L’▶Europe et ◀l’▶environnement (28 juin 1980)bx
Aqua Viva, communauté nationale ◀d’▶action pour ◀la▶ protection des cours ◀d’▶eau et des lacs, a tenu son assemblée générale ◀le▶ 28 juin 1980 à Lausanne ; ◀le▶ Léman a été au cœur des préoccupations des participants à cette réunion. ◀De▶ ◀la▶ projection du film remarquable ◀de▶ ◀l’▶équipe ◀de▶ Temps présent ◀de▶ ◀la▶ télévision romande : ◀Le▶ Léman, une agonie surveillée, à ◀la▶ présentation ◀de▶ ◀l’▶Association pour ◀la▶ sauvegarde du Léman (ASL), ◀de▶ ◀la▶ table ronde regroupant des spécialistes du lac (pêcheurs, scientifiques, et un représentant ◀de▶ ◀la▶ Commission internationale du Léman) ; ◀de▶ ◀la▶ discussion qui a suivi, à ◀l’▶allocution ◀de▶ Monique Bauer-Lagier, mettant en évidence avec clarté ◀la▶ difficulté qu’il y a à transposer du plan pratique au plan politique ◀la▶ compréhension des problèmes qui composent ◀la▶ trame ◀de▶ ◀la▶ vie — en ◀l’▶occurrence ◀la▶ pollution du Léman découlant ◀de▶ ◀l’▶usage des phosphates dans ◀les▶ lessives, usage qui devrait être interdit — ◀les▶ participants ont eu un tableau complet ◀de▶ ◀la▶ diversité des problèmes qui touchent à ◀la▶ sauvegarde du Léman, et se sont quittés confortés dans ◀l’▶idée que leur action est utile, et ◀l’▶espoir et ◀la▶ volonté ◀de▶ continuer leurs efforts.
Dans son intervention, Denis de Rougemont a parlé des responsabilités ◀de▶ ◀l’▶Europe, tant sur son propre territoire que par ◀la▶ diffusion ◀de▶ sa culture et ◀l’▶exemple qu’elle propose au monde. Arcadie a ◀le▶ privilège ◀de▶ publier ce texte, et en remercie son auteur.
« Tout est venu à ◀l’▶Europe, et tout en est venu, ou presque tout », a écrit Paul Valéry. Cette phrase n’est pas seulement capitale pour ◀l’▶histoire des civilisations : elle nous charge, nous Européens, ◀d’▶une responsabilité planétaire. Essayons ◀de▶ ◀la▶ mesurer.
I
◀L’▶Europe a inventé ◀la▶ technologie dure et ◀l’▶industrie lourde, ◀les▶ machines, ◀la▶ machine-outil, ◀l’▶auto et ◀l’▶avion, ◀l’▶électricité et ◀l’▶électronique, ◀l’▶espionnage universel par satellites, etc.
Cette civilisation s’est répandue sur toute ◀la▶ Terre, sous ◀le▶ nom général de Progrès, — et ce Progrès, sans discussion possible, est mesurable. En effet :
— Un siècle ◀de▶ cette civilisation a suffi pour vider ◀les▶ campagnes et créer, en Occident seulement, une vingtaine ◀de▶ mégalopoles ◀de▶ 4 à 13 millions ◀d’▶habitants, — entassements humains qualifiés aujourd’hui ◀d’▶invivables par leurs habitants, ◀d’▶ingouvernables par leurs magistrats, et dont la plupart sont en faillite virtuelle : Progrès.
— ◀La▶ moitié selon ◀les▶ uns, ◀les▶ trois-quarts selon d’autres, des réserves ◀d’▶hydrocarbures accumulées dans ◀l’▶écorce terrestre par des dizaines ◀de▶ millions ◀d’▶années ◀de▶ réactions naturelles, ont été épuisés en 80 ans par ¼ seulement ◀de▶ ◀l’▶humanité, au mépris du tiers-monde et des générations futures, qui n’en auront plus : Progrès.
— ◀La▶ même civilisation occidentale a produit deux guerres mondiales qui ont fait environ 40 millions ◀de▶ morts, — Progrès extraordinaire sur Morgarten, sur Fontenoy surtout, sur Austerlitz et sur Solférino, qui ne tuèrent guère plus ◀de▶ 2000 hommes pour la première, ni plus ◀de▶ 80 000 pour la dernière : Progrès.
— ◀La▶ civilisation occidentale a inventé au xx e siècle ◀la▶ bombe nucléaire qui promet ◀de▶ faire d’un seul coup vingt fois mieux que Solférino.
— Elle a permis à quelques hommes enveloppés dans beaucoup de caoutchouc ◀de▶ faire quelques pas sur ◀la▶ lune, à 80 millions ◀de▶ $ ◀le▶ pas, pour s’assurer que c’est plutôt triste, — mais quel Progrès !
— Elle a provoqué un développement du tiers-monde qu’on a pu mesurer ◀l’▶an dernier au moyen ◀d’▶un indicateur qui ne saurait tromper : 18 millions ◀d’▶enfants morts ◀de▶ faim en 1979. Progrès.
— Enfin, ◀la▶ civilisation techno-industrielle née en Europe a permis un tel perfectionnement des armes ◀de▶ guerre que, moyennant un budget qui n’a pas dépassé 400 milliards ◀de▶ $ en 1979, il est possible ◀d’▶affirmer désormais que ◀la▶ prochaine guerre mondiale sera vraiment la dernière, — et cela non pas faute de patriotisme, mais faute de combattants, tout simplement. Progrès.
Je sais bien que nos chefs d’État, hommes politiques, politiciens et chroniqueurs nous répètent à l’envi « qu’on n’arrête pas ◀le▶ Progrès ». Ils paraissent oublier que ce cliché dérisoire, Gustave Flaubert ◀le▶ mettait dans ◀la▶ bouche des deux imbéciles sublimes qu’il a nommés Bouvard et Pécuchet. Voilà pour ◀la▶ sagesse des peuples et des chefs qu’ils se sont choisis.
II
Eh bien, ◀le▶ problème majeur, pour ◀l’▶homme du xx e siècle finissant, c’est justement ◀d’▶arrêter ce Progrès-là et toutes affaires cessantes, ◀de▶ stopper ses plus récentes manifestations en Europe, à travers elle, et par sa faute, dans ◀le▶ monde entier.
Commençons donc chez nous ! Cela seul peut convaincre. ◀Le▶ tiers-monde ne croit pas nos sermons. Il ne croira que notre exemple, et encore : à condition que ce soit une réussite !
Parmi ◀les▶ maux que ◀l’▶Europe a créés et dont elle fut la première à souffrir, j’en nommerai six seulement — il y en a des centaines.
1. ◀Le▶ cancer par ◀l’▶environnement. ◀Le▶ cancer est aujourd’hui reconnu comme résultant pour 60 % à 90 % ◀de▶ notre environnement industriel, pénétré par « un demi-million ◀de▶ substances chimiques » et dix mille de plus chaque année. « La plupart sont sans aucun doute cancérigènes, surtout en combinaison qu’il est impossible ◀d’▶expérimenter toutes. »61
2. ◀La▶ perte des sols. ◀La▶ surface ◀de▶ terrain cultivée par habitant ◀de▶ notre globe aura diminué ◀de▶ moitié à ◀la▶ fin du siècle. Six cents millions ◀d’▶hectares ◀de▶ terre cultivable auront été détériorés par ◀l’▶érosion des sols, ◀la▶ salinisation, ◀la▶ progression urbaine, tandis que ◀la▶ population mondiale aura doublé.
◀La▶ révélation ◀de▶ cette stérilisation ◀de▶ ◀la▶ terre, qui constitue peut-être ◀la▶ nouvelle ◀la▶ plus sensationnelle du siècle, a passé pratiquement inaperçue. Sur elle, pourtant, devrait se fonder ◀la▶ politique ◀de▶ notre génération.
3. ◀La▶ pénurie ◀d’▶eau potable. Selon une étude ◀de▶ ◀la▶ Commission économique pour ◀l’▶Europe, ◀l’▶eau des rivières et des nappes souterraines est déjà insuffisante pour ◀les▶ besoins ◀de▶ plusieurs ◀de▶ nos pays. ◀L’▶Allemagne et ◀la▶ Belgique sont déjà importatrices ◀d’▶eau. Alors que ◀les▶ réserves diminuent, ◀la▶ demande croît : il faudra recourir à ◀l’▶eau salée pour refroidir ◀les▶ centrales nucléaires, ◀d’▶où accroissement des activités économiques sur ◀les▶ zones côtières, ◀d’▶où nouveau risque ◀de▶ déséquilibre écologique sur ◀le▶ littoral déjà fragile à cet égard. D’autre part, lacs, rivières et fleuves sont gravement menacés par ◀la▶ pollution industrielle : ◀le▶ Rhin, « poubelle ◀de▶ ◀l’▶Europe », déverse dans ◀la▶ mer du Nord 60 000 tonnes ◀de▶ déchets par jour.
4. ◀Les▶ produits nocifs dans ◀l’▶alimentation, qui ◀la▶ dénaturent sous prétexte de ◀la▶ « conserver », c’est-à-dire pour ◀la▶ vendre plus longtemps. Cela concerne en premier lieu ◀les▶ chapitres du cancer, du rachitisme, et ◀de▶ ◀la▶ mortalité infantile.
5. ◀L’▶extinction ◀d’▶espèces animales et végétales. Pour ◀l’▶Europe du Nord : harengs, baleines, insectes nécessaires à ◀la▶ pollinisation, hannetons, papillons, etc. ◀La▶ péninsule Ibérique et ◀les▶ Balkans possèdent encore ◀la▶ flore ◀la▶ plus riche ◀d’▶Europe, mais dans ces deux régions, deux cents à trois cents espèces sont menacées ◀d’▶extinction.
6. ◀Les▶ mégalopoles invivables ◀de▶ 4 à 13 millions ◀d’▶habitants, livrées à ◀la▶ délinquance produite par ◀les▶ grands ensembles, pollués et polluants (air et eaux), et dévoreurs ◀d’▶énergie (tours, embouteillages, publicités lumineuses, etc.).
Mais si ◀l’▶on connaît si bien ◀les▶ maux, pourquoi n’arrive-t-on pas à ◀les▶ guérir ?
Dans ◀la▶ très grande majorité des cas ◀de▶ pollution ou ◀de▶ gaspillage, ◀les▶ remèdes ou ◀les▶ moyens ◀de▶ prévention sont connus. Mais une série ◀de▶ résistances et ◀d’▶obstacles organiques, dans nos sociétés ◀de▶ type européen, freinent leur application ou ◀la▶ rendent inopérante.
a) Résistance des industries. ◀La▶ réduction des pollutions augmente ◀les▶ coûts et ◀les▶ délais ◀de▶ production. ◀La▶ politique des grandes firmes consiste donc : à nier ◀les▶ dégâts (« Ce sont des bobards ◀de▶ gauchistes ») ; à ◀les▶ minimiser (« On exagère », « On fait ◀le▶ jeu des Soviets », « Nos experts ont démontré… ») ; à tourner ◀les▶ règlements édictés par ◀les▶ États ; à annoncer que « désormais » toutes ◀les▶ précautions sont prises, et même à en prendre quelques-unes, mais si ces précautions s’avèrent trop coûteuses, à exporter dirigeants et machines, licences et pollutions dans des pays où ◀la▶ règlementation est moins sévère, voire inexistante — quitte à créer du chômage dans ◀le▶ pays ◀d’▶origine et des nuisances du type Seveso dans ◀le▶ pays ◀d’▶accueil.
b) Résistance des États. ◀Le▶ jeu est ◀le▶ même, à ceci près qu’au lieu d’exporter ◀la▶ pollution, ◀l’▶État, qui ne peut plus ◀la▶ nier, prend à sa charge ◀les▶ indemnisations, puis ◀les▶ mesures ◀de▶ prévention, puis ◀le▶ contrôle des règles « strictes » édictées par son ministre ◀de▶ ◀l’▶Environnement après dix ou quinze ans ◀d’▶abus devenus insupportables. Ce qui revient à faire supporter ◀les▶ frais ◀de▶ ◀la▶ pollution par ses victimes réelles ou potentielles, c’est-à-dire ◀les▶ contribuables, plutôt que par ses auteurs, qu’il ne faudrait pas indisposer… Au reste, ◀les▶ frais ◀de▶ récupération ◀de▶ lacs, ◀de▶ fleuves, ◀de▶ littoraux déjà fortement compromis sont tels que ◀l’▶on comprend que ◀l’▶État hésite. Pour nettoyer ◀le▶ bassin du Rhin, ◀de▶ Strasbourg à Rotterdam par exemple, il faudrait un milliard ◀de▶ francs français par an. Comment trouver cette somme dans un budget déjà si lourdement obéré par ◀l’▶aide aux firmes polluantes, mais qui travaillent pour ◀la▶ défense nationale ?
Nos États réagissent comme un malade qui invoquerait ◀l’▶habeas corpus pour interdire qu’on lui arrache une dent cariée ou qu’on lui impose une quarantaine avant qu’il aille porter sa contagion chez ◀le▶ voisin.
◀Les▶ motifs ◀de▶ ◀la▶ non-application des mesures écologiques prises par ◀les▶ gouvernements, du sabotage des mesures préventives contre ◀les▶ effets chroniques des pollutions ◀de▶ tous ordres, ou ◀de▶ refus officiel ◀de▶ coopérer sur le plan international, relèvent donc tous ◀d’▶une priorité accordée aux profits économiques d’une part, aux « nécessités ◀de▶ ◀la▶ défense nationale » d’autre part.
Ce qui nous conduit à ◀la▶ conclusion que ◀les▶ menaces accumulées contre ◀la▶ nature et ◀l’▶environnement humain par ◀la▶ civilisation industrielle ne pourront être surmontées que dans ◀la▶ seule mesure où seront surmontés ◀les▶ dogmes du profit financier privé et ◀de▶ ◀la▶ souveraineté absolue des États, en tant qu’ils sont considérés comme ◀les▶ critères ultimes ◀de▶ toute action politique, sociale ou militaire.
Si ◀les▶ Européens n’arrivent pas très vite à comprendre que ◀le▶ réalisme consiste à prévenir ◀les▶ écocatastrophes imminentes, non pas à flatter ◀les▶ vanités nationales, ◀la▶ crise actuelle est sans issue.
III
Quelles sont alors ◀les▶ solutions européennes ?
Parmi ◀les▶ mesures à la fois écologiques et économiques qui s’imposent sans discussion à nos populations, voici quelques exemples des tâches écologiques ◀les▶ plus généralement tenues à la fois pour urgentes et pour réalisables :
1. ◀La▶ Commission des communautés a demandé à ses services ◀d’▶établir un plan européen ◀de▶ ◀l’▶eau qui permettrait ◀d’▶intervenir dans certains projets ◀de▶ gestion des eaux, ◀d’▶intérêt commun pour plusieurs États. L’une des premières tâches européennes est en effet ◀la▶ sauvegarde des lacs, rivières et fleuves pollués. (Exemples : ◀le▶ lac Léman pollué au mercure et au phosphore, et fortement eutrophisé ; ◀le▶ Rhin, pollué par cinq pays ; ◀les▶ estuaires transformés en aéroports et en docks pour pétroliers, ◀d’▶où destruction ◀de▶ ◀la▶ faune marine, etc.)
2. ◀La▶ lutte contre ◀l’▶accroissement ◀de▶ ◀la▶ concentration ◀de▶ CO2 dans ◀l’▶atmosphère, qui pourrait entraîner ◀la▶ fonte des calottes polaires, ◀d’▶où une élévation du niveau des mers suffisante pour noyer toutes ◀les▶ villes portuaires du monde occidental.
3. ◀La▶ protection ◀de▶ ◀la▶ couche ◀d’▶ozone, par interdiction des aérosols, limitation des vols supersoniques et des engrais azotés.
4. ◀Le▶ contrôle sévère des produits chimiques : détergents, insecticides, colorants, agents conservateurs des produits alimentaires, etc.
5. ◀L’▶abandon des surgénérateurs au profit des sources ◀d’▶énergie solaire, éolienne, géothermique, biologique. ◀L’▶option en faveur des surgénérateurs serait en effet irréversible : ◀les▶ surgénérateurs créeraient des tonnes ◀de▶ déchets radioactifs à traiter et à surveiller sans relâche jusqu’à ◀l’▶extinction ◀de▶ leur activité, que rien au monde ne peut accélérer ◀d’▶une seconde. Il est trop clair qu’aucun gouvernement existant ne saurait s’engager à assurer cette gestion pendant 240 000 ans : aucune civilisation jusqu’ici n’a duré plus ◀de▶ 4000 ans.
6. ◀L’▶arrêt immédiat ◀de▶ ◀la▶ production ◀de▶ substances chimiques nouvelles (du genre DDT ou plutonium) dont on ne saurait pas démontrer expérimentalement qu’on maîtrise ◀les▶ moyens ◀de▶ ◀les▶ éliminer sans dommages pour ◀l’▶environnement ou pour ◀les▶ humains.
7. ◀Le▶ sauvetage des espèces animales : baleines, phoques, éléphants, tigres, ocelots, etc., etc., menacés ◀d’▶extinction à tout jamais irréparable.
8. ◀L’▶arrêt du bétonnage des campagnes : 18 % du sol des Pays-Bas est déjà bétonné, et ce sera 25 % avant ◀la▶ fin du siècle. À quoi serviront ◀les▶ autoroutes quand ◀l’▶essence coûtera vingt fois plus qu’aujourd’hui ? ◀La▶ mise à ◀l’▶étude immédiate ◀de▶ formules ◀de▶ substitution à ◀l’▶auto (et par suite peut-être aux autoroutes) devrait être une des tâches prioritaires ◀d’▶une autorité fédérale européenne.
Ces remèdes, pour agir, appellent deux conditions fondamentales :
a) ◀La▶ formation ◀d’▶institutions régionales, plus petites que la plupart de nos États nationaux, et mieux adaptées aux réalités locales, dont ◀la▶ diversité précisément est l’un des caractères distinctifs ◀de▶ ◀l’▶Europe.
C’est au niveau régional, et là seulement, que peuvent être réalisées avec efficacité ◀les▶ mesures écologiques contre ◀la▶ pollution des eaux (nappes phréatiques, lacs, rivières), pour ◀la▶ production ◀d’▶énergie solaire, éolienne, géothermique ou biologique, pour ◀la▶ protection des sols et des forêts, ◀la▶ défense des paysages et des monuments, etc.
b) ◀La▶ formation ◀d’▶agences fédérales ◀de▶ compétence continentale, seules capables ◀de▶ planifier des mesures ◀de▶ très grandes dimensions : protection ◀de▶ ◀la▶ couche ◀d’▶ozone, protection des mers et des fleuves internationaux ; contrôle des produits alimentaires qui circulent en import-export dans tous ◀les▶ pays ; interdiction des surgénérateurs par accord international ; substituts à ◀l’▶auto et aux autoroutes ; normalisation des règlements antipollution.
Des institutions mixtes seraient amenées à traiter, par exemple, ◀de▶ problèmes ◀d’▶urbanisme, ◀de▶ sols, ◀de▶ mers, ou ◀de▶ sauvetage des espèces.
Ces conditions ◀de▶ réalisation ◀de▶ mesures conservatoires ◀de▶ ◀l’▶homme, ◀de▶ ◀la▶ nature, des villes, et ◀de▶ leurs interrelations équilibrées, excluent absolument ◀le▶ recours automatique à ◀la▶ « souveraineté nationale absolue » et au principe sacro-saint ◀de▶ ◀la▶ « non-ingérence », principes que ◀l’▶on oublie d’ailleurs ◀d’▶appliquer quand on crée des menaces ◀de▶ pollution contre un pays voisin. Principes qu’oublient ◀les▶ pollueurs du Rhin et ◀les▶ constructeurs ◀de▶ centrales nucléaires près des frontières…
◀L’▶humanité ◀d’▶aujourd’hui et ◀de▶ demain ne peut accepter que ◀les▶ États invoquent leur « souveraineté » pour se soustraire à des obligations écologiques vitales, sous prétexte que celles-ci se trouvent être, ◀le▶ plus souvent, selon leur nature et leurs dimensions, continentales, transfrontalières ou régionales.
Certes, il n’est pas question que tous ◀les▶ citoyens et citoyennes ◀de▶ nos pays se transforment en savants écologistes. Ce qui est requis par ◀la▶ crise actuelle, impérieusement, c’est que ◀les▶ femmes et ◀les▶ hommes ◀d’▶Europe, ◀les▶ plus conscients ◀de▶ leur devoir civique, s’habituent à subordonner ◀le▶ « progrès » matériel au bien-être moral, ◀le▶ profit immédiat ◀de▶ quelques-uns aux chances ◀de▶ bonheur ◀de▶ chacun, ◀la▶ « défense nationale » à ◀la▶ paix, ◀l’▶énergie aux buts du travail qu’elle est censée servir ; et ◀les▶ mythes nationalistes aux réalités quotidiennes.
IV
Un dernier mot au sujet du Léman, héros si grièvement blessé ◀de▶ cette journée.
Dans bien des cas — régions côtières, fleuves, centrales nucléaires — , ◀les▶ responsables ◀de▶ ◀la▶ pollution et des catastrophes qui en résultent sont ◀les▶ États, pour autant qu’ils couvrent ◀les▶ grandes compagnies polluantes, ou négligent ◀d’▶appliquer ◀les▶ règlements auxquels ils sont tenus et ◀les▶ traités internationaux qu’ils ont signés.
Dans ◀le▶ cas du Léman, ce sont bien moins ◀les▶ États prétendus souverains que ◀les▶ peuples riverains qui me paraissent responsables.
Autant je suis persuadé que, pour résoudre ◀les▶ problèmes que posent ◀le▶ Rhin, ◀la▶ navigation au large ◀de▶ ◀la▶ Bretagne des pétroliers et des cargos chargés ◀de▶ déchets radioactifs, ou ◀le▶ bassin ◀de▶ ◀la▶ Méditerranée, c’est un accord ◀de▶ type fédéral entre nations ou entre régions qui se voit requis, — autant je suis certain que dans ◀le▶ cas du Léman, c’est ◀de▶ ◀l’▶attitude, des choix, et ◀de▶ ◀l’▶action des citoyens que tout dépend.
Comme ◀le▶ fait voir ◀d’▶une manière si frappante ◀le▶ film sur ◀L’▶Agonie surveillée du Léman, ◀la▶ pollution ◀de▶ notre lac n’est plus seulement ◀le▶ fait ◀de▶ grosses industries qui ont été contraintes par ◀le▶ Conseil fédéral à prendre des mesures drastiques ◀de▶ protection des eaux ; elle est bien davantage ◀le▶ fait ◀de▶ ◀la▶ population tout entière du « bassin versant » : Valaisans, Vaudois, Gessiens et Genevois ◀d’▶un côté, Savoyards ◀de▶ l’autre. ◀La▶ pollution du Léman, elle est ◀le▶ fait ◀de▶ nos comportements quotidiens, ◀de▶ nos modes de vie, du refus ◀de▶ sacrifier nos intérêts à courte vue à ◀l’▶indispensable solidarité régionale, ◀de▶ notre crédulité devant ◀la▶ publicité et ◀de▶ nos ignorances, certes, mais encore plus, ◀de▶ notre inertie civique.
◀La▶ vie ou ◀la▶ mort du Léman, ce n’est pas ◀de▶ ◀l’▶État que cela dépend, mais bel et bien, et avant toute action concrète, ◀de▶ notre attitude intérieure et des finalités ◀de▶ notre vie.
Ma conclusion sera donc à la fois un appel et une constatation qui nous engage : ◀l’▶avenir du Léman, c’est notre affaire !