à 50 km au-dessus ◀de▶ ◀la▶ surface terrestre en moyenne) qui protège contre ◀les▶ rayons ultraviolets ◀la▶ vie ◀de▶ ◀l’▶homme, des animaux, des récoltes, des océans et du plancton. On estime que ◀la▶ couche ◀d’▶ozone a déjà été réduite par ◀l’▶effet des aérosols ◀d’▶au moins 1 %, et ◀le▶ sera ◀de▶ 10 % en 2050 si ◀l’▶on continue… Une guerre nucléaire mondiale aurait des conséquences désastreuses à cet égard : elle pourrait détruire ◀de▶ 20 % à 70 % ◀l’▶écran vital que forme ◀la▶ couche ◀d’▶ozone. ◀L’▶explosion (dite « excursion ») ◀d’▶un surgénérateur contenant 4 à 5 tonnes ◀de▶ plutonium transformées en aérosols dispersés tout autour de ◀la▶ planète par ◀les▶ courants stratosphériques serait pire encore, mais serait peut-être la dernière explosion possible, faute de survivants encore disposés à en organiser d’autres. ◀De▶ diverses études, conduites indépendamment ◀les▶ unes des autres, sur ◀les▶ effets probables ◀d’▶une déflagration nucléaire, il résulte en effet :
1° Que ◀les▶ dommages seraient tels — étendue, durée, irréversibilité dans la plupart des cas, coûts irréels ◀de▶ ◀la▶ restauration des villes et des cultures irradiées — que ◀l’▶humanité entière pourrait en être mortellement atteinte. (Blés des USA contaminés, qui nourrissent 45 % ◀de▶ ◀l’▶humanité ; villes ◀de▶ ◀l’▶Europe de l’Ouest balayées par ◀les▶ nuages ◀de▶ plutonium en aérosol, raz ◀de▶ marée détruisant des millions ◀d’▶hectares ◀de▶ culture, ◀d’▶où famines, épidémies, révoltes vaines et meurtrières, etc.)
2° Que par suite ◀les▶ écologistes et tous ◀les▶ scientifiques ont dès maintenant pour devoir ◀de▶ préconiser une politique ◀de▶ destruction des armes nucléaires dans tous ◀les▶ pays qui en possèdent, ainsi que ◀le▶ démantèlement des réacteurs (« conventionnels » ou surgénérateurs) qui permettraient à ◀de▶ nouveaux pays ◀d’▶en fabriquer et ◀de▶ ◀les▶ utiliser à la manière des terroristes. Ce qui fera crier à ◀l’▶utopie, bien sûr, mais est-il « réaliste » ◀de▶ laisser ◀les▶ choses suivre leur cours actuel vers ◀la▶ catastrophe finale ?
Ajoutons encore que ◀les▶ dommages à ◀la▶ couche ◀d’▶ozone persisteront ◀de▶ 50 à 200 ans après que ◀l’▶homme aura cessé ◀de▶ ◀les▶ causer.
2. ◀Le▶ cancer par ◀l’▶environnement. ◀Le▶ cancer est aujourd’hui reconnu comme résultant à 60 % à 90 % ◀de▶ notre environnement industriel, pénétré par « un demi-million ◀de▶ substances chimiques » et dix mille de plus chaque année. « La plupart sont sans aucun doute cancérigènes, surtout en combinaisons qu’il est impossible ◀d’▶expérimenter toutes. »20
3. ◀La▶ perte des sols. ◀La▶ surface ◀de▶ terrain cultivée par habitant ◀de▶ notre globe aura diminué ◀de▶ moitié à ◀la▶ fin du siècle. Six-cents-millions ◀d’▶hectares ◀de▶ terre cultivable auront été détériorés par ◀l’▶érosion des sols, ◀la▶ salinisation, ◀la▶ progression urbaine, tandis que ◀la▶ population mondiale aura doublé.
◀La▶ révélation ◀de▶ cette stérilisation ◀de▶ ◀la▶ terre, qui constitue peut-être ◀la▶ nouvelle ◀la▶ plus sensationnelle du siècle, a passé pratiquement inaperçue. Sur elle, pourtant, devrait se fonder ◀la▶ politique ◀de▶ notre génération.
4. ◀L’▶abattage des arbres et ◀le▶ maintien des terres en jachère, ouvrant ◀la▶ voie à ◀l’▶érosion (par vents et eaux), sont ◀les▶ causes principales des dégâts aux sols et ensuite des famines dont vont souffrir et souffrent déjà des populations entières. C’est là ◀la▶ forme que prend ◀la▶ crise ◀de▶ ◀l’▶énergie pour tous ◀les▶ pauvres ◀de▶ ◀la▶ terre. ◀Le▶ total des arbres coupés est très supérieur à celui des arbres en croissance21. ◀Le▶ recul mondial des forêts oblige des millions ◀d’▶hommes et ◀de▶ femmes à parcourir des distances toujours plus grandes pour se chauffer, cependant qu’il permet aux habitants ◀de▶ nos villes ◀de▶ lire distraitement leur journal, fait ◀d’▶arbres sacrifiés.
◀Les▶ quatre phénomènes décrits par ◀le▶ rapport des Nations unies pour 1977 paraissent reliés entre eux ◀de▶ tant de manières que ◀la▶ Commission ◀les▶ juge en fait « indissociables ». Il n’y a donc pas ◀d’▶autre moyen ◀de▶ lutte que dans une étroite coopération interrégionale ou intercontinentale selon ◀les▶ cas.
Le premier ◀de▶ ces phénomènes (couche ◀d’▶ozone atteinte) intéresse ◀la▶ totalité ◀de▶ ◀la▶ vie sur notre planète. Le deuxième (cancer) intéresse surtout ◀le▶ monde industrialisé (Occident et Japon). Quant aux troisième et quatrième (perte ◀de▶ sols, forêts détruites), ils affectent surtout ◀le▶ tiers-monde, mais ◀l’▶Europe subira inévitablement et rapidement leurs contrecoups.
Aux dangers majeurs dénoncés par ◀l’▶ONU, il faut ajouter en ce qui concerne plus spécialement ◀l’▶Europe :
5. ◀La▶ pénurie ◀d’▶eau potable. Selon une étude ◀de▶ ◀la▶ Commission économique pour ◀l’▶Europe (Nations unies), ◀l’▶eau des rivières et des nappes souterraines est déjà insuffisante pour ◀les▶ besoins ◀de▶ plusieurs ◀de▶ nos pays. ◀L’▶Allemagne et ◀la▶ Belgique sont déjà importatrices ◀d’▶eau. Alors que ◀les▶ réserves diminuent, ◀la▶ demande croît : il faudra recourir à ◀l’▶eau salée pour refroidir ◀les▶ centrales nucléaires, ◀d’▶où accroissement des activités économiques sur ◀les▶ zones côtières, ◀d’▶où nouveau risque ◀de▶ déséquilibre écologique sur un littoral déjà fragile à cet égard. D’autre part, lacs, rivières et fleuves sont gravement menacés par ◀la▶ pollution industrielle : ◀le▶ Rhin, « poubelle ◀de▶ ◀l’▶Europe », déverse dans ◀la▶ mer du Nord 60 000 tonnes ◀de▶ déchets par jour.
6. ◀Les▶ produits nocifs dans ◀l’▶alimentation, qui ◀la▶ dénaturent sous prétexte de ◀la▶ « conserver », c’est-à-dire pour ◀la▶ vendre plus longtemps. Cela concerne en premier lieu ◀les▶ chapitres du cancer, du rachitisme, et ◀de▶ ◀la▶ mortalité infantile.
7. ◀L’▶extinction ◀d’▶espèces animales et végétales. Pour ◀l’▶Europe du Nord : harengs, baleines, insectes nécessaires à ◀la▶ pollinisation, hannetons, papillons, etc. ◀La▶ péninsule Ibérique et ◀les▶ Balkans possèdent encore ◀la▶ flore ◀la▶ plus riche ◀d’▶Europe, mais dans ces deux régions, deux-cents à trois-cents espèces sont menacées ◀d’▶extinction.
8. ◀Les▶ mégalopoles invivables ◀de▶ 2 à 13 millions ◀d’▶habitants, livrées à ◀la▶ délinquance produite par ◀les▶ grands ensembles, pollués et polluants (air et eaux), et dévorateurs ◀d’▶énergie (tours, embouteillages, publicités lumineuses, etc.).
2.
Nature des obstacles aux mesures requises
Dans ◀la▶ très grande majorité des cas ◀de▶ pollution ou ◀de▶ gaspillage, ◀les▶ remèdes ou ◀les▶ moyens ◀de▶ prévention sont connus. Mais une série ◀de▶ résistances organiques, dans nos sociétés ◀de▶ type européen, freine leur application ou ◀la▶ rendent inopérante.
Résistance des industries. — ◀La▶ réduction des pollutions augmente ◀les▶ coûts et ◀les▶ délais ◀de▶ production. ◀La▶ politique des grandes firmes consiste donc : a) à nier ◀les▶ dégâts (« Ce sont des bobards ◀de▶ gauchistes ») ; b) à ◀les▶ minimiser (« On exagère », « On fait ◀le▶ jeu des Soviets », « Nos experts ont démontré… ») ; c) à tourner ◀les▶ règlements édictés par ◀les▶ États ; d) à annoncer que « désormais » toutes ◀les▶ précautions sont prises ; e) et même à en prendre quelques-unes ; f) mais, si ces précautions s’avèrent trop coûteuses, à exporter dirigeants et machines, licences et pollutions dans des pays où ◀la▶ réglementation est moins sévère, voire inexistante — quitte à créer du chômage dans ◀le▶ pays ◀d’▶origine, et des nuisances du type Seveso dans ◀le▶ pays ◀d’▶accueil.
Résistance des États. — ◀Le▶ jeu est ◀le▶ même, à ceci près qu’au lieu d’exporter ◀la▶ pollution, ◀l’▶État, qui ne peut plus ◀la▶ nier, prend à sa charge ◀les▶ indemnisations, puis ◀les▶ mesures ◀de▶ prévention, puis ◀le▶ contrôle des règles « strictes » édictées par son ministre ◀de▶ ◀l’▶Environnement après dix ou quinze ans ◀d’▶abus devenus insupportables. Ce qui revient à faire supporter ◀les▶ frais ◀de▶ ◀la▶ pollution par ses victimes réelles ou potentielles, c’est-à-dire ◀les▶ contribuables, plutôt que par ses auteurs, qu’il ne faut pas indisposer. Au reste, ◀les▶ frais ◀de▶ récupération ◀de▶ lacs, ◀de▶ fleuves, ◀de▶ littoraux déjà fortement compromis sont tels que ◀l’▶on comprend que ◀l’▶État hésite. Pour nettoyer ◀le▶ bassin du Rhin, ◀de▶ Strasbourg à Rotterdam par exemple, il faudrait un milliard ◀de▶ francs français par an. Comment trouver cette somme dans un budget déjà si lourdement obéré par ◀l’▶aide aux firmes polluantes mais qui travaillent pour ◀la▶ défense nationale ?
Au surplus, nos États opposent aux mesures écologiques ◀de▶ tous ordres que préconisent ◀les▶ organisations privées ou mixtes, européennes ou mondiales, une fin ◀de▶ non-recevoir anticipée dès ◀l’▶instant où une solution communautaire (transfrontalière, continentale ou planétaire) aux menaces ◀de▶ pollution ◀les▶ plus courantes22 ou ◀les▶ plus dramatiques23 risquerait ◀de▶ porter une atteinte quelconque à ◀la▶ « souveraineté nationale ». Nos États réagissent comme un malade qui invoquerait ◀l’▶habeas corpus pour interdire qu’on lui arrache une dent ou qu’on lui impose une quarantaine avant ◀d’▶aller porter sa contagion chez ◀le▶ voisin.
◀Les▶ motifs ◀de▶ ◀la▶ non-application des mesures écologiques prises par ◀les▶ gouvernements, du sabotage des mesures préventives contre ◀les▶ effets chroniques des pollutions ◀de▶ tous ordres, ou du refus officiel ◀de▶ coopérer sur le plan international, relèvent donc tous ◀d’▶une priorité accordée aux profits économiques d’une part, aux « nécessités ◀de▶ ◀la▶ défense nationale » d’autre part.
Ce qui nous conduit à ◀la▶ conclusion que ◀les▶ menaces accumulées contre ◀la▶ Nature et ◀l’▶environnement humain par ◀la▶ civilisation industrielle ne pourront être surmontées que dans ◀la▶ seule mesure où seront surmontés ◀les▶ dogmes du profit financier privé et ◀de▶ ◀la▶ souveraineté absolue des États, en tant qu’ils sont considérés comme ◀les▶ critères ultimes ◀de▶ toute action politique, sociale ou militaire.
Si ◀les▶ Européens n’arrivent pas très vite à comprendre que ◀le▶ réalisme consiste à prévenir ◀les▶ écocatastrophes imminentes, non pas à flatter ◀les▶ vanités nationales, ◀la▶ crise actuelle est sans issue.
3.
Solutions européennes
◀Les▶ liens entre Économie, Énergie et Écologie
Ces liens sont tels qu’il ne serait pas sérieux ◀de▶ vouloir poursuivre simultanément ◀l’▶intégration économique dans ◀le▶ cadre des Neuf ou des Douze, et ◀la▶ désintégration des équilibres naturels dans ◀le▶ cadre des souverainetés nationales.
Parmi ◀les▶ mesures à la fois écologiques et économiques qui s’imposent sans discussion à nos populations, nous dresserons tout d’abord une liste indicative — non exhaustive — des tâches écologiques ◀les▶ plus généralement tenues pour urgentes et réalisables :
1. ◀La▶ Commission des Communautés a demandé à ses services ◀d’▶établir un plan européen ◀de▶ ◀l’▶eau qui permettrait ◀d’▶intervenir dans certains projets ◀de▶ gestion des eaux, ◀d’▶intérêt commun pour plusieurs États. L’une des premières tâches européennes est en effet ◀la▶ sauvegarde des lacs, rivières et fleuves pollués. (Exemples : ◀le▶ lac Léman pollué au mercure et au phosphore, et fortement eutrophisé ; ◀le▶ Rhin, pollué par cinq pays ; ◀les▶ estuaires transformés en aéroports et en docks pour pétroliers, ◀d’▶où destruction ◀de▶ ◀la▶ faune marine, etc.)
2. ◀La▶ lutte contre ◀l’▶accroissement ◀de▶ ◀la▶ concentration ◀de▶ CO2 dans ◀l’▶atmosphère, qui pourrait entraîner ◀la▶ fonte des calottes polaires, ◀d’▶où une élévation du niveau des mers suffisante pour noyer toutes ◀les▶ villes portuaires.
3. ◀La▶ protection ◀de▶ ◀la▶ couche ◀d’▶ozone, par interdiction des aérosols, limitation des vols supersoniques et des engrais azotés.
4. ◀Le▶ contrôle sévère des produits chimiques : détergents, insecticides, colorants, agents conservateurs des produits alimentaires, etc.
5. ◀L’▶abandon des surgénérateurs au profit des sources ◀d’▶énergie solaire, éolienne, géothermique, biologique. ◀L’▶option en faveur des surgénérateurs serait en effet irréversible : ◀les▶ surgénérateurs créeraient des tonnes ◀de▶ déchets radioactifs à traiter et à surveiller sans relâche jusqu’à ◀l’▶extinction ◀de▶ leur activité, que rien au monde ne peut accélérer ◀d’▶une seconde. Il est trop clair qu’aucun gouvernement existant ne saurait s’engager à assurer cette gestion pendant 240000 ans : aucune civilisation jusqu’ici n’a duré plus ◀de▶ 4000 ans.
6. ◀L’▶arrêt immédiat ◀de▶ ◀la▶ production ◀de▶ substances chimiques nouvelles dont on ne saurait pas démontrer expérimentalement qu’on maîtrise ◀les▶ moyens ◀de▶ ◀les▶ éliminer sans dommages pour ◀l’▶environnement ou pour ◀les▶ humains.
7. ◀Le▶ sauvetage des espèces animales : baleines, phoques, éléphants, tigres, ocelots, etc., etc., menacées ◀d’▶extinction à tout jamais irréparable.
8. ◀L’▶arrêt du bétonnage des campagnes : 18 % du sol des Pays-Bas est déjà bétonné, et ce sera 25 % avant ◀la▶ fin du siècle. À quoi serviront ◀les▶ autoroutes quand ◀l’▶essence coûtera vingt fois plus qu’aujourd’hui ? ◀La▶ mise à ◀l’▶étude immédiate ◀de▶ formules ◀de▶ substitution à ◀l’▶auto (et par suite peut-être aux autoroutes) devrait être une des tâches prioritaires ◀d’▶une autorité fédérale européenne.
9. ◀L’▶adoption par tous nos pays ◀de▶ critères ◀d’▶urbanisme propres à prévenir ◀le▶ développement ◀d’▶allure cancéreuse des mégalopoles. (Villes nouvelles ◀de▶ 50000 habitants préconisées par C. Doxiadis et par nombre ◀d’▶urbanistes ◀d’▶avant-garde ; limitation du nombre ◀d’▶étages ; rues et places fermées à ◀la▶ circulation automobile ; transports publics gratuits.)
10. ◀L’▶étude des climats, des agents ◀de▶ modifications climatiques, et des conséquences à en tirer pour nos industries et nos procédés ◀de▶ production ◀d’▶énergie.
Au niveau européen, ces mesures impliquent des accords fédéraux, supranationaux, permettant seuls ◀d’▶entreprendre ◀la▶ lutte contre ◀les▶ pollutions « justifiées » par des calculs ◀de▶ profit local ou « autorisées » par ◀la▶ carence ◀de▶ lois nationales réglant ◀la▶ protection ◀de▶ ◀l’▶environnement.
Une fois de plus, dans ce domaine, il apparaît à ◀l’▶évidence que ◀les▶ solutions souhaitables ne deviendront possibles qu’au prix de ◀l’▶union continentale ◀de▶ nos pays.
La première mesure générale indispensable étant ◀de▶ normaliser ◀les▶ prescriptions anti-pollution, afin de prévenir ◀les▶ évasions ◀d’▶industries polluantes vers ◀les▶ pays ◀les▶ moins exigeants à cet égard (procédé auquel recourent habituellement ◀les▶ multinationales).
La seconde mesure générale étant ◀de▶ confier à des agences continentales ◀la▶ distribution des tâches écologiques, selon leurs dimensions, tantôt à ◀la▶ fédération, tantôt aux régions.
◀De▶ ◀l’▶énergie aux régions par ◀l’▶écologie
Ces remèdes, pour agir, appellent deux conditions fondamentales :
a) ◀La▶ formation ◀d’▶institutions régionales, plus petites que la plupart de nos États nationaux, et mieux adaptées aux réalités locales, dont ◀la▶ diversité précisément est l’un des caractères distinctifs ◀de▶ ◀l’▶Europe.
C’est au niveau régional, et là seulement, que peuvent être réalisées avec efficacité ◀les▶ mesures écologiques contre ◀la▶ pollution des eaux (nappes phréatiques, lacs, rivières), pour ◀la▶ production ◀d’▶énergie solaire, éolienne, géothermique ou biologique, pour ◀la▶ protection des sols et des forêts, ◀la▶ défense des paysages et des monuments, etc.
b) ◀La▶ formation ◀d’▶agences fédérales ◀de▶ compétence continentale, seules capables ◀de▶ planifier des mesures ◀de▶ très grandes dimensions : protection ◀de▶ ◀la▶ couche ◀d’▶ozone, protection des mers et des fleuves internationaux ; contrôle des produits alimentaires qui circulent en import-export dans tous nos pays ; interdiction des surgénérateurs par accord international ; substituts à ◀l’▶auto et aux autoroutes ; normalisation des règlements anti-pollution.
Des institutions mixtes seraient amenées à traiter, par exemple, ◀de▶ problèmes ◀d’▶urbanisme, ◀de▶ sols, ◀de▶ mers, ou ◀de▶ sauvetage des espèces.
Ces conditions ◀de▶ réalisation ◀de▶ mesures conservatoires ◀de▶ ◀l’▶homme, ◀de▶ ◀la▶ Nature, des villes, et ◀de▶ leurs interrelations équilibrées, excluent absolument ◀le▶ recours automatique à ◀la▶ « souveraineté nationale absolue » et au principe sacro-saint ◀de▶ ◀la▶ « non-ingérence », principes que ◀l’▶on oublie d’ailleurs ◀d’▶appliquer quand on crée des menaces ◀de▶ pollution contre un pays voisin. ◀La▶ morale (et ◀l’▶utilité pour ◀le▶ plus grand nombre) doit passer avant ◀les▶ égoïsmes et ◀les▶ prestiges nationaux, mal compris la plupart du temps.
◀L’▶humanité ◀d’▶aujourd’hui et ◀de▶ demain ne peut accepter que ◀les▶ États invoquent leur « souveraineté » pour se soustraire à des obligations écologiques vitales, sous prétexte que celles-ci se trouvent être, ◀le▶ plus souvent, selon leur nature et leurs dimensions, continentales, transfrontalières ou régionales.
Changer ◀de▶ cap
Certes, il n’est pas question que tous ◀les▶ citoyens et citoyennes ◀de▶ nos pays se transforment en savants écologistes. Ce qui est requis par ◀la▶ crise actuelle, impérieusement, c’est que ◀les▶ femmes et ◀les▶ hommes ◀d’▶Europe, ◀les▶ plus conscients ◀de▶ leur devoir civique, s’habituent à subordonner ◀le▶ « progrès » matériel au bien-être moral, ◀le▶ profit immédiat ◀de▶ quelques-uns aux chances ◀de▶ bonheur ◀de▶ chacun, ◀la▶ « défense nationale » à ◀la▶ paix, ◀l’▶énergie aux buts du travail qu’elle est censée servir ; et ◀les▶ mythes nationalistes aux réalités quotidiennes.
Il est fort peu probable que ◀les▶ mesures préconisées dans ce Rapport soient appliquées par ◀les▶ États s’ils n’y sont pas contraints par des accidents graves, d’ores et déjà inévitables, et par ◀la▶ volonté des citoyens, telle qu’elle pourra s’exprimer notamment lors des élections au Parlement européen.
En assumant leurs droits autant que leurs devoirs à ◀l’▶échelle locale, et en votant pour ◀les▶ candidats ◀les▶ plus conscients des réalités écologiques et régionales, nos peuples possèdent désormais des moyens efficaces ◀de▶ donner forme au seul avenir possible pour ◀l’▶Europe.