D’▶où venons-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? (à propos du CEC) (10 novembre 1983)r
L’union ◀de▶ l’Europe nécessaire au monde autant qu’à l’Europe
La crise
Foyer millénaire ◀de▶ l’histoire universelle, pour le meilleur et pour le pire, ce complexe ◀de▶ dynamismes contradictoires, ◀d’▶impérialismes collectifs et ◀de▶ religions ◀de▶ la liberté personnelle qu’on nomme Europe, est aujourd’hui menacé dans ses raisons ◀d’▶être et ses possibilités ◀de▶ persévérer dans son être.
La situation politique mondiale est en train de faire des Européens, jadis maîtres des trois-quarts des terres habitées ◀de▶ la Planète, les objets ou même les otages ◀de▶ la rivalité des deux Grands. Inventeurs du colonialisme dès le xvi e siècle, mais aussi ◀de▶ la décolonisation au milieu du xx e, ils courent le risque ◀d’▶être occupés demain non seulement militairement, mais économiquement et moralement, — ou détruits à jamais, en passant, par une Troisième Guerre mondiale qui, cette fois-ci, ne serait pas déclenchée par eux.
La crise mondiale actuelle est née des œuvres ◀de▶ l’Europe, qui a répandu sur toute la Terre ce qu’elle nomme aujourd’hui le progrès : une civilisation technico-industrielle génératrice ◀d’▶idéaux ◀de▶ liberté, mais aussi ◀de▶ pratiques impérialistes, ◀de▶ capitalisme libéral, mais aussi ◀de▶ communisme étatique, ◀de▶ loisirs virtuels, mais aussi ◀de▶ chômage réel, ◀de▶ richesses inouïes, mais rongées par l’inflation, ◀de▶ justice sociale, mais aussi ◀de▶ révoltes sans fin, ◀de▶ démocratie, mais aussi ◀d’▶États totalitaires, ◀d’▶internationales, mais aussi ◀de▶ nationalismes suscitant le terrorisme universel.
Issues possibles ◀de▶ la crise
Laissons ◀de▶ côté les plus « probables », au sens mathématique du terme, qui sont :
a) l’aggravation universelle, plus ou moins rapide, des conflits locaux devenus problèmes internationaux, jusqu’à la guerre nucléaire : fin ◀de▶ l’Histoire ;
b) la survie et la domination ◀de▶ fait ◀d’▶un des Grands à la faveur ◀d’▶une dégradation morale et matérielle sans précédent ◀de▶ l’humanité « unifiée » malgré elle au plus bas niveau moral et matériel.
Quelle seraient alors les issues souhaitables ? Il en est une au moins — la seule peut-être — qui dépend ◀de▶ l’Europe et des Européens : l’union fédérale ◀de▶ nos peuples, réalisée par eux seuls, et à temps.
À cette union s’oppose — depuis plus ◀d’▶un demi-siècle qu’on la préconise5 — le dogme ◀de▶ la souveraineté absolue des États-nations. Il est devenu parfaitement clair qu’on ne peut pas fonder l’union ◀de▶ l’Europe sur la base ◀de▶ ces États-nations qui s’y opposent par nature, en fait comme en principe, toute en affirmant la vouloir.
Toute union suppose l’existence préalable ◀d’▶une unité ◀de▶ base sur laquelle on puisse la construire. Cette unité existe : c’est la culture commune des Européens.
Tous les Européens ont été formés, en effet, qu’ils le sachent ou non, par une culture dont la caractéristique est la diversité des sources : mythes et philosophie des Grecs, Bible des juifs et des chrétiens prolongée par les Évangiles, institutions ◀d’▶État de l’Empire de Rome, coutumes communautaires des Germains, mythes et mystique des Celtes… Cette diversité constitutive distingue notre culture ◀de▶ celles des autres continents, dont les principes ◀d’▶homogénéité sont connus : pour la plupart ◀d’▶ordre religieux (brahmanisme, bouddhisme, islam, animisme…)
Mais alors, disons-le clairement : une union bâtie sur une unité pluraliste ne peut être que fédérale, c’est-à-dire garantissant les diversités et les autonomies par leur union même, librement conclue et jurée.
L’Europe des nationalismes a été responsable ◀de▶ deux guerres mondialisées. Elle a été également — colonisation puis développement du tiers-monde — l’agent mondialisant ◀d’▶une forme ◀de▶ culture technico-scientifique souvent incompatible avec les valeurs fondamentales des cultures non européennes. Il appartient donc à l’Europe ◀de▶ proposer le modèle ◀d’▶une société respectueuse des valeurs culturelles ; et d’abord, et plus spécifiquement des valeurs ◀de▶ la communauté vivante, qui ne dépendent pas ◀de▶ l’État — simple service public — mais des personnes libres et responsables ◀de▶ leurs communautés vivantes.
C’est ◀de▶ l’ensemble ◀de▶ ces analyses et ◀de▶ ces objectifs plus ou moins clairement perçus par les mouvements européens des années 1945 à 1950, qu’est née l’idée du Centre européen de la culture.
II. Création du CEC
Conception initiale
Au début ◀de▶ mai 1948 se tient à La Haye le premier Congrès ◀de▶ l’Europe, dont le Rapport culturel préconise la création ◀d’▶un Centre européen de la culture. La résolution acceptée par le congrès le 10 mai 1948 au terme des débats décrit ainsi la nature et les tâches ◀de▶ l’organisme à créer :
Le Congrès ◀de▶ l’Europe propose :
La création ◀d’▶un organisme permanent qui aurait notamment pour tâche ◀d’▶étudier la constitution et les attributions ◀d’▶un Centre européen de la culture.
Constitué en toute indépendance des contrôles gouvernementaux, cet organisme aurait pour mission générale ◀de▶ donner une voix à la conscience européenne.
Le Centre européen de la culture aurait pour tâches immédiates :
1. ◀D’▶entretenir le sentiment ◀de▶ la communauté européenne par le moyen ◀d’▶informations et ◀d’▶initiatives, dans le domaine ◀de▶ la presse, du livre, du film et ◀de▶ la radio, mais aussi dans les établissements ◀d’▶enseignement scolaires, universitaires et populaires ;
2. ◀D’▶offrir un lieu ◀de▶ rencontre aux représentants ◀de▶ la culture, afin qu’ils puissent exprimer un point de vue proprement européen sur les grandes questions intéressant la vie du continent, par voie ◀d’▶appels à l’opinion et aux gouvernements ;
3. ◀D’▶exercer une action ◀de▶ vigilance critique pour assurer ou restaurer la juste valeur des mots sans lesquels aucun pacte n’est possible ;
a) le droit qu’a tout citoyen ◀de▶ connaître les faits bruts ◀de▶ l’actualité, indépendamment des interprétations et des commentaires ;
b) le devoir qui incombe aux gouvernements ◀de▶ laisser chaque communauté donner satisfaction à ce droit, indépendamment ◀de▶ toute pression, ◀de▶ quelque nature qu’elle soit ;
4. ◀De▶ favoriser la libre circulation des idées, des publications et des œuvres d’art ◀d’▶un pays à l’autre ;
5. ◀De▶ faciliter la coordination des recherches sur la condition ◀de▶ l’homme européen au xx e siècle, en particulier dans les domaines ◀de▶ la pédagogie, ◀de▶ la psychologie, ◀de▶ la philosophie, ◀de▶ la sociologie et du droit ;
6. ◀D’▶appuyer tous les efforts tendant à la fédération des universités européennes, et à la garantie ◀de▶ leur indépendance par rapport aux États et aux pressions politiques ; et ◀de▶ favoriser la collaboration étroite des corps enseignants, en vue notamment ◀de▶ procéder à une révision des manuels ◀d’▶histoire.
Période préparatoire
C’est ici le lieu ◀de▶ rappeler que durant les débats ◀de▶ la commission culturelle du congrès ◀de▶ La Haye, la proposition ◀d’▶établir le Centre à Genève a été formulée ◀de▶ tous côtés, spontanément et sans rencontrer ◀d’▶opposition notable. Au lendemain ◀de▶ la guerre, en effet, Genève, qui avait été le siège ◀de▶ la SDN, devenait le siège européen des Nations unies et ◀d’▶une série ◀d’▶institutions internationales telles que le BIT et l’OMS, mais aussi le Conseil œcuménique des Églises et le CICR, ou encore l’Association européenne ◀de▶ libre-échange et l’Union européenne ◀de▶ radiodiffusion. La décision relative au siège du CEC fut prise par le Mouvement européen, qui ouvrit à Genève fin 1948, un organisme provisoire nommé Bureau ◀d’▶études pour un Centre européen de la culture. Le directeur en était Denis de Rougemont et le secrétaire général Raymond Silva.
Le Bureau ◀d’▶étude pour un CEC, dès son entrée en fonction, organisa et convoqua pour le début ◀de▶ décembre 1949 une Conférence européenne ◀de▶ la culture qui se tint à Lausanne. Elle étudia et définit les tâches précises du CEC, et adopta 23 résolutions, dont il vaut la peine ◀de▶ signaler que 21 ont été réalisées à ce jour.
L’inauguration officielle du CEC eut lieu le 7 octobre 1950 à Genève, sous la présidence ◀de▶ Salvador de Madariaga, en présence de délégués du Conseil de l’Europe, des autorités suisses et genevoises, et des responsables du Mouvement européen.
III. Objectifs et méthodes
À l’occasion ◀de▶ cette cérémonie comme dans toutes les déclarations publiées à cette époque, le CEC n’a cessé ◀d’▶affirmer qu’il était là pour servir dans le domaine culturel la cause ◀d’▶une union fédérale ◀de▶ l’Europe, et non pour mettre la culture au service ◀d’▶une politique, fût-elle « européiste » ◀d’▶étiquette ou ◀d’▶ambition.
Le CEC a été créé :
— pour aider les Européens à prendre conscience ◀de▶ leur culture commune, ◀de▶ ses conséquences morales, sociales, économiques, et ◀de▶ la politique qui doit l’exprimer et la servir : la fédération des peuples ◀de▶ l’Europe ;
— pour faire comprendre la nécessité vitale inhérente à cette culture, ◀d’▶entrer en dialogue avec les autres cultures vivantes ◀de▶ la Planète : Afrique noire, Monde arabe, Inde, Chine, Japon, Amérique latine ; et cela, à propos des problèmes cruciaux qui se posent au monde actuel tels que celui ◀de▶ l’adaptation ou non ◀de▶ chacune ◀de▶ ces cultures à la civilisation technico-industrielle née en Europe, et aux conceptions européennes ◀de▶ l’État souverain et ◀de▶ son contraire, la libre fédération des peuples ;
— pour amener les créateurs et les porteurs ◀de▶ la culture (théologiens, philosophes, psychologues, artistes, écrivains, enseignants et animateurs ◀de▶ médias) à participer à la construction ◀d’▶une Europe unie enfin réalisable, c’est-à-dire fédérée dans ses diversités et au bénéfice ◀de▶ leurs autonomies, non pas pour la puissance, mais pour la liberté.
En résumé : le CEC n’est pas là pour favoriser l’instauration ◀d’▶un « troisième Grand », mais bien pour aider à former dans les esprits la vision ◀d’▶un modèle ◀d’▶union dans la diversité, préparant les voies ◀d’▶une fédération pour les libertés et dans la paix.
Les méthodes ◀de▶ travail du CEC ont été dictées dès le départ par les finalités qu’on vient de rappeler.
Face à l’ampleur et à l’urgence des problèmes à résoudre, le CEC a adopté une méthode résolument pragmatique :
— parmi tous les problèmes réels possibles et imaginables, que pose au plan ◀de▶ la culture la construction ◀de▶ l’Europe, retenir ceux qui nous sont signalés ◀de▶ plusieurs côtés et dans plusieurs pays comme réellement ressentis, et se posant en fait à l’échelle européenne, ou dans les rapports entre l’Europe et le Monde ;
— évaluer les possibilités ◀de▶ solution déjà proposées par les uns et les autres ; celles qui se dégagent après étude par nos services et au cours des colloques et séminaires réunis à leur sujet, et retenir celles qui répondent le mieux à l’urgence des problèmes posés et aux finalités européennes définies par le CEC.
C’est ainsi qu’ont été entreprises, depuis 1950, les activités dont la liste suit, regroupées selon leurs thèmes directeurs.
IV. Activités
Le CEC a contribué à la création ◀de▶ deux institutions européennes ◀de▶ premier plan, le CERN, à Genève, et la Fondation européenne ◀de▶ la culture, aujourd’hui à Amsterdam.
Dans un premier temps, le Bureau ◀d’▶études pour un Centre européen de la culture organise la Conférence européenne ◀de▶ la culture (voir plus haut).
1. Le CERN
Suite à une proposition énoncée pour la première fois dans le Rapport général présenté au congrès, une résolution est adoptée, prévoyant la création ◀d’▶un Laboratoire européen ◀de▶ recherches nucléaires. À cet effet, le CEC forme une commission ◀de▶ coordination scientifique animée par Raoul Dautry6 et qui va se réunir le 12 décembre 1950 à Genève sous la présidence du directeur du CEC. Elle groupe les représentants des instituts ◀de▶ recherche nucléaire ◀de▶ six pays européens et ◀de▶ l’Unesco. Elle définit le plan, la procédure, les modes ◀de▶ réalisation et les critères ◀de▶ choix du lieu ◀de▶ construction ◀d’▶un organisme européen ◀de▶ recherches nucléaires répondant à la résolution n° III ◀de▶ la conférence ◀de▶ Lausanne.
Objectifs : stopper la « fuite des cerveaux » des physiciens européens vers les USA, doter l’Europe ◀d’▶un puissant instrument ◀de▶ recherches qu’aucun pays seul ne pourrait construire, et créer une communauté européenne des scientifiques.
Comme prévu dès le départ, ce projet conçu et initié par le CEC sera réalisé via l’Unesco avec la participation ◀de▶ treize États européens et inauguré, en 1954, sous le nom ◀de▶ CERN au lieu prévu — près de Genève — par la commission ◀de▶ coordination scientifique.
2. La FEC
En 1954, le CEC a créé une autre institution européenne destinée par ses dimensions mêmes à devenir autonome : la Fondation européenne ◀de▶ la culture, FEC. Préparée dès 1952, constituée fin 1954, sous la présidence ◀de▶ Robert Schuman, elle a opéré pendant deux ans au siège du CEC, puis a été transférée à Amsterdam sous la présidence ◀de▶ S. A. R. le prince Bernhard des Pays-Bas, où elle fonctionne désormais ◀d’▶une manière indépendante, tout en gardant des relations suivies avec le CEC, dont elle subventionne plusieurs activités. Elle a créé elle-même une série ◀d’▶instituts spécialisés dans les sciences ◀de▶ l’éducation (Paris), les études politiques (Londres), l’écologie (Bonn), les problèmes du travail (Maastricht), l’étude des politiques européennes (Bruxelles) et les médias (Manchester).
Les autres entreprises du CEC sont restées pendant toute la durée ◀de▶ leurs activités attachées à l’institution mère dont elles sont encore membres.
Elles peuvent être groupées sous les rubriques suivantes :
3. Enseignement
L’Association des instituts ◀d’▶études européennes, AIEE, a été fondée en 1951 pour regrouper les nombreux instituts dédiés à l’étude des problèmes européens dans les universités du continent.
But : concerter et animer les initiatives, existantes ou à créer, ◀d’▶enseignement et ◀de▶ recherches sur l’Europe au niveau universitaire, et favoriser les échanges ◀de▶ professeurs.
Sous les auspices ◀de▶ l’AIEE se sont tenus au CEC plusieurs colloques sur l’Europe des régions, et un colloque préparatoire pour l’Université européenne, qui a été créée à Florence avec l’aide des Communautés économiques ◀de▶ Bruxelles. — D’autre part, le CEC a donné naissance en 1963 à un Institut universitaire ◀d’▶études européennes (lié à l’Université ◀de▶ Genève) qui partage avec le CEC son siège à la Villa Moynier, et plusieurs ◀de▶ ses collaborateurs et chercheurs.
L’AIEE groupe aujourd’hui 35 instituts universitaires dans 9 pays. Le CEC assure son secrétariat et la publication ◀de▶ son Annuaire.
4. Éducation
Un Bureau européen ◀de▶ l’éducation populaire entreprend des actions-pilotes en milieu paysan et scolaire en Sicile et en Suisse, puis élargit son action en France (4), Belgique (2), Italie (2). (Voir « Neuf expériences ◀d’▶éducation européenne en milieu populaire », Bulletin du CEC, n° 4-5, 1959).
Rédaction ◀d’▶un Guide européen ◀de▶ l’enseignant publié en 4 langues à 70 000 exemplaires, puis ◀d’▶un Guide européen ◀de▶ l’enseignement ◀d’▶éducation civique et ◀d’▶une brochure-programme sur la Campagne ◀d’▶éducation civique européenne .
Cette campagne, lancée par le CEC en 1961, a organisé dans 10 pays des stages annuels ◀d’▶une semaine pour les enseignants du deuxième degré, visant à introduire à l’école la connaissance des réalités et des problèmes ◀de▶ l’Europe actuelle en histoire, géographie, économie, enseignement des langues et des arts, écologie, régions, etc. Patronnée et subventionnée par le Conseil de l’Europe, les Communautés ◀de▶ Bruxelles et la FEC, et regroupant les grandes associations ◀d’▶enseignants. Le succès ◀de▶ cette Campagne incitera la CEE à la reprendre en 1974 et à la transférer à Bruxelles, où malheureusement elle prendra fin après quelques années. Le CEC va tenter ◀de▶ la relancer (voir p. 16).
Dans d’autres domaines ◀de▶ l’éducation : une Commission ◀de▶ pédagogie sportive a préparé et publié dès 1955 une « charte européenne » et un « Brevet européen du sportif » (projet repris par le Conseil de l’Europe.)
Un Service ◀de▶ conférence a organisé dans nos pays une centaine ◀de▶ conférences par année sur les sujets traités par la Campagne ◀d’▶éducation civique européenne. Un Pool ◀de▶ matériel audiovisuel et l’élaboration ◀de▶ films fixes ◀de▶ 50 clichés ont également alimenté les activités ◀de▶ la Campagne. Enfin, 25 plans ◀de▶ causeries sur les problèmes européens ont été rédigés par le CEC et distribués à plus ◀d’▶un million ◀d’▶exemplaires en cinq langues (par les soins ◀de▶ la Campagne des jeunes, créée à Paris par le Mouvement européen).
5. Édition
Une Communauté européenne des guildes et clubs du livre a été fondée au CEC en 1951, avec pour objectifs principaux : l’introduction ◀de▶ l’angle ◀de▶ vision européen dans le choix des ouvrages retenus par les guildes, et une action vigilante pour obtenir la reconnaissance par les éditeurs et libraires ◀de▶ la formule nouvelle des guildes du livre, alors en plein essor dans tous nos pays.
La Communauté a rapidement groupé des guildes françaises, suisses, allemandes, anglaise, autrichienne, italienne, belges, néerlandaises, scandinave. Elle a créé un Prix littéraire européen qui a été donné entre autres à Czeslav Milosz (prix Nobel 1981) pour son premier livre, aussitôt publié en traductions par toutes les guildes. En 1956, elle a décidé ◀de▶ suspendre ses activités « pour cause ◀de▶ succès », ses objectifs ayant été pleinement atteints.
Dans les années 1960, un groupe ◀de▶ grands éditeurs ◀de▶ six pays, baptisé Editeuropa, a exploré les possibilités ◀de▶ co-production ◀d’▶ouvrages généraux sur l’Europe à lancer simultanément dans nos pays. Il a été suivi par la création ◀d’▶un Pool européen ◀de▶ l’édition, repris sous le sigle ◀d’▶Eurolibri par les Éditions Lutzeyer, à Baden-Baden.
6. Association européenne des festivals ◀de▶ musique
Fondée en 1951, l’AEFM avait pour but ◀de▶ substituer la coopération en vue de la qualité à la concurrence acharnée en vue du profit commercial, entre un nombre trop rapidement croissant ◀de▶ festivals ◀de▶ musique. L’entente réalisée en quelques mois entre 14 grands festivals (aujourd’hui 40) a permis ◀de▶ multiplier les contacts entre directeurs ◀de▶ festivals, ◀d’▶échanger des programmes, des chefs et des orchestres, des mises en scène, des artistes au bénéfice ◀de▶ chacun. Le secrétariat ◀de▶ l’association, constitué au siège du CEC, publie depuis 1952 une brochure annuelle illustrée, SAISON, gui donne les programmes des festivals membres pour la saison à venir, distribuée dans le monde entier à 150 000 exemplaires par les lignes aériennes. Une assemblée générale annuelle, qui se tient successivement au siège ◀de▶ chacun des membres, favorise la coopération pratique, la connaissance mutuelle et les échanges ◀d’▶idées sur les problèmes communs des festivals.
Soulignons ici que l’AEFM est la seule association culturelle européenne qui réunisse des membres ◀de▶ l’Europe de l’Est et ◀de▶ l’Europe de l’Ouest. (Actuellement, 29 membres des pays ◀de▶ l’Ouest, 9 des pays ◀de▶ l’Est, plus Israël et Osaka, membres associés.) Elle préfigure peut-être une réconciliation dont il est juste qu’elle commence dans le domaine ◀d’▶une culture qui nous est commune.
7. Colloques et séminaires
À raison de trois à cinq par an depuis 1952, le CEC convoque à Genève des groupes ◀de▶ discussion sur les grands thèmes ◀de▶ la recherche européenne et les problèmes ◀de▶ l’union, l’accent étant porté sur les solutions fédéralistes et sur les régions.
Au nombre des sujets traités, citons : La révision des manuels ◀d’▶histoire — La coopération scientifique — La perception ◀de▶ l’Europe de l’Est en Occident — Le dialogue des cultures — Technique et cultures (Automation et Cybernétique — Éducation et Loisirs) — L’enseignement et le civisme européens — L’université européenne — Écologie et politique — L’Europe et les intellectuels — Utopie et Terreur — Persuasion ou Violence — Mitteleuropa — Le mythe dans la société.
Chaque colloque groupe ◀de▶ 15 à 30 participants et donne lieu en règle générale à une publication ( Bulletin , Cadmos , Dossiers , volume, selon les cas.)
Dans l’ensemble, les colloques ont amené au CEC, en une trentaine ◀d’▶années, près de deux mille intellectuels venus de tous les pays ◀d’▶Europe, y compris ◀de▶ l’Est, mais aussi des deux Amériques, ◀de▶ l’Afrique et du Proche-Orient.
8. Congrès organisés par le CEC
Lausanne 1949 : Conférence européenne ◀de▶ la culture, tenue au Tribunal fédéral suisse ◀de▶ Lausanne (voir plus haut p. 4). Lors de cette conférence ont été décidées les créations du CEC, celle du Collège ◀d’▶Europe à Bruges, du futur CERN, et ◀de▶ la plupart des activités gui allaient suivre dans la décennie suivante.
Rome 1954 : Conférence ◀de▶ compositeurs et musicologues, sous la présidence ◀d’▶Igor Stravinsky, 200 participants, 13 concerts, 6 débats publics.
Genève 1960 : Conférence européenne ◀de▶ l’éducation, ◀d’▶où résultera la Campagne ◀d’▶éducation civique européenne (voir plus haut p. 8).
Bâle 1964 : Conférence Europe-Monde, sous les auspices ◀de▶ la Confédération suisse, du Conseil de l’Europe et des Communautés économiques européennes. Présidence : Louis Armand, 60 rapports préparés pour les 225 participants. Objectif : lancer sur une base élargie le « Dialogue des cultures », initié trois ans plus tôt par un colloque à Genève (voir le numéro spécial du Bulletin du CEC, n° 1-2, 1962, et le volume publié par les Éditions ◀de▶ la Baconnière en 1962).
9. Relations avec les institutions européennes
Coopération permanente dès 1949 :
a) avec le Conseil de l’Europe. Préparation et présidence par le directeur du CEC des deux premières tables rondes ◀de▶ l’Europe à Rome 1952 et Strasbourg 1954. Participation du CEC aux travaux ◀de▶ la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux ;
b) avec la CEE de Bruxelles, notamment dans le domaine du cinéma européen, puis ◀de▶ l’éducation européenne ;
c) avec l’OECD, Paris, préparation ◀de▶ publications communes sur l’Europe.
Un groupe ◀de▶ concertation composé des directeurs ◀de▶ l’information ◀de▶ ces trois institutions et du directeur du CEC a fonctionné avec une grande efficacité ◀de▶ 1951 à 1958, pendant la phase ◀de▶ création ◀de▶ l’action pour l’Europe.
10. Représentation du CEC à l’extérieur
Liaisons permanentes avec les organisations européennes ◀de▶ Strasbourg, Paris, Luxembourg, Bruxelles, aussi bien qu’avec les fondations et les principales associations ◀d’▶études européennes — Élaboration ◀de▶ rapports demandés par ces diverses instances — Présidences ◀de▶ jurys européens — Conférences données dans 16 pays ◀d’▶Europe, au Proche-Orient et dans les Amériques par des collaborateurs du CEC, dans le cadre ◀d’▶universités, ◀de▶ congrès, ◀de▶ stages ◀d’▶études, etc. — Participation active aux congrès culturels européens, fédéralistes, régionalistes, et ◀de▶ sciences humaines…
11. Publications
— Bulletin du CEC , ◀de▶ 1951 à 1977. Trois à dix numéros par an ◀de▶ 32 à 190 pages, rendant compte des activités courantes du CEC, ou consacrés à une action particulière, à un colloque ou à un congrès. Tirage variant entre un minimum ◀de▶ 2000 ex. en français et un maximum ◀de▶ 70 000 ; voire 90 000 dans quelques cas privilégiés, tels que le Guide européen ◀de▶ l’enseignant (en 4 langues) et L’Europe s’inscrit dans les faits (en 5 langues).
— À partir de 1978, le Bulletin du CEC se transforme en une revue : Cadmos , paraissant quatre fois par an, sur 144 pages et publiée conjointement par le CEC et par l’Institut universitaire ◀d’▶études européennes.
— Format ◀de▶ Cadmos , mais à intervalles irréguliers, des Dossiers ◀d’▶environ 200 pages sont publiés sur des sujets tels que la coopération régionale transfrontalière, les partis politiques et les élections européennes, la Suisse et la Communauté européenne élargie.
— Le Courrier fédéral , six numéros consacrés à l’étude du projet ◀de▶ Constitution européenne établi par l’Assemblée ad hoc du Conseil ◀de▶ l’Europes, 1953 à 1954.
— Numéros spéciaux ◀de▶ revues consacrés à l’Europe, et confiés au CEC pour la partie rédactionnelle : en France (3), USA (2), Allemagne, Hollande, Espagne, Suisse.
— Bibliographie européenne , 472 pages, Éd. Sijthof, Leyden, 1965.
— Demain l’Europe sans frontières , par Raymond Racine et sept collaborateurs, 232 p. , Plon, Paris, 1958. (Traduit en trois langues.)
— Collection du CEC aux Éditions ◀de▶ la Baconnière, Neuchâtel, Suisse.
Six volumes parus ◀de▶ 1948 à 1970.
L’Europe en jeu par D. de Rougemont, 174 p. , 1948.
Vers une Europe nouvelle par le plan Schuman , par R. Racine, 246 p. , Éd. ◀de▶ la Baconnière, 1954.
Pour une Métropole régionale (Aix-Marseille-Étang de Berre). Colloque tenu à Aix-en-Provence, 136 p. , 1963.
Le Dialogue des cultures , colloque tenu à Genève. Interventions ◀de▶ 14 auteurs, 156 p. , 1962.
Les Chances ◀de▶ l’Europe , quatre conférences par D. de Rougemont. Trad. en allemand, anglais, espagnol, 92 p. , 1962.
Bilan des activités culturelles au service ◀de▶ l’Europe ◀de▶ 1949 à 1964 , 134 p. , 1966.
Le Cheminement des esprits (L’Europe en jeu II) par D. de Rougemont, 192 p. , 1970.
— L’Europe et les ressources ◀de▶ la mer, ou le débat sur la croissance , par H. Schwamm, O. Giarini et A. Loubergé, Éd. Georgi, 1977.
— Rapport au peuple européen sur l’état ◀de▶ l’union ◀de▶ l’Europe , par le groupe Cadmos, 190 p. , Éditions Stock, Paris, 1979. (Trad. en italien, allemand, hollandais, anglais.)
V. Vocation ◀de▶ l’Europe aujourd’hui
L’union fédérale ◀de▶ l’Europe, nécessité plus vitale et plus urgente que jamais, apparaît ◀de▶ moins en moins accessible par la voie des accords entre États. Les militants européistes sont parfois tentés ◀de▶ baisser les bras, après trente à quarante ans ◀d’▶efforts pour si peu de résultats tangibles, cependant que les périls se précisent dans une société hantée par le chômage et l’inflation, le terrorisme, et la course aux armements (coût global pour la seule année 1982 : 650 milliards ◀de▶ dollars).
D’autre part, l’action culturelle pour l’Europe unie exige du temps pour que se manifestent les effets politiques qu’on peut en espérer : au moins une génération. Mais les menaces sur la paix du monde et la survie ◀de▶ l’Europe sont à court terme — quelques années, selon les plus réalistes.
Plusieurs signes, cependant, sont ◀de▶ nature à entretenir l’espoir. L’influence ◀de▶ notre action ◀de▶ fédéralistes et ◀de▶ régionalistes européens marque chaque année des progrès, parfois inespérés. Déjà, la guerre est devenue impensable entre deux peuples ◀de▶ l’Europe : fait capital, dont nous avons encore trop peu de conscience.
Déjà le problème des régions devient le problème numéro un pour ◀de▶ nombreux pays du continent : la Belgique, la Grande-Bretagne, l’Espagne, et même la France des jacobins !
Déjà le souci écologique s’inscrit dans les constitutions et dans les ministères ◀de▶ l’Environnement. Or les solutions aux grands problèmes écologiques sont ◀de▶ nature tantôt locales tantôt continentales, jamais nationales7 : elles appellent donc des régions et des fédérations.
Enfin, les débats sur un « nouvel ordre économique mondial », par les difficultés mêmes qu’ils ont fait apparaître, ont rendu les Européens plus conscients ◀de▶ l’importance primordiale des différences culturelles dans l’approche des problèmes désormais communs à toute l’humanité : la nécessité du dialogue des cultures se révèle ici dans toute son ampleur.
Perspectives du CEC pour les années 1980
Telles étant les conditions actuelles, comment se présente la vocation du CEC ?
Les tâches immédiates nous sont dictées par les considérations suivantes :
1. On n’attend pas du CEC qu’il « fasse l’Europe », mais qu’il apporte à l’union ◀de▶ nos peuples une contribution spécifique et irremplaçable ◀d’▶orientation des esprits, ◀de▶ réveil ◀de▶ l’opinion, ◀de▶ rappel critique, mais aussi ◀de▶ pourvoyeur ◀d’▶idées pour les défenseurs des droits de l’homme, pour les éducateurs, pour les responsables des médias, pour les parlementaires et les hommes politiques.
2. Les obstacles à la fédération européenne ne sont pas dans les choses, mais dans les esprits. C’est donc là qu’il s’agit ◀de▶ les réduire en premier lieu, et cette tâche n’est pas économique d’abord, ni politique d’abord, mais d’abord culturelle, éducative, initiatrice.
3. On a vu que parmi les initiatives du CEC, ◀de▶ sa fondation à nos jours — certaines ont été confiées à d’autres institutions, comme prévu par le Centre lui-même :
— certaines ont été suspendues « pour cause ◀de▶ succès » :
— certaines ont été interrompues avant terme par suite de circonstances accidentelles, incontrôlables par le CEC, ou sous le coup ◀de▶ pressions extérieures, comme ce fut le cas ◀de▶ la Campagne ◀d’▶éducation civique européenne et du Dialogue des cultures ;
— mais certaines apparaissent encore plus nécessaires aujourd’hui que naguère et doivent être maintenues et développées.
1. Colloques et séminaires. Leurs sujets seront déterminés par les grands thèmes ◀de▶ nos activités : — La méthode fédéraliste — Dialogue des cultures — Éducation européenne — Travail et loisir — Informatisation ◀de▶ la société — États-nations ou fédérations ◀de▶ régions — Rôle des grandes cultures pour la paix…
2. Les publications suivront ◀d’▶aussi près que possible ( Cadmos , Dossiers, volumes) les résultats des colloques, séminaires, ou autres groupes occasionnels ◀de▶ recherches.
3. Les associations européennes liées au CEC dès l’origine poursuivront et élargiront leurs activités : — Association européenne des festivals ◀de▶ musique (41 membres) — Association des instituts ◀d’▶études européennes (35 membres) — Association ◀d’▶éducation européenne…
4. Campagne ◀d’▶éducation civique européenne. Pour autant que les responsables des institutions européennes et des associations européennes ◀d’▶enseignants s’y montrent disposés, il y aura lieu ◀d’▶étudier avec elles sous quelles formes renouvelées et avec quels moyens nouveaux financiers (non seulement, mais surtout humains) la Campagne ◀d’▶éducation civique européenne peut être reprise au point où elle fut interrompue en 1978.
5. Archives européennes. Ce nouveau département est en train de naître ◀d’▶une offre faite par la Fondation Coudenhove-Kalergi, ◀de▶ loger et ◀d’▶administrer à la Villa Moynier les archives du mouvement paneuropéen. Fondée en 1923 par le comte Richard Coudenhove-Kalergi, inspirateur du fameux Mémorandum Briand présenté à la SDN, Paneuropa peut être considérée comme la première manifestation historique ◀de▶ la volonté ◀d’▶union des Européens au xx e siècle.
Cette offre a été pour le CEC l’occasion ◀de▶ réaliser son projet ◀de▶ constituer des Archives du CEC et ◀de▶ l’IUEE, qui comporteraient également l’importante documentation dont nous disposons sur le Congrès ◀de▶ l’Europe à La Haye, 1948, et sur la Conférence européenne ◀de▶ la culture à Lausanne, 1949. L’ensemble ◀de▶ ces fonds constituera la base des Archives européennes, dont les statuts viennent ◀d’▶être signés. Il est souhaitable qu’elles se fédèrent par la suite avec d’autres fonds européens, ◀de▶ telle manière que soit créé à Genève un centre ouvert à la recherche sur l’union européenne, sujet de plus en plus fréquent ◀de▶ thèses universitaires dans tous les pays occidentaux.
6. Enfin, le CEC doit se tenir prêt à intervenir dans des domaines nouveaux qui peuvent se révéler décisifs, parmi lesquels celui que définissent ces trois mots :
Travail, chômage, loisirs créateurs
Voici les données du problème :
La technologie destinée à libérer l’homme du travail servile, aboutit en fait à créer dans nos sociétés non pas ◀de▶ la liberté, mais du chômage. Partant ◀de▶ cette constatation paradoxale, qui exprime la nature ◀de▶ la crise économique du monde occidental, le CEC a proposé à plusieurs fondations et associations ◀d’▶études européennes ◀d’▶entreprendre conjointement des recherches proprement culturelles, au sens le plus large du terme, sur un phénomène qu’on nous décrit à tort comme conjoncturel et limité à ses conséquences financières et sociales (si sérieuses soient-elles).
Il devient en effet de plus en plus évident que le problème du chômage déborde de toutes parts le domaine ◀de▶ l’économie industrielle où il se manifeste aux yeux de tous comme « le mal impardonnable »8.
Que le succès même ◀de▶ la technologie, destinée à libérer l’homme du travail servile, aboutisse en fait, dans notre société, à créer du chômage plutôt que ◀de▶ la liberté, voilà bien le scandale éthique qui nous oblige à remettre en question les notions mêmes ◀de▶ travail et ◀de▶ loisir et toutes les valeurs religieuses, coutumières et psychologiques que nous leur donnions et qui changent, sans que nous en prenions conscience.
Entreprendre une série ◀d’▶explorations dans toutes les dimensions morales et non pas seulement techniques du phénomène, telle sera l’ambition du CEC au cours de la prochaine décennie.
◀De▶ ces recherches, on peut attendre qu’elles dégagent des motifs nouveaux ◀de▶ relancer la Campagne ◀d’▶éducation civique européenne.
7. Mais on peut y voir surtout une promesse ◀de▶ renouvellement et ◀de▶ fécondité durable ◀d’▶un autre projet majeur du CEC : celui ◀d’▶un dialogue des cultures.
Dans ses lignes générales, ce projet consiste à susciter au sein des grandes cultures vivantes : Monde arabe, Inde, Extrême-Orient, Amérique latine, Afrique noire, la formation ◀de▶ centres analogues au nôtre, qui deviendraient les interlocuteurs ◀d’▶un colloque permanent à l’échelle mondiale.
Ce « dialogue multilatéral » devrait être, dans notre esprit, beaucoup moins comparatiste que prospectif ; beaucoup moins préoccupé ◀de▶ repérer les contrastes et les analogies dans les religions, les coutumes et les systèmes ◀de▶ valeurs, que ◀de▶ chercher les réponses spécifiques que chaque culture, désormais, devrait être en mesure ◀de▶ donner aux mêmes défis ◀de▶ la civilisation technico-industrielle née ◀de▶ l’Europe.
Sujet majeur, pour la culture, en cette fin du xx e siècle.