(1939) Les Nouveaux Cahiers (1937-1939) « Lectures dirigées dans le IIIe Reich (15 décembre 1937) » p. 16

Lectures dirigées dans le IIIe Reich (15 décembre 1937)d

J’ai sous les yeux deux documents qui n’ont rien de secret : un article de revue et un catalogue d’éditeur, tous deux publiés en Allemagne à l’occasion des fêtes.

Le catalogue comporte environ 80 titres (publications récentes et rappels d’œuvres importantes).

Ces titres se répartissent, approximativement, comme suit ; un quart a trait aux questions raciales ; un quart aux questions militaires ; un quart aux coutumes allemandes et aux vieux germains ; un quart à des sujets divers, littéraires, historiques, anecdotiques.

Voici la liste des titres contenant le mot ou l’idée de race :

  • La Beauté nordique ;
  • Art et race ;
  • Le visage des chefs allemands (22e mille) ;
  • Race et humour ;
  • La mère allemande (80e mille) ;
  • Le livre des femmes nationales-socialistes ;
  • Race, peuple, soldat ;
  • La paysannerie, source de la race nordique.
  • L’âme nordique (30e mille) ;
  • Race et âme (43e mille) ;
  • Hygiène raciale ;
  • Science raciale du peuple allemand (en 8 volumes de titres divers. — 99e mille en moyenne).
  • Musique et race ;
  • La France et l’idée raciale ;
  • Race, droit, peuple ;
  • Race et état dans le domaine Nord-Est ;
  • Traits fondamentaux de l’histoire raciale allemande ;
  • Race et patrie chez les Indo-Germains ;
  • Peuple et race (revue).

Comme il ne s’agit là que du catalogue d’une seule maison, on ne saurait tirer de ces chiffres aucune conclusion définitive sur le pourcentage d’intérêt — si j’ose dire — que manifestent les lecteurs allemands. Il existe d’autres maisons d’édition qui se spécialisent dans la littérature pure, et chez lesquelles on ne trouvera, sur cent titres, que quatre ou cinq se rapportant à la race. Par contre, la liste que je viens de recopier ne donne qu’une faible idée de l’ensemble des publications allemandes sur ce sujet, depuis 1933. J’ajoute que la maison d’édition en question n’est nullement spécialisée, au sens français et scientifique du terme.

Tous ces ouvrages sont des essais de vulgarisation, bien plus que des manuels techniques ou des instruments de recherche. Du moins sont-ils présentés sous l’aspect le plus populaire. Et les chiffres de tirage sont significatifs à cet égard, même si l’on tient compte de la diffusion moyenne du livre allemand, très supérieure à celle du livre français.

Reste à savoir si cet énorme effort de propagande aboutit réellement ; s’il satisfait à une de­mande réelle du public ; s’il traduit la pensée réelle du lecteur allemand moyen.

Il faut se rappeler que dans un état totalitaire, la question « à quoi pensent ?… » tend à se réduire à la question : « à quoi leur dit-on de penser ? » C’est-à-dire qu’on a remplacé la mode — maîtresse des goûts moyens en France — par la volonté de l’État (Hitler, Goebbels et Rosenberg).

Il peut donc être intéressant de se reporter maintenant à un organe qui s’efforce de traduire fidèlement les désirs officiels du Parti : la revue Deutsches Volkstum par exemple. Ce périodique s’occupe d’art et de littérature, de politique, et même de religion. Dans sa livraison de décembre, le rédacteur en chef, Wilhelm Stapel, publie, comme chaque année, un article destiné à diriger le goût de ses lecteurs au moment des achats de Noël. Voici les vingt-deux titres qu’il propose :

Une traduction de Wolfram von Eschenbach.

Une Histoire de la poésie allemande ;

La Musique allemande de l’époque ;

Eugène Diesel (biographie) ;

Ballades germaniques ;

Culture et religion des Germains ;

Œuvres complètes de F. Blunck (littérature) ;

Les Grands Allemands ;

Histoire de notre peuple ;

Figures du passé allemand ;

Le caractère populaire allemand ;

Le monde nordique ;

Esprit allemand ;

Sparte ;

Arndt (héros des guerres d’indépendance.)

Portraits d’empereurs allemands du Moyen Âge ;

Histoire des Allemands Sudètes ;

Le soldat allemand (lettres de guerre) ;

et quatre romans (dont un sur la guerre, et un sur le Moyen Âge allemand).

Les mots « allemand », « germain », « nordique », reviennent donc dans 13 titres. Et la moitié des autres, au moins, évoquent de la façon la plus précise l’idéologie du Parti : technique, morale spartiate, culte des héros militaires, retour au Moyen Âge germanique.

Je vous laisse à imaginer les rêves du lecteur allemand, heureux bénéficiaire de ces « cadeaux de Noël ».