(1978) La Vie protestante, articles (1938–1978) « « Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ? » (29 octobre 1965) » p. 1

« Que signifie pour vous la formule célèbre ‟Ecclesia reformata semper reformanda” ? » (29 octobre 1965)s

Votre question m’atteint tandis que je m’efforce d’ordonner un chaos de notes d’âges très divers en vue d’un livre sur le protestantisme, promis depuis longtemps à l’éditeur, et pour lequel je proposais, en guise de titre provisoire : La Réforme permanente.

La Réforme ne s’est pas faite une fois pour toutes. Luther et Calvin n’ont pas été les premiers réformateurs de l’Église, et ne seront pas les derniers. Défendre l’héritage de la Réformation, ce n’est pas répéter ce que disaient ses auteurs, mais continuer à réformer. Seuls peuvent être fidèles à l’esprit de Luther et de Calvin un luthéranisme et un calvinisme continuellement repris à leur origine spirituelle et rapportés à leur fin dernière, réinventés par chaque personne pour son usage réel et quotidien, avec tous les risques d’hérésie (hardiment assumés) que cela comporte, et en même temps reliés sans relâche à l’espérance de l’Église universelle, à l’avenir catholique, et orthodoxe, à la Pentecôte œcuménique.

Vous avouerai-je qu’en tant que protestant, je me sens jaloux des possibilités réformatrices qui se manifestent dans le concile actuel du Vatican ? Le supérieur général des jésuites critique les missions chrétiennes : chaque mot porte et toute l’Église romaine a pu l’entendre, quoi qu’en décide finalement son chef. Qu’avons-nous de pareil ? Et je ne dis pas seulement : quelle autorité efficace dont les décrets traduisent les vœux d’une imposante majorité, mais tout simplement quelle tribune ?

Je constate que l’Église romaine a de meilleurs instruments d’autocritique, de remise en question et de renouvellement que les Églises issues de la Réformation… Se pourrait-il qu’elle ait bientôt plus de réformateurs vivants et d’avenir que nous n’en vénérons dans notre histoire ? Bon sujet de réflexion, en cet anniversaire.