1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)a M. de Montherlant est considéré par
2 ’exprimaient en une langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’à l’ennui. La guerre a donné le coup de grâce à cet est
3 et esthétisme énervant qu’on appelle symbolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M. de Montherlant, qui en est
4 M. de Montherlant, qui en est sortie toute formée et casquée pour la lutte de l’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme
5 , se disputent le monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans le monde romain les virus du christianisme, de la Réform
6 du christianisme, de la Réforme, de la Révolution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme
7 olution et du romantisme, les concepts de liberté et de progrès, l’humanitarisme, le bolchévisme. L’autre philosophie est
8 e catholicisme, la Renaissance, le traditionnisme et le nationalisme. L’Orient efféminé ; — en face : l’Ordre romain. Or l
9 n’a pas faite aussi franchement, du catholicisme et du christianisme, le christianisme étant dans le même camp que la Réf
10 la guerre encore contus de huit coups de griffes et chaud de l’étreinte du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de
11 vité le choc fatal pour tant d’autres du guerrier et du bourgeois. Dernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le m
12 du bourgeois. Dernièrement, il abandonna le stade et rentra dans le monde où nous vivons tous. Écœuré du désordre général,
13 œuré du désordre général, il cherche des remèdes, et nous tend les premiers qui lui tombent sous la main : le sport et la
14 premiers qui lui tombent sous la main : le sport et la morale romaine. Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlant ne s’es
15 é supérieure » l’antinomie de l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-
16 me philosophie la morale jésuite, faite de règles et de contraintes imposées dans le but de restreindre la liberté et l’in
17 es imposées dans le but de restreindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale des sports anglais, morale q
18 reindre la liberté et l’initiative individuelles, et la morale des sports anglais, morale qui veut former des hommes maîtr
19 hommes maîtres d’eux-mêmes, c’est-à-dire libres. Et cela me semble d’autant plus paradoxal que M. de Montherlant est just
20 du sport n’est pas la performance, mais le style et la méthode, c’est-à-dire la formation du caractère, en définitive. Ma
21 ations, qu’on les appelle ou non idées générales, et j’avoue bien volontiers qu’il n’est pas une opinion sur le monde à la
22 s, un style de sportif, mais qu’on sent humaniste et poète, un style à la fois bref et chaud, imagé et réaliste, M. de Mon
23 sent humaniste et poète, un style à la fois bref et chaud, imagé et réaliste, M. de Montherlant chante cette « violence o
24 et poète, un style à la fois bref et chaud, imagé et réaliste, M. de Montherlant chante cette « violence ordonnée et calme
25 . de Montherlant chante cette « violence ordonnée et calme » des « grands corps athlétiques ». Sur le stade au soleil se d
26 Sur le stade au soleil se déploient les équipes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému de « cette ivresse qui naît
27 le, ému de « cette ivresse qui naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerr
28 que qu’infuse à son corps la douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’
29 . L’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre terre et ciel.
30 rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre terre et ciel. Mais sa foulée, bondissa
31 entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, entre terre et ciel. Mais sa foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’
32 entre terre et ciel. Mais sa foulée, bondissante et posée, est pleine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que j
33 tion de la raison sur ce corps qui est exaltante, et c’est cette domination qui est le but véritable du sport. On accepte
34 ecte les règles, non plus comme une lutte sauvage et déloyale, la morale d’équipe devient toute la morale, et les qualités
35 yale, la morale d’équipe devient toute la morale, et les qualités indispensables au bon équipier deviennent les qualités d
36 plication de l’immense axiome formulé par Hésiode et qui gouverna le monde ancien : La moitié est plus grande que le tout 
37 urse d’équipe. Le cœur connaît la présence muette et sûre. Toutes ces choses ne se font pas en vain. Le chef se dresse ent
38 as dites en vain. Stades que parcourent de jeunes et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Que je taise
39 ins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur de la précision. » On
40 lise romaine, quoi qu’en pense M. de Montherlant. Et voici, ô paradoxe, qu’il rejoint Kant, Kant qui écrit : « C’est sur d
41 eunes filles assez fortes pour pouvoir tout lire, et il n’y aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’on pourrai
42 ructive » : porter l’effort sur ce qui doit être, et ce qui ne doit pas être tombera de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entr
43 de la morale jésuite. Mais enfin, voici un homme, et non plus seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’équilibrent
44 ilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le
45 ette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les anciens. J’admets que ses « idées générales » ne vaillent rien2 ;
46 ment chrétienne de tel autre écrivain catholique. Et son lyrisme, encore un peu brutal, il saura le dompter, et atteindre
47 risme, encore un peu brutal, il saura le dompter, et atteindre au classicisme véritable. Voici un constructeur, un entraîn
48 véritable. Voici un constructeur, un entraîneur, et qui joue franc jeu. S’il faut lutter contre lui, nous savons qu’il ob
49 mplification ». a. « M. de Montherlant, le sport et les jésuites », La Semaine littéraire, Genève, n° 1571, 9 février 192
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
50 iècle à nos jours. Partis du classicisme de David et d’Ingres, les peintres français ont accompli, durant le xixe siècle,
51 e, pour aboutir enfin dans ces impasses : cubisme et futurisme. Les voici revenus, après cent-vingt-cinq ans, à peu près à
52 ines. Ils en reviennent chargés de chefs-d’œuvre, et plus conscients de leurs moyens d’expression. Très maîtres de leur te
53 te courbe de la peinture moderne avec une netteté et un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’on a pu voir à l
54 ortance de telles prises de contact entre artiste et public ? b. « Conférence Meili », Feuille d’Avis de Neuchâtel, n° 2
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
55 rt… la Relève du Matin, le Songe, les Olympiques. Et voici le Chant funèbre, adieu à la guerre et aux jeux, avant de parti
56 ues. Et voici le Chant funèbre, adieu à la guerre et aux jeux, avant de partir pour de nouvelles conquêtes. Terriblement l
57 g. Tout cela s’est purifié dans le Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en n
58 bref soupir s’y résignent, puis tablent sur eux, et d’autres qui tiennent qu’une telle attitude est responsable de ces ca
59 te sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il j
60 « Ranimons ces horreurs pour les vouloir éviter, et ces grandeurs pour n’en pas trop descendre ». N’est-ce pas une éclata
61 dre ». N’est-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent »
62 Mais Montherlant se redresse vite, frappe du pied et repart. Vers quels buts ? On verra plus tard. L’urgent c’est d’avance
63 s ? On verra plus tard. L’urgent c’est d’avancer. Et l’on atteindra peut-être ces régions élevées où les éléments contrair
64 Il va chercher le souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa tradition. Toute son œuv
65 eaubriand, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle dans son templ
66 ple intérieur, s’il veut rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’une génération casquée. Feu consumateur de tou
67 humaine ne la moleste ni ne l’avive plus, cruelle et désolée comme cette « flamme pensante » dans l’ossuaire de Douaumont.
68 n (B. Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1925, p. 380-382.
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
69 a moins que la significative pauvreté idéologique et morale qu’il révèle. Le style brillant et elliptique qui tend à deven
70 logique et morale qu’il révèle. Le style brillant et elliptique qui tend à devenir notre poncif moderne, — si propre à éga
71 une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je comprends trop de choses dans ces poèmes qui devraient m
72 ur une grande part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton de préméditation… À quoi sert,
73 du Sagittaire, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1925, p. 775-776.
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
74 onnu bien d’autres de ces jeunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation, végètent dans des œuvres d’évan
75 choisi un être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en effraie lui-même : « Il y a quelque cho
76 , il ne restera plus que les flammes, les soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Col
77 gh (F. Rieder, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1925, p. 1033.
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
78 guère en province liquider des stocks américains. Et ses romans, c’est aussi une liquidation : les faits s’y pressent et s
79 st aussi une liquidation : les faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psycho
80 n en trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligences. Mais on ne demande pas non plus au puissant boxeur s
81 en train de redevenir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi o
82 and roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages d’une belle richesse
83 ois, une certaine harmonie générale dans le récit et le ton, surtout dans la première partie, qui est confuse. Non pas que
84 aire. Mais le tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaissent trop nues. Chef-d’œuvre ou
85 ine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réussi, une entreprise bien téméraire de nos jours : un rom
86 ramagnou (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1151-1152.
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
87 e manifeste son génie méthodique, son universelle et inépuisable curiosité. Mais, de même que la France interrogeant l’Eur
88 erling, les Guénon, qui les font entendre, autant et plus que les Tagore et les Gandhi, demi-européanisés. Ceci convenu, i
89 les font entendre, autant et plus que les Tagore et les Gandhi, demi-européanisés. Ceci convenu, il faut reconnaître que
90 êtés se font de l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une valeur de symbole », a dit A
91 dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « … tout ce qui est opposé à l’
92 l, tout ce qui peut servir d’antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, Indes et Chine sous une d
93 e à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a de sens que par
94 à sa logique. » On confond Japon et Arabie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europ
95 points de vue semblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopi
96 rdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l
97 scopique d’idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain
98 utres attribuent cette supériorité au machinisme, et la déplorent. Plusieurs jeunes songent que dans une Europe vieillie,
99 eux qui repoussent une Asie ignorante du thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de deux mondes, et que seule une
100 ux qui pensent inévitable le choc de deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira. Il y a ceux qu
101 ne peut nous donner qu’une supériorité provisoire et qui porte en son principe le germe de sa destruction.) Il y a enfin c
102 sa destruction.) Il y a enfin ceux qui refondent et combinent toutes ces opinions ; et ceux qui avouent n’en point avoir,
103 qui refondent et combinent toutes ces opinions ; et ceux qui avouent n’en point avoir, sincérité trop rare… Presque toute
104 de n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte à variati
105 ormule qui, je pense, réunira tous les suffrages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou cherche
106 difiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. « Les Appels de
107 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1152-1154.
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
108 out une démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Sp
109 sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du styl
110 la densité du style révèlent seules l’écrivain ; et aussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse de nos yeux que fr
111 solitude (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1156-1157.
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
112 u naturalisme puisqu’au début Fischer publia Zola et Ibsen, Tolstoï, Hauptmann et Maeterlinck. On trouve au tableau des au
113 Fischer publia Zola et Ibsen, Tolstoï, Hauptmann et Maeterlinck. On trouve au tableau des auteurs édités depuis lors les
114 ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand et viennois, Hesse, Hofmannsthal… Les extraits de ces auteurs qui compos
115 e que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être un peu embourgeoisée… Disons pl
116 lmanach 1925 (Berlin) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1162-1163.
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
117 osphère trouble où s’agite l’Allemagne nouvelle — et peut-être parce qu’il sait en sortir parfois — M. Otto Flakei a gardé
118 tir parfois — M. Otto Flakei a gardé son bon sens et son sang-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe
119 to Flakei a gardé son bon sens et son sang-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’il vient de parc
120 avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de cette vision.
121 uses péripéties de son dernier roman sans exposer et discuter toutes les idées qu’elles illustrent. Les personnages discut
122 mais leurs actions sont les meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation de petites touches précises d
123 nge vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe le moins apaisant, tournés vers la Russie, vers le passé, ver
124 assé, vers l’Orient, tentant des amours nouvelles et les fuites les plus folles hors de la réalité, ils forment un cortège
125 de la réalité, ils forment un cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre de son pa
126 suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre
127 ison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre. h. « Otto Flake : Der Gute Weg (S. Fischer Verlag, Berlin
128 scher Verlag, Berlin) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1163. i. Orthographié « 
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
129 Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un ét
130 œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplair
131 aux types créés par Unamuno sont ces femmes dures et passionnées, Raquel et Catherine, ou cet Alexandro Gomez cynique et p
132 muno sont ces femmes dures et passionnées, Raquel et Catherine, ou cet Alexandro Gomez cynique et puissant de confiance en
133 quel et Catherine, ou cet Alexandro Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’une volonté presque inhumaine tortur
134 en soi, qu’une volonté presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’imposent comme types, c’est encore et un
135 té presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’imposent comme types, c’est encore et uniquement par leur obs
136 me. Et s’ils s’imposent comme types, c’est encore et uniquement par leur obsédante volonté. Car on imagine difficilement u
137 es, d’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désol
138 « Miguel de Unamuno : Trois nouvelles exemplaires et un prologue. Traduction de Jean Cassou et Mathilde Pomès (Édition du
139 plaires et un prologue. Traduction de Jean Cassou et Mathilde Pomès (Édition du Sagittaire, Paris) », Bibliothèque univers
140 du Sagittaire, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1164.
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
141 sa grande étude sur les rapports du christianisme et du romantisme. M. Seillière cherchait dans l’époque romantique un tém
142 turiste ». Il ne pouvait trouver mieux que Vinet. Et j’imagine son étonnement à découvrir dans l’œuvre du penseur vaudois
143 ant que je crains qu’il n’ait été incité parfois, et presque inconsciemment, à gauchir légèrement la pensée de Vinet pour
144  sellièrisme » de tout son mysticisme protestant. Et cela n’est pas sans gêner M. Seillière. C’est peut-être pourquoi il i
145 té la plus brûlante les richesses intellectuelles et morales du grand vaudois. Vraiment, tout ce qui semble viable et huma
146 rand vaudois. Vraiment, tout ce qui semble viable et humain dans la critique moderne du romantisme, Vinet l’avait trouvé.
147 ral. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est pe
148 sée française (Payot) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, octobre 1925, p. 1797-1798.
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
149 i-là qui s’avance » avec ce visage d’entre la vie et la mort « où se reflète le passage incessant d’oiseaux de la mer ? »
150 rlent avec des mots de tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très mal comme l’on cherche les morts… « …
151 ne l’étonne plus assez lui-même (pourtant l’autel et le surréalisme l’ont enrichie d’images…). Je cite des noms : y a-t-il
152 autes herbes du ciel. » Le gaucho a dompté Pégase et caracole dans les étoiles. J’avoue que l’univers intérieur où il lui
153 itations (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1560.
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
154 sance d’une littérature nationale à la fois cause et effet de la libération politique. Cause, puisque pour mener à chef ce
155 t produire qu’une littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyc
156 y ne fait pas. Car elle veut éviter l’emballement et conserver dans l’admiration son sens critique de Parisienne. C’est un
157 athie malicieuse qui anime ses amusants portraits et ses commentaires parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu de ren
158 me irlandaise en laquelle s’allient une fantaisie et un réalisme également lyriques. m. « Simone Téry : L’Île des bardes
159 ” (Flammarion, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567.
15 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
160 man quelques mois avant que n’éclate le sinistre, et s’arrête au moment où l’on est sûr que ça brûle bien. Quel sujet plus
161 a révolution dans un cœur, puis dans une famille. Et une fois le grand bouleversement accompli dans la « Cité secrète » de
162 t l’un de ces Anglais, tombe malade avec à-propos et perd connaissance chaque fois que le récit doit sauter quelques semai
163 , tremblait si fort qu’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quel
164 moi. Puis : — Quelle imprudence ! Avec la lumière et peut-être du monde dans l’appartement. Il avait si froid que ses dent
165 traîna jusqu’à l’angle le plus éloigné du réduit, et se blottit là, sur le sol, les yeux grands ouverts dans le vide, sans
166 crète (Perrin, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567-1568.
16 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
167 . René Guisan, professeur de théologie à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi
168 à Lausanne et directeur de la Revue de théologie et de philosophie, inaugura lundi soir à l’aula, devant un très nombreux
169 pante la comparaison des points de vue catholique et protestant : la notion de « Saint » et son évolution au cours des siè
170 catholique et protestant : la notion de « Saint » et son évolution au cours des siècles. Primitivement, le Saint est un ho
171 es semblent s’être le plus rapprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le martyre devient le signe par excellence
172 hrétien dans l’accomplissement scrupuleux, joyeux et fidèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’il existe divers
173 n’était-ce pas une sainte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’il n’y a pas de saints protestants, il existe de
174 drait la clarté d’un exposé solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de mont
175 solidement documenté, et le scrupule d’historien et de chrétien qui permet à M. Guisan de montrer le point de vue adverse
176 point de vue adverse avec autant de compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette s
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
177 e bonheur devant soi, dans un progrès mal défini, et l’on court après sans fin. Même ceux qui ont perdu la croyance en un
178 s choisir encore entre un ressaisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur de conscience inquiè
179 à quelques meneurs aveugles d’une société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de notre civilisation. Men
180 e où mène la pente de notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financiers, des industriels. Il y a enco
181 endra ce que je veux dire. Il faudrait balayer, —  et mettre qui à la place ? Nos penseurs, nos écrivains ont perdu le sens
182 à répéter que nous vivons dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un cert
183 vivons dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain « confusionnis
184 profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très différents de style, et do
185 construit des édifices très différents de style, et dont les façades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieur des deux
186 ébattent les mêmes brouilles de famille entre Art et Morale, Pensée et Action… Ces deux moralistes adonnés à la culture et
187 brouilles de famille entre Art et Morale, Pensée et Action… Ces deux moralistes adonnés à la culture et à la libération d
188 Action… Ces deux moralistes adonnés à la culture et à la libération du moi paraissent bien les ancêtres des nouvelles gén
189 chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans la littérature d’aujourd’hui, et plusieu
190 que convergent dans la littérature d’aujourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir les séparer. On n’écrit p
191 public. Un livre est une action, une expérience. Et , le plus souvent, sur soi-même. On écrit pour cultiver son moi, pour
192 . On écrit pour cultiver son moi, pour l’éprouver et le prémunir, pour y découvrir des possibilités neuves, — pour le libé
193 t responsable de tout le « mal », le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il en tirait une raison nouvelle de le
194 il en tirait une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époq
195 re quelques conséquences. Connaissance intégrale et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature m
196 expérience3. Ingénieux équilibres entre la raison et les sens, entre le moi et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisem
197 ilibres entre la raison et les sens, entre le moi et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement des combinaisons possi
198 s à cultiver certaines douleurs, plaisirs rares ; et les dissonances les plus aiguës prennent la place d’honneur dans des
199 été essayé. Dégoût, parce qu’on se connaît trop, et que plus rien ne retient. (Or on ne crée que contre quelque chose, co
200 vilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gaspillage : la guerre. Certains s’en tiennent à leur dégoût
201 : la guerre. Certains s’en tiennent à leur dégoût et l’exploitent. Ainsi se légitime le surréalisme, qui vomit le monde en
202 égitime le surréalisme, qui vomit le monde entier et la raison avec. « Révolution d’abord. Révolution toujours ». « Pour n
203 ulle part… » « Je comprends la révolte des autres et quelles prières cela fait à Dieu », disait Drieu la Rochelle. Mais il
204 ettre à manger, tout de même nous avons un corps, et c’est très beau, Breton, de crier « Révolution toujours » — tant qu’i
205 tant qu’il y a des gens pour vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus rien attendre du monde, mais on v
206 brutaliser quelque peu les « grands problèmes », et le voilà reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir d’action qu
207 cide, hésite, trébuche, oscille entre la violence et le désespoir (c’est l’amour), et, déchiré de contradictions, tire du
208 ntre la violence et le désespoir (c’est l’amour), et , déchiré de contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragme
209 nchantement qui l’amène au besoin d’une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, — plus jeune, il
210 idément nous sommes malades dans les profondeurs. Et le mal est si cruellement isolé, commenté par ceux qui le portent en
211 Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux posit
212 t dans les livres des jeunes, dites-vous, le pire et le meilleur, toutes les vieilleries morales et immorales, tous les pa
213 re et le meilleur, toutes les vieilleries morales et immorales, tous les paradoxes, le chaos, etc. — Certes, aucune époque
214 ertes, aucune époque ne fut à la fois plus morale et plus immorale, parce qu’aucune ne s’est autant attachée à chercher da
215 seulement légitime à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu que de favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi o
216 iser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre, raison et folie, etc. Si je les cultive simultanément il es
217 — Mais je trouve en moi ordre et désordre, raison et folie, etc. Si je les cultive simultanément il est clair que les tend
218 ndances négatives l’emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y pren
219 enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cela tourne alors en passion de détruire, en
220 es heureuses que nous avions jusqu’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès de toutes les jouissances humaines. L’
221 à repousser avec horreur tout argument d’utilité, et bien que nous niions toute vérité, nous étions dominés par le sens d’
222 lan intellectuel sur lequel tout apparaît inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’un récit d’ailleurs admirable4,
223 les Nourritures terrestres, les Caves du Vatican et Dada, il y a place pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises,
224 rt des romans de jeunes qui se situent entre Gide et Aragon nous montrent le même personnage : un être sans foi, à qui une
225 ité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fausser quelque chose ; à la merci des c
226 galement ; n’attendant rien que de ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureuse ses propres actes d
227 culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus », les pousser
228 une chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’est pas si
229 , n’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes
230 iversel, désir de violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’une fatigue
231 mense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (L
232 eux-mêmes —, calembours, expression métaphorique et symbolique de la pensée : la littérature d’avant-garde est fille de l
233 état presque inhumain de celui qui n’a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations, à ses automatismes. En ar
234 n des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à l’analyse. Seulement nous y perdons graduellem
235 ; retrouver le sens social, le sens des ensembles et des proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; voul
236 es proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction comp
237 ations par l’absurde de quelques problèmes moraux et littéraires 8, à quoi beaucoup sacrifièrent leur jeunesse. (« Nous so
238 ne conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles r
239 té ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas la culture ; sans autre parti pris que celui de vivr
240 e, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée vala
241 erté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur effort est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de chois
242 encore dans l’attente angoissée d’une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait
243 s’en vont « épiant toutes les émotions de l’âme, et lui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décrivent le t
244 res, en compose d’un seul coup une grande misère, et par ce moyen nous met tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, ma
245 . En tout cas je vois bien le mal qu’ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière d’agir
246 me moderne nous empêche secrètement de construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen 
247 u de tout composer en soi, on veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’une inquiétude.
248 ux ou trois de Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’il voulait…) o. « Adieu, beau désordr
249 u, beau désordre… (Notes sur la jeune littérature et la morale) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, ma
250 érature et la morale) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1926, p. 311-319.
18 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
251 chrétienne d’étudiants eurent lieu au printemps, et non plus à Sainte-Croix, mais à Aubonne. Un plein succès a répondu à
252 ences de l’Évangile en face de la pensée moderne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une
253 rne, et fut impressionnant de vigueur dialectique et de largeur d’idées. Une soirée consacrée à la fédération vint interro
254 logie, présenta deux ouvriers de Paris, Clerville et Janson, dont il a eu l’occasion de partager les conditions de vie et
255 a eu l’occasion de partager les conditions de vie et qui nous parlèrent l’un de la Réalité prolétarienne, l’autre de la Me
256 arienne. Brémond conclut en montrant la nécessité et les difficultés d’une action missionnaire dans ces milieux, comme M.
257 n contenue d’hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brém
258 yent plus de mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su arracher leurs auditeurs de leur lit de préjugés pour
259 ’homme au-dessus de la plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un travail d’éducation lent et souvent da
260 ’y arriverons que par un travail d’éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants, venez à nous pour nous aider. Nou
261 re, si nous écopons, tant pis. » Cinq conférences et autant de cultes en trois jours, cela peut paraître excessif à qui n’
262 u’il pense sans se préoccuper d’être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de la parole, puis on va se dégourdir
263 s du village une discussion toujours trop courte. Et les repas réunissent tout le monde dans la gaieté la plus charmante.
264 ouvrier en maillot rouge assis entre un banquier et un philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs
265 n philosophe au milieu d’une centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un in
266 ne centaine d’étudiants et de professeurs suisses et français. Miracle qui nous fit croire un instant à la fameuse devise
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
267 ers le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une hist
268 re. Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante
269 histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante encore après tant d’a
270 risé par les élans alternés ou confondus du désir et de la prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystèr
271 qui est le mystère même, pour suivre la naissance et l’embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la re
272 on de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’une vieillesse au soleil. Jouve
273 Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir h
274 Un chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse, à la Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à un
275 hique. Mais tout cela baigne dans le même lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche de passions inconscientes qui don
276 ans le même lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les actes une sign
277 es comme Rousseau sur les droits de la passion, —  et dans sa trame quelques chapitres inspirés presque littéralement d’une
278 Paulina semble parfois un peu trop « classique » et prévue, l’originalité foncière du roman de Jouve reste indéniable : c
279 ent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. « Pierre Jean Jouve : Paulina 1880 (NRF
280 ina 1880 (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1926, p. 530-531.
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
281 uerre a fait perdre le goût des théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec u
282 vra portraiturer les gentilshommes archéologiques et les vieilles dames à principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet
283 moral, avec ses personnages un peu conventionnels et l’invraisemblance assez piquante de ses péripéties. Quel dommage que
284 ’une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être mise en action plutôt qu’en commentaires. Le tal
285 x de Watteville : La Folie de l’espace (Delachaux et Niestlé) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avri
286 Delachaux et Niestlé) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1926, p. 531.
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
287 muse, parce que c’est dimanche, parce qu’il pleut et qu’on s’ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est moins fatig
288 qui fut aussi le prosateur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâill
289 t l’Amour — sourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger… r. « Wilfred
290 èmes (Spes, Lausanne) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
291 roman. La profusion souvent facile des incidents et le style volontairement sec permettent de suivre sans passion ni fati
292 trait commun à presque toutes les femmes auteur, et qui plaît aux lectrices — m’agace un peu ? C’est une vétille. s. « 
293 hée (Payot, Lausanne) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
294 le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret prof
295  : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret professionnel, etc.) Sans do
296 e faudrait-il préciser ce qu’il entend par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne le conduit pas pour
297 i dépasse de beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exerci
298 ts exercices poétiques. Mais quelle intelligence, et dont l’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien
299 e la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l
300 sse. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-o
301 peinture, en musique. Suppression du clair-obscur et de la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas,
302 x projecteurs convergent sur une machine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d
303 arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Coc
304 e c’est toujours le même déclic. Cocteau le sait, et pour varier il tire tantôt à gauche tantôt à droite, sur Barrès, sur
305 renaître catholique.) Certes, il bannit le charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si elles sont sans
306 ’ordre (Stock, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661-662.
24 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
307 René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)u Les témoignages ne manquent pas sur la détresse mo
308 plupart en sont encore à des symboles équivoques et , quoi qu’ils en disent, « artistiqués », — ils n’osent plus le menson
309 iqués », — ils n’osent plus le mensonge de l’art, et pas encore la vérité pure — Crevel décrit sans aucune transposition r
310 ». Cette inversion de tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable désordre. Une intelligence parv
311 effrayants. Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et le courage de contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût implorai
312 us la force et le courage de contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût implorait Baudelaire. Encore avait-il le coura
313 courage de prier… u. « René Crevel : Mon corps et moi », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926,
314 el : Mon corps et moi », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 662-663.
25 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
315 uvrit par une bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’
316 l y a de plus protestant — mais oui, M. Journet — et je ne crois pas qu’il puisse se produire ailleurs qu’en terre romande
317 liberté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherc
318 ression, durant les discussions entre de Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les objections que
319 débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intell
320 d’arriver à quelque chose de définitif à la fois et d’intelligent, je le mesure aussi à l’émotion qui accueillit l’étude
321 le tourment de cette âme leur propre recherche, —  et dans ses lumineuses conquêtes sur le doute, le modèle des réponses dé
322 t l’atmosphère de la chapelle où ont lieu travaux et méditations. Dehors, on honore la liberté d’un culte moins platonique
323 plesse pour maintenir l’équilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique
324 uilibre des discussions et de sa propre personne. Et il y eut encore un dîner très démocratique pendant lequel le philosop
325 ec âme, appuyé d’une main sur l’épaule de Janson, et de l’autre dessinant dans l’air des phrases musicales. Après quoi Ric
326 omme si on l’avait attendu pour le manifester ! —  et qu’il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour sav
327 elques notes. 3. Il suffit encore : f 2.50, nom et adresse. e. « L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vit
328 « L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 », Lux et Vita : nouvelles de l’Association chrétienne suisse d’étudiants, Laus
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
329 1926)v Nous disons adieu aux charmes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un déc
330 ’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande ville, phénomène de force en mouvement, est aujo
331 pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle n’est
332 tion : « un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une image puissante qui actionne notre esprit
333 lace au croisement des préoccupations esthétiques et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation
334 que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort qu
335 iles de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate parfois en boutades mo
336 xistence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contemporaine ». Pures géométries de
337  ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel
338 sses. Des perspectives régulières recoupées à 200 et 400 mètres par les plans fuyants des rues immenses livrées au 100 à l
339 ées ne sont plus que des enceintes transparentes, et minces en regard de leur hauteur, entourant de leurs multiples « rede
340 leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organis
341 s la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui,
342 idables des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des l
343 ie — la « ville contemporaine ». Un labeur précis et anonyme concourt obscurément à cette parfaite expression du triomphe
344 isme (G. Crès, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1926, p. 797-798.
27 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
345 t. Nous sommes devenus si savants sur nous-mêmes, et si craintifs en même temps, si jaloux de ne pas nous déformer artific
346 xieux de prévoir l’influence, avant de s’y jeter, et dont on craint de ressortir trop différent. Amour de soi, qui nous to
347 ent. Amour de soi, qui nous tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas
348 tourmente obscurément et nous obsède de craintes et de réticences dont nous ne comprenons pas toujours l’objet. Peur de p
349 s amis, ce tic. Mais encore, tant d’autres forces et tant d’autres faiblesses, tant d’autres désirs contradictoires ; au g
350 sta qu’une fatigue profonde ; je devins si faible et démuni, livré aux regards d’une foule absurde, bienveillante, repue,
351  tous paraissaient détenir un secret très simple, et un peu narquois ils me considéraient avec une pitié curieuse : je me
352 eusement insupportables, si cruellement présentes et dures ? La cause de cette inadaptation, je la soupçonnais si grave, s
353 tions de détail dont je m’exagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes que je progressais, jusqu’au jour où je m’avo
354 bousculez ! La parole est aux instincts combatifs et dominateurs par quoi l’homme ne se distingue plus de l’animal. Louée
355 e distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en
356 mal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exalte, et tout ce qui la dompte, tout ce qui sourd en moi de trop grand pour ma
357 ne foi, mais peut-être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’il est une révélation, c’est en me rendant plus parf
358 stes les plus favorables. J’ai d’autres instincts et je n’entends pas tous les cultiver pour cela seul qu’ils sont naturel
359 champ de luttes, de tendances vers la destruction et vers la construction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de
360 ruction ; c’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’e
361 ’est un mélange à doses égales de mort et de vie. Et c’est à l’intelligence de faire primer la vie, puisque n’est pas enco
362 des lois établies par le concours de l’expérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la co
363 ent de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache particulièrement à retrouv
364 ier, d’où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’oppose au perfectionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet q
365 estie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’un meilleur moi, une certaine méfiance vis-à-vis d
366 la nommant ; or je ne veux plus de faiblesses4.) Et demain peut-être, agir dans le monde, si je m’en suis d’abord rendu d
367 e conscience. Je fais partie d’un ensemble social et dans la mesure où j’en dépends, je me dois de m’employer à sa sauvega
368 m’adapter à l’existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en mêm
369 ce que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment augmenter ma puissance de jouir, en même temps que ma puissan
370 ents que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho profond, une
371 puissante, quelle confiance vont guider ce corps et cet esprit… Créer, ou glisser au plaisir ? Êtes-vous belle, mon amie,
372 glisser au plaisir ? Êtes-vous belle, mon amie, —  et vous, ma vie ? Certes, mais je vous aime moins que je ne vous désire.
373 raît aller contre fin. Une attention trop directe et soutenue modifie son objet vivant. Pour moi, la sincérité ne peut êtr
374 our moi, la sincérité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’aideront. Une foi
375 urquoi je ne puis comprendre les excommunications et les intransigeances. Toutes les aspirations me paraissent légitimes c
28 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
376 nt (10 juillet 1926)g Je ferme les Bestiaires, et me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me
377 et me tirant hors de ce « long songe de violence et de volupté », je me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’i
378 ujours échappé, mais qu’il domine dans l’ensemble et entraîne dans l’allure puissante à la fois et désinvolte de son récit
379 ble et entraîne dans l’allure puissante à la fois et désinvolte de son récit. On a souvent parlé d’excès de lyrisme à prop
380 a description la plus réaliste de la vie animale. Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’il peut atteindre à p
381 Une perpétuelle palpitation de vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblée avec ce qu’il y a de
382 la plaine s’élève le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « comme un chant mystérieux entendu au-dess
383 la tête dressée, des vachettes qui se mordillent et se frôlent amoureusement, des chiens « qui vous faufilent des douceur
384 bas des jambes », jusqu’à ces chats qui griffent et lèchent alternativement, « en vraies bêtes de désir ». Une intelligen
385 profonde de la vie animale suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’es
386 ) sent ce que sent la bête en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’elle va faire, il peut la dominer… : on ne vai
387 ominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers les taureaux ce
388 strophait ainsi tout bas, sur un ton révérenciel, et comme on déroule une litanie. Sous les grands cils brillants, lustrés
389 ée. Quelques secondes encore elle cligna des yeux et on vit sa respiration. Puis ses pattes se tendirent peu à peu, comme
390 n spasme, comme l’homme à la cime de son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s’échappa, pleura
391 son plaisir, et comme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s’échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et la c
392 . Et son âme divine s’échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans
393 ne s’échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De tels passages qui abondent dans les Bestiaires f
394 hements superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taur
395 crétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureaux et Alban confondent leurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil e
396 eurs génies dans une sorte de cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’on veut de ce paganisme exalté, tout iv
397 ants. Pour ma part, je le trouve assez peu humain et comme obsédé par une idée de violence tonique certes, mais décidément
398 un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-là. Et c’est un moraliste de grande race, qui peut nous mener à des hauteurs
399 dans les Bestiaires qu’une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque page, ce qui peu à peu obsède
400 en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion, c’est la présence d’un tempérament. À l’inverse de tant d
401 la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas
402 acent dans l’intelligence de l’instinct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment contractée, par la grâ
403 nct universel et nous élèvent à une vie plus âpre et violemment contractée, par la grâce de l’éternel Désir ? 6. Il est
404 e chenille précisément aux trois-centres nerveux, et sa victime « une sympathie (au sens étymologique du mot) qui la rense
405 ssages qui préciseraient ce parallélisme du poète et du philosophe. g. « Les Bestiaires, roman, par Henry de Montherlant,
29 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
406 annoncent le « crépuscule du monde occidental », et , au-dessus des ruines prochaines de nos cités mécaniciennes, ils rall
407 d’où nous viendraient une fois de plus la sagesse et la lumière. De récentes enquêtes ont dénoncé certaines des confusions
408 tantes qu’il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît destiné à lever plusieurs des plus tenaces de
409 az a visité l’Égypte, ses habitants, ses tombeaux et son passé, en curieux avide du secret dernier des choses, lucide, ave
410 n livre, aux petits chapitres à la fois si concis et achevés, n’est ni un album de vues pittoresques, ni le journal plus o
411 m, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à certaines pages sur Jérusalem qui touchent parti
412 passionné. Nul n’est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles ne nous rens
413 i de l’Européen se précise dans la même mesure, —  et aussi la figure de l’auteur : car il n’est guère de comparaison valab
414 guère de comparaison valable qu’entre individus, et comme type d’individu européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieu
415 avons fait une vertu. Eux, ils l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « C
416 s l’ont rendu facile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit le plus profond
417 chologie de l’Égyptien ne sont pas moins subtiles et le mènent à cette constatation fondamentale que « notre intelligence
418 onstatation fondamentale que « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables ». Dès lors, comment co
419 lors, comment collaborer, comment se comprendre, et si c’est impossible, pourra-t-on du moins éviter le conflit que certa
420 Traz un philosophe de l’histoire aux vues larges et pourtant réalistes, aux hypothèses hardies — de la hardiesse de ce bo
421 rope ? Il y a là des pages d’un accent très noble et courageux mêlé, parfois, d’une certaine amertume, où de Traz quitte l
422 dépaysements un point de vue fixe, d’où comparer et , parfois, juger ; préférant obstinément à la légende le vrai, même am
30 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
423 ère œuvre importante du mouvement de construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’aujourd’hui. L
424 ontenue surtout dans ses essais sur Proust, Pater et Stendhal. Certes, il était temps que l’on dénonce la confusion romant
425 n romantique de l’art avec la vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter
426 de l’art avec la vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter que M. Ferna
427 empoisonne et la morale et l’esthétique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter que M. Fernandez aborde par ce biais l
428 it nier toute communication directe entre l’œuvre et le moi, comme le fait M. Fernandez dans un essai sur l’Autobiographie
429 M. Fernandez dans un essai sur l’Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis loin d’admettre plusieurs thèses
430 x manières de se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est-elle pas une façon particu
431 emander s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y
432 meilleur morceau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie des « intermittences du cœur » dont Fernandez donne une cr
433 œur » dont Fernandez donne une critique décisive. Et c’est justement par opposition à la conception proustienne de la pers
434 dement sur les données modernes de la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — u
435 ipe unificateur » — que la psychologie freudienne et proustienne a porté à un point si dangereux, il nous propose l’expéri
436 xpérience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire d
437 e l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qui fait sa véritable unité. Je me
438 e une théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile d’adopter, si l’on veut éviter les confusions
439 er sa valeur littéraire au genre le plus encombré et le plus impur qui soit. On n’a pas ménagé les critiques à cette œuvre
440 technique ou obscure, une richesse d’idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de forme est peut-être
441 sque de paraître trop littéraire aux philosophes, et trop philosophe aux littérateurs. Il manque à M. Fernandez un certain
442 ue son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse. Avec une œ
443 e œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez
444 Messages (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juillet 1926, p. 124-125.
31 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
445 de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les subites violences, qui composent la séduction de cet « homme de l
446 j’ai supporté mille fastidieux détails techniques et des délires taurologiques avec lesquels, pour communier, il faudrait
447 Elle est tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ces Bestiaires, presque malgr
448 que malgré leur sujet trop pittoresque. « Honneur et longue fidélité aux taureaux braves et simplets d’esprit ! Qu’ils pai
449 « Honneur et longue fidélité aux taureaux braves et simplets d’esprit ! Qu’ils paissent éternellement dans les prairies c
450 es Fontaines du désir certaines pages magnifiques et sobres, jetées de haut avec la nonchalance des vrais puissants, je co
451 ires (Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1926, p. 397-398.
32 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
452 e corridor de lumière où elle accueille le ciel — et derrière, elle devient plus secrète. Vers l’est, des collines fluides
453 nt plus secrète. Vers l’est, des collines fluides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’en vont lentement les eau
454 é, c’est le vide, où s’en vont lentement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitur
455 s lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno trop vaste et nu, les voitures revenaient au pas des Cascine. Vers sept heures, il
456 Sur les eaux, comme immobiles, des nuages rouges et le vert dur des berges : un malaise montait dans l’air plus frais, av
457 parmi les dissonances mélancoliques des lumières et des odeurs, espérant entrer là-bas dans je ne sais quelle harmonie pl
458 st qu’odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et musiques sourdes. Penser serait sacrilège, comme une barre droite au
459 lumières sur les champs sombres du ciel de l’est, et une façade parfaite répond encore au couchant. San Miniato sur sa col
460 uyons ces bords où conspirent des ombres informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous sec
461 res informes et des harmonies troubles de parfums et de courbes compliquées. Nous secouons un sortilège pénétrant comme ce
462 ne vie étrangère, une paix qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, caressant en nous la lâche volupté
463 qui n’est pas humaine, et qui nous laisse gourds et faibles, caressant en nous la lâche volupté de sentir l’esprit se déf
464 us la lâche volupté de sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve, un sommeil
465 e fer, près de nous, érigeait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua
466 geait l’image de la lutte et des forces humaines, et rendait sous des coups un son qui nous évoqua les rumeurs de villes d
467 usines. Il y avait la vie des hommes pour demain, et il était beau d’y songer un peu avant de nous abandonner à l’oubli lu
468 rues. Le long de l’Arno, les façades sont jaunes et roses près de l’eau, puis perdent dans la nuit leurs lignes graves. T
469 Il passe une possibilité de bonheur par personne et les devantures ne cherchent qu’à vous plaire. Chaque ruelle croisée p
470 re qu’on oublie pour celui des regards étrangers. Et voici la place régulière, les galeries, les cafés, les musiques, Doni
471 estes des passantes. Sous cette agitation aimable et monotone nous allons voir courir l’arabesque des sentiments et le mou
472 ous allons voir courir l’arabesque des sentiments et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans u
473 s — tous les tableaux dans le noir des musées ! —  et si tu veux soudain le son grave de l’infini, pour être seul parmi la
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
474 manifestent, avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires d’un individu.
475 nant, c’est que le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jama
476 indécise (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 810.
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
477 ère trop claire où les cris se font un peu aigres et les couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un soleil lointai
478 ù la douleur nette d’un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable bar, le couple de juifs espagnol
479 ec son mauvais cœur, dans une aventure incertaine et douloureuse ; enfin Orpha, sa maîtresse, le fuit, parce que son silen
480 e comprenait pas comment on pouvait tant souffrir et ne plus aimer ». Closain se tue pour finir le livre. Livre charmant e
481 losain se tue pour finir le livre. Livre charmant et bizarre, où la sentimentalité moderne trouve l’expression ironique qu
482 à une émotion plus grave, qui transparaît parfois et nous fait regretter que l’auteur ne se soit pas mieux abandonné à son
483 s (Émile-Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 810-811.
35 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
484 s : le Chinois s’étonne non sans quelque aigreur, et critique avec un mépris tranquille ; le Français riposte sans convict
485 tranquille ; le Français riposte sans conviction, et sous sa défense on devine une détresse. C’est encore une vision de l’
486 entivement ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conq
487 ction ; notre individualisme en naît logiquement, et toutes nos catégories artificielles et nécessaires. Mais le monde éch
488 giquement, et toutes nos catégories artificielles et nécessaires. Mais le monde échappe toujours à nos cadres — perpétuel
489 nos villes. (Neurasthénie, ce mal de l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacrifice. Sans dout
490 nne libre peut souscrire aux critiques du Chinois et sympathiser avec son idéal de culture. Il n’y a pas là deux points de
491 ois de telle façon qu’ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme angoissant qui semblait devoir résulter de cette
492 upérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à notre tour certaines démences qui enfiè
493 onté d’action qui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas de position plus périlleuse, puisqu’elle risqu
494 er en nous qu’un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incerti
495 dent (Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 811-812.
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
496 s avons élevé à la hauteur d’une vertu première — et qui légitime tous les dénis de morale à quoi nous obligeaient en réal
497 nous obligeaient en réalité on sait quel dégoût, et certains désirs de grabuge moins avouables, — la sincérité, masque fi
498 buge moins avouables, — la sincérité, masque fier et un peu douloureux des défaitismes les plus subtils comme des plus pur
499 défaitismes les plus subtils comme des plus pures et loyales inquiétudes. Sincérité, le mal du siècle. Tout le monde en pa
500 cérité, le mal du siècle. Tout le monde en parle, et chacun s’en autorise pour excuser sa petite faiblesse originale : tan
501 ité s’évanouit en mille définitions tendancieuses et contradictoires. Êtes-vous sincères en actes ou en pensées ; envers v
502 en quelque sorte scientifique, à la fois curieuse et désintéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond
503 se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonnement indigné du spectateur. Pour parler avec un peu de clairv
504 ter hors de soi. Seule, une méthode d’observation et de déduction passablement sèche pourrait nous donner l’illusion et pe
505 assablement sèche pourrait nous donner l’illusion et peut-être certains bénéfices de cette opération idéale. En même temps
506 prit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses plus chères aventures. Sincérité et sp
507 t mêlées à ses plus chères aventures. Sincérité et spontanéité « Nos actes les plus sincères sont aussi les moins cal
508 roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’indigner. Aujourd’hui, on les voit assez e
509 u’ils ne comprennent pas. Il faudrait s’entendre. Et , ici encore, prenons garde de confondre le plan littéraire avec le pl
510 ntégrale de soi. Mais pour être moins pittoresque et plus « entachée d’utilitarisme », la décision réfléchie, aussi peu gr
511 onner de nous-mêmes une connaissance plus intense et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que de nous constater, doit n
512 e mode le plus libre, le plus conscient à la fois et le plus voluptueux. Sincérité envers soi-même Noli me tangere.
513 ientôt — par un mouvement normal de l’attention — et fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que j’aboutis : ce q
514 s à me souvenir de certaines sensations profondes et indéfinies (telle sensation physique de bonheur, dans une rue au couc
515 tes, je retrouve un être si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été passés au cr
516 tains décors modernes : vous changez l’éclairage, et la chaumière devient palais. C’est l’objection classique et irréfutab
517 mière devient palais. C’est l’objection classique et irréfutable à toute introspection : ce daltonisme du souvenir. Si l’
518 ée dont les livres de Bopp, d’Arland, de Soupault et surtout de René Crevel ont donné les exemples les plus récents et sig
519 né Crevel ont donné les exemples les plus récents et significatifs ? Tous ces livres évoquent assez précisément la forme d
520 vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forces centripètes l’emportent peu à peu, une aspiration vers le
521 ation vers le bas produit une agitation accélérée et folle, puis tout finit dans un râle, brusquement c’est le vide. Centr
522 m de mon passé : ce qui était élan devient recul, et l’évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai c
523 rofondeurs ; mais déjà c’est le chaos. Mon corps et moi, le livre si poignant de René Crevel, est la démonstration la plu
524 . Faillite de toute introspection, en littérature et en morale. Impossibilité de faire mon autoportrait moral : je bouge t
525 cère ne puisse faire découvrir quelques richesses et ne serve parfois de contrôle efficace. Mais les bénéfices sont maigre
526 enter, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et , d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les ro
527 effets imprévisibles, « réalisme » décourageant, et , bientôt, incapacité d’agir efficacement. (Il faut, pour sauter, une
528 dans l’élan qui échappe à toute analyse préalable et sans quoi le saut paraît impossible, absurde.) Enfin, désagrégation d
529 cère. Peut-on véritablement se mentir à soi-même, et surtout se prendre à ses propres mensonges ? Peut-être juste assez po
530 ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et qui me devenait inintelligible en même temps qu’odieux. Au hasard de
531 erche) : Puissiez-vous avouer moins de sincérité et montrer plus de style. (Georges Duhamel.) … Nous ne sommes pas, nous
532 on nommera cela de l’hypocrisie. Soit, j’accepte. Et aussitôt j’annonce : Éloge de l’hypocrisie Non, non !… Debout d
533 , je t’avais déjà invoquée, hypocrisie consolante et libératrice. Mais tu m’offrais un visage un peu crispé, signe d’une i
534 visage un peu crispé, signe d’une ironie secrète et pour moi douloureuse encore. Pitoyable, trop visiblement, tu prêtais
535 ie : chaque chose proposait une ferveur nouvelle, et chaque être un plus prenant sourire. Cependant que ma joie — un état
536 ce que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’il eût été loisible d’attribuer com
537 re, on entretient comme une arrière-pensée sagace et obstinée l’assurance d’une continuité entre ses actions et ses désirs
538 ée l’assurance d’une continuité entre ses actions et ses désirs, un quant-à-soi qui ne gêne aucun geste, mais incline disc
539 un geste, mais incline discrètement les décisions et les rend complices d’un dessein logique, peut-être lointain, en quoi
540 a plus réelle de l’individu — en dehors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées et jongleries verbales. Regards au-d
541 ors du corps. Et ce ne sont point là jeux d’idées et jongleries verbales. Regards au-dessus de l’amour ! Voir l’heure à la
542 ’heure à la pendule pendant l’étreinte d’un adieu et calculer rapidement le retour à une fidélité plus profonde. Fidélité
543 une honnêteté peut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce constant et secret assujettissement au moi idéal
544 elle que l’autre. Et l’on conçoit que ce constant et secret assujettissement au moi idéal exige une politique des sentimen
545 l exige une politique des sentiments plus subtile et , je pense, moins vulgaire que cette agilité offensive qu’on appelle d
546 ive qu’on appelle dans la vie publique arrivisme, et séduction dans les salons. Constater une faiblesse, c’est toujours u
547 me directement dans notre langage statique. 3. «  Et certes quand il s’agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve
37 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
548 iscours sur les difficultés du temps, en général, et sur celles en particulier qu’implique la publication de notre revue.
549 comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et , comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ira très bien. Les circ
550 onstances l’exigent, d’ailleurs, plus que jamais, et plus que jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La
551 irrésistiblement l’obligation d’être nous-mêmes. Et , disons-le tout de suite, c’est en cela uniquement — être nous-mêmes
552 chercher plus patiemment encore à nous comprendre et de nous accorder une confiance sans laquelle nous ne saurions aller,
553 e confiance sans laquelle nous ne saurions aller, et qui, nous voulons l’espérer, ne sera pas sans leur donner quelque bén
554 renne toutes nos obscurités pour des profondeurs. Et nous n’allons pas procéder à quelque sensationnelle révision des vale
555 t de retenir sa place au spectacle qu’ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’écrier : « 
556 facile de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». M
557 dre ». Mais on est toujours le fils de quelqu’un… Et , peut-être, la considération du « déluge » peut-elle faire réfléchir
558 -mêmes, avons-nous dit, c’est à la fois notre but et notre excuse en publiant cette revue. Nous ne sommes pas « une revue
559 Il faut que notre revue reste cette chose unique et indéfinissable, comme toute chose vivante… Gerbe de fleurs disparates
560 es, aux tiges divergentes, mais qu’un ruban rouge et vert lie par la grâce d’une volonté sans doute divine… a. « Avant-p
38 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
561 ont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les critiques, « punaises glabres
562 e. » Voilà pour les critiques, « punaises glabres et poux barbus », qui perdraient leur temps à recenser les incohérences
563 . Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et hagardes pourraient enthousiasmer il leur réserve mieux encore : aprè
564 « Ils m’ont suivi, les imbéciles », ricane-t-il ; et sans rire : « À mort ceux qui paraphrasent ce que je dis ». Il y a ch
565 ersécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet ombrageux perso
566 stentation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et les Lèvres, à q
567 ’intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et les Lèvres, à qui ses compagnons criaient : « Te fais-tu le bouffon d
568 dire, Aragon possède le tempérament le plus hardi et le plus original de la jeune littérature française. Il le proclame « 
569 sants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin dans notre li
570 e pour trouver semblable domination de la langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image, ce qui nous v
571 ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’un lyrisme inouï. Que Louis Ara
572 tieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est l’amour, et certain désespoir vaste et profond comme l’époque. « Voulez-vous des
573 ffaire, c’est l’amour, et certain désespoir vaste et profond comme l’époque. « Voulez-vous des douleurs, la mort ou des ch
574 de Paris (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1927, p. 123-124.
39 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
575 au sourire absent, Or luisant, terreau qui fume… Et tu laisses, ô col roide, En souffrance mes baisers. L’amour est u
40 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
576 ait compté jusqu’alors que d’authentiques avocats et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’il ne péchait que par
577 se caresse lumineuse la chevelure rouge d’Urbain, et son nez, lequel, par ses dimensions remarquablement exagérées, lui va
578 lait le surnom de Bin-Bin. Urbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées de leur
579 le printemps désormais rendra le ciel plus pâle, et nous irons chercher dans le souvenir les vent-coulis de la mort. Garç
580 is l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’approchait en faisant la roue — celle à qui sourit la Fortune. Urba
581 a Fortune. Urbain, fort d’une hérédité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel
41 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
582 circulaire pour Paul Morand, auteur de « Lewis et Irène » L’auteur de maint roman de caractère gras quitte Charing-Cro
583 e : … Irène. (Grasset, 1924… … y compris la Suède et la Norvège.) On lit dans les Nouvelles littéraires , du 8 janvier
584 ire général du ministre des Affaires étrangères ; et pour la mariée : Son Excellence M. Diamanty, ministre de Roumanie à P
42 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
585 très bel auditoire, est un des plus passionnants et des plus controversés de l’histoire. L’un de ceux, aussi, où il est l
586 rupuleux, qui juge d’après les textes, les causes et les effets vérifiables, et non d’après un système préconçu. (Cette at
587 les textes, les causes et les effets vérifiables, et non d’après un système préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’on
588 t, entre 1578, date de la proclamation de l’édit, et 1685, date de la révocation, la France passa de la plus grande libert
589 e, un archevêque libertin, Harlay de Champvallon, et surtout Madame de Maintenon. Tous ces gens conciliant fort bien leurs
590 a révocation serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui faire pardonner les erreurs de sa jeunesse. Le roi, « 
591 « tourner » l’édit par mille arguties juridiques. Et les statistiques faussées peuvent faire croire à une très forte dimin
592 politiques (guerre de la confession d’Augsbourg) et surtout morales : car malgré des félicitations arrachées par Louis XI
593 é les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ». Et les persécutions contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que de « 
594 séquences de nos jours encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage
595 uis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre et d’une si élégante science du sympathique professeur de Grenoble. i.
43 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
596 e vie conjugale, la décristallisation progressive et réciproque des conjoints. » On sait que Beyle appelait cristallisatio
597 gens de ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait plus leur imposer de feindre encore ce que le
598 andit entre eux dans leur isolement, inexplicable et mal avoué. L’on songe à une fatalité intérieure qui les ferait se meu
599 faitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’homme… « Captif de sa pr
600 t est justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une im
601 e étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Paysages tristes
602 désolées où ils se développent. Paysages tristes et sans violence, autour de ces êtres dont la détresse est d’autant plus
603 avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arbre coupé découvrant
604 mbre d’une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumé
605 e manoir perdu, des fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de passion.
606 dère (Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, février 1927, p. 265.
44 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
607 r de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal bientôt les rejoindra dans l’armoire aux
608 end le plus sympathique. « Officiellement comblé, et par dedans… comment bien dire ? inquiet ? aride ? heureux ? » pour lu
609 nce indispensable au perfectionnement de son âme. Et qu’importe si les Allemands qui, fréquente sontae, pour notre plaisir
610 s qu’il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l
611 lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, —  et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de f
612 ce du cœur qui contraste avec une vie voluptueuse et assez désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ameline, un amour se n
613 se et assez désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ameline, un amour se noue, qui commence où souvent l’on finit. Et peu
614 mour se noue, qui commence où souvent l’on finit. Et peut-être l’amour n’est-il possible qu’entre deux cœurs que l’épreuve
615 pas exténués. Mais alors quelle avidité cruelle, et peut-être tendre, à se faire souffrir rejette l’un vers l’autre ces ê
616 rir rejette l’un vers l’autre ces êtres égoïstes, et fonde lentement leur amour, à force de petites blessures. Ce n’est pa
617 it de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez
618 mposition de cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en faire reproche à l’auteur. Cette espèce de
619 si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvolte, glacé, passionné. ad. « Guy de Pourtalès : Montclar (NR
620 Montclar (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans do
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
621 uicider, d’autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’il fait très froid dans m
622 très froid dans ma chambre : le feu n’a pas pris, et d’ailleurs cela n’en vaut plus la peine. (Veuillez ne pas voir dans c
623 s ai oubliée. Puis je vous ai revue, aux courses, et c’est là que j’ai découvert que vous existiez en moi, à certain désag
624 arracher à une obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouvie
625 es regards croisés n’avaient aucune signification et que mon anxiété seule leur prêtait quelque intention. Quand enfin l’o
626 ut près de vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma présence… Mais, alo
627 Je venais d’entrevoir l’image d’un couple heureux et banal, votre sourire répondant au mien, comme on voit au dénouement d
628 comme on voit au dénouement des films populaires et sur des cartes postales illustrées. Déjà la foule des danseurs nous s
629 ait. Je sentis une invincible lassitude me saisir et m’assis à l’écart. On me demandait, en passant, si j’étais malade. Je
630 œur. L’aube parut. On éteignit toutes les lampes, et les couples charlestonnaient plus furieusement dans l’ombre livide, a
631 furieusement dans l’ombre livide, aux cris fêlés et déchirants des saxophones. Sortie dans un matin sourd, frileux, qui a
632 désordre où je venais de jeter mon col de smoking et un œillet, pauvre gentillesse d’une autre femme dont le seul défaut f
633 aimer… (Froid aux genoux, odeur de vieille fumée, et ce refus au sommeil qui meurtrit jusqu’à l’âme.) Convulsions d’orifla
634 rs. « Vers 4 heures, me disais-je elle y entrera, et , me glissant auprès d’elle, je pourrai lui dire très vite quelques mo
635 de dix personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais un petit arrachement, comme précisément
636 personnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais un petit arrachement, comme précisément un enf
637 Je me disais encore : Si je prends cet ascenseur et que je la croise en route dans l’ascenseur descendant… Il aurait fall
638 e-là qui venait de tourner à l’angle de cette rue et qui avait votre démarche. Mais, pendant ce temps, vous pouviez paraît
639 mon désir surmené vous appelait encore, haletant. Et le temps passait, à la fois si lent — jusqu’à l’arrivée du prochain m
640 eau, les jambes fatiguées, les paupières lourdes, et ce chant désespéré qui vous appelait, assourdissant mes pensées ; et
641 ré qui vous appelait, assourdissant mes pensées ; et ces élans réticents, maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe
642 sifflement particulièrement doux pour ma fatigue, et ces gens pressés et songeurs respectaient la folie douloureuse qui de
643 èrement doux pour ma fatigue, et ces gens pressés et songeurs respectaient la folie douloureuse qui devait contracter mon
644 ue je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des affiches, tout en marchant sans fin dans les coul
645 ntes. Je voyais avec une sombre joie les employés et les voyageurs s’inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trot
646 ouviens plus que de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vous en accuse pas. À peine si je puis
46 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
647 eau dans la préface des Mariés de la tour Eiffel. Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul
648 tre que la poésie consiste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est un cheval savant qui la lui a dictée : « Madame E
649 r les surréalistes, donnés à la fois comme poèmes et comme dictées de l’inconscient, au fond desquels on a si vite fait de
650 le psychanalyste. Je pourrais poursuivre le jeu. Et puis, il y a aussi des sortes de calembours… Art chrétien, a-t-on di
651 rincipes chers à l’auteur du Secret professionnel et de la préface des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et défini
652 ace des Mariés — principes dont l’énoncé brillant et définitif restera l’un des titres les plus authentiques de Cocteau. P
653 itres les plus authentiques de Cocteau. Précision et relief du dialogue, ingénieuse utilisation des expressions courantes,
654 cteau ait réalisé là exactement ce qu’il voulait. Et pourtant cette admirable machine ne m’inquiète guère : je sais qu’ell
655 .) 5. M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et même il appelait Orphée « une tragédie de l’amour conjugal ». Vraimen
47 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
656 nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a des so
657 s pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a des soirs où tout ça
658 ient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a des soirs où tout ça semble idiot. Il y a des
659 ù une idée de la responsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 personnes en huit soirée
660 ’agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper quatre heures durant… Mais la vision, rapidement entre
661 , lugubrement fardée, l’haleine mauvaise, édentée et tâchant à prendre un accent anglais d’un comique assez macabre. Ses d
662 e spectacle que celui d’une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en prononçant de séniles calembours… Pé
663 onstre. Ils se réunissent parfois autour d’un feu et le contemplent un certain temps en silence. « Well ! », dit enfin Dar
664 oul amène un scénario né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet
665 n projet à deux faces. Lugin, qui est théologien, et de la Tchaux, n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que j
666 mme Mossoul. Pourtant, au milieu de ce paludesque et stérile consistoire, une idée de génie vint s’asseoir certaine nuit.
667 upe toute la largeur de la scène. Titre : Socrate et Narcisse, un acte à grande figuration. » Enfin l’on joua aux petits d
668 ’on joua aux petits dés le sort de notre parade — et l’on gagna. Enthousiasmé, « Mimosa » partit pour la Riviera afin de n
669 Synovie », parade « née du mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un
670 x actrices, M. Grosclaude son fils Lucas Loukitch et une mise en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre d
671 ore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut trente membres et cent doigts dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’oreill
672 gts dans deux lits. Combien cela fait-il de pieds et d’oreillles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’éteignit da
48 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
673 elever les indices chez ses jeunes contemporains, et qu’il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son exp
674 t qu’il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son regard se prom
675 , cet air de rêverie d’un homme qui en sait long… Et , certes, il faut être un peu mage pour porter tant de richesses avec
676 tabler au café en face des personnages de Jaloux. Et peut-être que la comtesse Rezzovitch a rencontré M. Paul Morand, mais
677 u’elle livre si facilement au héros plus confiant et secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme P
678 ’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais comme on aim
679 . Peu à peu l’image d’Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit de long
680 es lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit d
681 , seul, il la revoit dans une vision prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là un sujet qui convient admirablement à
682 ssent aujourd’hui un réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos
683 ves éveillés. Tout un système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou tyrannise aveuglément, car « no
684 nous tromper sur tout ce qui est profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’
685 M. Jaloux évite le péril d’un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il maintient entre ces deu
686 maintient entre ces deux inconscients : l’époque et l’être secret du héros. Il sait mieux que quiconque aujourd’hui faire
687 z-vous manqués, lettres perdues, aveux incompris, et peut-être, un quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (com
688 n personnage épisodique : « Il confondait la rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »). Une telle œuvre, dense, sans ob
689 : « Il confondait la rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »). Une telle œuvre, dense, sans obscurité, riche et décant
690 »). Une telle œuvre, dense, sans obscurité, riche et décantée, profonde et délicieuse, gagnera à son auteur beaucoup d’ami
691 ense, sans obscurité, riche et décantée, profonde et délicieuse, gagnera à son auteur beaucoup d’amis inconnus. af. « Ed
692 aimée… (Plon, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1927, p. 387-388.
49 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
693 ilm d’avant-guerre ; un film japonais ; Entr’acte et le Voyage imaginaire, de René Clair. La Mort de Phèdre (environ 1905
694 uit par trois ou quatre claques sur la poitrine ; et une crise intérieure par un court accès de danse de Saint-Guy. Art cl
695 un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et parmi les toits flottants, c’est assez tragique. Mitrailleuse de phar
696 esques à trois dimensions mêlées avec une lenteur et une perfection dont une brève vue verticale donne la clé… Un enterrem
697 s dételé. Les amis affligés mangent les couronnes et suivent à grands sauts lents, solennels. Ils revoient la danseuse, fo
698 stre dont la baguette éteint tous les personnages et lui-même. ⁂ Le tout ne dure pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous ma
699 es et lui-même. ⁂ Le tout ne dure pas 20 minutes. Et c’est heureux. Nous manquons d’entraînement dans le domaine du mervei
700 ns le domaine du merveilleux moderne. Un peu plus et nous demandions grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que
701 her d’admirer l’utilisation artistique ingénieuse et précise de certaines théories sur le rêve, le peuple, qui n’a pas vu
702 le résultat avec la naïveté qu’il faut, approuve et dit : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve. » Un des défauts d’
703 presque inévitables dans une production de début, et Entr’acte mérite d’être ainsi qualifié : c’est peut-être le premier f
704 acteur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour le film 1905, on a sans cesse envie de cri
705 René Clair un sens du miracle assez bouleversant. Et je ne parle pas du miracle genre conte de fée, comme le Voyage imagin
706 le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées paraissent vieux jeu avec leur baguette, pour moi qui chaque
707 ère qui la métamorphose ; c’est un temps nouveau, et l’espace en relation se modifie pour maintenir je ne sais quelle harm
708 té aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pensions la seule possible. Le monde « normal » nous apparaî
709 rdis, dans un pays d’illuminations vertigineuses, et nous en sommes encore à nous frotter les yeux… Peut-être, quand nos r
50 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
710 r que ce témoignage sur les générations nouvelles et leurs maîtres soit lu par tous ceux qui cherchent à s’orienter dans l
711 pourvues d’une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solution universelle, la foi, il résume en lu
712 sume en lui cette inquiétude qui fait la grandeur et la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop
713 e qui fait la grandeur et la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte, où sa jeunes
714 ration nouvelle » avec une intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d
715 ant qu’à l’approfondissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois my
716 rocédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands traits de notre inquiétude. (Mai
717 tion de créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un inquiet qui veut le rester ? Ces deux solution
718 foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la sérénité… Au reste, n’
719 ablement les exigences conjointes de l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore…
720 étude (Perrin, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1927, p. 563-564.
51 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
721 une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’elle peut faire d
722 on échappé des Enfers — auxquels je crois encore, et pas seulement pour le pittoresque. — Attrape !   Il n’existe pas de t
723 lendide comme un éclat de rire de condamné à mort et à l’éternité. Le diable avait pris des avocats dont les plaidoyers, t
724 s plaidoyers, tissus des mensonges les plus beaux et des plus mélodieuses palinodies, font encore rêver les anges écœurés
725 élodramatique, d’une voix torturée, hurle au pape et au diable un anathème sanglant. Louis Aragon, avocat de l’infini, ann
726 omprends pas ». On dit : « Je ne comprends pas », et l’on pense : « C’est donc incompréhensible ». On dit : « C’est incomp
727 nsible ». On dit : « C’est incompréhensible ! » — et l’on est enfin rassuré. C’est incompréhensible !, trois mots dont l’
728 se de la loi sociale, patriotique, religieuse (?) et ci-devant morale qui protège votre paresse à concevoir en esprit. Ces
729 is mots vous ont délivré du plus absurde malaise, et vous rallumez votre cigare. Vous vous êtes assuré que la porte ferme
730 chambre du ciel. À travers l’amour ou la poésie — et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantôm
731 dorables du désir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût de s’amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffri
732 mépris de l’honneur, le mot de Cambronne prodigué et des phrases d’un fascinant éclat : « Ô grand Rêve, au matin pâle des
733 de craie où t’accoudant tu mêles tes traits purs et labiles à l’immobilité miraculeuse des statues7. » Il s’agit bien de
734 e des tentatives de libération les plus violentes et belles — malgré tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de f
735 gré tant de maladresses dédaigneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ait connue l’esprit humain. Sens de l’Abs
736 se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infini, et cet infini nous écrasait. Comment aurions-nous accepté le sort commun
737 eu d’expression plus haute de l’angoisse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’elle est née dans un caf
738 sse humaine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du mo
739 rien de rien. » Riez-en donc, pantins officiels, et vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix
740 » Riez-en donc, pantins officiels, et vous repus, et vous, dubitatives barbes. Je viens d’entendre la voix d’un mystique.
741 omètre eût indiqué 39° selon toute vraisemblance. Et voici Aragon revêtu d’une dignité tragique qu’il trouverait sans dout
742 la part de littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des prétentions désobligeantes de l’auteur, son in
743 véritablement désespéré. Un Musset moins frivole et plus pervers, moins sentimental et plus sensuel, moins spirituel et p
744 moins frivole et plus pervers, moins sentimental et plus sensuel, moins spirituel et plus cinglant. Au lieu de vin doux,
745 oins sentimental et plus sensuel, moins spirituel et plus cinglant. Au lieu de vin doux, on nous sert des cocktails (un Mu
746 un Musset, seulement transposé dans notre siècle et chez qui tout est devenu de quelques degrés plus violent, plus acerbe
747 lus violent, plus acerbe, plus profond. En somme, et avant tout, un écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait t
748 tout, un écrivain, un bel écrivain, comme on dit. Et qui sait tirer un admirable parti littéraire de son tempérament vif,
749 parti littéraire de son tempérament vif, insolent et ombrageux. « J’appartiens à la grande race des torrents. » Une belle
750 pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et ce que je prenais pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt un
751 ottisme assez fréquent dans les cafés littéraires et dont il serait le premier à s’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague
752 ’amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libertinage. Sous une certaine rhétorique — mais la plu
753 torique — mais la plus belle, — ce qui tressaille et m’atteint au vif, c’est tout de même un désespoir en quoi je ne vais
754 manuels de littérature — : « Un mysticisme creux et affamé est le contrecoup du christianisme dans les âmes profondes ou
755 tout de même moins misérable que Clément Vautel — et si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche qu’on n’a jamais fi
756 nous tromper sur ce qu’il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. » (Edmond Jaloux.) Entre un
757 mes revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depuis quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me
758 -ci, beaucoup trop à faire, beaucoup trop d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi :
759 aire, beaucoup trop d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : submergés, absolument
760 , sans se demander jamais si cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé des Maurras et autres « hériti
761 mander jamais si cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la gr
762 a santé et la raison. Il s’est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gréco-latine » pour assigne
763 fois dévote, phraseuse, sèche, d’humeur acariâtre et réactionnaire. Vous tracez des frontières géographiques à la raison ?
764 vos principes. Avec l’esprit contre votre raison. Et avec Aragon lorsqu’il vous crie : « À bas le clair génie français. »
765 anifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques centaines (?) d’individus pour qui l’esprit est la seule
766 parer du concept de l’esprit celui de Révolution. Et j’entends ce mot dans son sens le plus vaste. Il y a eu quatre-vingt-
767 notre petite révolution à nous, dans tel domaine. Et c’est même ceci que je ne puis pardonner aux surréalistes : qu’ils ai
768 , Montaigne, Descartes, Schiller, Voltaire, etc., et tout ce qui leur correspond dans l’ordre politique par exemple. Parce
769 s libérer de cette manie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter a
770 vos ennemis de discuter avec eux dans leur langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ils ont dit blanc ? Pensez-vo
771 n si authentiquement, si déplorablement français. Et puisque nous en sommes au surréalisme, ce produit parisien qui, comme
772 ivre ailleurs… Mais non, il y aurait trop à dire, et puis l’on croirait encore que je suis avec ceux qui traitent Aragon,
773 que je suis avec ceux qui traitent Aragon, Breton et leurs amis alternativement de dévoyés, de farceurs, de chacals, de dé
774 de dévoyés, de farceurs, de chacals, de déments. Et puis surtout, l’heure est venue de clore des discussions énervantes o
775 uit sans cesse par la quatrième dimension. Aragon et les surréalistes auront raison même encore s’ils ont tort, envers et
776 auront raison même encore s’ils ont tort, envers et contre toutes les critiques qu’on pourrait leur adresser, parce que c
777 ls appellent la mort, parce qu’ils ont la passion et l’incommunicable secret de l’invention.   Il nous faut des entreprene
778 nd principe de violence commandait à nos mœurs. … et nous portant dans nos actions à la limite de nos forces, notre joie p
779 e qui prétendait nous empêcher de vivre, de rêver et de souffrir : culte du moi avec ses recettes garanties, chapelets d’o
780 apelets d’optimisme, tyranniques évidences, ordre et désordre, principes de Descartes, mathématiques aux pinces de crabe,
781 — on ne m’y prendra plus ! — morales américaines et hygiéniques en tous genres, instruction publique, situations acquises
782 es, sièges faits, autorités fondées sur la gloire et la sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas des êtres, mais le
783 fondées sur la gloire et la sénilité, etc., etc. Et certes ce n’étaient pas des êtres, mais leurs abstractions que nous h
784 s que nous. Nous nous connaissions dans les coins et nous mourions d’ennui avec les aspects irrévocablement prévus de nous
785 que cette révolution ne demandait qu’à s’asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui nous perdrai
786 ous aimions la Révolution qui nous perdrait corps et biens dans sa grandeur comme une femme merveilleuse nous perdrait cor
787 comme une femme merveilleuse nous perdrait corps et âme dans l’ivresse amoureuse ; nous cherchions cette Révolution de to
788 cherchions cette Révolution de toutes nos forces et séductions, comme on cherche cette femme à travers toutes les femmes.
789 Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et  : encore un qui rue dans les brancards, c’est très bellettrien. Un di
790 avons tous fait ça Plus ou moins, n’est-ce pas ? Et puis l’aiguille divague vers des souvenirs, quand nous allions tous d
791 quand nous allions tous deux, ces bonnes farces, et aussi pourtant des histoires de copains qui ont mal tourné, on pensai
792 eunesse, mais voyons des affaires plus sérieuses. Et tout est dit. Ah ! c’est vrai, il allait oublier, il y a encore cette
793 s, surréalisme ? — Baptisé il y a cinq ou six ans et mort des suites. Quand cesserez-vous de nous faire la jambe, pardon e
794 noce, écrire un livre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écrivons Révolution, et nous offr
795 s pour se gausser quand nous écrivons Révolution, et nous offrir un billet (simple course) pour Moscou, ou encore pour dem
796 ur demander à qui, enfin, à quoi nous en voulons, et finalement nous écraser par l’évidence définitive de notre absurdité.
797 é. Car l’homme « s’est fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’
798 d’éclairs qui nous atteignent sans cesse au cœur et nous revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’a
799 us revêtent miraculeusement d’aigrettes de folies et de joies ; n’allez pas nous toucher, nous sommes dangereux. Un orage
800 rever sur le monde. Aigles d’amours, oiseaux doux et cruels, nous parlerons vos langues aériennes. On n’acceptera plus que
801 ir. 7. Une vague de rêves (dans Commerce). 8. Et malgré certaines théories bien superficielles et hâtives, comme cette
802 Et malgré certaines théories bien superficielles et hâtives, comme cette prétention à la libération par le Rêve. « La lib
803 berté commence où naît le merveilleux. » Au vrai, et surtout pour un homme qui élit Freud « président de la République du
804 rêve. Le rêve, c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettr
805 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musset de La coupe et les lèvres. Mais oui, c’est paradoxal. 11. Les livres les plus répan
806 Les livres les plus répandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière vie
807 épandus à Genève sont Ma vie et mon œuvre de Ford et Mon curé chez les riches. Très loin derrière viennent des France et d
808 es riches. Très loin derrière viennent des France et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus étroit, qu
809 des France et des Bordeaux. 12. Proust excepté, et dans un domaine plus étroit, quelques esthètes du machinisme. 13. Le
52 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
810 avec maîtresse. École savait le mythe du voyage, et qu’on ne manque pas le train bleu d’un désir. Elle était donc venue.
811 renons. » On lui offrit immédiatement un fauteuil et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’il savait … R.S.V.P
812 a dans le salon de la duchesse, lui baisa la main et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’en fut avec un tact exquis, q
813 . Le duc riait sous une table, complètement ivre, et Bettina lui disait à l’oreille : « Mon chéri, si j’aime la comtesse ?
814 la me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui. L’enterrement aura lieu sa
815 lomon le danseur triste baisa cette main cruelle… et quitta le bal au matin. Il neigeait dans les rues sourdes comme un so
816 aces du passé. Cet abandon aux fuyantes chansons, et des violons déchirants dans sa tête… Mais le sommeil s’évaporait aux
817 pensive des jardins. Une fenêtre s’était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se
818 . Il respire déjà l’odeur merveilleuse des objets et des êtres véritables. Un bateau ne glisse pas plus doucement vers le
819 va s’ouvrir, qu’un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’e
820 devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. Et bien sûr, je n’ai pas bougé. C’est une question d’amitié. Pourtant je
821 d’amitié. Pourtant je suis seul dès cette heure, et mes amis fuiront un lâche. Parce que je reviens seul. Mais moi, qui r
822 es à de certaines grandes dames où je préférais — et lui aussi — me rendre seul et sans argent. Je ne voulais pas le reten
823 s où je préférais — et lui aussi — me rendre seul et sans argent. Je ne voulais pas le retenir, Je ne pouvais pas le suivr
53 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
824 , n’ignorent rien des courants les plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que le meilleur ; mais l’émulation
825 extrémismes sont prônés comme vertus cardinales, et qui forme ailleurs le premier public des jeunes artistes, n’existant
826 odigue, s’il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’on n’attendait pas m
827 lice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de n
828 i dates de naissance, ni traits d’enfance géniaux et prophétiques, ni opinions de critiques autorisés. Du benjamin, Eugène
829 les fenêtres, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à
830 uelques années à des recherches un peu théoriques et abstraites. De cette époque datent des toiles comme le Souvenir de l’
831 des toiles comme le Souvenir de l’Évêché. Décors et personnages semblent d’une matière idéale. Tout est lisse et parfait.
832 ges semblent d’une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il manque à ces recompositions de la
833 isonnière qui regarde ailleurs… Qu’il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière,
834 s scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater combien l’épuration rigoriste de sa tech
835 n art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user avec la sobriété qui produit le maximum d’expression. Ce
836 e qui permettra de reconnaître une de ses œuvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où
837 de s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans des formes claires a su les renouveler. Il
838 quelques frileux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927
839 eur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme
840 o ou de Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes qui le pr
841 de des yeux de Japonais d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air de song
842 sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuchâtel la troisième… Il y a par Eugène Bouvier quelque chose de no
843 uliers chemins d’accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau de Bouvier, c’est toujours une sorte de
844 ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout devient satisfaisant. Ce lyrique, ce mystique exige pour être co
845 gne entre deux pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlent, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’un l
846 es. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlent, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’un lac, certaines atmos
847 iquidité d’un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, calme, légères précipitations » annonce le
848 cènes d’une bizarre fantaisie, un mélange de Rops et d’Ensor ; pensait-on… Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G.
849 ment s’éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa technique auparavant volontairement maigre se faisait trop lâche.
850 rt est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une toile comme le Potier. Si la couleur n’est pas e
851 hesse de lueurs sur une matière traitée largement et d’une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup
852 pour s’en assurer. La tête large, aux yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains d’un si beau dessin, qui ont du po
853 , les mains d’un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela communique une impression de puissance domp
854 la communique une impression de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et
855 re une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renaissance » : le costume est drapé ave
856 e devant le visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure
857 ées à vendre des couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soient aussi bea
858 ant le sujet, de l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le plus jeune des frères. Il vient appor
859 dans l’utilisation du clair-obscur qui simplifie et renforce l’expression. Décidément ces trois frères sont une école. Dé
860 yaume d’Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver guide plus pittoresque. Celui-ci s’était éga
861 ez la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu des
862 re ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu des choses bien curieuses sur son compte. Il a
863 sserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris d
864 rge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prodige ? Intrigué, vous repr
865 u traditionnelle, d’un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son cost
866 emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans des morceaux comme le Jo
867 équilibre entre le réalisme imposé par les sujets et un style qui sait rester ample, d’une simplicité non dépourvue de pui
868 tisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art, compose des coussins, des couvertures de livres, des
869 livres, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine de petits tableaux en papiers découpés, av
870 ités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et dont Neuchâtel 1927 sera la première manifestation collective. Est-i
871 part, des œuvres aussi différentes par leur objet et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili,
872 ent toutes une recherche de la simplicité savante et de la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse q
873 int si nous n’avions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité d’une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est t
874 s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté u
54 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
875 Lecache, Jacob (mai 1927)ah Voici un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’une beauté assez brutale, pour nous
876 pas d’une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M. Lecache présente le problème juif avec une obs
877 arais. Le père est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révo
878 e ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob
879 prend une âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités pou
880 ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont
881 és pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont le profond ricanement se prolonge en nous. Je crois entendre Jac
882 d’être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et
883 tin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de me craindre. » ah. « Bernard Lecache : Jacob (NRF, Paris) », Bib
884  : Jacob (NRF, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 689-690.
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
885 ude actuelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par l’acharnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à une conce
886 ait bientôt considérer toute joie comme illusoire et livre l’individu pieds et poings liés à l’obsession qu’il voulait avo
887 te joie comme illusoire et livre l’individu pieds et poings liés à l’obsession qu’il voulait avouer pour s’en délivrer peu
888 encore l’« élan mortel » que décrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre o
889 re ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; ma
890  ; mais qu’elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin de certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n
891 dégoûtant et mesquin de certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’est pas encore détaché de la matière po
892 e n’aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais
893 dans l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. « René Crevel : La
894 icile (S. Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 690.
56 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
895 a douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus séduisant, le plus dangereusemen
896 même, de laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de couleur, plus sentimental qu
897 us sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile et c’est heureux. » Il y a aussi un certain tragique, mais au filet si a
898 e de la douleur (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 693-694. ak. En romain dans l’
57 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
899 udesse. « Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonné à mal » (
900 a mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonné à mal » (Calvin). Le tableau n’est pas beau, mais on
901 cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonné à mal » (Calvin). Le tableau n’est pas beau, mais on y sent un
902 -t-il avec une franchise qui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on est bien heureux de rencontrer chez les jeunes
903 e point le sens de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occident. Les questions capitales po
904 redonner quelque vitalité à notre civilisation, —  et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du ch
905 a du chirurgien chez ce soldat devenu « scribe » et qui s’en exaspère. Souvent maladroit, incertain, brutal : mais faison
906 voici un homme d’aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff. al. « Pierre Drieu la Rochelle : La Sui
907 dées (Au Sans Pareil) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 694.
58 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
908 Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)m … et je jure par Mercure, dieu du commerce, qu’on m’a appris à voler. Ari
909 ). Dès qu’on eut déposé devant Isidore un malaga et une eau minérale devant son étrange convive, celui-ci prit la parole
910 ans, dix ans au plus. Après, c’est un long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur ses positions. O
911 arda longuement. » Mes parents me savaient vierge et c’était la joie de leur vie, car ils aimaient en moi par-dessus tout
912 e qu’il a de plus étrangement prosaïque à la fois et bêtement heureux. Le lendemain était le premier jour du printemps. Le
913 e bleu. Je sortis avec cette femme, qui m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de
914 ui m’aimait, et nous étions très jolis de bonheur et d’insouciance dans le bonheur de la saison. — Au soir, mon père savai
915 après un silence vertigineux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’empara de mon corps tout entier, je criai un
916 tout entier, je criai un juron, claquai la porte et courus dans ma chambre. Une demi-heure plus tard, j’étais à la gare,
917 écrivais un mot d’adieu à ma maîtresse d’une nuit et je partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle
918 on pays natal ! — Je vécus d’articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant u
919 terrasse ensoleillée d’un café ; une brise passa, et une femme en robe bleue légère qui me regarda un instant, si doucemen
920 d’abord qu’un bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firen
921 oyait la mer, des bateaux, des nuages, une avenue et ses autos rouges, tout un couchant de grand port de la Méditerranée.
922 si envie de pleurer, à cause du soir trop limpide et trop vaste, comme un avenir de bonheur fiévreux — celui justement que
923 ue, toutes les offres du hasard, ce poète immoral et malicieux. » Je ne sais dans quel rapide de l’Europe centrale — régio
924 un monde sans vieilles filles, sans capitalistes et sans gendarmes. Je sais bien ce que vous me direz : Les millions que
925 al avec l’économique, qu’une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ils appellent, ridicule
926 ur la gloire de l’Église. (Ici, il but une gorgée et prit un temps.) » Je vous fais grâce, poursuivit-il, de la chronique
927 ivit-il, de la chronique de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que… Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à j
928 er, très souvent ignoré d’elles-mêmes auparavant, et pas toujours défavorable, croyez-le bien… Le goût de la propriété éta
929 ropriété étant à mon sens l’un des plus vulgaires et des plus généralement répandus, j’ai vite fait de classer mon monde d
930 observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vérifie les manifestations vivantes avec une prodigalité d’épreu
931 rodigalité d’épreuves, contre-épreuves, variantes et enjolivures où je vois le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dir
932 eait à émettre une opinion, même la plus générale et la moins compromettante, sur cette vie dont le récit n’avait pas lais
933 elle m’apparaît comme un divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Ca
934 n divertissement perpétuel et dénué d’inquiétude. Et cela n’est pas sans me charmer, croyez-moi. Car, enfin, si je suis ic
935 pas dire inconscience ! qui s’attache à vos faits et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit de quelqu’une de ces farc
936 euvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et , pis, d’agréablement paradoxal. Seulement, pour quiconque est aussi p
937 olté » prend une saveur de raillerie assez amère. Et peut-être apprendrez-vous à découvrir derrière certaines de mes plais
938 evue de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’elles n’engagent pas sa responsabilité. (N. de la R.) »
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
939 ntiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs amours, l’égoïsme, le mépris de la réal
940 a réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes
941 s ses formes : raison, jugement, simple bon sens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin de tous les principes qui s
942 rise, les valeurs auront retrouvé leur stabilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal de Genève parlait naguère, tu
943 t entraîner assez naturellement chez des jeunes «  et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vice
944 la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison utilitaire au
60 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
945 ver Patsy, l’Irlandaise perdue par cet improbable et sympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte d’une flânerie de sa
946 vous découvrez dans ses fantoches une malicieuse et fine psychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit un peu. « Tou
947 e son neveu de fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer dans les cafés. Et p
948 rer sur la Bible de ne pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela est sans importance, car voici «
949 lisse un grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. « Pierre Girard : Connaissez mieux le cœur des fem
950 es (Simon Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juillet 1927, p. 114-115.
61 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
951 si je dis : « Avez-vous lu… », vous voilà rouge ; et sur moi les foudres de votre paradis poétique. Si je cite tel auteur
952 i cher. Il y en a aussi qui posent pour le diable et ne se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent
953 rs : on voit trop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en
954 plaisir d’être nu devant un public supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité
955 supposé dévot, et qui n’ose en croire sa pudeur, et qui doute enfin de l’impossibilité des miracles ! Quelles voluptés pl
956 ité des miracles ! Quelles voluptés plus subtiles et plus aiguës ? On vaincra jusqu’à sa gueule de bois pour en faire des
957 ’eau un goût étrange. L’eau est incolore, inodore et sans saveur. Mais fraîche. Ainsi, jusque dans votre mépris pour le pi
958 ’allez pas me surprendre par-derrière. Une fois — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force
959 ’il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le fli
960 ses déclarations d’amour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ai
961 our dire le fond de ma pensée, je crois ce mépris et cette attente également exagérés. Vous savez bien que nous cherchons
962 ttérature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer d’autres choses, d’autres actions, ou des états intérieur
963 puissance15. Il faudrait des choses plus lourdes et plus irrésistibles, percutantes. Qui vous échappent en vous blessant.
964 n, comme le goût d’une pierre rêche sur ta langue et grinçante sous ta dent. Des souplesses qui se retournent brusquement
965 ent. Des souplesses qui se retournent brusquement et vous renversent. Des présences tellement intenses que tout se fond ca
966 unicable qu’il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réal
967 haine de cette esthétique ou de ce sens social, —  et voilà qu’ils perdent même la problématique utilité de liaison qui éta
968 états de crise afin de retrouver son équilibre — et dont on tire parfois quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer
969 tit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est une réaction de défense. On cherche un mot, une phrase, pour tu
970 réalité dont la connaissance devient douloureuse et troublante. Ainsi la conscience tue la connaissance. (« Connaissance 
971 ue. Il ne s’agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde moderne se contente, et qui tend à remplace
972 et rationnelle dont le monde moderne se contente, et qui tend à remplacer, grâce à la mentalité scolaire et primaire en pa
973 i tend à remplacer, grâce à la mentalité scolaire et primaire en particulier, toute connaissance véritable du monde.) Litt
974 ’avoue prendre à cette étude un intérêt bien vif. Et cela fournit un merveilleux sujet de conversation, au café. Dans un s
975 irme que je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sû
976 a exprimé : « On publie pour chercher des hommes, et rien de plus. » Chercher des hommes ! Ah ! cher ami, nous ne sommes p
977 n’est-ce pas, à poursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’elle nous vaut : les mépris, les haines douloureuses
978 ales, ou menaces pour leurs instables certitudes, et qui nous font un péché de notre acceptation des réalités spirituelles
979 ’elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes certitudes, le seul langage peut-être qui nous perm
980 belle histoire, une autre très belle histoire ». ( Et vous verriez à quoi cela peut servir, une citation.) Mais non, cher a
981 de monde ici. 14. Paul Morand, auteur d’Ouvert et de Fermé la nuit, titres également scandaleux. Le Grand Écart, roman
982 ris. Cambronne (général), 1770-1842. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, d
983 2. Louis Aragon et Paul Éluard, hommes de lettres et poètes surréalistes. Paul Valéry, de l’Académie française. Narcisse,
984 nes ». Leurs amours sont des pastiches de Morand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’à les écrire ». o. « La
62 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
985 jours (juillet 1927)p Ces « cahiers politiques et littéraires »17, rédigés par Drieu la Rochelle et Emmanuel Berl, sont
986 et littéraires »17, rédigés par Drieu la Rochelle et Emmanuel Berl, sont — avec la Revue de Belles-Lettres — la seule re
987 langue française où l’on dise la vérité librement et pour elle-même. Nous regrettons de n’en pouvoir citer, faute de place
988 de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les
989 u Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là travaillent à
990 onscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’un certain m
991 tain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les homme
992 contre le joug atrocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un
993 itiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous
994 lerez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? » Certains cris qui nous échappèrent n’avaient pas d
63 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
995 radition — en ceci au moins. Nous nous retirons : et ce n’est pas que nous ayons brûlé toutes nos cartouches. Ni que l’ind
996 qui peuvent échapper à un jeune homme moins grave et qui manifeste franchement sa jeunesse. (« Vous vous souciez vraiment
997 qu’il n’en est aucune qui ne soit connue d’avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun re
998 nnue d’avance et stérilisée par la loi, les mœurs et l’habitude. Nous n’avons aucun remords d’avoir déçu cette catégorie d
999 lentendus viennent de là. Nous sommes assez sages et assez fous pour ne pas en gémir et pour en accepter les conséquences.
1000 es assez sages et assez fous pour ne pas en gémir et pour en accepter les conséquences. Et puis, de temps à autre, voici q
1001 as en gémir et pour en accepter les conséquences. Et puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui
1002 ouvertes qui nous consolèrent de tout le reste.   Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaque année, renaissant
1003 nt de tout le reste.   Et maintenant voici Genève et son mystère. Car chaque année, renaissant des décombres où s’anéantir
1004 naissant des décombres où s’anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’élance av
1005 Central de Genève ? Tout est possible : la guerre et la paix, la tradition, l’anarchie, l’ironie, le sentiment, un réveil
1006 réveil des vieux, Maurras, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils on
1007 s, Lounatcharsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, d
1008 charsky, la SDN, et même Edmond Gillard, et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand A
1009 Edmond Gillard, et même, et surtout, un miracle. Et puis, ils ont des vieux un peu là, du grand Arthur-Alfred-Albert au n
1010 ins grand Tanner. (On a fait ses preuves, quoi !) Et puis, qui sait, peut-être sauront-ils rallier le dernier disciple du
1011 rallier le dernier disciple du Bienheureux Jean… Et puis, en voilà assez pour ranimer la curiosité des plus blasés. Lecte
1012 ve. Souviens-toi de la grandeur de ses traditions et ne va pas ajouter à cette lourde charge le poids de nos péchés. Ils s
1013 rge le poids de nos péchés. Ils sont bien nôtres. Et nous y tenons, ah ! comme nous y tenons ! q. « Adieu au lecteur »,
64 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
1014 ntes réminiscences, des évocations intérieures, —  et dans l’abandon de leurs méandres, peu à peu, se précisent les circons
1015 irconstances d’une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 2
1016 ent troubler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres,
1017 sympathie de l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi d
1018 rtaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvr
1019 ns mièvrerie ni vulgarité la grâce un peu trouble et l’insidieuse mélancolie. Un détail piqué adroitement, papillon dont f
1020 ie, de la jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quoi, ce délice furtif, ce que l’auteur lui-même
1021 amours (Plon, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1927, p. 244-245.
65 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
1022 dmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux
1023 parler mieux que personne des poètes scandinaves et des romantiques allemands parce qu’il partage avec eux ce goût du rêv
1024 hie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai,
1025 Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez certaines femmes et l’on y vo
1026 es telles qu’on en découvre chez certaines femmes et l’on y voit une préciosité sentimentale qui touche à la névrose ou bi
1027 illeux piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’il nous mène un peu plus loin que la sempiternelle « stratégie lit
1028 e (Émile-Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1927, p. 787-788.
66 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
1029 ommande, une Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour
1030 le Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des difficultés, hési
1031 , le malaise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pa
1032 re. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathématique au
1033 façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui apparaît en même
1034 aît en même temps que « fatale », « si arbitraire et si facultative », je me dis qu’il n’en saurait être autrement tant qu
1035 bord dans ces 50 pages. Beaucoup sont excellentes et leur facilité même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’un
1036 esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (p
1037 uses révoltes de sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (presque imperceptible, mais ici décisive), une secrète complai
1038 ance du Livre, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1927, p. 791.
67 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
1039 dité d’un semblable système. » Musset. Une rose et un journal oubliés sur le marbre vulgaire d’une table de café. Je ven
1040 gaire d’une table de café. Je venais de m’asseoir et de commander une consommation. Comme d’habitude, un peu après six heu
1041 d’une vie honnête de type courant. Pour dix sous et le prétexte d’un apéro, on entre ici dans le jardin des songeries les
1042 is je suis pris dans l’absurde réseau des lignes, et cette mécanique me restitue chaque fois un peu plus de lassitude, un
1043 ée me gênait : perdre une rose pour le plaisir ! ( Et je ne pensais même pas, alors : une si belle rose.) Le tambour livra
1044 si belle rose.) Le tambour livra un homme élégant et tragique, qui se tint un moment immobile, cherchant une table, puis s
1045 une table, puis s’avança lentement vers la mienne et s’assit sans paraître me voir. Une grande figure aux joues mates, aux
1046 oues mates, aux yeux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quan
1047 e les pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’en allèrent un
1048 s plus rapides s’en allèrent un peu vers l’avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je m’en souviens, une petite automobi
1049 r ses traits. Puis il reprit les dés brusquement, et me fixant avec un léger sourire : — Jouez ! ordonna-t-il. La surprise
1050 La surprise vainquit ma timidité, je pris les dés et les jetai sans hésiter. Il compta de nouveau, puis avec une légère ex
1051 . Je gagnai. Il demanda des portos. Je les gagnai et je les bus. D’autres encore. Ma tête commençait à osciller vaguement.
1052 eurs du bar me remplissaient d’une joie inconnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’en moi-même posait ma rais
1053 erais à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient des tableaux mouvants où je
1054 , le voilà prêt à faire des bassesses pour durer, et tu te réjouissais, parce que tu n’as pas beaucoup d’imagination, et q
1055 is, parce que tu n’as pas beaucoup d’imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situ
1056 que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situations complètement démodées et d’intrigues usées ju
1057 et à travers de situations complètement démodées et d’intrigues usées jusqu’à la corde, jusqu’à la corde pour les pendre,
1058 ce de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme l’argent-fait-le-bonheur. En so
1059 tous ces gens qui perdent leur vie à la gagner9, et leur façon inexplicable de lier des valeurs morales aux cours de bour
1060 anuels scolaires. Les voler, pour leur apprendre. Et leur manie aussi de situer le paradis dans la classe d’impôts immédia
1061 plaisirs, avec assurance contre faillites morales et douleurs d’amour — ô vertige sans prix du lâchez-tout ! Ils ont inven
1062 se morale inconcevable, temples de leurs paresses et de leurs lâchetés, glorification de leur impuissance à concevoir un a
1063 e bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre, perdre ; et
1064 marraine aux dents jaunes. Ah ! perdre, perdre ; et c’est toujours à qui perd gagne ! Sauter follement d’une destinée dan
1065 ême joie, mon cheval fou, mon beau Désir s’ébroue et part sitôt que je vais m’endormir, ah ! galope, caracole, éclabousse,
1066 ont jamais rien, écoutez-les, comme ils me jugent et leurs cris indignés qui couvrent une angoisse. Ça les dérange terribl
1067 d ils n’ont plus que des baisers au goût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et la mort. 
1068 r où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les yeux sur des visions. Les lustres doraient un
1069 ons. Les lustres doraient un brouillard de fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’une femme était assise à not
1070 femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. Elle jouait avec la rose. Les dés roulèrent, pour un der
1071 la table cette rose qui s’effeuilla sur les dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à
1072 dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé
1073 l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser l
1074 regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la
1075 allut se lever, traverser le café dans la musique et la rumeur des clients. Dehors les réclames lumineuses dialoguaient fo
1076 voyage. Je me sentis perdre pied délicieusement. Et de cette nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’au lende
1077 ertains soirs. Il faut pourtant rentrer chez moi, et ma femme m’embrasse et me regarde avec inquiétude, parce que je ne su
1078 pourtant rentrer chez moi, et ma femme m’embrasse et me regarde avec inquiétude, parce que je ne suis plus tout à fait le
1079 m’abats sur mon lit, les cheveux dans les mains. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, souda
1080 s. Et je voudrais pouvoir pleurer sur ma lâcheté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans
1081 heté. Et je t’apostrophe, soudain plein de mépris et de désespoir, ô vie sans faute, vie sans joie… Ah ! plus amère, plus
68 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
1082 (janvier 1928)aq C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est pas si fréquente dans
1083 res de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pen
1084 te magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui faisaient dé
1085 prement romanesque, naissant des situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n
1086 Il y a encore la princesse, le témoin intelligent et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette
1087 ltent à la fois le défaut de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tou
1088 de liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femme aussi femm
1089 uvailles spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas qu’il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « poi
1090 réalise pas une synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Ver
1091 aris (Grasset, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1928, p. 121-122.
69 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1092 es les forces du temps y concourent obscurément ; et , pour peu que cela continue, pour peu que la bourgeoisie intellectuel
1093 s années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’une époque déjà presque
1094 lainte humaine. Il y a ceux qui pleurent le passé et ceux qui prophétisent, ceux qui jettent une imprécation stérile et ma
1095 étisent, ceux qui jettent une imprécation stérile et magnifique contre l’époque et ceux qui cherchent à l’oublier dans le
1096 imprécation stérile et magnifique contre l’époque et ceux qui cherchent à l’oublier dans le rêve, dans l’utopie, dans une
1097 admettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nou
1098 nt. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Fo
1099 nds Henry Ford comme un symbole du monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est approché plus que lui du typ
1100 proché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité unive
1101 a vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec
1102 . Il passe son enfance à jouer avec des outils, «  et c’est avec des outils qu’il joue encore à présent », dit‑il. Le plus
1103 achine de route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. »
1104 onde tôt après la Société des automobiles Ford, «  et commence à réaliser son rêve, le type unique d’automobile utilitaire 
1105 eu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter encore cette production. Ford est le plus
1106 s usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une soluti
1107 ne solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit humainement d
1108 des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’o
1109 éprouve toujours au récit de succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour
1110 la popularité mondiale des « idées » d’Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t
1111 ore de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment un économis
1112 re quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — pensée, métho
1113 l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à
1114 l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et , comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditi
1115 rationnelles de la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion contenue peut donner à l’homme d’action
1116 s c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir
1117 industriel comptait. La tromperie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ait forcé (psycho
1118 de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui
1119 asie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparen
1120 at et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dan
1121 ction s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais
1122 rogressant. Mais la nature humaine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusq
1123 er jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe
1124 consiste à travailler pendant le temps convenable et à gagner, par ce moyen, de quoi vivre convenablement tout en restant
1125 ail de sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles, composent, au total, la grande Liberté idéale
1126 es, composent, au total, la grande Liberté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Lib
1127 e d’huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur qu
1128 es rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la soc
1129 n : « Sur quoi repose la société ? Sur les hommes et les moyens grâce auxquels on cultive, on fabrique, on transporte. » «
1130 lus naïf matérialiste que nous avons affaire ici. Et ses prétentions « idéalistes » n’y changeront rien. D’ailleurs, voici
1131 nous ne concernent pas particulièrement les autos et les tracteurs, mais composent en quelque manière, un code universel !
1132 issent sans réserve aux thèses de cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la f
1133 nous nous absorbons trop dans ce que nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout not
1134 dirigés uniquement vers la production matérielle et vers la richesse qui en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais
1135 irer des conséquences, alors que Ford passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il t
1136 s forces spirituelles, le tout agrémenté d’humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros pu
1137 it prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable err
1138 ligé à la révision des valeurs, la plus difficile et la plus grave : celle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de
1139 : celle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière
1140  » derrière lequel on se réfugie avec une paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’une complicité avec un état de
1141 nce de l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous savons assez en
1142 tinées à charmer les loisirs de personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leur culture », dit Ford
1143 ur admirer mutuellement leur culture », dit Ford. Et tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tr
1144 ens américain. On en fait quelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout.
1145 al et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philosophie. Mais, sans q
1146 Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont incompatibles, le monde moderne impose ce dilemme : « e
1147 en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir spirituellement — ou se soumettre à l’Esprit, et tomber pre
1148 tir spirituellement — ou se soumettre à l’Esprit, et tomber presque fatalement dans un anarchisme stérile. 1° Accepter la
1149 s un anarchisme stérile. 1° Accepter la technique et ses conditions. Dans cette mécanique bien huilée, au mouvement si rég
1150 mouvement si régulier qu’il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à des lois géo
1151 hiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures
1152 t l’usine lui a fait oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifé
1153 ement encore que son travail aux lois d’une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit do
1154 d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docilement l’abstraite et commerciale nécessité. Ennui,
1155 rs réels, et dont il subit docilement l’abstraite et commerciale nécessité. Ennui, fatigue, sommeil sans prière. Cela s’ap
1156 de la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à tous les autres membres de la Nature, choses, bêt
1157 us les autres membres de la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette harmonie universelle, incapabl
1158 pable d’en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même à sa déchéance, abandonné à la lutte tragiq
1159 ême à sa déchéance, abandonné à la lutte tragique et absurde des lois économiques et des exigences les plus rudimentaires
1160 la lutte tragique et absurde des lois économiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le cont
1161 Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par là même, avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et inter
1162 , avec les surnaturelles. Il en ressent une vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte de sa fa
1163 a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou compris par soi-même, la li
1164 avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscie
1165 oi-même, la liberté et une certaine durée normale et capricieuse dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses b
1166 use dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a d
1167 ce de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donné une auto pour admirer la na
1168 a donné une auto pour admirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauva
1169 que, l’Occidental a prétendu maîtriser la matière et parvenir à une liberté plus haute. Or, la technique a révélé des exig
1170 ui nous la firent désirer. 2° Accepter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibil
1171 oments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec celles que le développement
1172 active de Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas » très spécial, — on les écarte des engren
1173 anc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dernière rigueur 
1174 ôté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’une attitude réaction
1175 me. Second pas : en poser les termes avec netteté et courage. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1.
1176 s livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Da
1177 du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue
1178 ngue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambo
1179 . 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembre 1926.
1180 5. 3. L’Illustration, 20 novembre 1926. 4. Ici et là, la révolte perce : « Jugendbewegung » en Allemagne ; surréalisme
1181 ée mystique en Russie. a. « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, n° 4, février 1928, p. 189-202.
70 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
1182 vec Gérard (24 mars 1928)l À Pierre Jeanneret et à son étoile nervalienne. Je vins à Vienne pour fuir l’Amérique. Mai
1183 les dancings, un peuple de fêtards modérés, Juifs et ressortissants de la Petite-Entente, applaudissait chaque soir entre
1184 ville une insécurité qui fait songer à la Russie et au sifflement des balles perdues d’une révolution. Sept heures du soi
1185 moment était venu d’arrêter le plan de la soirée, et cette promenade où il y avait juste assez de passants pour qu’on la s
1186 traire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont séparées que par un léger décalage dans la
1187 er décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d
1188 d’hui le lien qui unissait dans mon esprit Vienne et Hoffmann : c’était le souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que
1189 euse des violons. Le diable sort des parois, noir et blanc, la ravissante héroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbr
1190 éroïne est à son piano, c’est un duo des ténèbres et de la pureté où vibrent par instants les accords d’une harmonie surna
1191 instants les accords d’une harmonie surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je comprends mal. Je me penche v
1192 un amour tragiquement mêlé à des forces inconnues et menaçantes. Mais la musique est si légère, la voix de la jeune fille
1193 mprévisibles transfigurations, — l’heure anxieuse et mélancolique où l’on quitte ce visage aimé pour d’autres plus beaux p
1194 arce que c’est bien toi de nouveau qui m’appelles et qui vas me quitter… — C’est une chose singulière, prononce une voix,
1195 raison d’intervenir entre la réalité de ma vision et mon cerveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences
1196 erveau pris au défaut de sa carapace de principes et d’évidences opaques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et mo
1197 aques. Nous sortîmes de l’Opéra, Gérard de Nerval et moi, sans nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaisse
1198 e progresser. Gérard dut le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’accrochèrent désespérément à ses manches. De t
1199 e est une œuvre d’art qui demande un long effort, et les Viennois sont, par nature et par attitude, des gens fatigués. — P
1200 un long effort, et les Viennois sont, par nature et par attitude, des gens fatigués. — Pour moi, dit Gérard, je situe l’a
1201 n retrouver la sensation jusque dans les choses — et c’est cela seul qui donna un sens au monde. — Mais je bavarde, je phi
1202 sens au monde. — Mais je bavarde, je philosophe, et vous allez me dire que c’est trop facile pour un homme retiré du mond
1203 eurs. C’était la petite bossue qui vend des roses et des œillets dans la rue de Carinthie. Gérard lui paya quelques œillet
1204 Vint à pas pressés une jeune femme, chapeau rouge et manteau de fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hé
1205 uge et manteau de fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non moins inévitable : la jeune femme ref
1206 imuler nous trahit ; elle finit donc par accepter et vint à nous avec un sourire du type le plus courant : « Vous êtes bie
1207 ndre chacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut bien dans cette anecdote dont Gérard attendait évidemment quel
1208 que toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo nommaient « biondo et grassotto », et qu’avec mes amis nous devi
1209 , — du type que Gérard et Théo nommaient « biondo et grassotto », et qu’avec mes amis nous devions baptiser en style vienn
1210 Gérard et Théo nommaient « biondo et grassotto », et qu’avec mes amis nous devions baptiser en style viennois « Mehlspeis-
1211 us engouffrâmes dans un grand bruit de saxophones et de cors anglais jouant la Marche de Tannhäuser en tango, un Balkaniqu
1212 is se perdre ce sens des correspondances secrètes et spontanées du plaisir qui seules faisaient sa dignité humaine, parce
1213 vie aux “divertissements” entre 10 heures du soir et 4 heures du matin, moyennant tant de schillings, dans un décor banal
1214 moyennant tant de schillings, dans un décor banal et imposé, avec des femmes qui élargissent des sourires à la mesure de v
1215 hant suffit à peine à toucher leurs sens fatigués et épaissis. Regardez ces yeux mornes, ou luisants de concupiscences élé
1216 -là qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et de détachement. Je viens souvent la regarder, à cause de la noblesse
1217 s’asseoir auprès de nous. Gérard songeait, muet, et n’en buvait pas moins. « Pourquoi vous ne dites rien ? » fit-elle d’u
1218 mbe dépareillée, vous n’avez pas de ressemblance, et c’est ce qui vous perdra. » La pauvre fille ne comprenant pas, il y e
1219 t interrompre une comédie aux attitudes convenues et donner l’air bête aux acteurs. Puis Gérard embrassa paternellement la
1220 Gérard embrassa paternellement la belle effarée, et nous sortîmes, après avoir délivré le homard qui, laissé au vestiaire
1221 vestiaire, y était l’objet de vexations diverses et de curiosités grossières de la part des garçons. « Encore une proie i
1222 e lâchée pour l’ombre, dit Gérard d’un ton rêveur et malicieux. Mais l’ombre de cette ville illusoire est la plus douce à
1223 savez, je lance mes filets dans l’eau des nuits, et quelquefois j’en ramène des animaux aux yeux bizarres où je sais lire
1224 ’ai oublié mes clefs il y a très, très longtemps… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant
1225 chant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je ressentis quelque émotion à l’ouïe de cette phrase célè
1226 pensai qu’il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard « faisait du Gér
1227 ignait nos corps fatigués jusqu’à l’insensibilité et l’Illusion étendait sur toutes choses une aile d’ombre flatteuse aux
1228 is autour d’une petite table lumineuse, verdâtre, et Gérard, penché sur cet aquarium de rêves, discourt et décrit les imag
1229 érard, penché sur cet aquarium de rêves, discourt et décrit les images qu’il y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge,
1230 uge, qui sont les bras de Clarissa dans sa danse, et Clarissa c’est aussi l’Anglaise aux citrons de Pompéi, l’Octavie du g
1231 tations. Gérard parle avec une liberté magnifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et t
1232 ifique et angoissante. Il mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et tous les visages aimés revivent dans cette c
1233 mêle tout dans le temps et l’espace. Cent années et tous les visages aimés revivent dans cette coupe de songes avec toute
1234 ’autre moitié sera toujours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette v
1235 jours cachée, ainsi la Lune et sa moitié d’ombre. Et parce que tout revit en un instant dans cette vision, il connaît enfi
1236 e vision, il connaît enfin la substance véritable et unique de toutes ses amours, il communie avec quelque chose d’éternel
1237 alogies étourdissantes qui commencent à des dieux et finissent aux pierres précieuses en passant par toutes les formes ani
1238 e entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de leurs moindres coïncidences. La fatigue calme son lyris
1239 indres coïncidences. La fatigue calme son lyrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces
1240 chaque minute d’une vie résume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’il y a sous le soleil, et même ailleurs. C
1241 fait allusion à tout ce qu’il y a sous le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’il faudrait écrire, c’est une Vie si
1242 ec de gaz sans manchon qui éclairait la boutique, et que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le homard se réveil
1243 ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depuis quelques semaines, il avait dû le mettre au caviar. Il en
1244 au caviar. Il en demanda donc une petite portion et la fit prendre au homard avec toutes sortes de soins. Les chauffeurs
1245 s à la moutarde qu’on appelle ici « Frankfurter » et ailleurs « Wienerli ». Soudain les autos se mirent à ronfler. Par le
1246 mes s’inclinaient pour des baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus des princes aux faces maigres qui ressemblaie
1247 ent à d’anciens Habsbourg, des comtes athlétiques et la silhouette échassière de la jeune duchesse de Clam-Clamannsfeld do
1248 assèrent à toute vitesse, m’éclaboussant de neige et de titres dépourvus de sens. Je dormais debout. 10. Quelque chose c
1249 nne avec Gérard », La Nouvelle Semaine artistique et littéraire, Neuchâtel, n° 7, 24 mars 1928, p. 105-108.
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
1250 es Verne passionne. Pour les autres, divertissant et spirituel. Pourquoi ne veut-on voir en Jules Verne qu’un précurseur ?
1251 est un créateur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre joie. Ce ne sont pas les savants qui sont prophètes
1252 les poètes. Or Jules Verne fut poète avant tout — et ce livre le fera bien voir aux sceptiques. Il a aimé la science parce
1253 d’évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que d’avoir emprunté le véhicule à la
1254 ien descendent au fond des mers adorer la Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes géants. Jules Verne a vérit
1255 ne a véritablement soumis la science à la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres d’étrennes dans les œuvres du plus
1256 e désabusé « emprunte l’aspect d’une nécessité » ( et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un jugement !) Ser
1257 œuvre (S. Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1928, p. 768-769.
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
1258 celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et m’en sais plus dépourvu
1259 nt, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et m’en sais plus dépourvu si possible. Je ne demande aux écrivains que
1260 mier chapitre, variation sur un mot bien français et ses applications faciles à cent célébrités locales. (Quant à Goethe,
1261 style, à coups d’exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes
1262 Traité du style (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, Genève, août 1928, p. 1034.
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
1263 Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)at Les derniers écrits des surréa
1264 ien M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réali
1265 mmode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’o
1266 snobisme. at. « Pierre Naville : La Révolution et les intellectuels (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genèv
1267 s intellectuels (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1928, p. 1410.
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
1268 orces caractéristiques du temps — argent, races — et ses rares passions, qui sont la domination et la démolition, l’organi
1269 s — et ses rares passions, qui sont la domination et la démolition, l’organisation et le sabotage. On y découvre le jeu de
1270 nt la domination et la démolition, l’organisation et le sabotage. On y découvre le jeu des tempéraments qui fait opter ces
1271 sein même de la lutte qui met aux prises l’Europe et le monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup des idées que la Te
1272 de l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette fois tout est concrétisé en hommes, en meurtres,
1273 eurtres, en décrets. Qu’il décrive la vie intense et instable des acteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’une
1274 instable des acteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante de
1275 est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et pré
1276 e pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et précis, admirablement objectif, est aussi, mais à coups de faits, une
1277 -guerre, Malraux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu de Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est p
1278 n désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais
1279 antes de l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au premier rang des romanciers contemporains. a
1280 Conquérants (Grasset) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1547-1548.
75 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
1281 décembre 1928)av L’histoire de Louis II exalte et déçoit l’imagination. On comprend que ce doux-amer ait séduit Barrès,
1282 mi des Lois — son expression amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrè
1283 bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur de celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pa
1284 e pas à baptiser son héros « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du
1285 rince rêveur n’est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce livre sait bien le laisser voir. La qualité de l’illu
1286 drait l’imaginer. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez
1287 a su rehausser le tableau avec beaucoup d’adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont
1288 eau avec beaucoup d’adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont le jeu donne aux nuan
1289 sants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de
1290 r c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’
1291 e ou Hamlet-Roi (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1549.
76 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
1292 it se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient autour de sa vie le plus grand mystère. Cependant il aime
1293 Il subjugue le jeune Français par ces évocations et l’espèce de fièvre qu’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillen
1294 « petit-bourgeois » qu’il a choisi comme public, et brusquement le mot éclate : menteur. Feintes et esquives adroites du
1295 , et brusquement le mot éclate : menteur. Feintes et esquives adroites du « prince » qui disparaît, néanmoins. Enfin, le F
1296 pathétique confession qui doit expliquer sa mort et qui est aussi fausse que le reste. Ce mensonge qui va jusqu’à la mort
1297 né à une courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’être simple et précise dans l’exposé, sans rien
1298 assez dense, et dont le mérite est d’être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser à l’excès dan
1299 (dessins de Jacques Ernotte) (Éditions “Le Rouge et le Noir”) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, déc
1300 Le Rouge et le Noir”) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1553.
77 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
1301 Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)m « Remonte aux vrais regards ! Tire-to
1302 part. On lui a expliqué qu’il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres termes, on lui conseille de
1303 îne le lecteur par ruse jusqu’à la dernière page, et là déclare froidement ne pas exister. Non : il a remarqué que l’époqu
1304 yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière et de sentiments. Il découvre une sorte de rire au coin de sa bouche dan
1305 a bouche dans les moments de pire découragement ; et beaucoup d’autres hiatus de ce genre, qui l’intriguent à n’en pas fin
1306 rte quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profondément différent de cette apparence, qu’il doute de sa réali
1307 ses yeux l’épouvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec s
1308 de reflets qui vont en diminuant vertigineusement et l’égarent dans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de super
1309 l’égarent dans sa nuit. Je saute quelques délires et pas mal de superstitions. Enfin cette expérience folle le mène à une
1310 ir aussi qu’on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne
1311 ertaines femmes. Un soir, après quelques alcools et un échange de pensées au même titre avec une amie d’une beauté de plu
1312 meurt dans une naissance. Stéphane naît à l’amour et à lui-même conjointement. Plusieurs ivresses l’ont envahi bruyamment,
1313 de la capitale. Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conjuraient pour abaisser tous les regards. Stéphane r
1314 mait. m. « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même », Cahiers de l’Anglore, Genève, n° 1, décembre 1928, p. 37-
78 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
1315 Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désar
1316 Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et l
1317 e (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légèrement absurde en face d’un récit comme celui d’Anderson : voici
1318 qui raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’un air connaisseur
1319 ers tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’apparen
1320 simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas d’
1321 e à une allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas d’évocations hautes en couleur,
1322 en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson est
1323 t avant tout un poète, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l
1324 ricains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres placeraient le couplet humani
1325 s sait encore parler de sa mère avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est un Chinois, c’est un Américain qui vienn
1326 fortement en l’existence d’une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insister sur la laideur. “C’
1327 ses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”, me disais-je parfois, et il y avait des moments où j’arr
1328 à tout, moi et les autres”, me disais-je parfois, et il y avait des moments où j’arrivais presque à me convaincre que si j
1329 ar-derrière d’un homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me s
1330 secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que nous nous en irions bras dessus, bras dessous en riant de nous-mê
1331 bras dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le s
1332 hommes vivant sous lui conservassent la virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan
1333 décadence ! ax. « Sherwood Anderson : Mon père et moi et Je suis un homme (Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et R
1334 nce ! ax. « Sherwood Anderson : Mon père et moi et Je suis un homme (Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de
1335 un homme (Kra, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1929, p. 123-124.
79 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
1336 Lettres, c’est de l’alcool à brûler les cervelles et les réputations. 3. Belles-Lettres n’est compréhensible et légitime
1337 utations. 3. Belles-Lettres n’est compréhensible et légitime que dans la mesure où la poésie est compréhensible et légiti
1338 ue dans la mesure où la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je suis de sang-froid, je dis : Belles-Lettres est essen
1339 ment que par des cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est une liberté. Une rud
1340 foi ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu
1341 Belles-Lettres est en agréable odeur à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce
1342 réable odeur à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’elle enivre entrent en état de grâce ou de blasphème, selon.
1343 te d’abord, n’est-ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). r. « Belles-Lettres, c’est la clef des cha
80 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
1344 ance aux lents vertiges Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau des fleurs obscures
1345 Il naissait à son destin des rayons glissent et rient c’est la caresse des anges parmi les formes de l’ombre C’étai
1346 nges parmi les formes de l’ombre C’était l’aube et le sourire adorable de savoir la dansante liberté d’un désir à sa nai
81 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1347 Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)t Quand avec un air fi
1348 tera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’y prêtait, p
1349 sa nature, il est vrai, s’y prêtait, peu complexe et comme réduite à deux dimensions ; la conscience ne pouvait y tuer un
1350 une clairvoyance singulière, mes propres limites, et j’ai eu la sagesse de ne rien tenter au-delà ». C’est le comble de l’
1351 Mais on n’en demande pas tant dans les familles. Et qu’importe si la perspective manque souvent à ces récits : ce n’est p
1352 st élégant. Mais comme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que d
1353 nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? t. « Souvenirs d’enfance et
1354 de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? t. « Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe
1355 settes et cornichons ? t. « Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet », Revue de Belles-Lettres, Lausanne-
82 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
1356 agressive. La simple visite des cafés dans l’une et l’autre de ces capitales suffit à vous en donner la sensation : ce qu
1357 uvelles de l’Opéra aussi sont en grosses lettres, et tout cela finira bien par s’arranger, comme au dernier acte d’une opé
1358 turel. Mais de quoi vivent ces bourgeois aimables et insipides, qui passent des après-midi entiers devant les deux verres
1359 es notes les plus aiguës d’une chanson populaire, et à l’autre extrémité de la salle, par-dessus la rumeur des clients, le
1360 lients, le violoncelle répond de sa voix profonde et passionnée, sous les roulades d’un cymbalum. Aux parois, la prière po
1361 de la Hongrie, des portraits de lord Rothermere, et sur toutes les portes le fameux : « Non ! non ! jamais ! » Officiers
1362 pour admirer un coussin aux curieux dessins noirs et blancs : il représente l’ancienne Hongrie découpée en blanc sur fond
1363 ’ancienne Hongrie découpée en blanc sur fond noir et portant, en cœur noir, la nouvelle… « Savez-vous qu’on nous a pris le
1364 tant vivement les trams qui sonnent avec frénésie et les petits taxis rouges qui déferlent sur les boulevards comme une nu
1365 asses, couvertes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot
1366 vertes du haut en bas d’affiches rouges et jaunes et d’inscriptions cascadantes, à l’orientale (on pense au mot bazar, qui
1367 orientale (on pense au mot bazar, qui sonne rouge et jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison de pierre brune, pu
1368 des lignes verticales, peinturlurée de bleu, d’or et de violet. Puis une rue de pierre grise toute boursouflée de prétenti
1369 is un palais gothique 1880, qui est le Parlement. Et voici la trouée du Danube, Bude solidement amarrée à Pest par quatre
1370 e tombe en hautes falaises dans le Danube, froide et nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit
1371 t nue, mais dans son flanc une grotte s’illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son amiral régent et ses ga
1372 y sourit. Le château royal avec son amiral régent et ses gardes blancs aux casques d’or s’avance en proue, dominant superb
1373 its palais à un étage, clos, secrets, abandonnés. Et des crémeries aux idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu
1374 voix hongroises féminines suffit à votre bonheur et vous voyez bien que Mme Varshany est une grande artiste. Vous vous êt
1375 euple, seul en Europe, attend le retour d’un roi. Et vous voici transporté dans un bal costumé, parmi des gens qui parlent
1376 ent une langue totalement incompréhensible, rient et s’enivrent comme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout
1377 enivrent comme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout propos de folles « czardas » qui deviennent tourbillon
1378 olles « czardas » qui deviennent tourbillonnantes et finissent en chutes ivres sur des divans couverts de coussins Rotherm
1379 es sur des divans couverts de coussins Rothermere et Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passion et pauvreté, espoirs
1380 Grande Hongrie… Ivresse dans le malheur, passion et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguè
1381 eur, passion et pauvreté, espoirs presque puérils et nostalgie des grandeurs de naguère, tout cela compose un visage roman
1382 e naguère, tout cela compose un visage romantique et ardent dont le voyageur s’éprend malgré lui, malgré tout, comme d’une
83 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
1383 Il faut s’en approcher avec une douceur patiente, et le laisser créer en nous son silence particulier avant d’entendre les
1384 mages (à peine quelques « motifs », objets usuels et usés, sur la nuance mate d’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, c
1385 lus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur se détache de toi comme une lourde pierre
1386 e rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin « saisir » dans leur réalité les choses dont elle s’
1387 s leur réalité les choses dont elle s’est dégagée et qu’elle voit dans une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d
1388 ; une phrase naturellement grave ; une voix douce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’est-ce point l’acte essent
1389 naturellement grave ; une voix douce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’est-ce point l’acte essentiel de la po
1390 tre esprit : « Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait un vacarme terrible. » ay. « Jules Supervielle : Saisir (
1391 vielle : Saisir (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1929, p. 762-763.
84 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
1392 rd d’un ruisseau, qu’il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récite des odes grecques au murmure de l’eau ; la
1393 s, en sorte que plusieurs touches sonnent encore, et c’est là-dessus qu’il improvise, oh ! j’aimerais tant aller là-bas, c
1394 , cette folie m’apparaît comme une chose si douce et si grande… »11 Et Bettina terminant sa lettre sur Hölderlin : « Ce p
1395 araît comme une chose si douce et si grande… »11 Et Bettina terminant sa lettre sur Hölderlin : « Ce piano dont il a cass
1396 ’esprit humain qui confinent peut-être à l’Esprit et dont certains des plus purs d’entre nous se préparent à tenter le cli
1397 Cette langue de feu qui s’est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au visage de jeune fille qui
1398 fille qui rimait sagement des odes à la liberté… Et voici dans sa vie cette double venue de l’amour et du chant prophétiq
1399 t voici dans sa vie cette double venue de l’amour et du chant prophétique, confondant leurs flammes. Dix années dans le Gr
1400 le temps où le sens de son monologue entre terre et ciel lui échappe. Il jette encore quelques cris brisés : « Ô vieux dé
1401 une sorte de vieillard qui reparaît en Allemagne. Et durant trente années, ce pauvre corps abandonné vivra dans la petite
1402 de ces corridors de vieille maison souabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’ils n’étaient à demi encombrés d
1403 it… Alors vous devez connaître ces portraits ? — ( et comme je considère un ravissant médaillon de marbre) — Ça, c’est Diot
1404 rce qu’il a aimé une femme, pour écrire Hypérion, et pour les gens d’ici, aimer, c’est seulement vouloir se marier… » — Et
1405 ci, aimer, c’est seulement vouloir se marier… » — Et puis plus tard on encadre les lettres des amants, on propose le coupl
1406 couple à l’admiration des écoliers en promenade, et le guide désigne familièrement l’image d’une femme par le nom qu’elle
1407 ui traîne sur l’appui ; le jardinet avec son banc et ses lilas fleuris qui trempent… Tout est familier, paisible au soleil
1408 pt ans dans cette chambre, avec le bruit de l’eau et cette complainte de malade épuisé après un grand accès de fièvre… L’
1409 ngtemps, si longtemps qu’elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vi
1410 , si longtemps qu’elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plus rien, je n’aime plus vivre. I
1411 , en face, ni les maisons. Il voyait des prairies et des collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel es
1412 s collines basses, de l’autre côté de l’eau jaune et verte… Quel est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet a
1413 est donc ce sommeil « dans la nuit de la vie » — et cet aveu mystérieux : « La perfection n’a pas de plainte »… Vivait-il
1414 er la chambre. Il ne vient pas tant de visiteurs, et seulement de 2 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et le
1415 à 4… Une rue étouffée entre des maisons pointues et les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’y engager chaque
1416  : il leur fait de grandes révérences… La rumeur et le cliquetis d’une grande terrasse de café au bord du Neckar, sous le
1417 re s’est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons de mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisina
1418 raft und Schönheit ! »). J’aime les bateaux plats et incertains, avec des Daphnés dedans, qui ne savent pas bien ramer et
1419 des Daphnés dedans, qui ne savent pas bien ramer et qui lisent des magazines au fil de l’eau, ce qui est le comble des va
1420 ntalons trop courts, qui se promènent tout seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de terrible, où il a perdu son
1421 quelque chose de terrible, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous,
1422 t que mal finir. Ceux du bon sens hochent la tête et citent la phrase la plus malencontreuse de Pascal : le « Qui veut fai
1423 atroce de cette fin d’après-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-i
1424 ès-midi, ces musiquettes et ces parfums de fleurs et d’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux
1425 de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomphante, à beau fix
1426 es choses généreuses autour d’eux… Cela s’oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’
1427 teur. Madame Gontard est la Diotima de l’Hypérion et des poèmes. n. « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et
1428 « La tour de Hölderlin », La Quinzaine artistique et littéraire, Neuchâtel, n° 18, 15 juillet 1929, p. 354-356.
85 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
1429 paru l’année dernière — un livre assez troublant et qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou revient à son romantisme, à
1430 arle à son chien en mourant, une fille qui chante et des enfants surtout, dès le début, puis plus tard encore, dans les so
1431 nes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attristés par le te
1432 est un dévergondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les mais
1433 . Mais bien vite un intermède bouffon, impossible et d’une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où
1434 autre, où les personnages ont cet air un peu ivre et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent l
1435 e et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les hommes en liberté. Mais ils ne sont jamais mé
1436 mes en liberté. Mais ils ne sont jamais méchants, et seulement aux dernières pages du livre, un peu amers… On voudrait un
1437 éré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces petites merveilles qui
1438 s (Émile-Paul, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1929, p. 248-249.
86 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
1439 le voyant (août 1929)ba À lire ce petit livre et le parallèle qu’il établit entre le yogabb telle que l’enseignaient l
1440 le yogabb telle que l’enseignaient les upanishads et la tentative poétique de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus
1441 est, si l’on veut, la question d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’interprétation proposée
1442 aire contre l’interprétation proposée par Claudel et Isabelle Rimbaud ? Si Claudel s’est montré partial en faisant de Rimb
1443 u sans pareil, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1929, p. 250-251. bb. Le féminin est i
87 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
1444 ieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs de cette revue connaissent la thèse de la
1445 beauté de l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répondre pour nous-même
1446 de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait ! dirons-nous, — avec le Benda qui ne trahit pas.)
1447 si vieux que le monde. Mais M. Benda distinguera, et ils seront confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda, un polémist
1448 de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer choses et idées en catégories « rationnelles », c’est-à-dire
1449 eux que lui ne s’entend définir et classer choses et idées en catégories « rationnelles », c’est-à-dire fausses mais clair
1450 elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admirable de son point de vue radicalement antimoderne, parce que dés
1451 humanité a besoin qu’on lui demande l’impossible. Et quand bien même elle croirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme
1452 en butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me vienne
1453 iennent l’esprit : Julien Benda… », écrit Aragon. Et Daudet nous apprend que « le petit Benda est un fameux serin ». Mais
1454 Cf. l’article de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1928). bc. « Julien Benda : La Fin d
1455 in de l’Éternel (NRF) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1929, p. 638-639.
88 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1456 xpliquait le monstre, les chaires le dénonçaient, et les précieuses trouvaient cela d’un romantisme ! ma chère, d’un mauva
1457 des ailes qui donnent des rhumes à ton grand-père et sont en scandale aux meilleurs esprits ? Voici que tu t’apprêtes visi
1458 , les autres disaient qu’il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher les questions qui vous désa
1459 e orientale. Aussitôt la discussion de reprendre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’enfuit par l’un des nombre
1460 — sans résultat —, il écrivit une adresse réelle, et mit la lettre dans la première boîte venue. Le lendemain, il reçut un
1461 amie Joséphine. » — Le poète reprit son manuscrit et conclut : « L’inspiration est le nom qu’on donne en poésie à une suit
89 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
1462 ses : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roorda. Le premier montr
1463 l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre
1464 tait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafou
1465 utre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est p
1466 dessein est assez différent, moins philosophique et point du tout technique. J’apporte un témoignage personnel, une réact
1467 la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble.
1468 libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime de punaises jaunâtres a
1469 naises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle prolonge abusivement sa terne existence. Je l’ai subi ;
1470 ’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine de l’amour, où tout se confond mi
1471 pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de propose
1472 s, vautré derrière son bock, le Citoyen conscient et organisé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à
1473 je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories dont je vais rég
1474 e resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’
1475 ssie d’après Karl Marx, le vol des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruction publique.) Rés
1476 ésumé : 1° On a le droit d’aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° Rira bien qui rira le dernier. B. Réponse
1477 sont les partisans d’une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage, je les renvoie en co
1478 anquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les principes. Tourmentés par les scrupules de leur conscience libéra
1479 e de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instruction pu
1480 ci la distinction classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instruction publique dans se
1481 poserai la question de savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de not
90 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
1482 t qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il
1483 tuteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’a
1484 iques, et grammaticales, où tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement
1485 calculs du raisonnement, par une barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient pour emplir ou pour
1486 ui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin ( et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle d’occupati
1487 der un bassin (et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle d’occupation), (après combien d’heures…) ; et
1488 (drôle d’occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on multipliait le
1489 t il y avait toujours des appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du mètre courant. Encore que
1490 e mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfance gât
1491 r toute une journée. Une journée d’enfance gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du mètre courant n’es
1492 ire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait bien pleurer, et qui recommence à gratter son ardoise où
1493 auront fait juste, et qui voudrait bien pleurer, et qui recommence à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie
1494 raie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’est-ce qui ressemble plus au so
1495 es petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme
1496 omme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et
1497 cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des choses qu’on ne comprend pas,
1498 oir pour qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la
1499 veries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague an
1500 ngue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec
1501 minent mon enfance : les séances chez le dentiste et l’horaire des leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce
1502 ’on en était. Cela m’attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que tous fassent la même
1503 me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à cause des autres desqu
1504 allait pas différer, profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé d’évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les ho
1505 donc, et le cerveau saturé d’évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être égaux en tout. Deux fois
1506 c’est stérile, mais ça ne fait de mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un certain domaine, c’
1507 our m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir craignant peut-être des découvertes qui eussent r
1508 que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démoc
1509 que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes. C’était découvrir notre asservissement. Je song
1510 tion jésuite ». Nous étions marqués par Numa Droz et les manuels des Frères ∴, par l’esprit petit-bourgeois, qui est une g
1511 urgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle
1512 on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arb
1513 onnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffran
1514 ur je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si par
1515 Démocratie apparaissait comme l’achèvement idéal et nécessaire — et qui était le seul pour lequel on nous préparait —, c’
1516 raissait comme l’achèvement idéal et nécessaire —  et qui était le seul pour lequel on nous préparait —, c’était un système
1517 nablement organisé des esprits moyens, prosaïques et rassis3 qui tiennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’un
1518 nt de l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d
1519 un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin —  et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier es
1520 oureusement ennuyeuses qui sont dans les livres —  et nulle part ailleurs. Maigre nourriture pour nos rêves. Nous arrivions
1521 rrivions dans la vie avec des mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour méprise
1522 es pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Ma
1523 ne, et une honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert de cette compres
1524 encore l’action. Je n’eus pas plus tôt découvert et nommé cet asservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je l
1525 découvert et nommé cet asservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de co
91 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
1526 rences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable. Mais c’est en
1527 er les instituteurs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressembl
1528 vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de l
1529 ini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupier, on le r
1530 le n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensible
1531 qui signent des manifestes en mauvais français —  et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. Au v
1532 vil. Au village, quand on vous parle avec respect et trémolo d’un môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s
1533 deux sous-types posthumes : l’artiste photographe et le régent. J’ai fait allusion au lieutenant-instituteur qui veut fair
1534 éexiste-t-il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attir
1535 Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus d
1536 e primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autres maladies dites
1537 d’une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est
1538 a porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empe
1539 goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière
1540 habits des écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’encre sur les tables — c’était pourtant un
1541 , ces devises… —, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre
1542 r s’écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bie
1543 n être la vertu éducatrice d’un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la voyons est semblable à
1544 Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mai
92 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
1545 sons puisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’elles ont la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est tem
1546 eux générations. Pendant ce temps elle s’aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicalisme sur les br
1547  » qui dès lors deviennent obligatoires. La somme et l’arrangement des parties doivent être identiques pour tous les écoli
1548 t les huit années réglementaires de la scolarité, et englobe la totalité de la science nécessaire à tout citoyen, dans une
1549 ser d’une ou deux feuilles de papier, d’un crayon et d’une règle (pour diviser la page en casiers rectangulaires, bien pro
1550 es à une composition française ? Question oiseuse et saugrenue, — naïve. Le bon sens voudrait que l’on tînt compte des pos
1551 rience que nous ne comprenons pas la plaisanterie et que notre temps est précieux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent
1552 sse l’esprit de ces enfants… — Mais on nous paye, et ils n’en meurent pas. Les examens Ce sont en principe des « con
1553 is qu’à l’école elle est de règle. Car la qualité et la quantité des réponses « fournies » par le prévenu (l’élève examiné
1554 aminé) n’a qu’un lointain rapport avec la qualité et la quantité des efforts « fournis » au cours du trimestre. Ce phénomè
1555 pas exigée de ceux qui établissent les programmes et les examens. « Les examens faussent complètement l’esprit de l’enseig
1556 jusque sous la plume de divers maîtres primaires et secondaires. Ils n’en sont pas moins devenus le but même de l’instruc
1557 de l’instruction ; la fin qui justifie les moyens et à quoi l’on subordonne tout, plaisir, goût au travail, qualité du tra
1558 té du travail, santé, liberté, sens de la justice et autres balivernes, instruction véritable et autres plaisanteries de g
1559 stice et autres balivernes, instruction véritable et autres plaisanteries de gros calibre, car à la vérité ce n’est pas d’
1560 De l’existence des programmes, qui est un fait, et de l’existence de la Démocratie, qui est une prétention (réservons le
1561 ait songé à leur donner une extension universelle et un caractère obligatoire. L’école exige donc que les meilleurs ralent
1562 L’école exige donc que les meilleurs ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle ne convient qu’aux médiocres, d
1563 ’attaque impitoyablement aux natures d’exception, et les réduit avec acharnement à son commun dénominateur4. Nos bourgeois
1564 rgeois assistent sans honte à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils
1565 uotidien, et se félicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit
1566 de l’étranger impartial, par sa culture intensive et extensive des veaux et des médiocres. Le gavage Moyen de réalis
1567 , par sa culture intensive et extensive des veaux et des médiocres. Le gavage Moyen de réaliser les précédents. Plus
1568 elle le manuel. Un bon manuel est un résumé clair et portatif des résultats actuels d’une science. Le bon sens voudrait qu
1569 aire consiste à faire tenir les enfants immobiles et muets 6 heures par jour durant 8 ans. Il paraît que cela facilite le
1570 ration absurde, une généralisation si schématique et superficielle que la discipline perd tout son sens éducatif et n’est
1571 lle que la discipline perd tout son sens éducatif et n’est plus qu’une entrave énervante, un système de vexations mesquine
1572 e vertu. La discipline primaire forme des gobeurs et des inertes, fournit des moutons aux partis et prédispose les citoyen
1573 rs et des inertes, fournit des moutons aux partis et prédispose les citoyens suisses à prendre au sérieux les innombrables
1574 s innombrables défense de, petites crottes noires et blanches qui marquent un peu partout le passage de l’État, et dont la
1575 qui marquent un peu partout le passage de l’État, et dont la vue permet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol de s’écri
1576 me, morgue bourgeoise, esprit de parti, arrivisme et parlementarisme. La culture de l’esprit démocratique telle qu’elle es
1577 telle qu’elle est comprise par les instituteurs —  et elle ne peut être comprise autrement — est essentiellement négative.
1578 ple souverain qui ne manque pas d’en être flatté. Et puis, quelle est cette préparation à la vie qui commence par nous sou
1579 pas exiger qu’il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule
1580 n peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de médiocrité que je ne puis
1581 agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambition d’un grand nombre de régents, ne laissent pas que
1582 oyens ayant accompli de « fortes études primaires et secondaires » (témoignage suffisant de leurs aptitudes à la compromis
1583 urs aptitudes à la compromission sociale établie) et cueilli au passage un grade universitaire, prennent leur essor de ché
1584 jucher sur la flèche de l’édifice administratif. Et c’est ce qui s’appelle une belle carrière. Mais ces brillants météore
1585 collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de leur jugement sont en raison inverse du nombre d’ann
1586 e inversion méthodique de toutes les lois divines et humaines. C’est-à-dire : une méthode d’abâtardissement de la race. D’
1587 nt du fait que l’école est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de l’État. Alors ? Ou bien vous acceptez le régi
1588 le régime — mais aussi ses conséquences absurdes et fatales, par exemple l’instruction publique. Ou bien vous combattez l
1589 lectuelle qui les conduit souvent à l’imbécillité et au vice. » Emmanuel Duvillard, L’École de demain, Genève, Kündig, 191
93 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
1590 en général judicieuses, dictées par le bon sens7 et retouchées par le pédantisme inhérent à toute science. On a constaté
1591 élèves âgés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’appelle de l’école pratique. Plus tard on fait apprendre à ces
1592 Plus tard on fait apprendre à ces mêmes enfants, et réciter par cœur et à rebours, les noms des rues et places de leur vi
1593 pprendre à ces mêmes enfants, et réciter par cœur et à rebours, les noms des rues et places de leur ville, comme s’ils éta
1594 réciter par cœur et à rebours, les noms des rues et places de leur ville, comme s’ils étaient tous destinés à la professi
1595 firmant : je siège ; un troisième lèvera la main, et dira : je lève la main, — au lieu de demander ce qu’on croit. Tout po
1596 sors ! ne traduise incontinent ce verbe en action et ne disparaisse à tout jamais dans les campagnes, tirant le meilleur p
1597 nt » peut être la formule d’une tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce qu’elle n’excite pas de r
1598 l’école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désintéressés. Mais l’enfant-cobaye vaut l’enfant-citoyen. Moi je vou
1599 el qui pourrait bien un jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine d’où renaîtrait
1600 ue, dont toute la personne était un enseignement, et qui n’avait pas des élèves, mais des disciples. Celui-là seul favoris
1601 de l’école libre, qui se moquent des programmes, et dont les classes joyeuses sont de vraies foires : ils ont toute mon a
1602 rication en série de petits démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentendu ne soit décidément trop gros p
1603 tre que notre dilemme subsiste dans son intégrité et son urgence. 7. Ou des appareils qui en tiennent lieu. 8. Voir à l
94 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
1604 e seulement qu’on m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse est simple, te
1605 du droit de la Démocratie. L’instruction publique et la Démocratie sont sœurs siamoises. Elles sont nées en même temps. El
1606 ses. Elles sont nées en même temps. Elles ont cru et embelli d’un même mouvement. Morigéner l’une c’est faire pleurer l’au
1607 tous les banquets officiels par des orateurs émus et il y aurait une insigne hypocrisie à feindre de ne plus la reconnaîtr
1608 ne fois dissipée la fumée des civets, des cigares et des idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l’honneur de
1609 saires se trouve correspondre à des faits patents et simples ; il serait vraiment dommage de priver ces Messieurs d’une au
1610 es — que cela n’irait pas sans quelque indécence. Et d’abord, il faut pouvoir lire, écrire et compter pour suivre la campa
1611 décence. Et d’abord, il faut pouvoir lire, écrire et compter pour suivre la campagne électorale, voter et truquer légaleme
1612 compter pour suivre la campagne électorale, voter et truquer légalement les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et de l
1613 lement les votes. Ensuite, il faut de l’histoire, et de l’instruction civique, pour qu’on sache à quoi cela rime. Ensuite,
1614 Enfin, il faut un nombre considérable de leçons, et le plus longtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps de se rendr
1615 le fois, sait bien que tout le reste est absurde. Et voilà pour les sœurs siamoises. Continuons. La démocratie doit à l’Éc
1616  » comme ils disent avec une satisfaction sordide et mal dissimulée. Certes, je ne prétends pas que les créateurs de l’ins
1617 ent eu pleine conscience de ce qu’ils faisaient —  et je les excuse pour autant10. Je dis simplement ceci : leur œuvre n’a
1618 roposer aujourd’hui qu’on répande universellement et obligatoirement l’art du saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains
1619 pui intéressé d’un groupement politico-financier. Et il y aurait bien vite des députés pour célébrer les bienfaits sociaux
1620 l’institution, se manifeste encore de nos jours, et d’une façon non moins flagrante, dans ses suites normales. Je n’en ve
1621 actuelle, remplit suffisamment son rôle politique et social, qui est de fabriquer des électeurs (si possible radicaux, en
1622 tchener : une machine qui absorbait des gentlemen et rendait des tommies. La machine scolaire, elle, dévore des enfants to
1623 hine scolaire, elle, dévore des enfants tout vifs et rend des citoyens à l’œil torve. Durant l’opération, tous les crânes
1624 t l’opération, tous les crânes ont été décervelés et dotés d’une petite mécanique à quatre sous qui suffit à régler désorm
1625 arguments ne se mettent en branle qu’après coup. Et quand vous les démoliriez tous, ma rage n’en serait pas moins légitim
1626 tout, peu m’importent les idéologies politiques, et peu m’importerait que l’École soit une machine à fabriquer de la démo
1627 eur d’âme pour amorcer le dégel de ces principes, et ce peut être le signal de la grande débâcle printanière. Il n’y a de
95 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
1628 it. Aujourd’hui qu’il suffit d’un peu de bon sens et d’information pour jouer au prophète, on nous promet de tous côtés de
1629 son ambition : soustraire les enfants à l’Église et à la famille. L’Église donnait des valeurs idéalistes, la famille des
1630 émocrates convaincus, partisans des « lumières », et qui pourtant s’indignent de voir la morale actuelle s’attaquer, voyez
1631 vous ça, à la famille, « cette cellule sociale ». Et je les traite de mauvais plaisants. Admirez mon extrême modération. C
1632 e collège au contraire est un milieu antinaturel, et les normes sociales qu’on prétend y substituer à celles de la famille
1633 ste nécessaire à l’équilibre d’une civilisation —  et c’est l’aspect négatif de sa trahison —, mais encore elle tend à déve
1634 ente qui chasse ce ver solitaire du matérialisme. Et quand on m’aura démontré que les besoins de l’époque exigent une orga
1635 s supériorités naturelles, l’habitude de l’ersatz et du travail bâclé. Elle apprend à lire les journaux, mais en même temp
1636 tout ce qui lui donnerait l’envie de se libérer —  et peut-être les moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’est-à-dire de démo
1637 aîné l’âme moderne dans ses collèges, l’y enferme et l’y laisse crever de faim. Par ce qu’elle enseigne à ignorer bien plu
96 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
1638 ction publique contre le progrès Un beau titre. Et qui a meilleure façon que le reste, pensez-vous. Il faut avouer qu’av
1639 cela vous a un petit air démocratique, hé ! hé !… et d’ailleurs vous aimez les idées généreuses, n’est-ce pas ? J’en étais
1640 t j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne dans une direction tout opposée. C’e
1641 de progrès : encore faut-il le mettre en marche. Et où le conduire ? Il y a beaucoup de routes, mais vous n’aimez pas le
1642 ction publique s’est arrêtée aux environs de 1880 et depuis lors n’a guère bougé. Le moteur n’en continue pas moins de con
1643 n’en continue pas moins de consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrumen
1644 ins de consommer, de ronfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument de progrès » n’est
1645 é de retirer brusquement ces sièges, farce connue et qui ridiculise à coup sûr sa victime. En fait de farces, vous allez f
1646 st destinée à légitimer par la force de l’inertie et à perpétuer mécaniquement tout ce qui est depuis Numa Droz. Conservat
1647 tout ce qui est depuis Numa Droz. Conservatrice, et non pas réactionnaire, non, même pas. Car les forces de réaction coll
1648 plutôt une vase où s’enlise notre civilisation ; et où la Démocratie peut se conserver des siècles encore… Or si je dis q
1649 que le progrès consiste à dépasser la Démocratie. Et cette thèse ne va pas à l’encontre de l’évolution normale de l’humani
1650 n providentielle dans cet amour de la destruction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à bea
1651 encore que peu l’avouent. Car détruire, déblayer, et faire des signes dans le vide à des hasards gros de dangers, c’est pe
1652 dition, avec tout le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ailleurs les
1653 sprit est la jalousie rancie armée de pédantisme, et je ne parle pas du décor, des odeurs, de la poussière, des petites ha
1654 , de la poussière, des petites habitudes sordides et de cette matière rarement « hygiénique » et qui définit notre âge : l
1655 dides et de cette matière rarement « hygiénique » et qui définit notre âge : la paperasse ? Réponse ? Petits étourdis. Rép
1656 ajorité des électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tiendrai pas pour battu quand on m’aura fait remarquer que l
1657 il est temps qu’elles débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de grands balayages à faire, un grand courant d’air
1658 air à créer qui emportera toutes ces statistiques et ces journaux, il en restera toujours assez pour allumer des feux de j
1659 espirons. Mais déjà vous m’attendez à ce tournant et vous me sommez de dire comment, maintenant, je vais m’y prendre pour
1660 es postulats rationalistes. En vérité, démocratie et rationalisme ne sont que deux aspects, l’un politique, l’autre intell
1661 t le xixe elle est descendue dans la bourgeoisie et dans le peuple ; elle y est devenue une tyrannie. Avant il y avait la
1662 devenue une tyrannie. Avant il y avait la Raison et les sentiments. Maintenant il y a le rationalisme12 et la sentimental
1663 s sentiments. Maintenant il y a le rationalisme12 et la sentimentalité. Ce rationalisme-là triomphe non seulement dans les
1664 e non seulement dans les principes démocratiques, et dans ceux de l’École, mais encore dans toute la conduite moderne de l
1665 duite moderne de la vie. C’est notre américanisme et c’est notre sécheresse sentimentale. Et c’est le grand empêchement in
1666 ricanisme et c’est notre sécheresse sentimentale. Et c’est le grand empêchement intérieur dont souffre notre imagination c
1667 n créatrice ; c’est lui qui stérilise nos utopies et les empêche de devenir autre chose que des utopies. Il s’agit donc en
1668 s. Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pourchasser dans toutes les démarches de notre vie. Mais cette
1669 d’imaginer, bénéficiant de notre colère jacobine et de cette formidable expérience négative qui aura duré deux siècles au
1670 sous toutes ses formes, traduit tout en relations et veut rendre toutes relations conscientes, c’est-à-dire, pour lui, cal
1671 emps vient où elles renaîtront à une vie nouvelle et plus complète, à un degré supérieur d’inconscience, si je puis dire.
1672 raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’on s’attaque à tout ce qui entrave c
1673 me demande encore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien précis, on triomphe grossièremen
1674 même très vaguement notre actuelle civilisation. Et même Diderot, même Rousseau, à la veille de la Révolution, soupçonnai
1675 s formidables que nous réserve le siècle à venir, et vous commencerez à comprendre que votre scepticisme à l’endroit de la
1676 forme sociale que nous appelons sans la connaître et qui s’élabore déjà secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont
1677 et qui s’élabore déjà secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’un ridicule écrasant, sous lequel vous ne tarde
1678 uit d’une mésalliance avec l’Avarice bourgeoise —  et qui sans cesse déroge.
97 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
1679 Appendice. Utopie Un os à la meute. ( Et figurez-vous que j’ai la ferme intention de vous faire rigoler, si ce
1680 est de savoir si nous serons des hommes de chair et d’esprit, ou des pantins articulés. (Qui tiendra les ficelles, peu im
1681 lles, peu importe.) Les économistes (mot stupide) et les philosophes13 les mieux informés de ce temps s’accordent sur un p
1682 de l’homme. Elle punit froidement la spontanéité et l’invention. Elle dénature le sens de la liberté. Elle détruit tout c
1683 aurons épuisé toutes les combinaisons de vitesse et d’ennui à quoi présentement nous usons le plus clair de nos forces, —
1684 es, — le Poète dira un mot, ou bien fera un acte, et ces peuples de somnambules s’éveilleront du cauchemar où les plongent
1685 ait que dès maintenant se constituent ces élites, et cela ne se peut que si les tenants de l’ordre spirituel retrouvent le
1686 ourage d’être, malgré les mots14, des anarchistes et des utopistes. J’appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et in
1687 J’appelle anarchiste, tout ce qui est violemment et intégralement humain. L’anarchie est un degré d’intensité dans la vie
1688 lement un homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui s’y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre mine stupidement ras
1689 le connaît mieux qu’eux qu’il y a vu des fissures et des possibilités nouvelles. Tenir compte du réel ne signifie pas s’y
1690 romantique suppose l’existence. Que faire ? Voir et penser juste d’abord. Simplement. Ensuite, soutenir cette opinion : l
1691 u non, M. W. Rosier, auteur de manuels d’histoire et de géographie bien connus, pour l’esprit le plus dangereusement plat
1692 oui, cela finira par créer un courant d’opinion. Et l’opinion publique mène le monde, paraît-il. À ce propos : que les jo
1693 eulent à propos de n’importe quoi, comme on sait, et ils auraient là l’occasion de racheter bien des choses. Ce n’est rien
1694 rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop d’invraisemblance de petite
1695 déteste l’école a pourtant faim d’instruction15, et se croirait lésé dans un de ses droits fondamentaux. Le peuple veut s
1696 s droits fondamentaux. Le peuple veut s’instruire et on lui bourre le crâne pour l’en empêcher. Il s’agit de lui faire com
1697 e l’école est le plus gros obstacle à sa culture. Et c’est cela, préparer le terrain. D’autre part, il faut partir de ce q
1698 connaissances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu’il en fasse ce qu’il voudra. Les Orientaux appellent yoga ce
1699 e culture des facultés physiques, intellectuelles et mystiques. Toute leur force vient du yoga. Et tout le yoga repose sur
1700 les et mystiques. Toute leur force vient du yoga. Et tout le yoga repose sur la concentration. En vérité, toute force résu
1701 Si l’Occident comprenait cette vérité élémentaire et en tirait des conclusions immédiates, non seulement il serait sauvé d
1702 re, mais il recouvrerait la domination du monde16 et non plus en barbare cette fois-ci. Ce qui l’empêche de comprendre, ic
1703 ’en citerai deux exemples : la discipline jésuite et le drill militaire. Le drill correspond remarquablement dans le plan
1704 l’on impose au corps une immobilité absolue. L’un et l’autre de ces exercices montrent que le candidat possède une énergie
1705 de une énergie suffisante pour aller plus loin, —  et en même temps constituent des sources d’énergie nouvelle. Le parallèl
1706 it. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulaires. Tout comme ce qu’ils désignent d’ailleurs. Tant mieux.
1707 le nombre parce qu’elle le contient en puissance. Et c’est pourquoi l’aristocratie de l’esprit est nécessaire au bien publ
1708 diesse quelque chose comme l’instruction privée : et moi je la voudrais secrète. Vous verrez bien. Cela se fera sans vous.
1709 ésie pure, ils mesurent des sensibilités secondes et tout un arc-en-ciel de sentiments dont les accords imitent la blanche
1710 amour… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et de l’Esprit, l’homme sera-t-il sauvé de sa folie démocratique ?   Ar
1711 attribuer à ses adversaires des intentions noires et consciemment criminelles. Ce travers a été développé jusqu’au ridicul
1712 ournaux, les cercles, les coulisses de parlements et autres potinières ne vivent que de semblables accusations. Du moment
1713 les accusations. Du moment que n’importe qui juge et contrôle n’importe quoi, il faut bien inventer des dessous pour redon
1714 sse, etc. » — Il semble qu’en attaquant ses idées et leurs réalisations ont ait porté atteinte à la dignité morale de ce M
1715 les premières victimes du système qu’il propagent et qui les fait vivre. La question se complique dès que l’instituteur pr
1716 . Mais ces méthodes ne prendraient tout leur sens et toute leur efficace que dans un système religieux. Pour quiconque a u
1717 ns un système religieux. Pour quiconque a une foi et la conscience de cette foi, il n’est d’enseignement véritable que rel
1718 eux. Mais les questions confessionnelles enrayent et faussent tout. Imaginez une culture spirituelle indépendante de toute
1719 ligieuse particulière. On peut faire des haltères et rester pacifiste. NOTE C Vous parlez de la grande vulgarité de mes at
1720 ourgeoisie qui se monte le cou. 13. Économistes et philosophes : ces Messieurs n’apparaissent ici que pour impressionner
1721 main. 15. Cf. ce que dit Tolstoï sur cette haine et sur ce besoin dans ses Articles pédagogiques encore très actuels, du
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
1722 ses : L’Éloge de l’ignorance, de M. Abel Bonnard, et Le Pédagogue n’aime pas les enfants, d’Henri Roorda. Le premier montr
1723 l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre
1724 tait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafou
1725 utre, avec l’ironie tranquille du bon sens bafoué et qui s’en moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est p
1726 dessein est assez différent, moins philosophique et point du tout technique. J’apporte un témoignage personnel, une réact
1727 la démocratie, de tout ce qui moleste ma liberté et sans doute celle de beaucoup d’autres à qui forcément, je ressemble.
1728 libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et toléré malgré leur mauvaise humeur. Ce régime de punaises jaunâtres a
1729 naises jaunâtres aboutit à l’instruction publique et grâce à elle prolonge abusivement sa terne existence. Je l’ai subi ;
1730 ’hui, etc. Évidemment. Mais il y a les jérémiades et il y a les raisons. Hors le domaine de l’amour, où tout se confond mi
1731 pas un argument. Je demande le droit de démolir. Et me l’accorde aussitôt. Sans conditions. Mon rôle n’est pas de propose
1732 s, vautré derrière son bock, le Citoyen conscient et organisé pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’apprête à
1733 je m’attends à cent « réponses » de cette sorte. Et je tiens à les classer par avance en deux catégories dont je vais rég
1734 e resservir ces arguments, bien que dûment prévus et réduits à néant ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’
1735 ssie d’après Karl Marx, le vol des frères Wright, et tout bêtement, c’est le cas de le dire : l’instruction publique.) Rés
1736 ésumé : 1° On a le droit d’aller contre l’époque, et on le peut efficacement. 2° rira bien qui rira le dernier. B. Répons
1737 sont les partisans d’une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage. Je les renvoie en co
1738 anquillité avec laquelle ils brouillent les faits et les principes. Tourmentés par les scrupules de leur conscience libéra
1739 e de marquer ici la distinction classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instruction pu
1740 ci la distinction classique du fait et du droit ; et c’est pourquoi je considérerai d’abord l’instruction publique dans se
1741 poserai la question de savoir si tant de laideurs et d’outrages au bon sens peuvent être légitimés par le but final de not
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
1742 t qu’ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment participer de la même grâce. Voyez Péguy, quand il
1743 tuteurs : Faire de ces belles analyses logiques, et grammaticales, où tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’a
1744 iques, et grammaticales, où tout retombait droit… Et de ces beaux problèmes d’arithmétique où il fallait si soigneusement
1745 calculs du raisonnement, par une barre verticale, et où il y avait toujours des robinets qui coulaient pour emplir ou pour
1746 ui coulaient pour emplir ou pour vider un bassin ( et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle d’occupati
1747 der un bassin (et souvent les deux), (pour emplir et vider ensemble), (drôle d’occupation), (après combien d’heures…) ; et
1748 (drôle d’occupation), (après combien d’heures…) ; et il y avait toujours des appartements à meubler. Et on multipliait le
1749 t il y avait toujours des appartements à meubler. Et on multipliait le tapissier par le prix du mètre courant. Encore que
1750 e mauvaises notes dans nos carnets hebdomadaires, et une semonce à nous gâter toute une journée. Une journée d’enfant gâté
1751 er toute une journée. Une journée d’enfant gâtée. Et d’ailleurs, multiplier le tapissier par le prix du mètre courant n’es
1752 ire faux, parce que les autres auront fait juste, et qui voudrait bien pleurer, et qui recommence à gratter son ardoise où
1753 auront fait juste, et qui voudrait bien pleurer, et qui recommence à gratter son ardoise où sèchent des traînées de craie
1754 raie grise, où les chiffres trop gros s’emmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’est-ce qui ressemble plus au so
1755 es petites guerres mystérieuses, avec des ennemis et des alliés imaginaires, des jeux en cachette, odeurs de peaux, comme
1756 omme dans un rêve, des matins de dimanche sonores et tout propres, la cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et
1757 cuiller d’huile de foie de morue avant le repas, et le monsieur qui racontait gravement des choses qu’on ne comprend pas,
1758 oir pour qu’il fasse beau demain, Michel Strogoff et Rémy un fils de vaincus, les tours de carrousel, les chemins dans la
1759 veries, des recoins, une longue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague an
1760 ngue aventure sérieuse et incertaine, un peu sale et un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec
1761 minent mon enfance : les séances chez le dentiste et l’horaire des leçons. Ce malaise inavouable, cette règle méchante, ce
1762 ’on en était. Cela m’attira des reproches acides, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que tous fassent la même
1763 me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, crispé et méfiant, sans cesse en garde contre moi-même à cause des autres desqu
1764 allait pas différer, profondément hypocrite donc, et le cerveau saturé d’évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les ho
1765 donc, et le cerveau saturé d’évidences du type 2 et 2 font 4, ou : tous les hommes doivent être égaux en tout. Deux fois
1766 c’est stérile, mais ça ne fait de mal à personne, et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, dans un certain domaine, c’
1767 our m’habituer à cette idée. Je tenais cette clef et n’osais m’en servir craignant peut-être des découvertes qui eussent r
1768 que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démoc
1769 que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes. C’était découvrir notre asservissement. Je song
1770 urgeois, qui est une généralisation de l’avarice, et par les dogmes démocratiques, qui sont une généralisation de la règle
1771 on avait brisé en nous ces ressorts de la révolte et de la libération d’une personnalité : l’imagination, le sens de l’arb
1772 onnalité : l’imagination, le sens de l’arbitraire et le sens de la relativité des décrets humains. Le prix de mes souffran
1773 ur je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié, si évident, si par
1774 Démocratie apparaissait comme l’achèvement idéal et nécessaire — et qui était le seul pour lequel on nous préparait — c’é
1775 raissait comme l’achèvement idéal et nécessaire —  et qui était le seul pour lequel on nous préparait — c’était un système
1776 nablement organisé des esprits moyens, prosaïques et rassis qui tiennent aujourd’hui les charges de l’État, piliers d’un r
1777 nt de l’humanité vers les lumières, l’incrédulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’un fils d’ouvrier est l’égal d
1778 un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin —  et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier es
1779 oureusement ennuyeuses qui sont dans les livres —  et nulle part ailleurs. Nous arrivions dans la vie avec des mentions hon
1780 rrivions dans la vie avec des mentions honorables et une inconcevable gaucherie, c’est-à-dire avec des titres pour méprise
1781 es pour mépriser toute valeur simplement humaine, et une honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Ma
1782 ne, et une honte secrète qui exaspérait ce mépris et le rendait agressif. Mais moi, j’avais trop souffert de cette compres
1783 encore l’action. Je n’eus pas plus tôt découvert et nommé cet asservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je l
1784 découvert et nommé cet asservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de co
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
1785 rences sont les premières marques de la vie vécue et l’on aime à y découvrir la seule fraternité véritable. Mais c’est en
1786 er les instituteurs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et pour cause : ils n’étaient jamais sortis de l’école. Rien ne ressembl
1787 vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre de cas, mais pourquoi ai-je envie de l
1788 ini par son incompréhension méthodique des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’il soit officier ou troupier, on le r
1789 le n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ils étaient sensible
1790 qui signent des manifestes en mauvais français —  et je ferais de la peine à d’excellents garçons. Revenons au civil. J’ai
1791 éexiste-t-il dans les principes mêmes de l’École, et attire-t-il les petits bourgeois comme le portrait de Numa Droz attir
1792 Mais l’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus d
1793 e primaire est un véritable virus de mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autres maladies dites
1794 d’une façon frappante ce qu’il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique du monde. Entrons, c’est
1795 a porte, au son de la cloche : l’odeur de goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empe
1796 goudron et d’urinoirs qui imprègne les corridors et les habits des écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière
1797 habits des écoliers empeste encore mes souvenirs. Et la poussière dans l’air, l’encre sur les tables — c’était pourtant un
1798 , ces devises… —, les estampes piquées, Numa Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’écoulent huit années de votre
1799 r s’écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bie
1800 n être la vertu éducatrice d’un tel milieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la voyons est semblable à
1801 Ils ne parviennent ni à la beauté ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mai