(1946) Présence, articles (1932–1946) « Paysage de tête : poème (1933) » p. 53

Paysage de tête : poème (1933)c

N’attendons plus, dans cette journée violente et trop vaste, la venue
des bien-aimées clairières entre deux pluies, ni d’une femme
ni d’une fièvre pour agrandir et soudain noyer de suie le regard
ni d’une lueur muette qui s’approche et nous aime.
Car voici l’heure de la solitude et l’origine d’un mutisme sombre
et ce n’est point menace encore ni même
froncement de ce grand visage qui nous regarde tellement,
mais nous sommes plutôt égarés dans son aire
parmi des pièges au vol lourd, des faulx de larmes
et ces battements de paupières plus terribles que l’orage,
ces battements d’espace au-dessus des pluies qui se tirent à l’horizon
dans un paysage agité de la grande puissance diluvienne
où maintenant descend, suspendue dans le soir et dans la transparence,
l’épouvantable constatation de la mort.