Chronique européenne : La▶ préparation des élections européennes (printemps 1984)s
I. Pour tous ◀les▶ vieux partis : un débat national d’abord
1. ◀Le▶ cas ◀de▶ ◀la▶ France
Prenons ce pays ◀de▶ ◀la▶ clarté pour illustrer ◀de▶ manière exemplaire une situation ni plus ni moins complexe en fait que dans n’importe quel pays des Dix, mais qui devient ici plus lisible qu’ailleurs, parce que ◀le▶ nationalisme y chante à livre ouvert ses thèmes sacrés, ◀l’▶absolu ◀de▶ sa primauté sur toute autre vertu cardinale.
Raymond Barre traduisait fidèlement, à sa coutume, ◀le▶ sentiment moyen ◀de▶ ses compatriotes, lorsqu’au début ◀de▶ février ◀de▶ cette année, interrogé sur ◀l’▶élection du Parlement européen, « il avait eu un sourire avant de remarquer : — Cette élection n’est guère plus importante qu’une cantonale » (◀Le▶ Monde, 6 février). Mais tous ◀les▶ chefs des grands partis traditionnels allaient déclarer ◀d’▶une seule voix qu’au contraire « ◀l’▶enjeu des élections européennes était d’abord national » (Georges Marchais, pour ◀le▶ PC), que « ◀la▶ bataille pour ◀l’▶Europe était d’abord une bataille pour ◀la▶ France », car « avant de faire ◀l’▶Europe il faut refaire ◀la▶ France » (Claude Labbé pour ◀le▶ RPR), tandis que ◀Le▶ Monde précisait ◀le▶ 15 mai en toute innocence apparente : « Trois interventions qui ont dominé ◀le▶ week-end politique, résumant parfaitement ◀les▶ interrogations que fait naître ◀la▶ perspective du scrutin européen, à savoir : Jusqu’où peut aller ◀l’▶ascension ◀de▶ M. Le Pen ? — Mme Veil placera-t-elle ◀l’▶opposition au-dessus ◀de▶ ◀la▶ barre des 50 % ? — ◀La▶ gauche peut-elle combler une partie ◀de▶ son retard ? »
Problèmes, on ◀le▶ voit, dont ◀l’▶importance n’est pas plus cantonale qu’européenne, mais décisive et bien réelle, donc nationale.
Cette unanimité des passions partisanes qui ne s’obtient que dans ◀les▶ grands périls pour ◀la▶ patrie, n’implique aucun accord sur ◀la▶ question ◀de▶ ◀l’▶Europe, bien au contraire, puisque ◀le▶ vrai problème se réduit à savoir si ◀l’▶Europe — quel que soit son régime — unitaire ou fédéraliste — sera « ◀le▶ rempart ◀de▶ notre société » (S. Veil) ou « ◀la▶ condition ◀d’▶une société plus juste » (tous ◀les▶ chefs socialistes).
C’est dans ◀le▶ débat des partis, tant de ◀la▶ droite que ◀de▶ ◀la▶ gauche, que ◀l’▶argument européen retrouve un intérêt relatif. Interrogée par ◀le▶ journal ◀La▶ ◀Croix▶ sur ses alliés dans ◀la▶ liste des droites, Simone Veil (UDF) déclare à propos de Chirac (RPR) : « Il se fout ◀de▶ ◀l’▶Europe ! » Cependant que Lionel Jospin estime « qu’à ◀l’▶Europe de Georges Marchais, il manque une petite chose, et c’est justement ◀l’▶Europe, c’est-à-dire ◀l’▶action commune entre ◀les▶ États, ◀la▶ solidarité, ◀l’▶affirmation ◀d’▶une volonté ◀d’▶identité » (◀Le▶ Monde, 17 mai).
Mais pour peu que Lionel Jospin ironise sur ◀la▶ droite : « Ni M. Giscard d’Estaing, ni M. Barre, ni même M. Chirac ne s’engagent vraiment derrière Mme Veil », Jacques Chirac réplique ◀le▶ lendemain que ◀la▶ droite doit « se défoncer » pour que ◀la▶ liste ◀de▶ Simone Veil fasse ◀la▶ plus grande majorité possible.
◀Le▶ 21 mai, un débat ◀de▶ 80 minutes marquant ◀l’▶ouverture officielle ◀de▶ ◀la▶ campagne électorale opposait à ◀la▶ télévision française Simone Veil pour ◀la▶ droite et Lionel Jospin pour ◀la▶ gauche. Il en est résulté à ◀l’▶évidence que ni ◀la▶ droite ni ◀la▶ gauche ne considèrent ◀l’▶Europe comme quelque chose qu’il faut unir d’abord. Ni l’un ni l’autre des debaters ne semble avoir imaginé que si ◀l’▶on veut que chacun ◀de▶ nos pays ait des chances ◀de▶ surmonter sa crise nationale, ◀l’▶union seule peut ◀les▶ y aider. Pas un mot n’a été prononcé sur ◀la▶ nécessité et ◀l’▶urgence ◀de▶ ◀l’▶union, sur son contenu ni sur sa forme politique.
« Puisqu’on parle ◀de▶ ◀l’▶Europe… », disait un journaliste. Justement, personne n’en parlait. Il s’agissait ◀de▶ savoir si ◀la▶ gauche ou ◀la▶ droite étaient plus ou moins cohérentes avec leur image ◀de▶ combat, et laquelle allait, ◀le▶ 17 juin, « passer ◀la▶ barre des 50 % ».
Dans ◀les▶ autres pays des Dix, même processus : pas un mot sur ◀l’▶urgence ◀de▶ ◀l’▶union ; pas un mot sur sa forme : fédération ou amicale des misanthropes ; pas un mot sur ◀les▶ sacrifices qu’aucun pays ne s’est dit prêt à consentir à ◀l’▶œuvre, pourtant déclarée si « désirable » par ses politiciens chevronnés.
2. ◀Le▶ cas ◀de▶ ◀la▶ Grande-Bretagne
« ◀La▶ présentation du programme des conservateurs et des travaillistes pour ◀les▶ élections européennes a confirmé, ◀le▶ 21 mai, que ◀les▶ deux grands partis considèrent ◀la▶ consultation du 14 juin comme un enjeu ◀de▶ nature avant tout nationale… C’est à celui qui promet ◀d’▶être ◀le▶ plus exigeant avec ◀la▶ CEE dans ◀l’▶intérêt strictement financier du Royaume-Uni (◀Le▶ Monde, 23 mai 1984).
Mrs. Thatcher s’est félicitée ◀d’▶avoir pu « arracher », à ses partenaires des Dix, des ristournes budgétaires pour un total ◀de▶ 2 milliards ◀de▶ livres, « alors que ◀le▶ Labour n’avait pas été capable ◀de▶ décrocher un seul penny ». Elle se propose ◀de▶ « bloquer ◀l’▶accroissement des ressources ◀de▶ ◀la▶ Communauté si ◀la▶ Grande-Bretagne ne reçoit pas sa ristourne pour 1983 ». Et elle exige ◀le▶ maintien du veto au Conseil des ministres ◀de▶ ◀la▶ CEE, veto « qui nous donne une grande puissance ». Moyennant quoi, elle affirme que ◀l’▶engagement du Parti conservateur en faveur de ◀la▶ Communauté est sans ambiguïté…
Mr. Kinnock, pour ◀le▶ Parti travailliste, a exigé, lui, « ◀le▶ rapatriement » des pouvoirs « ravis au Parlement britannique par ◀la▶ CEE ». Là, vraiment, pas ◀d’▶ambiguïté (au sens courant ◀de▶ ◀l’▶expression) : ◀le▶ Labour est franchement contre ◀la▶ CEE.
3. ◀Le▶ cas ◀de▶ ◀l’▶Italie
Il a été très précisément exposé dans un article du Corriere della Sera (20 mai 1984) intitulé « ◀L’▶Europa senza passione », par Michele Tito. Précision est ici synonyme ◀de▶ cruauté, mais certes pas pour ◀l’▶Italie plus que pour ◀les▶ autres.
◀De▶ ◀l’▶Irlande à ◀la▶ Grèce, ◀le▶ Parlement européen est un pur prétexte à confrontations et rencontres sur d’autres thèmes. En France, en Allemagne, en Angleterre et en Italie, qui sont ◀les▶ quatre pays ◀les▶ plus importants ◀de▶ ◀la▶ Communauté, il a constitué très nettement, sinon exclusivement, une occasion ◀d’▶évaluer ◀les▶ politiques internes. Ceci reflète ◀le▶ paradoxe ◀de▶ polémiques toujours plus âpres, en ◀l’▶absence ◀de▶ toute passion manifeste.
(On pourrait dire que ◀le▶ discours politicien est un hommage que ◀les▶ nationalismes ◀les▶ plus obtus rendent à ◀l’▶idéal européen.)
En Italie, tout comme en France (comme ◀l’▶expose ◀la▶ Neue Zürcher Zeitung du 17 mai), ◀l’▶enjeu réel du 17 juin est ◀d’▶offrir aux électeurs des grands partis une occasion ◀de▶ se compter82. Plus spécialement ici, c’est ◀le▶ problème du Parti socialiste, parti du président du Conseil, M. Craxi : s’il y a gain marqué pour ◀le▶ PSI, cela signifiera un coup ◀d’▶arrêt aux communistes, mais aussi aux chrétiens-démocrates et aux républicains qui multiplient ◀les▶ attaques et ◀les▶ critiques contre ◀les▶ ministres sociaux-démocrates, accusés l’un ◀d’▶avoir appartenu à ◀la▶ fameuse loge P2, ◀les▶ deux autres ◀de▶ complaisance. (M. Craxi a d’ailleurs refusé ◀la▶ démission qu’ils lui offraient.)
4. ◀Le▶ cas ◀de▶ ◀la▶ RFA
Là encore, un problème « national » domine tout : ◀l’▶installation des missiles américains sur ◀le▶ territoire allemand. Mais il se trouve que ◀la▶ situation à la fois historique, diplomatique et géographique ◀de▶ ◀la▶ RFA identifie par ◀la▶ force des choses cet aspect national avec ◀les▶ aspects européens ◀de▶ ◀l’▶enjeu des élections du 17 juin. Cas unique, mais aussi exemplaire parmi ◀les▶ Dix : c’est tout ◀le▶ problème ◀de▶ ◀la▶ défense commune et autonome des Européens qui se trouve ici posé dans son urgence dramatique83.
Faut-il aller vers un rétablissement ◀de▶ ◀la▶ pleine souveraineté ◀de▶ ◀l’▶Allemagne de l’Ouest, en tant qu’État-nation chargé désormais ◀d’▶assurer sa propre défense, mais sous ◀le▶ parapluie américain — ou bien ◀la▶ RFA pourra-t-elle saisir sa chance ◀de▶ passer directement ◀de▶ son régime actuel ◀de▶ provisoire diminutio capitis à un régime ◀de▶ participation autonome et responsable à ◀la▶ souveraineté ◀de▶ ◀l’▶Europe fédérée ?
Il résulte ◀de▶ cette situation que ◀les▶ prises ◀de▶ position des partis « nationaux » et des verts allemands, dans ◀la▶ préparation des élections du 17 juin, s’identifient objectivement, qu’ils ◀le▶ veuillent ou non, avec des prises ◀de▶ position soit pour ◀l’▶Europe « impossible » des États-nations, soit pour ◀l’▶Europe vitalement nécessaire ◀de▶ ◀la▶ souveraineté fédérale du continent.
C’est donc en RFA que va se jouer ◀le▶ sort prochain du projet Europe.
II. ◀Les▶ jeunes mouvements : pour une Europe des régions fédérées
À ◀l’▶heure où ceci est écrit, nul ne sait encore combien des listes annoncées par ◀les▶ petits partis, ◀les▶ mouvements régionalistes, ou écologistes, ou fédéralistes, en France surtout, pourront réunir à temps ◀les▶ fonds nécessaires pour présenter régulièrement leurs candidats à ◀l’▶élection du 17 juin. Mais ce que ◀l’▶on voit se définir avec ◀la▶ plus grande netteté, c’est ◀la▶ communauté ◀de▶ leurs vues sur ◀l’▶Europe et même ◀l’▶identité ◀de▶ leurs propositions ; c’est leur opposition, déclarée dans ◀les▶ mêmes termes, aux partis classiques et à leurs discours partisans, nationalistes, politiciens, donc pratiquement antieuropéens ; et c’est enfin ◀la▶ convergence frappante ◀de▶ leurs propositions pour ◀l’▶union ◀de▶ ◀l’▶Europe, et cela qu’ils se disent ◀de▶ gauche ou ◀de▶ droite, ou qu’ils soient simplement considérés comme tels.
Quelques exemples.
◀Les▶ jeunes giscardiens s’annoncent comme « amoureux fous ◀de▶ ◀l’▶Europe ◀de▶ ◀la▶ liberté » et appellent ◀de▶ leurs vœux ◀la▶ naissance du « citoyen européen » (qui, reconnaissent-ils, suppose « une véritable révolution des mentalités ») acceptant « ◀le▶ concept ◀d’▶une Europe fédérale ».
Pour eux, il va sans dire que « ◀la▶ revendication européenne devra s’accompagner à terme ◀d’▶une revendication régionaliste : une partie ◀de▶ ◀la▶ dimension nationale disparue sera affectée à ◀la▶ dimension européenne, une autre partie à ◀la▶ dimension régionale ».
Ils expriment ◀l’▶espoir que leur génération « au sein de laquelle ◀l’▶idée européenne ne se heurte pas trop à ◀l’▶idée nationale, qu’elle transcende sans peine », réalise ◀l’▶Europe « que nos pères n’ont pas su faire ». ( ◀Le▶ Monde , 4-5 mars 1984.)
Et ils ajoutent (selon ◀le▶ Figaro , même date) : « ◀Les▶ régions, dans ◀le▶ cadre ◀de▶ ◀l’▶Europe, pourront traverser ◀les▶ actuelles frontières nationales. »
Ce qui rejoint ◀les▶ positions et propositions défendues dans toute ◀la▶ suite ◀de▶ nos études sur ◀l’▶Europe et ◀les▶ régions 84 et dans ◀L’▶Avenir est notre affaire .
« Jeunes giscardiens » : on se croirait à droite. « ◀Les▶ Verts » : voilà qui évoque plutôt ◀la▶ gauche (sans raison sérieuse, disons-◀le▶. « Conserver ◀la▶ nature pour que survivent ◀les▶ hommes » n’est pas un slogan ◀de▶ « gauchistes », « manipulés » ou non, mais pourrait être qualifié à plus juste titre ◀de▶ conservateur. Quant aux destructeurs ◀de▶ notre environnement, à commencer par ◀les▶ forêts et océans qui font tout ◀l’▶oxygène que respirent ◀les▶ êtres vivants — ces destructeurs sont des industriels, rarement « ◀de▶ gauche »…).
Pour ◀les▶ verts français, qui regroupent ◀la▶ Confédération et ◀le▶ Parti écologiste, quatre priorités absolues sont formulées dans un tract diffusé au début ◀de▶ mars :
◀L’▶Europe ◀de▶ ◀la▶ qualité ◀de▶ ◀la▶ vie : ◀de▶ cette contrée, ◀la▶ plus polluée du monde, nous voulons faire ◀la▶ championne du monde ◀de▶ ◀la▶ dépollution.
◀L’▶Europe ◀de▶ ◀la▶ solidarité : ◀le▶ partage du travail et des revenus, non seulement comme moyen technique pour résorber ◀le▶ chômage, mais aussi comme projet ◀d’▶une société plus solidaire, y compris avec ◀le▶ tiers-monde.
◀Les▶ régions unies ◀d’▶Europe : ◀le▶ blocage institutionnel dû aux États-nations est dépassé des deux côtés ; des régions politiquement adultes, une Europe confédérée.
Une Europe indépendante, souveraine et dénucléarisée : une défense européenne basée sur ◀la▶ responsabilité ◀de▶ chaque citoyen.
À quoi ◀l’▶on ajoutera, selon ◀Le▶ Monde du 7 mars 1984, que « ◀les▶ verts entendent plaider pour ◀les▶ régions unies ◀d’▶Europe face à ◀l’▶Europe des marchands et des technocrates ». « ◀La▶ prééminence des États-nations est un frein au développement des régions ◀de▶ ◀l’▶Europe. »
Signe des temps : ◀les▶ verts ◀de▶ huit pays européens adoptent désormais un programme commun, créant ainsi ce qu’on eût appelé jadis une « Internationale écologiste », mais qu’il serait plus exact, en ◀l’▶occurrence, ◀de▶ baptiser la Première interrégionale européenne.
Une alliance des huit partis verts a été formée en janvier dernier, en ◀l’▶absence toutefois des verts ouest-allemands et des écologistes luxembourgeois. Cette absence est due au refus ◀de▶ ◀l’▶alliance ◀d’▶accueillir en son sein des communistes, alors que ◀les▶ écologistes ouest-allemands souhaitaient que ◀le▶ rassemblement fût ouvert à tous.
◀Les▶ huit partis membres ◀de▶ ◀l’▶alliance sont ◀les▶ suivants : ◀l’▶Agalev (belge flamand), ◀le▶ Parti écologiste (belge francophone), ◀les▶ Verts (France), ◀l’▶Ecology Party (Grande-Bretagne), ◀la▶ Green Alliance (Irlande), ◀De▶ Groenen (Pays-Bas) et deux groupes n’appartenant pas aux pays ◀de▶ ◀la▶ CEE : ◀le▶ Mk Miljopartiet (Suède) et ◀la▶ Liste alternative (Autriche).
◀Les▶ verts européens viennent de publier leur programme commun : nous en donnons ici ◀les▶ titres ◀de▶ chapitres.
- Vers ◀la▶ paix en Europe fondée sur ◀l’▶amitié entre ◀les▶ peuples, ◀les▶ groupes ethniques, sur ◀le▶ non-alignement et ◀la▶ non-violence.
- Vers une politique ◀de▶ ◀l’▶environnement, une politique ◀de▶ ◀l’▶équilibre écologique, qui assure ◀les▶ bases ◀de▶ notre vie par-delà ◀les▶ frontières nationales ou européennes.
- Vers une politique économique et sociale écologique.
- Pour une agriculture en équilibre avec ◀la▶ nature.
- Pour un partage honnête ◀de▶ ◀la▶ prospérité ◀de▶ ◀la▶ planète avec ◀les▶ peuples du tiers-monde.
- Pour une Europe des régions.
◀De▶ nombreux groupes régionalistes, écologistes ou fédéralistes, diffusent des manifestes, liés ou non à des listes ◀de▶ candidats dont ◀la▶ recevabilité financière semble encore loin ◀d’▶être assurée. (On sait que ◀le▶ dépôt ◀d’▶une garantie remboursable ◀de▶ 4,6 millions ◀de▶ francs français est exigé pour chaque liste.)
Signalons parmi ces groupes ◀l’▶Action fédéraliste socialisme et liberté (AFSL) qui insiste sur ◀le▶ fait que ses propositions sont « par nature et par définition, ◀de▶ caractère européen, et non pas inspirées par des intérêts nationaux ». Elle se déclare « pour une France fédérale dans une Europe fédérée ». Elle affirme donc, elle aussi, que « ◀la▶ suprême garantie contre ◀l’▶omnipotence ◀d’▶un État technocratique et bureaucratique réside dans ◀la▶ répartition des pouvoirs en faveur de communautés territoriales et politiques autonomes et responsables, et que c’est dans ce type ◀de▶ société que se situe ◀l’▶indispensable point ◀d’▶équilibre entre ◀la▶ liberté et ◀l’▶autorité, entre ◀les▶ communautés intermédiaires et ◀l’▶État, entre ◀l’▶individu et ◀le▶ pouvoir ».
◀De▶ nombreux mouvements régionalistes se proposent ◀de▶ former des listes. Ainsi Europe 2000 (régions Bretagne), qui annonce ainsi son programme :
NOUS VOULONS :
— ◀la▶ construction des États-Unis d’Europe, sur une base fédérale ;
— ◀la▶ représentativité des peuples et des régions au sein du Parlement ◀de▶ Strasbourg ;
— ◀l’▶adoption ◀de▶ ◀l’▶ECU comme monnaie commune utilisable par tous ;
— une défense européenne commune intégrée indépendante et ◀la▶ sanctuarisation ◀de▶ ◀l’▶Europe, afin de préserver ◀la▶ paix ;
— une politique écologique et ◀de▶ protection ◀de▶ ◀l’▶environnement communautaire ;
— ◀la▶ défense des identités et des patrimoines culturels ;
— ◀la▶ possibilité pour chacun ◀de▶ « vivre et travailler au pays » ;
— ◀le▶ droit pour tous ◀les▶ citoyens ◀de▶ s’exprimer clairement sur ◀les▶ problèmes qui ◀les▶ concernent directement, grâce aux « référendums et à ◀l’▶initiative populaire ».
Voilà qui fait beaucoup de petits groupes, parfois ◀de▶ quelques centaines ou ◀de▶ quelques milliers ◀de▶ membres seulement, mais s’ajoutant à des mouvements qui comptent déjà des députés dans leur parlement national. Ils sont très fortement minoritaires dans leur pays, mais ils sont unanimes dans leurs propositions européennes, et ceci corrigera cela, si ◀les▶ partis classiques persistent à ne rien vouloir pour ◀l’▶Europe, mais seulement à combattre leurs rivaux nationaux.
III. Quelques déclarations remarquables sur ◀l’▶Europe
Tout le monde semble avoir oublié que ◀l’▶enjeu du 17 juin est ◀le▶ renouvellement du Parlement européen : personne n’en parle ou presque, et seulement pour ◀le▶ dénigrer.
Sauf l’un des rédacteurs ◀de▶ ◀la▶ remarquable Europaische Zeitung, organe mensuel ◀d’▶Europa-Union, qui paraît à Bonn. ◀D’▶un grand article ◀de▶ Claus Schöndube consacré aux aspects positifs du PE — oui, tout arrive — nous sommes heureux ◀de▶ citer :
◀Le▶ Parlement européen est ◀le▶ lieu ◀de▶ ◀la▶ création, ◀de▶ ◀la▶ discussion publique et transparente ◀d’▶une nouvelle politique. C’est ◀le▶ lieu ◀de▶ ◀la▶ formation ◀d’▶une nouvelle génération ◀de▶ politiciens européens pour lesquels ce n’est plus ◀la▶ guerre, mais bien ◀la▶ paix qui est ◀le▶ vrai cas ◀d’▶urgence.
◀L’▶ex-ambassadrice des USA auprès des Nations unies, Mrs. Kirkpatrick, interviewée pour Antenne 2 par deux journalistes français, ◀le▶ 6 avril 1984, a confirmé et justifié sa déclaration récente : « ◀L’▶Europe a tout ce qu’il faut pour être une superpuissance, sauf ◀la▶ volonté. »
L’un des Français lui dit : — C’est dur !
Elle, souriant : — Non, c’est vrai.
◀Le▶ président du mouvement européen, Giuseppe Petrilli, écrit dans ◀la▶ revue Europe (1/2 1984) au lendemain ◀de▶ ◀l’▶échec ◀d’▶Athènes :
◀Les▶ citoyens ne peuvent comprendre que ◀les▶ États membres et leurs représentants, après s’être arrogé, au mépris des traités qui ◀les▶ lient, des pouvoirs exécutifs et législatifs exorbitants par rapport à ◀l’▶intérêt commun et à ◀l’▶équilibre démocratique, fassent preuve ◀d’▶une si constante impéritie au sein du Conseil des communautés, en particulier par ◀la▶ recherche systématique ◀de▶ ◀l’▶unanimité.
◀Les▶ citoyens ne peuvent comprendre que ◀les▶ plus hauts représentants des États membres s’abaissent à des querelles subalternes économiques ou financières hors de proportion avec ◀les▶ défis majeurs du temps présent. […]
Il est temps que ◀le▶ réalisme, garant du futur qu’ils proclament, succède à ◀l’▶irréalisme égoïste et suicidaire qu’ils pratiquent.
Quant à ◀la▶ Tribune pour ◀l’▶Europe, information du Parlement européen, elle publie en tête ◀de▶ son numéro du 17 février 1984, ◀le▶ bref communiqué suivant :
◀la▶ reine Béatrix aux députés : il n’est ◀de▶ souveraineté qu’européenne
◀Le▶ jeudi 16 février 1984, Sa Majesté ◀la▶ reine Béatrix des Pays-Bas s’est adressée aux députés européens. ◀La▶ reine a insisté sur ◀l’▶idée que ◀les▶ solutions communautaires doivent primer sur ◀les▶ options étroitement nationales. « Vous avez raison ◀de▶ demander un accroissement ◀de▶ vos compétences », a-t-elle dit aux députés, en ajoutant que ◀la▶ Communauté devrait rompre avec ◀le▶ principe des votes à ◀l’▶unanimité, principe que « nous n’accepterions jamais dans nos pays respectifs ». Et ◀de▶ conclure, longuement ovationnée par ◀les▶ parlementaires debout : « ◀La▶ démocratie politique est née au xviiie siècle, ◀la▶ démocratie sociale a fait son apparition au xixe siècle. Et si ◀la▶ démocratie européenne doit voir ◀le▶ jour au xxe siècle, il ne nous reste plus que seize ans ! »
« Une souveraineté européenne » — encore qu’elle reste à définir — voilà ce que ne peuvent se permettre ◀d’▶envisager nos États-nations, parvenus non sans peine à ce qu’ils considèrent comme leur « souveraineté absolue ». Seule une reine incontestable a su, en cette matière, se montrer généreuse, intelligente, et véritablement européenne.