VII.
Programme pour les▶ Européens
◀L’▶Europe n’est pas un parti
Nous parlions ◀d’▶un Programme. Mais ce n’est pas celui ◀d’▶un parti qui se dirait européen, écologiste, régionaliste, fédéraliste…
C’est ◀le▶ programme ◀de▶ ceux qui, dans tous ◀les▶ partis, voient venir ◀les▶ mêmes dangers et sont en quête des mêmes réponses créatrices.
Il n’existe en réalité aucune raison pour qu’une Europe écologique, régionaliste, fédéraliste, devienne ◀l’▶affaire ◀d’▶un seul parti, forçant du même coup tous ◀les▶ autres à se dire contre, du seul fait qu’ils se sentiraient exclus, ou contestés en bloc. Il est certain qu’au nombre des adhérents ◀de▶ toutes ◀les▶ formations traditionnelles, beaucoup, peut-être ◀la▶ majorité, reconnaissent ◀l’▶évidence des thèses écologistes, régionalistes, fédéralistes, qu’elles soient ou non rituellement condamnées par ◀l’▶« appareil » ◀de▶ leur parti — celui pour lequel finalement ils vont cependant voter, par inertie.
Que ◀les▶ partis persistent dans leur être tant qu’ils auront une raison ◀d’▶être : ils représentent des attitudes et des mentalités qui constituent des sortes ◀de▶ langages dans lesquels ils interprètent ◀les▶ différentes manières usuelles ◀d’▶approcher ◀les▶ problèmes qu’on a tenté ◀de▶ définir ici.
Ce qui nous importe dans ce Rapport, c’est cela sur quoi tous ◀les▶ hommes tant soit peu raisonnables et informés peuvent s’unir aujourd’hui en connaissance de cause et en convergence ◀de▶ buts.
Personne n’ose se dire contre ◀l’▶union
◀Le▶ fait est que personne à haute voix ne se déclare pour ◀la▶ pollution ; n’ose dire, même s’il ◀le▶ pense, qu’il est indifférent aux risques ◀d’▶« excursions » dans un Superphénix ; ou encore qu’il se moque totalement ◀de▶ laisser aux générations futures, pendant 24 000 ans au minimum, 120 000 probables, voire 5 millions possibles, ◀la▶ tâche quotidienne ◀de▶ refroidir et ◀d’▶isoler des milliers ◀de▶ tonnes ◀de▶ déchets radioactifs, menaçant en permanence et à ◀la▶ moindre négligence ◀d’▶exploser dans ◀les▶ entrailles ◀de▶ ◀la▶ Terre et ◀de▶ répandre des nuées mortelles sur ◀la▶ surface entière ◀de▶ ◀la▶ planète.
Personne ne veut cela. Nous ne voulons pas cela.
Mais tout le monde peut voir que si nous, citoyens des 30 pays ◀de▶ ◀l’▶Europe, laissons faire nos États désunis, puérilement rivaux et l’un ◀de▶ l’autre craintifs, ◀le▶ pire devient ◀le▶ plus probable : crise économique indéfiniment aggravée, inflation et chômage en croissance jumelée, famines génocidaires, terrorisme endémique universel, ◀le▶ tout allant inéluctablement aux conflits nucléaires intercontinentaux nettoyant ◀la▶ Nature ◀de▶ sa vermine humaine.
◀Le▶ seul problème sérieux que nous affrontons tous est donc celui ◀de▶ savoir comment se mettre d’accord, en temps utile, pour éviter ce qu’en tout cas nous ne voulons pas.
On ne présente pas ici ◀le▶ manifeste ◀d’▶un parti qui aurait plus que tout autre ◀le▶ droit ◀de▶ se proclamer européen. On offre des propositions concrètes, un plan ◀de▶ survie ◀de▶ ◀l’▶Europe et ◀de▶ ◀l’▶humanité.
Qu’avons-nous proposé dans ces pages ?
Rappelons ◀les▶ principales orientations et suggestions parfois précises formulées dans ◀les▶ six chapitres qui précèdent :
1. Subordonner ◀l’▶Économie non plus au profit mais à ◀l’▶homme. Ce qui peut signifier, par exemple : renoncer à toute entreprise qui serait financièrement rentable, mais cesserait ◀de▶ ◀l’▶être si ◀l’▶on prenait en compte ses coûts et contrecoups sociaux, médico-psychologiques, belligènes, environnementaux, polluants, désertifiants et gaspilleurs ◀de▶ ressources naturelles. Créer des réseaux continentaux et régionaux ◀de▶ communication au service ◀de▶ ◀la▶ participation des citoyens aux décisions publiques. ◀D’▶où : petites unités ◀de▶ production et ◀d’▶emploi stabilisé.
Raccourcir ◀le▶ temps ◀de▶ travail. Produire mieux avec moins ◀de▶ gaspillage et une répartition plus fluide des efforts. Développer une agriculture plus autonome et mieux diversifiée. Faire revivre ◀l’▶artisanat, c’est-à-dire ◀les▶ loisirs créateurs, valorisant ◀les▶ ressources ◀de▶ ◀la▶ Terre.
Concerter à ◀l’▶échelle mondiale ◀les▶ transferts ◀de▶ technologie.
Tout cela suppose des pouvoirs fédéraux européens.
2. Donner aux communes et aux régions ◀le▶ droit ◀de▶ se prononcer sur ◀les▶ sources, ◀la▶ nature et ◀le▶ volume ◀de▶ ◀l’▶Énergie correspondant à leurs besoins, évalués par elles-mêmes, non par ◀les▶ vendeurs ◀d’▶énergie.
Diminuer puis inverser ◀les▶ taux ◀de▶ croissance du gaspillage énergétique.
Tout cela suppose des pouvoirs fédéraux européens.
3. Au service ◀de▶ ◀l’▶environnement, c’est-à-dire du souci ◀d’▶assurer ◀l’▶équilibre entre ◀l’▶homme et ◀la▶ Nature :
Établir un plan européen ◀de▶ ◀l’▶Eau. Un plan ◀de▶ sauvetage ◀de▶ ◀la▶ Méditerranée. Protéger ◀la▶ couche ◀d’▶ozone qui entoure ◀le▶ globe. Contrôler ◀les▶ produits chimiques nouveaux, ◀les▶ engrais, ◀les▶ agents conservateurs ◀d’▶aliments et ◀le▶ bétonnage universel.
Créer à cet effet des agences fédérales.
4. Constituer des régions et créer leurs pouvoirs, non ◀les▶ « prendre » (ils n’existent pas).
Cesser ◀de▶ ◀les▶ spolier du gros ◀de▶ leurs ressources fiscales.
Dépasser ◀le▶ dogme ◀de▶ ◀la▶ souveraineté nationale absolue : reconnaître et favoriser ◀les▶ solidarités transfrontalières.
Constituer un Sénat des régions, comme pièce maîtresse ◀de▶ ◀la▶ fédération européenne.
5. Cesser ◀de▶ se reposer pour ◀la▶ défense de ◀l’▶Europe sur ◀les▶ armes nucléaires (par nature offensives) commandées par ◀le▶ Pentagone.
Éduquer au contraire et motiver ◀la▶ volonté ◀de▶ défense sur place, locale et régionale, dans toute ◀l’▶Europe.
Ce qui exige ◀l’▶union, mais pas n’importe laquelle : ◀l’▶union qui s’exprime dans ◀la▶ devise « Un pour tous, tous pour un ».
6. Donner au tiers-monde ◀l’▶exemple, seul efficace, ◀d’▶une société ◀d’▶un type nouveau, fondée sur ◀les▶ principes écologiques, régionalistes et fédéralistes.
Une société qui n’ait pas pour but ◀la▶ Puissance (des États ou des compagnies) mais ◀la▶ réalisation des personnes, c’est-à-dire ◀la▶ Liberté.
Seule ◀l’▶Europe fédérée sera capable ◀de▶ cet exemple, dont dépend ◀la▶ paix du monde et ◀la▶ continuation ◀de▶ ◀l’▶histoire humaine.
Que feront ◀de▶ ces propositions ◀les▶ députés que vous aurez élus ?
◀La▶ coutume et ◀la▶ règle, dans une démocratie, veulent que ◀les▶ députés défendent au Parlement ◀les▶ programmes sur lesquels ils ont été élus.
Il va de soi que ◀les▶ décisions qui seront prises par ◀le▶ Parlement européen seront valables dans ◀le▶ cadre des compétences que lui confère ◀le▶ traité ◀de▶ Rome, dont celle ◀de▶ voter ◀le▶ budget. Il s’agit là, dès ◀l’▶origine des parlements occidentaux, ◀de▶ leur compétence principale.
◀Le▶ budget dit ◀la▶ vérité (que trahissent la plupart des discours) sur ◀la▶ volonté politique ◀de▶ ◀la▶ communauté qui ◀l’▶élabore dans ses bureaux39 puis ◀le▶ discute, ◀le▶ modifie, ◀l’▶accepte finalement et donc exige que ◀l’▶exécutif s’y conforme.
Élargir ◀les▶ compétences du Parlement, comme beaucoup ◀le▶ réclament et comme certains ◀le▶ redoutent, n’y changerait rien, puisque cela ne changerait rien à ◀la▶ volonté des citoyens, laquelle comptera seule en fin de compte. (Ou alors, c’est que nous ne serions plus en démocratie, et toute discussion sur ◀les▶ compétences du Parlement deviendrait une perte ◀de▶ temps.)
Il serait donc simplement ridicule ◀d’▶exiger à ◀l’▶avance du futur Parlement européen qu’il n’outrepasse point ses compétences. Ce serait exiger en fait qu’il s’engage, avant même ◀d’▶être élu, à se conformer aux intérêts minoritaires des factieux ◀de▶ ◀la▶ Communauté plutôt qu’à ◀la▶ volonté des électeurs, seule souveraine dans ◀la▶ Communauté, ◀l’▶étant d’abord dans chacun ◀de▶ ses pays.
Si ◀les▶ Européens des neuf pays qui vont élire leurs députés veulent faire ◀l’▶Europe, ils ◀la▶ feront : ils éliront un Parlement qui aura mission ◀d’▶en procurer ◀les▶ moyens. S’ils veulent cette Europe fédérale — unie dans ◀le▶ respect ◀de▶ ses diversités — elle ◀le▶ sera.
◀La▶ seule question sérieuse est ◀de▶ savoir s’ils ◀la▶ veulent, s’ils ont compris qu’elle est ◀la▶ seule réponse encore possible à des problèmes ◀de▶ survie, qui ne sont pas seulement économiques mais moraux et même spirituels.
Confédération ou fédération ?
Ou bien ils ont compris que ◀l’▶union est vitale — ou bien ils vont encore se disputer sur des définitions inopérantes : fédération ou confédération par exemple, qui ne correspondent en fait qu’à des différences du taux ◀de▶ sincérité dans ◀la▶ décision ◀de▶ s’unir.
Ceux qui préconisent ◀la▶ confédération optent pour ◀la▶ formule méfiante, égoïste, et qui prévoit ◀l’▶échec à terme, ◀de▶ ◀la▶ simple liaison : je ne m’engage à rien au-delà ◀de▶ ce qui me convient, tant pis pour l’autre.
Et ceux qui préconisent ◀la▶ fédération optent pour ◀la▶ formule créatrice et confiante du mariage : nous nous engageons réciproquement « pour ◀le▶ meilleur et pour ◀le▶ pire »… « jusqu’à ce que ◀la▶ mort nous sépare », donc sans limitation ◀d’▶intérêt ni ◀de▶ temps.
Enfin quelque chose ◀de▶ grand et qui serait en même temps raisonnable !
Vous déciderez
◀L’▶attitude des nationalistes antieuropéens ◀de▶ droite et ◀de▶ gauche nous paraît non seulement immorale mais politiquement comparable à celles ◀de▶ Matamore et ◀de▶ Gribouille.
Elle ne peut aboutir, au mieux, qu’à confirmer ◀la▶ satellisation politique ◀de▶ 8 États de l’Est européen par ◀l’▶URSS, d’une part, ◀la▶ mise en sous-traitance économique ◀de▶ vingt-deux États de l’Ouest européen par ◀les▶ USA, d’autre part.
Nous ne pouvons échapper à ce dilemme que par ◀l’▶union continentale, c’est autant dire : en adoptant ◀les▶ formules fédérales, ◀les▶ seules qui correspondent aux réalités ◀de▶ ◀l’▶Europe, c’est-à-dire à ◀l’▶union non seulement dans ◀la▶ diversité mais pour ◀la▶ diversité des régions. Et non seulement pour ◀les▶ protéger contre ◀les▶ ambitions annexionnistes ◀d’▶un État extérieur, mais aussi contre ◀les▶ ambitions uniformisantes ◀de▶ leur capitale nationale.
Nous ne sommes pas des fanatiques ◀de▶ ◀l’▶Europe unie. Nous constatons seulement que ◀l’▶union fédérale est ◀la▶ seule solution possible à ◀la▶ crise qui sévit dans chacun ◀de▶ nos pays. Nous avons essayé ◀d’▶en montrer ◀les▶ raisons à nos compatriotes européens.
Notre seul but est ◀d’▶informer sur ◀les▶ problèmes majeurs ◀de▶ ◀l’▶Europe ◀les▶ électeurs ◀de▶ juin, ◀les▶ candidats, ◀les▶ militants écologistes, régionalistes, fédéralistes, ◀les▶ élus nationaux et locaux, quelques ministres, un ou deux chefs d’État, ◀les▶ chroniqueurs des mass médias, qui sont ◀les▶ plus efficaces à court terme.
Il ne s’agit pas ◀de▶ propagande. Si ◀les▶ faits présentés dans ces pages ne parlent pas un langage assez clair, on ne voit pas quel procédé psychologique — publicité, répétition systématique, pression, chantage — pourrait faire mieux dans un sens salutaire. (◀Les▶ dictatures savent faire beaucoup plus il est vrai, moyennant Auschwitz et ◀le▶ Goulag.)
Voici ◀l’▶Europe, et ◀les▶ données actuelles ◀de▶ sa crise. Celle-ci peut aboutir à ◀la▶ mise en servage ou satellisation ◀de▶ nos États l’un après l’autre ; ou à leur renaissance mais tous ensemble. À vous ◀de▶ choisir ◀les▶ hommes et ◀les▶ moyens qui nous mèneront à l’une ou à l’autre de ces fins : au désespoir ◀de▶ vivre en exil ◀de▶ soi-même, ou à ◀l’▶espoir ◀d’▶une liberté chaque jour gagnée, dans ◀l’▶engagement personnel à tous risques.
Victor Hugo écrivait, il y a cent ans40 :
Hors de nous ◀les▶ gouvernements tentent quelque chose, mais rien ◀de▶ ce qu’ils tâchent ◀de▶ faire ne réussira contre votre décision, contre votre liberté, contre votre souveraineté. Regardez-◀les▶ faire sans inquiétude, toujours avec douceur, quelquefois avec un sourire. ◀Le▶ suprême avenir est en vous… Vous êtes un seul peuple, ◀l’▶Europe, et vous voulez une seule chose, ◀la▶ Paix.