(1979) Rapport au peuple européen sur l’état de l’union de l’Europe « Annexes » pp. 169-181

Annexes

Annexe 1. Attitudes à l’égard de l’élection du Parlement européen41

Intérêt pour la CEE

De 1973 à 1978, la proportion des personnes qui disent s’intéresser beaucoup aux problèmes de la CEE tombe de 24 à 19 %.

La proportion de celles qui s’y intéressent un peu croît au contraire de 45 à 51 %.

Et la proportion de ceux qui ne s’y intéressent pas du tout reste la même : 26 %. (Sans réponse : 4 %.)

Intérêt pour l’élection du Parlement européen

De 1973 à 1978 :

— pour l’élection, on passe de 54 à 70 % ;

— contre l’élection, on passe de 23 à 11 % ;

— sans réponse, on passe de 23 à 19 %.

Identité :rester soi-même

Dans la CEE, votre pays risque-t-il de perdre sa culture et son originalité ?

B DK D F IRL I L NL GB CE
Oui 24 54 27 22 60 17 45 34 57 31
Non 48 31 58 66 33 70 42 59 36 57

Solidarité : disposition à faire des sacrifices pour d’autres pays

Aspiration à la solidarité entre les pays membres et disposition à faire des sacrifices personnels :

B DK D F IRL I L NL GB CE
a) Estiment que les autres pays devraient venir en aide (en %) 76 65 63 78 85 94 75 88 70 76
b) Disposés à faire des sacrifices personnels (en %) 28 42 26 37 39 64 34 60 35 41

Il est certain que plus on se rapprochera des dates prévues pour l’élection du Parlement européen au début de juin, plus augmentera l’intérêt pour l’élection en soi, mais non pas forcément les dispositions à l’entraide. À considérer les derniers chiffres des lignes a) et b) du tableau ci-dessus, on constatera qu’il n’est pas encore établi que les Européens méritent leur union.

Annexe 2. Inflation et chômage

Inflation

Prix à la consommation — Indices de prix (1975 = 100)

EUR 9 D F I NL
1976 110,9 104,6 109,6 116,7 108,9
1977 122,9 108,7 120,0 138,3 116,8
1978 132,1 11,5 131,1 155,0 121,2
B L GB IR DK
1976 109,2 109,8 116,5 117,9 109,0
1977 116,9 117,2 135,0 134,0 121,1
1978 122,2 120,8 146,1 144,3 133,2
Source : Eurostat 1-1979.

Chômage

Fin 1974, il y avait dans les neuf pays de la CEE un total de 2,65 millions de chômeurs. Fin 1976 : 5,2 millions (doublement en deux ans). Fin décembre 1978, les bureaux de placement de la Communauté enregistraient 6,1 millions de chômeurs, soit 5,7 % de la population active civile. (Suède : 1,8 %, Suisse : 0,3 %.),

La moyenne provisoire du nombre de chômeurs enregistrés dans la Communauté a été de 5958000 en 1978. Cela correspond à un accroissement de 3,9 % par rapport à 1977, où l’accroissement sur 1976 avait été de 9,4 %.

En 1978, quatre États membres ont enregistré une réduction temporaire de leur chômage, mais cinq ont subi un accroissement par rapport à 1977 :

CEE (en %)

— Irlande — 7,5 ; RFA — 3,6 ; Pays-Bas — 0,6 ; Royaume-Uni — 0,6 ;

— Belgique + 8,4 ; France + 8,9 ; Italie + 9,9 ; Luxembourg + 15,5 ; Danemark + 15,5.

Annexe 3. Évolution vers les régions

Rappelons d’abord que L’Allemagne fédérale a été divisée par les Alliés de 1945 en onze Länder dans l’intention avouée de l’affaiblir. En fait, ce régime fédéraliste et régionaliste explique en bonne partie le « miracle » de la restauration économique, sociale et politique de la RFA.

L’Italie s’est dotée, en 1948, après la chute du fascisme, d’une loi constitutionnelle qui prévoyait la formation de cinq régions autonomes, aussitôt réalisée : Val d’Aoste, Sardaigne, Sicile, Trentin-Haut-Adige, Frioul-Vénétie Julienne, et de régions « à statut ordinaire » qui ne sont devenues réalités qu’à la suite de la loi d’application du 16 mai 1970. Le régime régional a permis l’accession au pouvoir du parti communiste dans plusieurs provinces importantes de la péninsule, et donné de la sorte les premières suggestions de ce que pourrait être un pouvoir « communiste » non totalitaire.

La Suisse figure depuis près de sept siècles l’image exemplaire d’une fédération de régions historiques, qui trouvent dans leur union — strictement limitée à certaines fonctions publiques — la garantie de leur autonomie.

Plus frappante encore est l’évolution récente des trois pays qui ont forgé les premiers modèles de l’État-nation, c’est-à-dire de la mainmise d’un État central et centralisateur sur les nations voisines, annexées et alignées sans égard pour leurs intérêts propres ni pour leurs identités culturelles, coutumières et linguistiques.

En France, le général de Gaulle a été le premier à déclarer que la formule de développement de son pays n’était plus la centralisation mais la région. L’organisation de vingt-deux « régions de développement » s’en est suivie, chacune groupant de deux à sept départements. Plusieurs de ces régions se posent la question de leur taille : elles la voudraient « européenne », c’est-à-dire compétitive avec tel Land de la RFA, telle région italienne, voire tel canton suisse. C’est un début.

En Grande-Bretagne, l’Écosse élit un nombre déjà imposant de députés autonomistes à la Chambre des communes, cependant que le pays de Galles a déjà un représentant accrédité auprès du gouvernement de Londres. Le problème de la dévolution, c’est-à-dire de la restitution à des nations primaires, autrefois ou naguère annexées, de leurs libertés primitives, est devenu l’un des problèmes majeurs du Royaume-Uni, et l’évolution se prononce dans l’ensemble — avec des à-coups importants comme l’ont montré les référendums de mars 1979 en Écosse et au pays de Galles — dans le sens d’une autonomie croissante des régions ethniques, certains leaders extrémistes allant jusqu’à demander le rattachement direct de leur région à l’Europe unie, sans passer par le relais londonien. Mais, disent les Anglais, « il serait ridicule d’avoir des assemblées pour les Écossais et pour les Gallois, et non pour les régions anglaises ». Ce qui situe le problème à son niveau réel : celui de la communauté civique plus qu’ethnique.

L’évolution de l’Espagne vers la régionalisation, au lendemain de la restauration de la monarchie libérale, est sans doute exemplaire, et la meilleure annonciatrice du proche avenir européen. Contre toute attente des sceptiques et des réalistes du reste de l’Europe, l’Espagne a restitué en fait et en droit l’autonomie au gouvernement de la Catalogne, la Generalitat. Elle a approuvé en 1978 la « pré-autonomie » du Pays basque (Euskadi), de la Galice, de l’Aragon, de la province de Valence, et des Canaries.

Surtout, la Constitution adoptée en 1978 reconnaît non seulement dans son article 2 « le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui composent la nation espagnole », mais déclare à l’article 137 que « l’État se compose de communes, de provinces et des Communautés autonomes qui seront constituées. Toutes ces entités jouissent d’une autonomie pour la gestion de leurs intérêts respectifs ».

Enfin, les articles 143 à 158 définissent en détail les compétences et droits des Communautés autonomes à créer — exact équivalent des régions préconisées au chapitre IV de ce Rapport.

En Belgique, un projet de constitution révisée est en voie d’élaboration depuis plusieurs années. Il prévoit une répartition des pouvoirs entre quatre régions — wallonne, flamande, allemande, bruxelloise —, mais au-delà de cette division que le xixe siècle eût imaginée sans peine, il prévoit beaucoup plus : la répartition du pouvoir étatique à des « sous-régions » formées de communes associées, et que l’on a proposé d’appeler des « fédérations de pays », de communes, de mini-régions. Jamais constitution d’un pays d’Europe n’aura proposé une meilleure approximation du modèle fédéraliste intégral.

Reste le cas décisif des régions transfrontalières.

Les colloques réunis sous les auspices du Conseil de l’Europe ont permis de dresser une carte provisoire des régions en voie de formation ou d’ores et déjà opérationnelles dans certains secteurs.

On trouvera parmi elles une quinzaine de régions transrhénanes, dont cinq ou six déjà fonctionnent, notamment Euregio-Nord ; Ardenne-Eifel ; Moyenne Alsace-Brisgau ; Regio basiliensis (Bâle, Bade, Alsace).

La région lémano-alpine, étudiée par l’Institut universitaire d’études européennes de Genève, engloberait la Suisse romande, la Franche-Comté, la Savoie, le Val d’Aoste, des parties de l’Ain et de l’Isère, seize institutions universitaires, deux aéroports intercontinentaux et 80 % de la production horlogère du continent. Une partie seulement de cette région, le bassin entre Alpes et Jura occupé par le canton de Genève, la Haute-Savoie et l’Ain, est dotée d’une Commission franco-suisse nommée par les gouvernements. Des institutions analogues sont entrées en fonction dès 1975 dans la Regio basiliensis et dans l’Euregio-Nord.

La région triestine présente la caractéristique unique d’unir au niveau régional des ressortissants d’un pays de l’Est et de deux pays de l’Ouest.

Déclaration de Copenhague

(Adoptée à l’unanimité le 21 septembre 1978, par la troisième Convention sur la régionalisation et la décentralisation réunie par l’Institut danois.)

1. L’organisation politique de l’Europe en régions est la condition d’un développement harmonieux et pacifique des peuples européens.

2. Selon les termes mêmes de la déclaration faite à Bordeaux, par la Convention du Conseil de l’Europe sur les problèmes de la régionalisation, termes que nous faisons nôtres, la région en Europe doit être définie comme le territoire d’une communauté humaine : « Cette communauté se caractérise par une homogénéité d’ordre historique ou culturel, géographique ou économique, ou tout à la fois, qui confère à la population une cohésion dans la poursuite d’objectifs et d’intérêts communs. C’est cette cohésion, autour d’un certain nombre de critères variables, mais jugés essentiels par la communauté elle-même, qui donne à celle-ci sa personnalité et le désir d’exister et d’être considérée comme une unité. » En aucun cas, le découpage régional ne devra établir de frontière au travers d’une telle communauté.

3. La région doit bénéficier d’un régime démocratique, qui implique l’élection au suffrage universel d’une assemblée régionale délibérante et l’existence d’un exécutif régional responsable devant elle.

4. Le principe de l’autonomie régionale s’applique à tous les domaines essentiels à la vie et au développement de la communauté.

5. Les accords et les conflits entre les régions, entre les régions et les États, entre les régions et l’Europe, font l’objet de procédures de concertation et de conciliation, incluant, en cas de nécessité, le recours à une Cour d’arbitrage à l’échelon européen.

6. Une deuxième chambre européenne, à représentation régionale, donne aux régions le moyen d’intervenir dans la politique de construction et de gestion de l’Europe.