(1962) Esprit, articles (1932–1962) « Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937) » p. 994

Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937)ae

Ce livre eût passionné Lénine, grand lecteur, comme on sait, de Clausewitz. Il passionnera d’ailleurs tous ceux qui cherchent à connaître l’état réel des forces dans le monde présent. Qu’on n’aille pas se figurer qu’il s’agit d’un bouquin d’érudition ou d’un traité classique d’officier en retraite. C’est toute l’histoire de la première révolution allemande (1918-1919) qui se recompose autour de l’aventure du GQG prussien, au lendemain de l’armistice. La thèse de l’auteur paraît aussi solide qu’inattendue : si l’Allemagne ne s’est pas défaite en vingt morceaux, si la révolte spartakiste a pu être étouffée en quelques semaines, c’est uniquement le fait d’initiatives follement risquées par quelques officiers du grand état-major. Du point de vue de la tactique révolutionnaire et contre-révolutionnaire, je ne connais pas d’ouvrage plus riche et plus précis, sinon les mémoires de Trotski.

Deux personnages retiendront particulièrement l’attention : le colonel Maercker, fondateur des fameux corps francs qui réduisirent les révoltes ouvrières et séparatistes, — et Noske, commissaire du peuple devenu ministre de la Guerre, figure classique du marxiste au pouvoir, de « l’homme à poigne » touché par la grâce nationale, et qui se charge d’écraser la révolution avec une brutalité qu’aucun bourgeois ne se serait permise. Avis à ceux de Saint-Denis ! Noske, Mussolini, Doriot, Staline ont plus d’un trait commun, quoi qu’ils en pensent.