(1986) Cadmos, articles (1978–1986) « La chronique européenne de Denis de Rougemont (printemps 1979) » pp. 99-109

La chronique européenne de Denis de Rougemont (printemps 1979)k

Oui, c’est la France, parmi les Neuf, qui nous donne à la fois par certains de ses politiciens, les pires exemples de délire nationaliste (gaullistes et communistes à l’envi) et par son peuple, les raisons les plus raisonnables de faire confiance à l’avenir européen.

Je le montrerai par quelques preuves chiffrées. Et je ferai voir aussi que le général de Gaulle, invoqué rituellement par les uns et les autres, leur donne à tous des raisons d’appeler ou de maudire l’union de l’Europe selon leurs préférences du moment.

I. Les identités nationales

On lit dans Le Monde du 6 février 1979, signées par le « président de l’association de fidélité à l’action du général de Gaulle », les phrases suivantes :

La Grande-Bretagne mise à part, les partenaires de la France dans l’Europe des Neuf sont de jeunes nations. L’on comprend que celles-ci soient moins attachées à leur identité que nous ne le sommes.

Un sondage publié par la CEE de Bruxelles fin janvier 1979 donne les résultats suivants en réponse à la question : « Dans la CEE, votre pays risque-t-il de perdre sa culture et son originalité ? »


B DK D F IRL I L NL GB CE
oui 24 54 27 22 60 17 45 34 57 31 %
non 48 31 58 66 33 70 42 59 36 57 %

On voit qu’en fait la France, très ancienne nation, n’a pas peur ; que la Grande-Bretagne, très ancienne nation, a presque aussi peur que l’Irlande, très jeune nation (toutes les deux étant îles de surcroît), de « perdre son identité dans une union européenne ».

L’argument ne vaut strictement rien, ne traduit qu’ignorance et myopie historique.

II. Le « volapük » européen

Du même président des « Fidèles » à la pensée gaullienne, dans le même article, citons encore cette description proprement déchirante de l’avenir de la France dans une Europe unie :

Nous risquons de voir sous nos yeux s’accomplir l’irrémédiable, c’est-à-dire la fusion de la France dans une masse informe, modelée au gré des circonstances par les faucons ou les colombes du Pentagone.

Naturellement, les industries vitales seront réparties sans notre accord ; naturellement, notre force nucléaire se trouvera petit à petit démantelée ; naturellement, notre langue sera éliminée ; sans nul doute les principes et les objectifs de l’éducation de nos enfants seront modifiés, et il est vraisemblable que les inscriptions sur nos monuments seront traduites en « volapük ».

À ces fantasmes, on ne saurait opposer que la réalité vérifiable des problèmes linguistiques posés par notre union22.

Le français a rapidement pris une position dominante dans les Six et il l’a conservée même depuis l’adhésion de trois pays qui sont, ou bien anglophones, ou bien, en tout cas, éloignés du monde latin. Même la présidence de la Commission par un anglais n’apporte pas de changement radical dans cette situation. En sera-t-il de même quand de nouvelles adhésions se présenteront ? C’est à voir. Mais il deviendra de moins en moins probable que la Communauté puisse s’offrir le luxe, de plus en plus ruineux, de traduire tous ses documents obligatoirement en un nombre croissant de langues. Où, d’ailleurs, trouvera-t-on les interprètes capables de traduire du grec en portugais ou du danois en turc ? Ici, on touche à l’absurde.

Il semble donc réaliste de conclure que la CEE atteindra, dans ce domaine, à plus ou moins brève échéance, une « masse critique » où il sera simplement impossible de maintenir le régime linguistique actuel, par lequel tout national pourra toujours se faire traduire tout dans sa propre langue. L’option pour trois langues, dites « principales », deviendra alors inévitable.

Que l’anglais, le français et l’allemand s’imposeront alors, qui pourrait le nier ? Il serait sage de s’en tenir là, non pas à cause de la valeur intrinsèque (littéraire, par exemple) de ces trois-là, mais parce que, si la solution idéale est impossible, on choisit la plus pratique. Il suffirait alors que les fonctionnaires de la Communauté puissent s’exprimer couramment dans l’une de ces trois langues et comprendre l’une des deux autres.

III. Du vain travail de citer de Gaulle et ses saints

À propos de l’Europe, de la souveraineté nationale, et de l’élection de l’Assemblée européenne au suffrage universel, ils ont tout dit, et le contraire, et tout ce qu’il y a entre les deux.

Quelques exemples, entre plusieurs centaines de ceux que cite Edmond Jouve dans ses deux énormes volumes sur Le Général de Gaulle et la construction de l’Europe, 1940-1966 (884 p. et 972 p., Paris, 1967) :

Sur l’élection au suffrage universel de l’Assemblée européenne, le général est positif : « On ne fera pas l’Europe si on ne la fait pas avec les peuples et en les y associant23. ». « C’est un référendum solennel de tous les Européens qui doit donner naissance à la fédération 24. » On précise que le suffrage universel aurait essentiellement pour objet de donner, de façon spectaculaire, une certaine légitimité à l’organisation projetée25.

On aura noté l’usage par de Gaulle du terme fédération en 1953. Il se fera de plus en plus rare, cédant la place à « confédération ». Mais en 1965 encore, un « Essai de déclaration » rédigé par les membres gaullistes du Parlement européen cite M. Couve de Murville comme ayant déclaré : « Une fédération est une confédération qui a réussi. »

M. J. Vendroux, beau-frère du Général, déclare à l’Assemblée nationale, en 1959, « qu’il s’est toujours montré partisan d’élections européennes ».

En revanche, en 1960, M. Alain Peyrefitte juge cette initiative « prématurée et dangereuse ». En 1961, il déclare à la Chambre qu’il s’honore d’avoir été l’un des membres du groupe de travail F. Dehousse « qui a rédigé le projet d’élection de cette assemblée au suffrage universel », mais il réitère ses conseils de prudence, en termes curieux à rappeler aujourd’hui :

Il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs : il importe d’abord d’étendre les compétences de cette assemblée. C’est précisément ce que le communiqué de Bad-Godesberg a décidé, et voilà une décision que je salue avec une vive satisfaction26.

Mais comment accorder tout cela avec le dogme de la sacro-sainte souveraineté nationale ? La réponse a été donnée dès 1945 dans un volume intitulé Demain la paix 27 par un auteur qui signait Bruère :

La souveraineté nationale, assurait-il, est « un dogme périmé… Depuis cinquante ans, c’est une erreur… Nos descendants associeront sans doute la notion de souveraineté nationale à une phase encore à demi-sauvage de la vie des nations… Les nations sont toujours vivantes, mais leur pleine souveraineté est morte ».

Bruère était le pseudonyme de résistance de Michel Debré.

À qui se fier ?

IV. De Gaulle et les régions

S’il est un sujet sur lequel les gaullistes d’aujourd’hui se réclament avec passion de leur fidélité à la pensée du Général, c’est bien le sujet des régions et de l’Europe des régions : de Georges Pompidou à Jacques Chirac et de Lipkowski à Debré, ils n’ont cessé de clamer, depuis dix ans, leur rejet indigné des régions autonomes, conditions de cette Europe des régions dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle les « hérisse » selon l’expression de Pompidou, tandis qu’elle paraît à d’autres « infâme » et « criminelle ».

On sait que le thème est celui qui nous a le plus constamment requis et préoccupés ici même, comme en témoignent les cinq numéros spéciaux du Bulletin du CEC qui a précédé Cadmos 28 , et les deux volumes collectifs qui s’y sont ajoutés, de 1963 à 1979.

La thèse des gaullistes durs sur la région est totalement négative. Dans les deux volumes de M. Edmond Jouve cités plus haut, qui sont censés rassembler tous les discours, propos et textes du Général et de ses proches touchant les problèmes de l’Europe, de 1940 à 1960, le terme ne figure même pas à l’index général 29. Il n’empêche que les principaux ténors de la doctrine — dont M. Debré est le plus souvent et le plus volontiers cité par Jouve — n’ont cessé de proclamer que le régionalisme assimilé au séparatisme était l’une des formes les plus pernicieuses du « complot de l’Étranger » destiné à « défaire » la France. Mais s’agissait-il bien de la doctrine du Général ?

Celle-ci est exposée pour la première fois dans son principe et dans ses développements immédiats lors du discours tenu par le Général à la Foire de Lyon de 1968. À la séculaire centralisation étatique, qui avait fait jadis la force de la Nation, devaient selon lui succéder les régions, nouvelle formule de la prospérité nationale. Et ces régions, précisait-il, devaient « s’ouvrir » à leurs voisines, au-delà des frontières de l’État : le Nord à la Belgique, la Lorraine et l’Alsace à la RFA, Rhône-Alpes à la Suisse, la Provence à l’Italie, le Languedoc-Roussillon à la Méditerranée, etc. jusqu’à « la Normandie aux Anglais ».

Quelques mois plus tard, au printemps de 1969, contre l’avis de ses conseillers, de Gaulle lance la campagne pour le référendum sur les régions. C’est sur cette grande idée nouvelle qu’il a choisi de livrer la bataille décisive de son règne. Mais, en même temps, n’aurait-il pas choisi de se faire renvoyer par les Français à la rédaction de ses mémoires sur la France, cette « Princesse de légendes », cette Iseut que, tel Tristan, il n’aime jamais autant que lorsqu’il s’en voit séparé ? (D’où sa secrète, mais active connivence avec les traverses du destin qui « impose » aux amants de se quitter une fois de plus. Mais c’est lui qui a tout machiné, en posant le problème du Sénat…)

Selon mon interprétation, annoncée dès 1961, puis développée au lendemain de sa mort, en 197030, le problème des régions offrait au Général un point de chute idéal. Le paladin de l’Europe des nations et d’une « certaine idée de la France » devenait aux yeux de l’Histoire le précurseur de l’ère nouvelle, celle des régions. Il gagnait sur tous les tableaux, en perdant son référendum.

Cette hypothèse trouve dans le livre de Jean Mauriac, Mort du général de Gaulle 31 plus de confirmation que l’historien le plus méfiant ne saurait en exiger. Jean Mauriac a noté au jour le jour et parfois d’heure en heure, les propos spontanés du Général et ses confidences (à l’Histoire ?) au cours de la semaine précédant le référendum sur les régions, fixé au 27 avril 1969, puis aux lendemains de son retour définitif à Colombey. Citons ce petit livre, dont on comprend si bien que les gaullistes l’aient passé sous silence.

Pour Philippe de Gaulle, il n’y avait pas de doute : l’intention du Général était de mettre la régionalisation en place et de se retirer ensuite. (p. 18)

Le 23 avril 1969, quatre jours avant le vote, évoquant le référendum devant deux visiteurs, le général déclare :

Eh bien, je vais vous dire, si ça marche, ce sera très bien, naturellement ; si ça ne marche pas, ce sera très bien aussi… (p. 19)

Le 24 avril, au général Lalande, chef de son état-major particulier, il confie :

Même si j’échoue je serai gagnant, car, aux yeux de l’histoire, qui est le seul plan qui me concerne, l’avenir dira que j’ai été renversé sur un projet qui était essentiel pour le pays. (p. 25)

Le lendemain, il réitère, cette fois-ci à la RTF, devant tout le peuple français :

Votre réponse va engager le destin de la France, parce que, si je suis désavoué… sur ce sujet capital… je cesserai aussitôt d’exercer mes fonctions. (p. 27)

On sait la suite, la démission immédiate dans la nuit même qui suit le rejet du oui au référendum, et la retraite à Colombey.

Devant ses anciens collaborateurs, le Général manifestait quelquefois une certaine satisfaction : celle d’avoir « réussi son départ ». Il disait par exemple : « J’ai pris la bonne sortie devant l’histoire, parce que j’ai attiré l’attention du pays sur la participation essentielle à l’avenir de la France. » (p. 53)

Nos lecteurs savent assez à quel point, pour les fédéralistes européens, participation des citoyens et petites unités régionales sont en étroite dépendance. Pour ma part, j’ai toujours défini la région non pas comme une ethnie d’abord, ou comme une entité économique, mais comme un « espace de participation civique ».

Le général ajoute :

La réforme des régions, c’était le dernier service que je pouvais rendre à la France. (p. 54)

Dans mes mémoires, j’expliquerai pourquoi il fallait faire cette réforme… Elle était absolument nécessaire. C’était une affaire fondamentale. (p. 131)

Ceci enfin qui résume tout : à M. P. Messmer venu lui rendre visite le 16 juillet 1969 il redit que « partir sur le refus d’une grande réforme n’est pas mauvais » et il ajoute, — amer, cette fois-ci — « Je ne le regrette pas pour moi, mais pour la France qui ne connaîtra pas, avant longtemps, de vraies régions et qui va se vautrer dans la médiocrité ». (p. 115)

Les véritables héritiers de la pensée gaullienne, sur le thème régional, sont-ils donc les fédéralistes européens ? Il y aurait beaucoup à nuancer, partant du fait qu’en 1969, la plupart des régionalistes français s’opposèrent au projet gaullien, jugé par eux insuffisant.

Mais ce qui éclate à l’évidence, c’est que les « fidèles » gaullistes trahissent ouvertement le dernier Grand Dessein du Général en se rangeant au parti jacobin, antifédéraliste et antieuropéen.

V. État de l’évolution vers les régions en Europe de l’Ouest

Pendant ce temps, la cause des régions progresse au-delà de tout ce que nous pouvions espérer, il y a dix ans, lors de l’échec du référendum gaullien.

Rappelons d’abord que l’Allemagne fédérale a été divisée par les Alliés de 1945 en onze « Länder », dans l’intention avouée de l’affaiblir. En fait, ce régime fédéraliste et régionaliste explique en bonne partie le « miracle » de la restauration économique, sociale et politique de la RFA.

L’Italie s’est dotée, en 1946, après la chute du fascisme, d’une Constitution qui prévoyait la formation de cinq régions autonomes, aussitôt réalisées : Val d’Aoste, Sardaigne, Sicile, Frioul, Haut-Adige ; et de régions semi-autonomes qui ne sont devenues réalités qu’en 1970. Le régime régional a permis l’accession au pouvoir du parti communiste dans plusieurs provinces importantes de la Péninsule, et donné de la sorte les premières démonstrations — et les seules jusqu’ici — d’un pouvoir « communiste » non totalitaire.

La Suisse figure depuis près de sept siècles l’image exemplaire d’une fédération de régions historiques, qui trouvent dans leur union — strictement limitée à certaines fonctions publiques — la garantie de leur autonomie.

Plus frappante encore est l’évolution récente des trois pays qui ont forgé les premiers modèles de l’État-nation, c’est-à-dire de la mainmise d’un État central et centralisateur sur les nations voisines, annexées et alignées sans égard pour leurs intérêts propres ni pour leurs identités culturelles, coutumières et linguistiques.

En France, le général de Gaulle a été le premier à déclarer que la formule de développement de son pays n’était plus la centralisation, mais la région. L’organisation de 21 « régions de développement » s’en est suivie, chacune groupant de trois à huit départements. Plusieurs de ces régions se posent la question de leur taille : elles la voudraient « européenne », c’est-à-dire compétitive avec tel Land de la RFA, telle région italienne, voire tel canton suisse. C’est un début.

En Grande-Bretagne, l’Écosse élit un nombre déjà imposant de députés autonomistes à la Chambre des communes, cependant que le pays de Galles a déjà un représentant accrédité auprès du gouvernement de Londres. Le problème de la dévolution, c’est-à-dire de la restitution à des nations primaires, autrefois ou naguère annexées, de leurs libertés primitives, est devenu l’un des problèmes majeurs du Royaume-Uni, et l’évolution se prononce dans l’ensemble — avec des à-coups importants — comme l’ont montré les référendums de mars 1979 en Écosse et en pays de Galles — dans le sens d’une autonomie croissante des régions ethniques, certains leaders extrémistes allant jusqu’à demander le rattachement direct de leur région à l’Europe unie, sans passer par le relais londonien. Mais, disent les Anglais, « il est ridicule d’avoir des assemblées pour les Écossais et pour les Gallois, et non pour les régions anglaises ». Ce qui situe le problème à son niveau réel : celui de la communauté civique plus qu’ethnique.

L’évolution de l’Espagne vers la régionalisation, au lendemain de la restauration de la monarchie libérale, est sans doute exemplaire, et la meilleure annonciatrice du proche avenir européen. Contre toute attente des sceptiques et des réalistes du reste de l’Europe, l’Espagne a restitué en fait et en droit l’autonomie au gouvernement de la Catalogne, la Generalitat. Elle a approuvé en 1978 la « pré-autonomie » du Pays basque (Euskadi), de la Galice, de l’Aragon, de la province de Valence, et des Canaries.

Surtout, la Constitution adoptée en 1978 reconnaît non seulement dans son article 2 « le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui composent la nation espagnole », mais déclare à l’art. 137 que « l’État se compose de communes, de provinces et des communautés autonomes qui seront constituées. Toutes ces entités jouissent d’une autonomie pour la gestion de leurs intérêts respectifs ».

Enfin, les art. 143 à 158 définissent en détail les compétences et droits des communautés autonomes à créer — exact équivalent des régions préconisées au chapitre IV de ce Rapport.

En Belgique, un projet de Constitution révisée est en voie d’élaboration depuis plusieurs années. Il prévoit une répartition des pouvoirs entre quatre régions — wallonne, flamande, allemande, bruxelloise — mais au-delà de cette division que le xixe siècle eût imaginé sans peine, il prévoit beaucoup plus : la répartition du pouvoir étatique à des « sous-régions » formées de communes associées, et que l’on a proposé d’appeler des « fédérations de pays », de communes, de mini-régions. Jamais constitution d’un pays d’Europe n’aura proposé une meilleure approximation du modèle fédéraliste intégral.

Reste le cas décisif des régions transfrontalières.

Les colloques réunis sous les auspices du Conseil de l’Europe ont permis de dresser une carte provisoire des régions en voie de formation ou d’ores et déjà opérationnelles dans certains secteurs.

On trouvera parmi elles une quinzaine de régions transrhénanes, dont cinq ou six déjà fonctionnent, notamment Euregio Nord ; Ardenne-Eifel ; Moyenne Alsace-Brisgau ; Regio Basiliensis (Bâle, Bade, Alsace).

La région lémano-alpine, étudiée par l’Institut universitaire d’études européennes de Genève, engloberait la Suisse romande, la Franche-Comté, la Savoie, le Val d’Aoste, des parties de l’Ain et de l’Isère, seize institutions universitaires, deux aéroports intercontinentaux et 80 % de la production horlogère du continent. Une partie seulement de cette région, le bassin entre Alpes et Jura occupé par le canton de Genève, la Haute-Savoie et le pays de Gex, est dotée d’une commission franco-suisse nommée par les gouvernements. Des institutions analogues sont entrées en fonction dès 1975 dans la Regio Basiliensis et dans l’Euregio Nord.

La région Alpazur (Côte d’Azur, provinces d’Imperia et de Cuneo) bénéficie de l’appui de tous les élus départementaux (français) et provinciaux (italiens).

La région triestine présente la caractéristique unique d’unir au niveau régional des ressortissants d’un pays de l’Est et de deux pays de l’Ouest.

VI. Déclaration de Copenhague

Adoptée à l’unanimité le 21 septembre 1978 par la troisième Convention sur la régionalisation et la décentralisation réunie par l’Institut danois :

1. L’organisation politique de l’Europe en régions est la condition d’un développement harmonieux et pacifique des peuples européens.

2. Selon les termes mêmes de la déclaration faite à Bordeaux, par la Convention du Conseil de l’Europe sur les problèmes de la régionalisation, termes que nous faisons nôtres, la région en Europe doit être définie comme le territoire d’une communauté humaine : « Cette communauté se caractérise par une homogénéité d’ordre historique ou culturel, géographique ou économique, ou tout à la fois, qui confère à la population une cohésion dans la poursuite d’objectifs et d’intérêts communs. C’est cette cohésion, autour d’un certain nombre de critères variables, mais jugés essentiels par la communauté elle-même, qui donne à celle-ci sa personnalité et le désir d’exister et d’être considérée comme une unité. » En aucun cas, le découpage régional ne devra établir de frontière au travers d’une telle communauté.

3. La région doit bénéficier d’un régime démocratique, qui implique l’élection au suffrage universel d’une Assemblée régionale délibérante et l’existence d’un exécutif régional responsable devant elle.

4. Le principe de l’autonomie régionale s’applique à tous les domaines essentiels à la vie et au développement de la communauté.

5. Les accords et les conflits entre les régions, entre les régions et les États, entre les régions et l’Europe, font l’objet de procédures de concertation et de conciliation, incluant, en cas de nécessité, le recours à une Cour d’arbitrage à l’échelon européen.

6. Une deuxième Chambre européenne, à représentation régionale, donne aux régions le moyen d’intervenir dans la politique de construction et de gestion de l’Europe.