Vocation culturelle de▶ ◀la▶ Suisse en Europe (septembre 1985)ap aq
À deux titres au moins, ◀la▶ Suisse tient en Europe un rôle ◀d’▶exception radicale, par là même peut-être exemplaire :
I. Elle est ◀le▶ modèle encore inégalé ◀d’▶une communauté politique née ◀de▶ ◀la▶ libre agrégation — vers ◀le▶ milieu du xiiie siècle — ◀de▶ groupements très variés ◀de▶ communes, ◀de▶ vallées, ◀de▶ cités et, plus tard, ◀de▶ cantons, en un système ◀de▶ Ligues ou ◀de▶ Confédération (◀de▶ fœdus, fœderis : ◀le▶ pacte, ◀la▶ foi jurée), mais dont la première Constitution ne remonte qu’à 1848. ◀La▶ Suisse est donc ◀le▶ seul État d’Europe intégralement fédéraliste de par ses origines historiques, son développement et ses institutions actuelles.
II. Elle est aussi ◀le▶ seul pays ◀d’▶Europe qui n’a pas ◀de▶ culture nationale — et cela tient à sa structure fédéraliste non moins qu’à ◀la▶ pluralité ◀de▶ ses origines. C’est une culture composite, formée ◀d’▶apports alémaniques, romantsch, ladins, italophones et franco-provençaux (aussi dits burgondiens) pour ◀la▶ langue ; celtiques et germaniques pour ◀les▶ mythes et ◀les▶ traditions populaires ; gréco-latins au Moyen Âge à travers ◀l’▶Église et ses clercs ; plus tard encore, à ◀la▶ Renaissance, apports bibliques : « ◀La▶ Bible est notre Antiquité », écrit Ramuz.
À quoi s’ajoute — si même il n’en résulte pas — ◀le▶ fait paradoxal aux yeux des modernes, que non pas en dépit mais à cause même ◀de▶ ces données originelles, ◀la▶ Suisse est devenue ◀le▶ pays ◀le▶ plus cultivé du continent, si ◀l’▶on en juge aux indices ◀de▶ lecture, à ◀l’▶intensité ◀de▶ ◀la▶ vie musicale et artistique, à ◀la▶ quantité des inventions techniques, au nombre des universités et à celui des prix Nobel ◀de▶ sciences par million ◀d’▶habitants12.
Quelle est alors cette culture si vivante, si créatrice, qui pourtant n’est pas nationale ? Une seule réponse demeure possible : c’est ◀la▶ culture européenne — seule « unité intelligible » non seulement ◀de▶ recherche historique, mais ◀de▶ système ◀de▶ référence commun aux habitants ◀de▶ ce continent —, selon ◀la▶ thèse fameuse ◀de▶ A. Toynbee13.
Microcosme des combinaisons à doses variables ◀de▶ nos sources multiples à ◀l’▶échelle continentale, ◀la▶ Suisse ◀l’▶est aussi des formules ◀d’▶évolution ◀de▶ ◀la▶ création culturelle ◀de▶ ◀l’▶Europe : du Moyen Âge à nos jours, elle n’a cessé ◀d’▶illustrer ◀la▶ structure spécifiquement européenne ◀de▶ ◀la▶ formation ◀de▶ foyers locaux ◀d’▶où vont sortir ◀les▶ grands courants transrégionaux puis continentaux et au-delà. Tout comme on peut ◀le▶ dire ◀de▶ ◀l’▶Europe considérée dans son ensemble, ◀la▶ Suisse est un espace ◀de▶ culture dont ◀le▶ centre est partout et ◀la▶ circonférence nulle part — surtout pas aux frontières étatiques ! Constatation toute simple qui vexe ou scandalise ◀les▶ victimes du grand mythe scolaire conçu par ◀le▶ xixe siècle : ◀le▶ mythe des « cultures nationales » bien distinctes, dont ◀l’▶addition constituerait ◀la▶ « culture européenne ». Observons que nos États-nations n’ont en moyenne qu’environ deux-cents ans ◀d’▶existence : où était donc ◀la▶ culture avant eux ?
En Suisse, point ◀de▶ ville capitale, donc point ◀de▶ bourse des valeurs « nationales » ni ◀de▶ centre unique et prestigieux qui attire tous ◀les▶ regards et toutes ◀les▶ ambitions. ◀La▶ vie ◀de▶ ◀la▶ culture ne dépend pas ◀d’▶un centre, mais ◀d’▶un nombre variable ◀de▶ foyers ◀de▶ création qui s’allument ici ou là, deviennent ◀d’▶un siècle à l’autre plus rayonnants, brillent soudain ◀d’▶un vif éclat, puis se mettent en veilleuse pour un temps, laissant ◀la▶ place à d’autres foyers proches ou lointains — comme il advint à ◀l’▶échelle ◀de▶ ◀l’▶Europe. Dès ◀le▶ haut Moyen Âge et jusqu’au xxe siècle, des cités ◀de▶ ◀la▶ Toscane et ◀de▶ ◀l’▶Ombrie à celles des Flandres et du Rhin, ◀de▶ Bologne à Oxford, ◀de▶ Tolède à Bruges, ◀de▶ Montpellier à Heidelberg ou ◀de▶ Leyden à Prague. Plus tard, Venise, Genève, Iéna, Weimar… Vienne et Paris : ces dernières villes vont redevenir au xxe siècle ◀les▶ deux foyers ◀de▶ ◀l’▶ellipse Europe pour ◀les▶ arts et ◀les▶ sciences humaines. On imagine un joli jeu électronique à partir de données ◀de▶ cet ordre traduites en dialogues ◀de▶ couleurs et en intensités lumineuses… ◀La▶ Suisse serait sans doute l’un des lieux ◀les▶ plus colorés et scintillants du tableau général de l’Europe.
On y verrait s’allumer, par exemple Saint-Gall, son abbaye fondée par des moines irlandais au commencement du viiie siècle (dès 720), sa bibliothèque célèbre, ◀les▶ Séquences du moine musicien Notker le Bègue, ◀les▶ Chroniques du moine Eckehardt : une civilisation chrétienne primitive sur laquelle Charles-Albert Cingria a écrit un petit chef-d’œuvre ◀de▶ poétique et ◀d’▶intuitive érudition. C’était bien avant ◀les▶ Ligues suisses, Guillaume Tell et ◀le▶ Serment du Grütli. Du point de vue ◀de▶ ◀la▶ culture attestée comme telle sur documents irréfutables, tout s’épanouit à ◀l’▶occasion ◀de▶ ◀la▶ Réforme ; Bâle, par son université fondée en 1460 — forte intensité lumineuse — attirera bientôt Érasme et Paracelse, puis Holbein et ◀les▶ peintres ◀de▶ ◀l’▶École rhénane, ◀de▶ Grünewald à Urs Graf, enfin ◀les▶ grands éditeurs humanistes, dont Frobenius ; Berne voit paraître ◀la▶ grande figure ◀de▶ Nicolas Manuel Deutsch, peintre ◀de▶ génie et poète épique et satirique, mais aussi homme d’État et Banneret (chef des troupes), et pour couronner ◀le▶ tout réformateur ◀de▶ Berne ; Zurich avec ◀les▶ réformateurs Zwingli et Bullinger auxquels se joignent ◀le▶ Saint-Gallois Vadian et ◀le▶ poète allemand Ulrich von Hutten, rayonne sur toute ◀la▶ Suisse alémanique et ◀les▶ Allemagnes ; Genève enfin, avec Calvin et Théodore de Bèze, devient en peu ◀d’▶années l’un des pôles ◀de▶ ◀l’▶Europe, rayonnant sur ◀la▶ France, ◀l’▶Angleterre et ◀l’▶Écosse, ◀les▶ Pays-Bas, ◀la▶ Rhénanie, ◀la▶ Pologne et ◀la▶ Hongrie… Du côté catholique, c’est ◀l’▶abbaye ◀d’▶Einsiedeln, fleuron ◀de▶ ◀la▶ civilisation bénédictine, qui va devenir ◀le▶ cœur du grand style baroque dans ◀l’▶Europe du Nord.
Au xviiie siècle, il semble que ◀de▶ grands coups de vent européens raniment simultanément tous ◀les▶ foyers anciens et en allument ◀de▶ nouveaux. Berne s’illustre aux yeux de ◀l’▶Europe par ◀le▶ génie ◀d’▶un ◀de▶ ses patriciens, Albert de Haller : cet anatomiste, chirurgien, botaniste et poète national, président ◀de▶ ◀l’▶Académie des sciences ◀de▶ Göttingen et membre ◀de▶ vingt autres corps savants ◀d’▶Europe, n’accepte d’ailleurs dans sa cité qu’une charge mineure ◀de▶ scrutateur du Sénat.
C’est ◀de▶ Zurich que ◀l’▶« École suisse » initiée par ◀le▶ doyen Jean-Jacques Bodmer, étendra rapidement son influence sur toute ◀la▶ littérature ◀de▶ langue germanique, qu’elle va dominer sans conteste jusqu’à ◀la▶ fin du siècle, et qu’elle a contribué plus que toute autre circonstance à faire entrer dans ◀la▶ littérature universelle : Herder et Goethe vont découvrir, grâce à elle, Homère, Dante et Shakespeare — ◀d’▶où ◀les▶ traductions ◀de▶ Lessing — tandis qu’elle révélera aux romantiques ◀les▶ Nibelungen, ◀les▶ minnesänger et leurs maîtres ◀les▶ troubadours du Midi. ◀Les▶ célèbres Idylles ◀de▶ Salomon Gessner, ◀la▶ physiognomonie mystique ◀de▶ Lavater, ◀la▶ pédagogie ◀de▶ Pestalozzi et ◀la▶ peinture ◀de▶ Füssli (que ◀les▶ Anglais écrivent Fuseli et dont va procéder William Blake) — sont nées dans ◀le▶ cercle du Doyen Bodmer : intensité lumineuse maxima ! Un peu plus tard, Bâle s’annonce à nouveau par une vive fulguration au tableau ◀de▶ bord européen : héritiers sans doute imprévus des traditions humanistes et piétistes — legs jamais contesté par nul d’entre eux — une pléiade ◀de▶ mathématiciens rivalisent ◀de▶ génie : Léonard Euler et ◀les▶ huit Bernouilli vont faire ◀de▶ leur ville ◀la▶ capitale (incontestée) des « sciences exactes » ◀de▶ leur époque.
Et Genève, oubliée depuis ◀la▶ Réforme ? Elle assiste aux combats homériques entre celui qui signe ses lettres « ◀le▶ Suisse Voltaire » et celui qui signe ses livres : « Rousseau, citoyen ◀de▶ Genève ». Elle fait des sciences physiques et naturelles, invente avec H. B. de Saussure ◀l’▶alpinisme, développe des banques, prête Necker à ◀la▶ France, et prépare ◀l’▶idéologie qu’adoptera ◀la▶ Révolution française, dans sa première phase libérale tout au moins.
Sait-on que ◀la▶ Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fut ◀l’▶œuvre des trois secrétaires genevois ◀de▶ Mirabeau, Étienne Dumont, du Roveray et Reybaud ?
Mais au tournant du xixe siècle, c’est par ◀la▶ fameuse Trouée ◀de▶ Coppet, du nom du château ◀de▶ Necker où Germaine de Staël tient sa cour, que vont passer ◀d’▶est en ouest ◀les▶ grands courants européens du romantisme et du libéralisme économique et politique, et ceci par ◀l’▶intermédiaire ◀d’▶un Italien devenu Genevois, Sismondi ; ◀d’▶un Vaudois qui deviendra plus tard Français : Benjamin Constant ; et ◀d’▶un des frères von Schlegel, August, l’un des fondateurs du romantisme allemand.
Fin xixe et début du xxe : ◀les▶ foyers ◀de▶ Bâle, puis ◀de▶ Genève et ◀de▶ Zurich se rallument brièvement : à Bâle, Bachofen inaugure par son célèbre Matriarchat ◀la▶ conception sociologique ◀de▶ ◀l’▶ethnographie, cependant que Jakob Burckhardt, non content de restituer à ◀la▶ conscience ◀de▶ ses contemporains ◀la▶ virtù ◀de▶ ◀la▶ Civilisation ◀de▶ ◀la▶ Renaissance italienne, donne avec ses Considérations sur ◀l’▶histoire du monde une vue géniale ◀de▶ ◀l’▶évolution prochaine, inéluctable selon lui, ◀de▶ ◀l’▶Europe des États-nations : il annonce ◀la▶ montée au pouvoir des « terribles simplificateurs » et décrit ◀d’▶une manière encore inégalée ◀le▶ processus ◀de▶ ◀l’▶avènement des régimes totalitaires. Frédéric Nietzsche, son jeune disciple, qui enseigne lui aussi à Bâle, restera jusqu’au bout marqué par ◀la▶ pensée sereine et dominatrice ◀de▶ celui auquel il adressera, déjà en proie à sa démence inguérissable, un ultime appel ◀de▶ Turin.
◀Le▶ tour ◀de▶ Genève va revenir au premier tiers du xxe siècle avec Ferdinand de Saussure, dont ◀le▶ Cours ◀de▶ linguistique générale publié par quelques-uns ◀de▶ ses disciples d’après leurs notes, fonde ◀la▶ sémiologie, qui domine aujourd’hui ◀les▶ « sciences humaines » à Yale, Harvard et Berkeley autant qu’à ◀la▶ Sorbonne et dans la plupart des universités européennes.
Dans ◀le▶ même temps, ◀l’▶Institut Rousseau fonde ◀la▶ pédagogie moderne, adoptée aujourd’hui dans ◀l’▶Occident tout entier, comme ◀l’▶est aussi ◀la▶ pensée ◀de▶ Jean Piaget, l’un des premiers disciples ◀de▶ ◀l’▶Institut et son plus grand continuateur.
Quant à Zurich, son nom restera lié aux deux plus grandes nouveautés intellectuelles du xxe siècle, ◀la▶ relativité d’une part, avec ses suites indéfinies vers ◀l’▶aventure des sciences ◀de▶ ◀l’▶atome, et ◀la▶ psychanalyse ◀de▶ ◀l’▶inconscient collectif : tout cela par ◀les▶ apports ◀d’▶Einstein, né Allemand, ◀de▶ W. Pauli, né Autrichien, et ◀de▶ C. G. Jung, né Bâlois.
On a vu évoquer dans ces pages plusieurs des plus grands noms ◀de▶ ◀l’▶aventure intellectuelle qu’est ◀l’▶Europe — noms ◀de▶ Suisses par naissance ou par choix. Mais on ◀l’▶aura peut-être remarqué : nous n’avons pas produit en Suisse ◀de▶ poètes ◀de▶ génie, ni ◀de▶ peintres qui aient fait époque, ni ◀de▶ compositeurs du plus haut rang. Hölderlin ou Dante, Mozart ou Rubens, Shakespeare ou Dostoïevski ne seraient guère pensables en tant que Suisses. Une certaine démesure, un grand théâtre, un sens ◀de▶ ◀la▶ pompe et du style libre ◀de▶ tout souci ◀d’▶obligation « morale » leur eussent été probablement refusés par nos coutumes ◀les▶ plus invétérées. En revanche, la plupart des grands noms que j’ai cités ne seraient guère pensables hors du complexe suisse. Et c’est à eux que ◀la▶ Suisse, en retour, doit une densité ◀de▶ conscience communautaire, mais aussi ◀d’▶efficacité transformatrice, dont on trouvera difficilement ◀l’▶équivalent dans une autre région du monde ◀d’▶étendue à peu près comparable.
Lucien Febvre, admirable historien ◀de▶ ◀la▶ culture, écrivait dans sa préface à un petit livre ◀de▶ moi sur ◀la▶ Suisse 14 :
Pays ◀de▶ gens moyens, oui, et Denis de Rougemont ne se fait pas faute de ◀le▶ dire et ◀de▶ ◀le▶ répéter. Mais quand ils réussissent à se dégager ◀de▶ leur canton — alors pas ◀de▶ milieu, ils atteignent ◀l’▶universel. Au fond ◀de▶ son trou ◀l’▶homme ◀de▶ Disentis, ◀de▶ Göschenen, ◀de▶ Viège, entre ◀les▶ hautes parois ◀de▶ sa prison. Mais s’il monte sur ◀la▶ montagne… Alors cette ivresse des sommets. ◀L’▶intuition ◀de▶ ◀la▶ grandeur. Et plus ◀d’▶obstacles devant ◀la▶ pensée. ◀Le▶ Suisse s’appelle Jean-Jacques. Il s’appelle Germaine de Staël. Il s’appelle Jakob Burckhardt ou, dans un autre domaine, Karl Barth. Son canton — ou ◀l’▶Europe.
Et il est vrai que nos meilleurs esprits, hors du compartiment natal, iront chercher dans ◀les▶ vertiges ◀de▶ ◀la▶ synthèse et dans ◀les▶ larges vues panoramiques ◀les▶ grandes dimensions qui leur manquent en Suisse. Synthèse des sciences médicales et ◀d’▶une écologie européenne avant ◀la▶ lettre : Paracelse. Théorie générale des sociétés humaines, dont ◀le▶ Contrat social n’est qu’un fragment : Rousseau. Vue générale du genre humain : Jean de Müller. Considérations sur ◀l’▶histoire du monde : Jakob Burckhardt.
Ethnographie sociologique : Bachofen. Linguistique générale : Ferdinand de Saussure. Psychologie ◀de▶ ◀l’▶inconscient collectif : C. G. Jung. Mais ce n’est pas en grimpant sur nos Alpes que ces hommes s’illustrèrent et apprirent à voir grand, c’est en s’expatriant pour se réaliser au sein d’une unité beaucoup plus vaste, impériale ou papale, réformée ou romaine, germanique ou latine — européenne.
Paracelse quitta très tôt son canton natal ◀de▶ Schwyz, Euler vécut dans ◀les▶ Allemagnes et à ◀la▶ cour ◀de▶ Russie, Jean de Müller à Vienne et à Berlin, Jean-Jacques, Madame de Staël et Constant à Paris. Quant à un Jung, à un Ramuz, à un Barth, qui, après ◀de▶ longs séjours loin du pays, ont fait ◀le▶ principal ◀de▶ leur carrière en Suisse, ce n’est pas ◀la▶ Suisse qui a découvert et propagé leur nom dans ◀le▶ monde ; c’est au contraire de ◀l’▶étranger, des grands pays voisins ou ◀de▶ ◀l’▶Amérique, que leur réputation nous est revenue, comme importée. « Son canton — ou ◀l’▶Europe », c’est ◀la▶ formule parfaite.
Ainsi, pour ◀l’▶homme ◀de▶ culture en tant que tel, ◀le▶ stade national est sauté. Cas unique, dans ◀l’▶Europe moderne. J’ose y voir ◀le▶ plus grand privilège des Suisses : quelle que soit leur petite patrie locale, s’ils ◀la▶ dépassent c’est pour rejoindre immédiatement ◀les▶ grands courants continentaux ; parfois pour ◀les▶ déterminer. Condamnés à ◀l’▶Europe en quelque sorte ? Non, bien plutôt libres pour elle…