1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 ent purement littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de n’avoir pas connu, jusqu’à ce jour au moins, cette inquiétud
2 recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’ est montré tout entier, il a bravement affirmé son unité. Car le temps
3 nité. Car le temps n’est plus, où les jeunes gens se faisaient, avec sérieux, des âmes exceptionnellement compliquées, qui
4 eux, des âmes exceptionnellement compliquées, qui s’ exprimaient en une langue plus compliquée encore et nuancée jusqu’à l’
5 ’après-guerre. ⁂ Deux philosophies, affirme-t-il, se disputent le monde. L’une vient de l’Orient, et insinue dans le monde
6 du fauve merveilleux ». Il n’a pas eu le temps de se ressaisir, le sport prolongeant pour lui, d’une façon obsédante, le r
7 ne. Dans sa hâte salvatrice, M. de Montherlant ne s’ est même pas demandé si ces deux contrepoisons pouvaient être administ
8 l’esprit catholique et de l’esprit sportif. « On se fait son unité comme on peut », avoue-t-il franchement. Il me semble
9 rands corps athlétiques ». Sur le stade au soleil se déploient les équipes, et l’équipier Montherlant les contemple, ému d
10 la douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se le disputent, et il oscille entre l’un et l’autre. Ainsi mon art, ent
11 la présence muette et sûre. Toutes ces choses ne se font pas en vain. Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il
12 Toutes ces choses ne se font pas en vain. Le chef se dresse entre les dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’
13 derne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si l’on s’ échauffe, s’échauffer sur de la précision. » On évitera ainsi tout nia
14 lyrisme sobre et prenant : « Si l’on s’échauffe, s’ échauffer sur de la précision. » On évitera ainsi tout niais romantism
15 de soi-même. Ainsi l’athlète à l’entraînement ne s’ épuise-t-il pas à combattre certaines faiblesses : il développe ses qu
16 faiblesses : il développe ses qualités, le reste s’ arrange de soi-même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le stade, se re
17 même. ⁂ M. de Montherlant, qui a quitté le stade, se rendra mieux compte à distance de la contradiction sur laquelle est b
18 us seulement un homme de lettres. Un homme en qui s’ équilibrent déjà l’enthousiasme d’une jeunesse saine et la retenue de
19 nstructeur, un entraîneur, et qui joue franc jeu. S’ il faut lutter contre lui, nous savons qu’il observera les règles. Sal
2 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
20 e sa vie comme une ardente aventure. Les épisodes s’ appellent : collège, guerre, sport… la Relève du Matin, le Songe, les
21 arbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’ est purifié dans le Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous so
22 ent ces carnages inévitables, avec un bref soupir s’ y résignent, puis tablent sur eux, et d’autres qui tiennent qu’une tel
23 es carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’ affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir contemplé Verdun, en
24  à quoi bon » percèrent soudain… Mais Montherlant se redresse vite, frappe du pied et repart. Vers quels buts ? On verra p
25 re ces régions élevées où les éléments contraires s’ unissent dans la grandeur. La paix qu’il appelle, c’est autre chose qu
26 e, revivre sa tradition. Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’u
27 uvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’ il faut en voir la raison dans la force de la personnalité révélée ou
28 de vérité » qui brûle dans son temple intérieur, s’ il veut rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’une générat
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
29 ilosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un court article de dictionnaire : « Surréa
30 sme, n.m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute a
31 d le comprenait, qui écrivit : « Quand les livres se liront-ils d’eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les homm
32 , sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprendront-ils individuellement ? » Que M. Breton donne des « recet
33 e voir que M. Breton serait un très curieux poète s’ il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous pers
34 ue M. Breton serait un très curieux poète s’il ne s’ efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader qu
35 y a pas de pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante i
36 un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se réclament imprudemment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’u
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
37 contient pourtant des vues assez neuves. M. Colin s’ est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une tell
38 d’une telle manière que des conclusions critiques s’ en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une proie du génie. L’homme te
39 es de ces jeunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation, végètent dans des œuvres d’évangélisation, fond
40 ce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’ en effraie lui-même : « Il y a quelque chose au-dedans de moi. Qu’est-
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
41 cientifique, « Prix Goncourt », curieux homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il é
42 s romans, c’est aussi une liquidation : les faits s’ y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’artiste
43 aussi une liquidation : les faits s’y pressent et s’ y bousculent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psycholog
44 à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur entraîné, ébahi, passionné, c
45 traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’ étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans
46 ts, si mal équarris. Certes, ce n’est pas lui qui se refuserait à écrire — comme le fait son maître : « La marquise sortit
47 elle platitude est presque indispensable, mais il s’ en permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas un roman en trois
48 deuse vis-à-vis du gouvernement, le libérateur va se lever. C’est un descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou »,
49 les : déjà elles huent sa modération. Alors il va se jeter au-devant des troupes accourues, il meurt en clamant la paix. M
50 construit, au contraire. Mais le tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaissent trop n
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
51 s de l’Orient (septembre 1925)e Le xxe siècle s’ annonce comme le siècle de la découverte du monde par l’Europe intelle
52 ment gréco-latin retournera vers ses sources pour s’ y retremper. Les appels de l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guéno
53 Gide en particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi
54 ole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’ agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « … tout ce qui est opp
55 un esprit analytique et organisateur d’occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements c
56 à la suite de Claudel estiment que la question ne se pose pas, puisque nous sommes chrétiens. (Mais le christianisme, reli
57 ombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déductions in abstracto qui le mènent à des con
58 nt des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos
59 nt de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’ agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
60  Tout homme normal est fait de plusieurs fous qui s’ annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi purement, qui veut élim
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
61 arde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’ être un peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
62 (septembre 1925)h Dans l’atmosphère trouble où s’ agite l’Allemagne nouvelle — et peut-être parce qu’il sait en sortir p
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
63 ’importance européenne », croyez-vous qu’il aille s’ abandonner à l’émotion communicative de qui découvre un sommet ? Point
64 ls, de la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être… ».
65 de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu
66 presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ ils s’imposent comme types, c’est encore et uniquement par leur obséda
67 e inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’ imposent comme types, c’est encore et uniquement par leur obsédante vo
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
68 e originale de la plupart des idées dont lui-même s’ est fait le moderne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge des r
69 ut-être pourquoi il insiste sur le fait que Vinet se déclarait « un chrétien sans épithète ». Croit-il éluder ainsi le pro
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
70 tions (décembre 1925)l « Quel est celui-là qui s’ avance » avec ce visage d’entre la vie et la mort « où se reflète le p
71 e » avec ce visage d’entre la vie et la mort « où se reflète le passage incessant d’oiseaux de la mer ? » « Quel est cet h
72 ne époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vertige sur ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-de
73 ne anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’ est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du mond
74 respirent le même air du temps. Leur originalité se retrouve dans la manière dont ils tentent de fuir l’inquiétude où ils
75 e de quitter l’air dur des pampas. « Le voilà qui s’ avance, foulant les hautes herbes du ciel. » Le gaucho a dompté Pégase
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
76 r à l’endroit de cette âme irlandaise en laquelle s’ allient une fantaisie et un réalisme également lyriques. m. « Simone
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
77 quelques mois avant que n’éclate le sinistre, et s’ arrête au moment où l’on est sûr que ça brûle bien. Quel sujet plus ri
78 me, la vertueuse Véra avec un des Anglais) : Ils s’ embrassaient comme des gens qui auraient eu faim toute leur vie… Marko
79 d que ses dents claquaient. Il quitta sa fenêtre, se traîna jusqu’à l’angle le plus éloigné du réduit, et se blottit là, s
80 îna jusqu’à l’angle le plus éloigné du réduit, et se blottit là, sur le sol, les yeux grands ouverts dans le vide, sans ri
81 atrie. Une effroyable acceptation, mais elle peut se muer instantanément en révolte. Aucun cadre logique ne détermine l’av
15 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
82 ur élévation morale ou leurs souffrances semblent s’ être le plus rapprochés du Christ ; et dans l’Église persécutée, le ma
83 d’adoration de dieux protecteurs. Cette croyance se répand, favorisée par la souplesse dont fait preuve l’Église d’alors
84 plesse dont fait preuve l’Église d’alors quand il s’ agit d’adapter des traditions antiques au dogme en formation. Au Moyen
85 s au dogme en formation. Au Moyen Âge l’évolution se continue dans le même sens. On spécialise les « compétences » des sai
86 ompétences » des saints, ou de leurs reliques qui se multiplient prodigieusement. Alors éclate la protestation de la Réfor
87 ie : mais Christ est le seul médiateur à qui doit s’ adresser le culte, en son cœur, du croyant. Le centre de gravité relig
88 xiste divers ordres de sainteté ». Cette mère qui s’ est sacrifiée aux siens, n’était-ce pas une sainte, comme ce missionna
89 inte, comme ce missionnaire et cette diaconesse ? S’ il n’y a pas de saints protestants, il existe des saints dans le prote
16 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
90 Adieu, beau désordre… (mars 1926)o L’époque s’ en va très vite vers on ne sait quoi. On a mis le bonheur devant soi,
91 ataillons de pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous l
92 orifie une morale résolument anarchiste. Ceux qui s’ essaient à l’action, c’est encore pour cultiver leur moi. Ils y cherch
93 re, c’est la seule façon efficace de servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des idées et des doc
94 y a une seule mer. Nos agitations contradictoires s’ affrontent comme des vagues soulevées par une même tempête. L’unité de
95 ces très différents de style, et dont les façades s’ opposent avec hostilité. Dans l’intérieur des deux maisons pourtant se
96 ilité. Dans l’intérieur des deux maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles de famille entre Art et Morale, Pensée
97 e créateur. Mais quel est ce besoin si général de s’ incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œuvre
98 ral de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la litté
99 ne pas pouvoir les séparer. On n’écrit plus pour s’ amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une action, une expéri
100 istoriques d’une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les problèmes modernes en littérature. Jacqu
101 roblèmes modernes en littérature. Jacques Rivière s’ y appliqua dans un de ses derniers articles2. Il rendait responsable d
102 vre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’ est trompée, puisqu’elle seule permet la suivante qui peut-être retrou
103 parce que tout a été essayé. Dégoût, parce qu’on se connaît trop, et que plus rien ne retient. (Or on ne crée que contre
104 isant et forcené gaspillage : la guerre. Certains s’ en tiennent à leur dégoût et l’exploitent. Ainsi se légitime le surréa
105 ’en tiennent à leur dégoût et l’exploitent. Ainsi se légitime le surréalisme, qui vomit le monde entier et la raison avec.
106  », disait Drieu la Rochelle. Mais il faudra bien se remettre à manger, tout de même nous avons un corps, et c’est très be
107 monde, mais on voudrait que de moins de gloriole s’ accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dégoût, un Mont
108 à Dieu. Mais, secouant son dégoût, un Montherlant s’ abandonne au salut par la violence. Une sensualité moins énervée lui p
109 ires la matière de quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touché certains bas-fonds de l’âme où s
110 . Mais il a touché certains bas-fonds de l’âme où s’ éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mystique. Et po
111 e, sans la brusquerie de ses aînés. Encore un qui s’ est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir comme u
112 s ». C’est plutôt qu’il est trop attaché encore à se regarder chercher, absorbant son attention dans une sincérité si voul
113 plus morale et plus immorale, parce qu’aucune ne s’ est autant attachée à chercher dans le seul moi les fondements d’une é
114 emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cela t
115 parfaitement folle, mais c’est justement de quoi se glorifient ses tenants, ils y voient la suprême liberté. Le désir se
116 enants, ils y voient la suprême liberté. Le désir se précisait en moi de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de t
117 stes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’ emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide et
118 e s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide et Aragon nous montrent le même personnage : un êt
119 ité parfois douloureuse ses propres actes dont il s’ étonne mais qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement une littéra
120 use ses propres actes dont il s’étonne mais qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratu
121  » c’est proprement la perversion d’une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité psychologique d’u
122 érive-t-il pas d’une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nuits à mesure que se développe un
123 ser le rythme des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les machines n’ont pas beso
124 ’aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’ agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort pour se libérer
125 encore une fois, de renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie accompli par des générations qui
126 en être agi. Donner une conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’oubli — (mais avant de
127 t dériver vers un Orient d’oubli — (mais avant de s’ y perdre, quelles révolutions, quelles anarchies, quels Niagaras 9 !)
128 unes hommes l’ont compris. Ils sont modestes — ne s’ isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des arm
129 , quelle saveur a l’eau claire !) Quelques autres se recueillent encore dans l’attente angoissée d’une révélation et dans
130 r misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ils s’ en vont « épiant toutes les émotions de l’âme, et lui multipliant ses
131 echerche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumière. « Il vaut mieux, dit e
132 r un absolu ; qu’ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumière. « Il vaut mieux, dit encore Vinet, ne voir d’
133 ce, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’ agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais q
134 moralistes — presque tous les jeunes écrivains — se souviennent de penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuil
135 du concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’ était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. » (Ar
136 er en soi, on veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines
137 Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’ il voulait…) o. « Adieu, beau désordre… (Notes sur la jeune littératu
17 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
138 Raymond de Saussure, psychanalyste distingué, qui se fit avec beaucoup d’intelligence l’avocat du diable, en montrant que
139 la théologie moderne avec l’action religieuse en s’ appuyant sur des expériences faites pendant le réveil de la Drôme, don
140 d’hommes qui ont vu, qui ont souffert, et qui ne se payent plus de mots ni d’utopies, Clerville, Janson et Brémond ont su
141 comme au physique. Chacun dit ce qu’il pense sans se préoccuper d’être bien pensant et les Romands recouvrent l’usage de l
142 mands recouvrent l’usage de la parole, puis on va se dégourdir sur un ballon ou bien l’on poursuit hors du village une dis
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
143 rdies d’un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la
144  Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’ effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion mystique e
145 ue. Mais tout cela baigne dans le même lyrisme et s’ agite sur un fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnen
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
146 le vent du large, parmi des gens qui craignent de s’ enrhumer. q. « Alix de Watteville : La Folie de l’espace (Delachaux
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
147 ce que c’est dimanche, parce qu’il pleut et qu’on s’ ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est moins fatigant. « Le
148 ’Amour — sourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger… r. « Wilfred Cho
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
149 gnorante de toute religion jusqu’à 20 ans, Denise s’ abandonne à « la vie », laquelle — un peu aidée par l’auteur — lui rév
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
150 en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus incontest
151 Mais quelle intelligence, et dont l’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les mirac
152 s étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté
153 fleurs de cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. « Jean Cocteau : Rappel à l’ordre (Stock, Paris) »
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
154 ie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvient — « mémoire, l’ennemie » — avec une intelligence dont la tri
155 e perdre. » Vouloir la vérité pure sur soi, c’est se refuser à l’élan vital qui nous crée sans cesse : l’analyse de sa sol
156 re que son propre procès », une intelligence qui se dégoûte, tel est le spectacle que nous dévoile cyniquement René Creve
24 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
157 : 22-25 mars 1926 (mai 1926)e Cette conférence s’ ouvrit par une bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous
158 it par une bise qu’on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau soleil de printemps. Libre à qui veut d’y v
159 e que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’ établir. Alors le miracle apparut, grandit. Le miracle, c’est l’esprit
160 oui, M. Journet — et je ne crois pas qu’il puisse se produire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit de liberté, tou
161 é de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’ affirmer aux dépens d’autrui, — c’est la liberté dans la recherche. Ch
162 che. Chose plus rare qu’on ne pense, à Aubonne on se sent prêt à tout lâcher pour une vérité nouvelle, on tient moins à co
163 vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais plusie
164 exprimaient tour à tour les objections que chacun se faisait à part soi, qu’ils incarnaient les voix contradictoires d’un
25 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
165 ux charmes troubles et inhumains de la nature. Il s’ agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la gran
166 oésie. C’est ainsi que le problème de l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et sociales d’aujo
167 son plan, ce sera plus fort que Mussolini (lequel s’ est d’ailleurs inspiré de lui dans son fameux discours aux édiles de R
168 s vingt-quatre gratte-ciel de la cité, au centre, s’ espacent autour d’un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le
169 de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’ étendent les quartiers de résidence ; les jardins suspendus à tous les
170 t leur chant. Utopie ! Oui, si notre civilisation s’ avoue trop fatiguée pour créer avec ses moyens matériels formidables d
171 eil des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie —
26 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
172 t on est anxieux de prévoir l’influence, avant de s’ y jeter, et dont on craint de ressortir trop différent. Amour de soi,
173 dans tout mon être une force aveugle de violence s’ était levée. Ce fut elle qui m’entraîna sur les stades où je connus qu
174 ige un acte victorieux. Autour de cette brutalité s’ organisaient brusquement les éléments désaccordés de ce moi que j’avai
175 ncts combatifs et dominateurs par quoi l’homme ne se distingue plus de l’animal. Louée soit ma force et tout ce qui l’exal
176 glisse vers la mort. L’important, c’est de ne pas se défaire. Mais rien n’était résolu. Me voici devant quelques problèmes
177 ue je dois feindre d’avoir résolus : c’est ce qui s’ appelle vivre. Problème de Dieu, à la base. J’aurai garde de m’y perdr
178 ière, qu’une révélation vienne chercher l’âme qui se sent misérable. Je ne recevrai pas une foi, mais peut-être arriverai-
179 être arriverai-je à la vouloir, et c’est le tout. S’ il est une révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui pré
180 Je ne suis digne que par ce que je puis devenir. Se perfectionner : cela consiste à retrouver l’instinct le plus profond
181 xpérience et d’un sentiment de convenance en quoi se composent le plaisir et la conscience de Mes limites. Je m’attache pa
182 où cette fatigue générale qui fausse tout, et qui s’ oppose au perfectionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet que des
183 même temps que ma puissance d’agir. Que tout cela s’ agite sur fond de néant, je le comprends par éclairs, mais une secrète
184 s que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’ affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho profond, une at
185 ne nuit froide. Les notes d’un chant qui voudrait s’ élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’ils viennent battre ce c
186 je pense au monde. Chant des horizons, images qui s’ éclairent… Je vais écrire autre chose que moi, je vais m’oublier, me p
187 , me perdre dans une vie nouvelle : (Créer, c’est se surpasser). J’entends des phrases qu’il ne faut pas encore comprendre
188 ’après tant d’expériences ratées on puisse encore se persuader de la vérité d’un système, hors la religion. Un système n’e
27 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
189 t leur protestation, étouffées par des forces qui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’on l’éprouve d’abord t
190 poème solaire », l’éditeur un roman, parce que ça se vend mieux. Ce récit des premiers combats de taureaux du jeune Monthe
191 e anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’il s’ accorde d’emblée avec ce qu’il y a de plus bondissant en nous ; en pri
192 des présences animales. Tandis que sur la plaine s’ élève le long beuglement des taureaux et le ohéohéohé des bouviers « c
193 nt tout droit, la tête dressée, des vachettes qui se mordillent et se frôlent amoureusement, des chiens « qui vous faufile
194 tête dressée, des vachettes qui se mordillent et se frôlent amoureusement, des chiens « qui vous faufilent des douceurs a
195 art mieux que dans la description des taureaux ne se manifeste ce passage du réalisme le plus hardi à un lyrisme plein de
196  : La bête chancela de l’arrière-train, tenta de se raidir, enfin croula sur le flanc, accomplissant sa destinée. Quelque
197 es yeux et on vit sa respiration. Puis ses pattes se tendirent peu à peu, comme un corps qu’on gonflerait à la pompe, tand
198 mme lui, elle y resta immobile. Et son âme divine s’ échappa, pleurant ses jeux, et les génisses, et la chère plaine. De t
199 superstitieux, de grands symboles païens, et l’on se perd dans un syncrétisme effarant, où Mithra, Jésus, les taureaux et
200 à peu obsède dans l’inflexion des phrases, ce qui s’ élève en fin de compte de tous ces tableaux de violence et de passion,
201 ’un tempérament. À l’inverse de tant d’autres qui s’ analysent sans fin, avant que d’être, Montherlant impose un tempéramen
202 incertitude douloureux, où ces problèmes viennent se poser à l’esprit, profitant de son désaccord avec la vie. Ni métaphys
203 comprend qu’une telle attitude agace des gens qui se soucient avant tout de trouver des réponses de l’intelligence ou de l
204 ouloir trouver un sens, ne vaudrait-il pas autant s’ abandonner parfois à ces forces obscures qui nous replacent dans l’int
28 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
205 tes ont dénoncé certaines des confusions sur quoi se fondent ces poétiques espérances ou ces craintes imaginaires. Beaucou
206 nt le cas, mais bien sur l’Orient. Encore faut-il s’ entendre : les meilleurs documents sur l’Orient sont les œuvres des Or
207 ans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’ accumulent les traits qui composent le portrait moral de l’Oriental, c
208 portrait moral de l’Oriental, celui de l’Européen se précise dans la même mesure, — et aussi la figure de l’auteur : car i
209 rt de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’ il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une politesse, leur pa
210 posables ». Dès lors, comment collaborer, comment se comprendre, et si c’est impossible, pourra-t-on du moins éviter le co
211 Malgré l’« anxiété mélancolique » qu’il éprouve à se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de Traz — si tant
212 t romantisme pour édifier aucun système. Le livre se termine par un voyage à Jérusalem : le christianisme n’est-il pas le
213 e amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’il s’ impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette pré
214 n livre : cette impartialité même, cette façon de se placer en face des choses, tout près, mais sans jamais s’y perdre ou
215 r en face des choses, tout près, mais sans jamais s’ y perdre ou se confondre en elles, révèle sa personnalité peut-être mi
216 choses, tout près, mais sans jamais s’y perdre ou se confondre en elles, révèle sa personnalité peut-être mieux que ne le
29 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
217 e du mouvement de construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’aujourd’hui. La « critique philos
218 que philosophique » qu’il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas d’étudier les œuvres pour elles-mêmes dans leur sign
219 s par les générations précédentes. Parce qu’elles se sont souvent enlisées dans leurs recherches, il ne les condamne pas d
220 cune autre me paraît liée à cette confusion. Mais s’ il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différe
221 ment différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’ en suit pas forcément que l’on doit nier toute communication directe e
222 oi il écrit : « II y a, en fait, deux manières de se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l’œu
223 en fait, deux manières de se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est-elle pas une
224 anières de se connaître, à savoir se concevoir et s’ essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est-elle pas une façon particuliè
225 l’œuvre n’est-elle pas une façon particulière de s’ essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subtiles
226 dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demander s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’
227 ai me paraît encore ambiguë : on peut se demander s’ il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condam
228 vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’ il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y décèle. Le meill
229 droit de voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données modernes de la psychologie et de
30 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
230 ides et roses. De l’autre côté, c’est le vide, où s’ en vont lentement les eaux et les lueurs, vers la mer. Sur le Lungarno
231 s quais sans bancs pour notre lassitude. Florence s’ éloignait derrière nous qui suivions maintenant le sentier du bord du
232 chant descend très doucement la berge, les bœufs s’ engagent dans le marais, cherchant le gué. Plus proches, les syllabes
233 comprendre ce lamento. Le ciel est un silence qui s’ impose à nos pensées. Ici la vie n’a presque plus de sens, comme le fl
234 Miniato sur sa colline. Derrière nous, les arbres se brouillent dans une buée sans couleurs, nous quittons un mystère à ja
235 ssant en nous la lâche volupté de sentir l’esprit se défaire et couler sans fin vers un sommeil à l’odeur fade de fleuve,
236 nos ferveurs, angles purs, repos de l’esprit qui s’ appuie sur son œuvre ! La sérénité de cette façade élevée lumineuse su
237 et le mouvement perpétuel de l’amour. Plaisir de se sentir engagé dans un système d’ondes de forces qui tisse la nuit vib
31 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
238 u. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’ embarque dans une croisière de vacances, qui finit par un naufrage dan
32 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
239 nveloppée, une atmosphère trop claire où les cris se font un peu aigres et les couleurs fluides. Toute la tendresse que ra
240 icieusement invraisemblable… Mais ce cœur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus de quels souvenirs ; jusqu’au soi
241 pouvait tant souffrir et ne plus aimer ». Closain se tue pour finir le livre. Livre charmant et bizarre, où la sentimental
242 ît parfois et nous fait regretter que l’auteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’un pathétique assez neuf. z
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
243 mes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’ étonne non sans quelque aigreur, et critique avec un mépris tranquille
244 semblait devoir résulter de cette confrontation, s’ évanouit : c’est bien plutôt une unité supérieure de l’esprit humain q
34 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
245 mal du siècle. Tout le monde en parle, et chacun s’ en autorise pour excuser sa petite faiblesse originale : tant qu’à la
246 tant qu’à la fin la notion concrète de sincérité s’ évanouit en mille définitions tendancieuses et contradictoires. Êtes-v
247 raliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’ est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pas attendu les écl
248 prendre. ⁂ Qu’on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit autour de lui — et l’étonnement indign
249 y a de déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de confusions aussi perfides et si profondément mêlées à ses
250 incérité = spontanéité. Mais la morale est ce qui s’ oppose en premier lieu à la spontanéité. C’est pourquoi Gide écrit ail
251 t naguère au surréalisme. Tous les héros de roman se sont mis à gesticuler « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s
252 ler « gratuitement ». Et les critiques d’abord de s’ indigner. Aujourd’hui, on les voit assez enchantés de l’affaire : « Gr
253 haque fois qu’ils ne comprennent pas. Il faudrait s’ entendre. Et, ici encore, prenons garde de confondre le plan littérair
254 le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclame
255 évélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’ étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volontaire, ou mie
256 térature remplirait déjà suffisamment son rôle en se bornant à nous donner de nous-mêmes une connaissance plus intense et
257 le fausse, puisque je le prive de la puissance de se délivrer en gestes, en conséquences matérielles. Ce n’est plus l’élan
258 d’automobiles étoilent le brouillard, les visages se cachent dans des fourrures, personne ne sait la richesse de ta vie…).
259 re si différent. Les gestes et les sentiments qui se proposaient à mon souvenir ont été passés au crible de la minute où j
260 ’on ne saurait atteindre « la vérité sur soi » en se servant de la méthode indiquée dans le premier exemple. C’est un cas-
261 tourbillonnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et
262 onnant à l’intérieur. Un arrêt (l’auteur se met à se regarder vivre, le personnage à douter du sens de sa vie) et les forc
263 ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’ acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison de viv
264 nu y chercher quelque raison de vivre, il voulait se voir le plus purement (« cette curiosité donnée comme raison d’une pe
265 s n’importe comment, mais selon certaines lois où se retrouve notre individualité. Elle nous crée tels que nous tendons à
266 idation de l’individu mais avant tout un moyen de se connaître. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’homme
267 el nous montre assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’ en suit pas que contenue dans des limites assez étroites empiriquement
268 ser ; impuissance à inventer. Car inventer, c’est se porter à l’extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est
269 porter à l’extrême pointe de soi, et, d’un élan, se dépasser ; c’est créer une différence. Pourquoi les romanciers modern
270 ontre clairement. En morale : défaitisme quand il s’ agit de gestes qui pourraient entraîner des effets imprévisibles, « ré
271 e rien qui ne soit sincère. Peut-on véritablement se mentir à soi-même, et surtout se prendre à ses propres mensonges ? Pe
272 on véritablement se mentir à soi-même, et surtout se prendre à ses propres mensonges ? Peut-être juste assez pour qu’ils v
273 r toutes les pensées » (Rivière). Mais on ne peut se maintenir dans cet état. Ce « mensonge », ce choix faux mais bon, néc
274 à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’ y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’
275 … Nous ne sommes pas, nous nous créons. Certains se refusent à toute intervention qui altérerait leur moi ; ils ne souhai
276 intelligent mais immobile : ce sont les mêmes qui s’ ignorent en tant que personnes. Comment se trouveraient-ils, n’existan
277 si le personnage est maintenu jusqu’à la mort, il se confond avec l’homme même. (André Maurois.) (Quel effroi, ce jour d
278 ie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’ imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre
279 ......................................... Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valéry. Certes, du sein de ma t
280 ma joie — un état de grâce, un amour — ne pouvait se satisfaire de telle possession particulière, ne pouvait non plus s’im
281 elle possession particulière, ne pouvait non plus s’ imaginer qu’elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’i
282 e volonté — si profonde qu’elle n’a pas besoin de s’ expliciter pour être efficace — qui m’interdit de nommer ce dont je ne
283 notre langage statique. 3. « Et certes quand il s’ agit de parole ou d’écriture, l’affirmation prouve moins une certitude
35 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
284 tera notre programme. Sans doute, les différences s’ accusent : mais n’est-ce pas la meilleure raison pour nos aînés de che
285 considérer avec sympathie. Il est bien facile de s’ écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a
286 e de s’écrier : « Après moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on
36 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
287 y a chez Aragon une folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion farouche pour la libert
288 ens à la grande race des torrents ». Génie inégal s’ il en fut, voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s
289 rmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’ impose avec des qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut
290 des pages d’un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’une métaphysiq
37 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
291 umes. Insulter ta beauté froide ? Oui, mais à qui s’ adresser. Automne au sourire absent, Or luisant, terreau qui fume… Et
38 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
292 t de peser sur le commutateur des étoiles… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégriner dans les régio
293 les… l’une, se décrochant sans plus d’hésitation, se mit à pérégriner dans les régions de chasse gardée du ci-devant solei
294 d’authentiques avocats et un chapelier dont tous s’ accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès de bonne humeur prin
295 yeux et ne vit rien. On rappelle que les étoiles s’ étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éternité désaffect
296 ernité désaffectée, c’est bien dommage, dit-il en s’ étirant ; le printemps désormais rendra le ciel plus pâle, et nous iro
297 l’étoile chantait dans l’axe de sa vie normale et s’ approchait en faisant la roue — celle à qui sourit la Fortune. Urbain,
39 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Dans le Style (janvier 1927)
298 ies sur le paysage commercial. Terminus : Morand, s’ éveillant en français, termine : … Irène. (Grasset, 1924… … y compris
40 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
299 llusion aux divers points de vue auxquels on a pu se placer pour juger la révocation. M. Esmonin, lui, se place au point d
300 placer pour juger la révocation. M. Esmonin, lui, se place au point de vue de l’historien scrupuleux, qui juge d’après les
301 au dire de sa belle-sœur, la princesse palatine, se laisse facilement convaincre. D’ailleurs, les jésuites ont déjà réuss
302 te diminution du nombre des protestants. Aussi ne s’ effraye-t-on pas trop, au début, de l’émigration des fidèles qui suive
303 me de Maintenon. Mais bientôt l’on voit la France se dépeupler ; des industries sont presque anéanties ; les conséquences
304 ces funestes de l’acte de révocation commencent à se révéler politiques (guerre de la confession d’Augsbourg) et surtout m
305 d’être unanimes à louer la révocation. L’un d’eux s’ indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été le
306 guerre civile succède aux dragonnades. M. Esmonin s’ abstient d’en faire un tableau qu’il suppose présent à l’esprit de ses
41 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
307 uelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit entre eux dans leur i
308 on songe à une fatalité intérieure qui les ferait se meurtrir l’un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’un mot,
309 ui les tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibl
310 eunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle étroitement au premier… Mais combien cette analyse trahit Barbey
311 sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Paysages tristes et sans violence, autour de ces êtres d
312 on analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’était un parc av
42 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
313 ? heureux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’ agit de « déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux q
314 r notre plaisir, un peu plus viennois que naturel s’ il parle de choses d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu
315 nt ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’
316 ngué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si e
317 ée. Pourtant, entre Montclar et Ameline, un amour se noue, qui commence où souvent l’on finit. Et peut-être l’amour n’est-
318 rs quelle avidité cruelle, et peut-être tendre, à se faire souffrir rejette l’un vers l’autre ces êtres égoïstes, et fonde
319 d’une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’ en dégage, sagesse qui veut « que nous appelions les âmes à la vie apr
43 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
320 , comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent les douleurs les plus atrocement inutiles. La première fois, a
321 rêtait quelque intention. Quand enfin l’orchestre s’ arrêta, je me trouvais tout près de vous. Mon ami me fit un signe disc
322 vous. Mon ami me fit un signe discret, et déjà il se préparait à vous rendre attentive à ma présence… Mais, alors, je ne s
323 Déjà la foule des danseurs nous séparait, mon ami se détournait, un peu vexé ; vous disparaissiez au milieu d’un cortège d
324 perdu. Chaque fois qu’un paquet de dix personnes s’ engouffrait dans la cage rouge et or et s’élevait, j’éprouvais un peti
325 rsonnes s’engouffrait dans la cage rouge et or et s’ élevait, j’éprouvais un petit arrachement, comme précisément un enfant
326 fois, j’ai cru vous reconnaître dans la foule qui se précipitait, mais je n’avais pas pris de numéro, je ne pouvais pas mo
327 , maladroits, contradictoires… Un autobus de luxe s’ était arrêté tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pench
328 tout près de moi. Je vis un visage à l’intérieur se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personn
329 es dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’ était penchée vous ressemblait tant. Mais je n’osais presque pas la re
330 mes yeux. Une bouche de métro m’attira. Les rames s’ arrêtaient avec un sifflement particulièrement doux pour ma fatigue, e
331 vec une sombre joie les employés et les voyageurs s’ inquiéter. Bientôt on m’entraîna de force sur un trottoir roulant qui
332 ans la ville, mais il me semble que toutes choses s’ éloignent de moi vertigineusement, par cette aube incolore. Il y a vin
44 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
333 iendra Des Enfers. » — « Ce n’est pas une phrase, s’ écrie-t-il, c’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la
334 ignes Sont moins bons acrobates… (etc.)… Cocteau s’ est trop exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’
335 ates… (etc.)… Cocteau s’est trop exercé avant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’il ne tombera pas. J’admire
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
336 tre œil (février 1927)h Décembre L’époque s’ ouvre où l’on attend un miracle pour la fin de la semaine. « Messieurs
337 Il y a des soirs où une idée de la responsabilité s’ empare de nous. Et nous calculons qu’il s’agit de déranger 5000 person
338 abilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’il s’ agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occuper qua
339 mis au soin d’engendrer cet adorable monstre. Ils se réunissent parfois autour d’un feu et le contemplent un certain temps
340 né entre deux cafés-nature, et presque sans qu’il s’ en soit rendu compte. Clerc entrevoit un projet à deux faces. Lugin, q
341 « la Montagne » ne saura venir au prophète, même s’ il se nomme Mossoul. Pourtant, au milieu de ce paludesque et stérile c
342 Montagne » ne saura venir au prophète, même s’il se nomme Mossoul. Pourtant, au milieu de ce paludesque et stérile consis
343 ue et stérile consistoire, une idée de génie vint s’ asseoir certaine nuit. Elle parla par la bouche de Lugin, sa langue da
344 , sa langue dans la langue de Lugin : « Le rideau se lève sur un miroir qui occupe toute la largeur de la scène. Titre : S
345 en scène fort ingénieuse qui permit à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fon
346 llles ? À signaler la fuite de Bec-de-Gaz, lequel s’ éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut que cette chose avait
347 z, lequel s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’ aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on appelle, sans doute pa
46 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
348 aboutit coïncide avec un mouvement dont lui-même s’ est plu à relever les indices chez ses jeunes contemporains, et qu’il
349 on expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le même monde où se plaisent nos jeunes poètes cosmopolit
350 ncier. Son regard se promène sur le même monde où se plaisent nos jeunes poètes cosmopolites, mais il garde une certaine d
351 ené Dubardeau pour cette ambassade). Parfois l’on se demande si l’Auber de Jean Cassou ne va pas s’attabler au café en fac
352 on se demande si l’Auber de Jean Cassou ne va pas s’ attabler au café en face des personnages de Jaloux. Et peut-être que l
353 secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre une femme qu
354 enonceaux ». Peu à peu l’image d’Irène Rezzovitch s’ idéalise et gagne la puissance d’une merveilleuse obsession. Il lui éc
355 un sujet qui convient admirablement à son art, où s’ unissent aujourd’hui un réalisme discret mais précis et le sens de ce
356 d’hui faire éclater dans un cadre très moderne où s’ agitent des personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout
357 nt il dit : « Personne ne peut juger du drame qui se joue entre deux êtres, personne, pas même eux ». Dans ce roman, comme
47 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
358 1905) : quelques acteurs d’une troupe de province s’ agitent incompréhensiblement dans un décor très pauvre, légèrement col
359 coloré. Le principe est simple : « Je vous aime » se traduit par trois ou quatre claques sur la poitrine ; et une crise in
360 de Saint-Guy. Art classique : la mort d’Hyppolite se passe en coulisse. Mais Phèdre avoue tout « devant le cadavre encore
361 erré, mais sur la corniche d’un gratte-ciel, d’où se met à descendre un petit bateau de papier, sur fond de boulevards et
362 l’aile un dixième de seconde, par intermittences, se pose enfin sur l’écran : une danseuse sur une plaque de verre, vue pa
363 souvenir par le rayonnement de la robe, fleur qui s’ ouvre pour dégager le mouvement obsédant de deux jambes, l’harmonie de
364 ît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’que c’est cochon ! » Mais le moment ne vient
365 eur. Un mouvement ne souligne pas, il exprime, et se suffit. Mais comme pour le film 1905, on a sans cesse envie de crier 
366 ; c’est un temps nouveau, et l’espace en relation se modifie pour maintenir je ne sais quelle harmonie… C’est une réalité
48 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
367 urs maîtres soit lu par tous ceux qui cherchent à s’ orienter dans la crise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état de
368 nsidère les deux solutions les plus parfaites qui s’ offrent aux jeunes gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de
369 t qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer en deux mots : inquiétude ou foi. Dès lors sont-elles vraimen
49 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
370 927)j Ah ! je sens qu’une puissance étrangère s’ est emparée de mon être et a saisi les cordes les plus secrètes de mon
371 dédier l’ennui de ma révolte ? Aragon sarcastique se tient là-bas dans un rayon échappé des Enfers — auxquels je crois enc
372 s. Aragon, dans ces tempêtes de nuits filantes où s’ enfuient, souffles à peine parfumés, les vices enlacés aux vertus, c’e
373 le repas dont vous sortez, que ces trois mots où se résume la défense de la loi sociale, patriotique, religieuse (?) et c
374 sir, — quelques hommes y pénètrent, et le goût de s’ amuser ne renaîtra plus en eux. Ni même celui de souffrir. Le dernier
375 tre seul sur un faux sommet vers quoi des faibles s’ efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’il les nargue. Il connaît
376 les à l’immobilité miraculeuse des statues7. » Il s’ agit bien de critique littéraire ! Nous sommes ici en présence d’une d
377 me de l’esprit. Jusqu’au-boutisme désespéré. « Il s’ agit de rendre impraticables quelques portes de sortie » ou compromis 
378 ussent acheté au prix d’un martyre… Nos jugements se rendaient sans cesse à l’échelle de l’infini, et cet infini nous écra
379 ent Vautel, le matérialisme le plus pauvre auquel se soit jamais abaissée une civilisation. Mais nous sommes encore quelqu
380 cafés littéraires et dont il serait le premier à s’ amuser ?   Février 1927. Relu Une vague de rêves et la préface de Libe
381 . Je me souviens d’une phrase de Vinet — laissons s’ esclaffer du rapprochement les auteurs de manuels de littérature — : «
382 arce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet état d’
383 ique qui n’épouse pas le rythme d’une œuvre, mais s’ avance à sa rencontre armé de l’appareil à frigorifier de sa raison, e
384 n’oubliez pas que « l’artiste serait peu de chose s’ il ne spéculait sur l’incertain », c’est un académicien qui l’a dit. V
385 s thèses rassurantes de la « saine raison », sans se demander jamais si cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il
386 cela ne condamne pas et la santé et la raison. Il s’ est trouvé des Maurras et autres « héritiers de la grande tradition gr
387 mme promenoir, avec défense sous peine de mort de s’ en écarter. Voilà bien leur désinvolture, car enfin, elle est déesse.
388 de : Qu’il vienne, qu’il vienne Le temps dont on s’ éprenne ! Les œuvres les plus significatives de ce siècle sont écrit
389 me, Karl Marx, la préface de Cromwell. Mais il ne s’ agit pas de refaire notre petite révolution à nous, dans tel domaine.
390 s pardonner aux surréalistes : qu’ils aient voulu s’ allier aux dogmatiques d’extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a f
391 ontestablement beau. Mais alors, Aragon, pourquoi se faire marchand des œuvres complètes de Karl Marx ? Si vous ne dites p
392 is la Révolution au nom de l’esprit, on ne va pas s’ acoquiner avec des gens qui ont fait, il y a 10 ans, une révolution en
393 z-vous combattre cet esprit « bien français » qui s’ associe à tant d’objets de votre mépris, en prenant le contre-pied de
394 est venue de clore des discussions énervantes où s’ épuise vainement une dialectique dont l’objet fuit sans cesse par la q
395 gon et les surréalistes auront raison même encore s’ ils ont tort, envers et contre toutes les critiques qu’on pourrait leu
396 on ; parce que cette révolution ne demandait qu’à s’ asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui no
397 vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : enc
398 que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’ y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue da
399 ivre de tendances très modernes. Et des gens pour se gausser quand nous écrivons Révolution, et nous offrir un billet (sim
400 ence définitive de notre absurdité. Car l’homme «  s’ est fait une vérité changeante et toujours évidente, de laquelle il se
401 é changeante et toujours évidente, de laquelle il se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acculé
402 l se demande vainement pourquoi il n’arrive pas à se contenter13 ». Acculés à ce choix : inconscience de ruminants ou neur
403 rit, proclamez le grand Libre-Échange, voici déjà s’ avancer des prodiges à cette invite la plus persuasive : nous sommes p
404 c’est la tyrannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel
50 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
405 , d’ailleurs invraisemblables, qu’à leurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans tous les poèmes où
406 onc venue. Il la suivait entre les devantures qui se passaient de l’une à l’autre deux séries de profils jusqu’au soleil t
407 ’amitié mortel de tout ce qui n’arrive jamais. Il s’ est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux q
408 l et un violon, pour qu’il en joue, au printemps, s’ il savait … R.S.V.P. À Max-Marc-Jean Jacob Reymond. Une étoile
409 la main et l’abattit d’un coup de revolver. Puis s’ en fut avec un tact exquis, qui fut très remarqué. Le duc riait sous u
410 me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’ enfuit en disant que ce n’était pas lui. L’enterrement aura lieu sans
411 e un songe de son enfance. Aux fenêtres du palais s’ étoilèrent des halos. Le jour tendre paraissait sous l’égide de la mor
412 violons déchirants dans sa tête… Mais le sommeil s’ évaporait aux caresses des flocons, plus perfides que des murmures d’a
413 s, dans l’amitié pensive des jardins. Une fenêtre s’ était ouverte et des accords échappés tombaient, les ailes coupées. Pu
414 pés tombaient, les ailes coupées. Puis le silence se reprit à ses songes désolés. Autre suicide ou la promenade en bate
415 is né pour la mort. » Il fait assez beau pour que s’ ouvre ce cœur de l’après-midi, comme un camélia de tendre orgueil. Il
416 soleil du haut-lac. Justement, voici que tout va s’ ouvrir, qu’un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins
417 ustement, voici que tout va s’ouvrir, qu’un monde s’ est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse. Et bien sû
51 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
418 t peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des deux éléments nécessair
419 a de jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’ il est possible déjà de discerner parmi eux certaines tendances généra
420 ait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent de s’ établir autour d’eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas
421 nervante, souvent fatale aux novateurs. Alors ils s’ en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effect
422 vateurs. Alors ils s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir muni
423 lent d’un de ses enfants… » Car le fils prodigue, s’ il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune faite, tout le mond
424 s une Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde s’ accorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils d’un tel père. « Vo
425 taine résistance est nécessaire pour que la force se développe. N’était certain petit plaisir d’impertinence, je me fusse
426 te en bleu vif et ornée de surprenants batiks, il s’ est livré pendant quelques années à des recherches un peu théoriques e
427 nnière qui regarde ailleurs… Qu’il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et
428 neuve, d’origine germanique, mais qui a choisi de s’ astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épurant d
429 e à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’ épurant dans des formes claires a su les renouveler. Il nous apporte a
430 ombative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’ il casse des vitres, ce n’est pas seulement pour le plaisir, mais plut
431 eût cru que ce paysagiste plutôt impressionniste s’ astreindrait jamais aux exigences de la technique décorative ! Voilà q
432 rasement de ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut de San Miniato ou de Fiesole, il peint F
433 de sa chevelure, sans doute ! On ne pourrait pas se tromper plus. ⁂ À vrai dire j’en vois peu parmi les jeunes qui vouent
434  : un lyrisme un peu amer, d’une tristesse qui ne s’ affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palette, ce charme enfin, ce
435 amer, d’une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’ insinue dans toute sa palette, ce charme enfin, ce je ne sais quoi qu’
436 de dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à t
437 traîne à mille lieues des jardins de sourires qui s’ épanouissent sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’il peigne
438 e deux pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlent, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’un lac, cert
439 , Bouvier va peindre. Comme peintre religieux, il se cherche encore. On a pourtant l’impression, à voir ses dernières toil
440 ieure. Les visages sont plus calmes, les couleurs s’ avivent, le soleil est sur le point de reparaître… Charles Humbert ou
441 était, je crois, le vrai Humbert qui commençait à s’ affirmer. Puis il y eut une période intermédiaire, un peu pénible. Dan
442 , comme un qui n’attendrait pas que l’enterrement s’ éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa technique auparavant
443 Et sa technique auparavant volontairement maigre se faisait trop lâche. Mais aujourd’hui la mue semble s’être opérée. Hum
444 aisait trop lâche. Mais aujourd’hui la mue semble s’ être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et
445 aud. Il suffit de le voir peint par lui-même pour s’ en assurer. La tête large, aux yeux clairs et assurés, le cou robuste,
446 une impression de puissance domptée et qui semble se faire une volupté de la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fai
447 ble se faire une volupté de la discipline qu’elle s’ impose. Et voilà qui fait encore plus « Renaissance » : le costume est
448 s glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’ y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le so
449 saurions trouver guide plus pittoresque. Celui-ci s’ était égaré en avant, très en avant, sans s’en apercevoir, peut-être.
450 ui-ci s’était égaré en avant, très en avant, sans s’ en apercevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme de chemin sans
451 tre. Il suivait son petit bonhomme de chemin sans se douter qu’il avait pris quelques années d’avance sur ses contemporain
452 l a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieuse. I
453 une table, dans un espace bizarrement lumineux où se coupent des plans transparents, cellule de quelque palais de glaces e
454 age très net, mais inusité, l’objet le plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses son
455 t le plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occulte prodige
456 n songe ? C’est en effet un rêve de précision qui s’ incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir de la perfection
457 viateur, retour de Vienne, un sculpteur qui saura s’ imposer. Léon Perrin a compris tout le parti qu’on pouvait tirer des p
458 nes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un heureux équilibre entre le réalisme imposé par les sujet
459 yle donnée par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager de son outrance théorique. C’est dans la manière cubiste enco
460 différentes par leur objet et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifest
461 d’une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’ est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une maigre végétat
52 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
462 d’une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’ imposer pourtant. M. Lecache présente le problème juif avec une obstin
463 ’a d’ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, intelligence, brutalité : les caractères se résu
464 sualité, intelligence, brutalité : les caractères se résument dans son avidité de puissance. C’est par l’argent qu’on domi
465 cynique reniement de ses origines. Le vieux père s’ effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se ven
466 nte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non leurs ambitions. Surm
467 , denses, violents, et dont le profond ricanement se prolonge en nous. Je crois entendre Jacob qui se retourne, méprisant 
468 se prolonge en nous. Je crois entendre Jacob qui se retourne, méprisant : « Mais oui, je ne nie rien, je suis sans scrupu
53 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
469 ings liés à l’obsession qu’il voulait avouer pour s’ en délivrer peut-être. Cette sincérité ne serait-elle à son tour que l
470 tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’ acharne sur le détail dégoûtant et mesquin de certain milieu bourgeois
54 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
471 diable est l’auteur. Beaucoup d’oiseaux volètent, se balancent au bord des verres, se posent sur les cordes d’une lyre don
472 iseaux volètent, se balancent au bord des verres, se posent sur les cordes d’une lyre dont ils font grésiller l’accord, un
473 ent presque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’ agit de ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj. « P
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
474 La Suite dans les idées (mai 1927)al « De quoi s’ agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations,
475 ations, cédant à l’une autant qu’à l’autre, Drieu s’ examine. Encore un ? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté de s
476 lui-ci bat sa coulpe avec une saine rudesse. « Il s’ examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a esté c
477 es magnifiquement jetés. Mais cette imperfection, s’ il ne peut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise
478 tés. Mais cette imperfection, s’il ne peut encore s’ en tirer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise qui la rend sympath
479 hirurgien chez ce soldat devenu « scribe » et qui s’ en exaspère. Souvent maladroit, incertain, brutal : mais faisons-lui c
56 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
480 la jeunesse est l’âge où l’on atteint la vie. On s’ y maintient cinq ans, dix ans au plus. Après, c’est un long adieu et l
481 s au plus. Après, c’est un long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur ses positions. Or donc, j’av
482 g adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’ établit sur ses positions. Or donc, j’avais vingt ans. Je vivais chez
483 erdu. Mais il souffrait d’autre chose encore : il se savait vieux, maintenant. » Je songeais justement à un sourire de mon
484 eux. Il vit mon sourire et pleura. Alors une rage s’ empara de mon corps tout entier, je criai un juron, claquai la porte e
485 — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans son
486 insouciance, pour ne pas dire inconscience ! qui s’ attache à vos faits et gestes. L’on croirait ouïr parfois le récit de
57 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
487 raiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’ adressent, ou bien plutôt — vous alliez le dire — aux surréalistes ?  
488 e des sacro-saints Principes au nom desquels tout se ligue aujourd’hui pour anéantir la seule chose qui reste à nos yeux s
58 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
489 plus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez que s’ il force un peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facili
490 se et fine psychologie. Mais à ce mot, son visage s’ assombrit un peu. « Tous nos ennuis nous seraient épargnés si nous ne
491 es femmes », dit-il, pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne saurait vous ravir autant que ses impertinences. À
492 s ravir autant que ses impertinences. À ce moment s’ approche M. Piquedon de Buibuis, qui parle toujours de Weber… Mais au
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
493 cristal est une citation de Valéry, cette œillade se souvient d’un vers d’Éluard14. Et des phrases, des cris, des mots. Au
494 cris, des mots. Au défaut de l’ivresse naissante se glisse un poème où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se
495 où vous aimiez à la folie votre douleur. Narcisse se contemple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans u
496 mple au miroir de son monocle. Au petit matin, il se noie dans un verre à liqueur. Poisson dans l’eau, plumes dans le vent
497 . Il y en a aussi qui posent pour le diable et ne se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent ça pit
498 inions, ces titres de livres : tout cela jaillit, s’ entrechoque, s’annule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’i
499 res de livres : tout cela jaillit, s’entrechoque, s’ annule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’il vous plaît. I
500 nule. Poussière. Ma vie est ailleurs. L’addition, s’ il vous plaît. Il est temps de sortir de ce café et de ces jeux, simul
501 Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littérature : v
502 gue et grinçante sous ta dent. Des souplesses qui se retournent brusquement et vous renversent. Des présences tellement in
503 ersent. Des présences tellement intenses que tout se fond catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peurs sans c
504 n peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’ en apercevrait pas. Je pressens encore dans vos poèmes les plus obscur
505 certains états de la réalité. Mais plus les mots se plient à des exigences sémantiques — dont on connaît la portée social
506 e parfois quelque plaisir, plus rarement, de quoi se payer un petit voyage. C’est l’aveu d’une faiblesse secrète. Et c’est
507 s profond, qui est proche du sens biblique. Il ne s’ agit pas de la connaissance abstraite et rationnelle dont le monde mod
508 ce abstraite et rationnelle dont le monde moderne se contente, et qui tend à remplacer, grâce à la mentalité scolaire et p
509 r attitude que vous la guérirez. Au contraire, il s’ agit de l’envisager sans fièvre, pour en circonscrire les effets. J’av
510 in par lequel ces « quelques-uns » peuvent encore se reconnaître. Quand bien même elle n’aurait plus d’autre excuse que ce
511 tte d’échanger les signaux de l’angoisse sur quoi se fondent, en ces temps, nos amitiés miraculeuses.   Voici donc les seu
512 de à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’ agit plus de mépris ni d’adoration. J’ai défini une « maladie » dont j
513 paragraphe, après « Narcisse », sans qu’on sache s’ il s’agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : d
514 graphe, après « Narcisse », sans qu’on sache s’il s’ agit d’une erreur ou d’une volonté de l’auteur. 15. Variante : des pu
60 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
515 s de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement positiviste des Maurras et des
61 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
516 rire). Nous sommes à l’âge de nous en réjouir. On s’ est beaucoup étonné de nous voir « si différents » de nos aînés. Nous
517 ches contradictoires. Nous les additionnons : ils s’ annulent. Il reste à dire deux mots sur la paradoxale situation intell
518 étudiants comme la nôtre. D’un côté, en effet, on s’ accorde pour trouver légèrement ridicule un jeune homme qui recherche
519 « Ça n’est pas de votre âge ! ») ; de l’autre, on se scandalise des « énormités » qui peuvent échapper à un jeune homme mo
520 de ces affirmations dont en vérité l’on n’a pas à se préoccuper de prévoir les conséquences, puisqu’il n’en est aucune qui
521 ’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots, on s’ est compris. Que pouvions-nous espérer d’autre ? Il y eut quelques déc
522 re. Car chaque année, renaissant des décombres où s’ anéantirent l’honneur et la fortune de ses derniers rédacteurs, notre
523 ne de ses derniers rédacteurs, notre Revue-phénix s’ élance avec une ardeur rajeunie d’un an dans une direction absolument
62 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
524 — et dans l’abandon de leurs méandres, peu à peu, se précisent les circonstances d’une aventure ancienne. Entre hier et d
525 Entre hier et demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu êtr
63 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
526 ainer Maria Rilke (décembre 1927)ao À ceux qui se contentent du mot fumeux pour caractériser tout lyrisme germanique, i
527 obscurément, le sens des réalités sur lesquelles s’ opère l’expérience. On ne prouve la religion qu’aux convertis — qui n’
64 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
528 sobligeantes de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale »,
529 dis qu’il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude scientifique, vis-à-vis du phénomène littérair
530 e, mais ici décisive), une secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui — entre autres. ap. « Léo
65 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
531 e tambour livra un homme élégant et tragique, qui se tint un moment immobile, cherchant une table, puis s’avança lentement
532 int un moment immobile, cherchant une table, puis s’ avança lentement vers la mienne et s’assit sans paraître me voir. Une
533 table, puis s’avança lentement vers la mienne et s’ assit sans paraître me voir. Une grande figure aux joues mates, aux ye
534 s mates, aux yeux clairs. Il déplia le journal et se mit à lire les pages d’annonces. On m’apporta une liqueur. Et quand j
535 and j’eus fini de boire, mes pensées plus rapides s’ en allèrent un peu vers l’avenir et j’osai quelques rêves. C’était, je
536 ’en moi-même posait ma raison effarée. L’étranger s’ animait aussi : une fièvre faisait s’épanouir sur son visage je ne sai
537 . L’étranger s’animait aussi : une fièvre faisait s’ épanouir sur son visage je ne sais quel plaisir cruel. C’était un jeu
538 t un jeu très simple où l’esprit libre de calculs se tend ardemment vers la conclusion d’un hasard qui opère au commandeme
539 airement que je gagnerais à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon ivresse, ses paroles peignaient des tabl
540 sérables, passionnées. Mais bientôt : — « Destin, s’ écria-t-il, tu pourrais me remercier. Vois quels chemins de perdition
541 avec la même joie, mon cheval fou, mon beau Désir s’ ébroue et part sitôt que je vais m’endormir, ah ! galope, caracole, éc
542 Ça les dérange terriblement, sauf un ou deux qui s’ imaginent gagner à mes dépens, témoin ce brave homme qui est en train
543 s que des baisers au goût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, une tendresse éperdue et la mort. » Il ferma les
544 Alors la femme lança sur la table cette rose qui s’ effeuilla sur les dés, et partit d’un long rire. Elle me regardait et
545 long rire. Elle me regardait et l’étranger aussi se mit à me regarder bizarrement et j’étais possédé de joies et de peurs
546 t j’étais possédé de joies et de peurs. Il fallut se lever, traverser le café dans la musique et la rumeur des clients. De
66 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
547 licieuses ou poétiques ; et ce n’est pas qu’il ne s’ y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes » faciles mais cela
67 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
548 ion apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’ élabore, ou, pour mieux dire, une organisation générale de la vie mond
549 tre est-il temps encore. Ici et là, quelques cris s’ élèvent dans le désert d’une époque déjà presque abandonnée par l’Espr
550 l répugne à admettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder a
551 ettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nous e
552 de moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’ est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitali
553 son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’ enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné
554 incipale cause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté
555 t-il, en souhaitant que les industriels européens s’ en inspirent toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ils seront b
556 de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’ y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’il reste quelques ch
557 ifiquement le conflit du capital et du travail. «  Se fordiser ou mourir », écrivait récemment un économiste. Ford, perfect
558 re : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’ efforce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire 
559 uction, il faut créer la consommation. La réclame s’ en charge. Par le procédé très simple de la répétition, on fait croire
560 auto. Voilà l’affaire lancée. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une
561 e. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’ agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publiqu
562 nt. Le besoin ayant disparu, la production devant se maintenir, il n’y a qu’une solution : recréer le besoin. Pour cela, o
563 profond, cette tromperie-là. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par perte de son
564 e la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’ extasie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ;
565 a production. Cercle vicieux : plus la production s’ intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industr
566 temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’aveni
567 la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne port
568 r des conséquences, alors que Ford passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touc
569 e sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’
570 fait qui combat les techniciens imparfaits. Il ne se demande jamais si la technique même la plus perfectionnée mérite les
571 choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’une catastrophe, pourtant plus que probable, par cr
572 rophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir obligé à la révision des valeurs, la plus difficile et la plus g
573 en de nouveau sous le soleil » derrière lequel on se réfugie avec une paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’un
574 de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est p
575 de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial et d’ale
576 n n’en fait pas une philosophie. Mais, sans qu’on s’ en doute, cela en prend la place. Les facultés de l’âme, inutilisées,
577 end la place. Les facultés de l’âme, inutilisées, s’ atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu de morale nécessaire a
578 mme : « en être » ou ne pas en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir spirituellement — ou se soumett
579 être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’ abrutir spirituellement — ou se soumettre à l’Esprit, et tomber presqu
580 à la technique et s’abrutir spirituellement — ou se soumettre à l’Esprit, et tomber presque fatalement dans un anarchisme
581 ble et que la fatigue semble disparaître, l’homme s’ abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie cal
582 blier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’il s’ empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilem
583 essité. Ennui, fatigue, sommeil sans prière. Cela s’ appelle encore vivre. Mais l’homme qui était un membre vivant dans le
584 carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’il s’ ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il
585 de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et g
586 jusque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’ être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus
587 où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes privilégiées de
588 Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civilis
589 s le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exaspéré
590 d’aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’ il est possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solu
68 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
591 un passé imaginaire, ou peut-être pour essayer de se prendre encore au rêve de valse qu’on était venu chercher parce que c
592 e Vienne tout occupée à ressembler à l’idée qu’on s’ en fait. Le Ring, trop large, ouvert au vent glacial, crée autour du c
593 hasard d’arranger. Mais le thème de la Barcarolle s’ empare de tout mon être — ainsi d’autres deviennent patriotes au son d
594 Elle n’est plus que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans d’imprévisibles transfiguration
595 isin avait parlé tout haut ; personne pourtant ne se détournait. Comment pouvais-je être le seul à l’avoir entendu ? — C’e
596 ns nous être rien dit d’autre, comme des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’un échange tacite suffit aux petit
597 vec une femme à chaque bras, l’air de ne pas trop s’ amuser. — Ceci du moins n’a guère changé, dis-je, songeant aux Amours
598 nce folâtre qui cache une incapacité définitive à se passionner pour quoi que ce soit. Cette ville, qui est toute caresses
599 le prendre sous le bras, et les paires de pinces s’ accrochèrent désespérément à ses manches. De terreur, le homard avait
600 n monde où la question fidélité ou inconstance ne se pose plus. Vous le savez, je n’ai aimé qu’une femme — au plus deux, e
601 teau de fourrure brune, inévitablement. Et ce qui se passa fut, hélas, non moins inévitable : la jeune femme refusa d’abor
602 e : la jeune femme refusa d’abord les fleurs pour se donner le temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûm
603 leuse — c’est une façon de parler — à laquelle on se livre dans ces lieux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j
604 que l’Europe est en décadence quand je la regarde s’ amuser. Je vois se perdre ce sens des correspondances secrètes et spon
605 n décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se perdre ce sens des correspondances secrètes et spontanées du plaisir
606 les plus hauts de notre vie. Ces citadins blasés s’ amusent plus grossièrement que des barbares, ils s’imaginent pouvoir f
607 ’amusent plus grossièrement que des barbares, ils s’ imaginent pouvoir faire une place dans leur vie aux “divertissements”
608 res d’un tango. Notre encombrante conquête revint s’ asseoir auprès de nous. Gérard songeait, muet, et n’en buvait pas moin
609 s… Et pas de Lune ce soir, il serait dangereux de s’ endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et
610 une ce soir, il serait dangereux de s’endormir. » Se penchant vers moi il prononça : « La nuit sera noire et blanche. » Je
611 Ensuite, je pensai qu’il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard « fa
612 s un halo, comme les couleurs sous les paupières, s’ élargissent, se fondent, se superposent. Cinéma des sentiments qui mon
613 e les couleurs sous les paupières, s’élargissent, se fondent, se superposent. Cinéma des sentiments qui montre vivantes da
614 rs sous les paupières, s’élargissent, se fondent, se superposent. Cinéma des sentiments qui montre vivantes dans la même m
615 es : le vrai drame de son destin est ailleurs. Il se met à m’expliquer des signes, des généalogies étourdissantes qui comm
616 ue calme son lyrisme et son exaltation. Il semble se rapprocher de moi. Il me raconte de ces superstitions qui ne sont enf
617 a vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’ appellent par le simple jeu des images, se voient par transparence au
618 pisodes s’appellent par le simple jeu des images, se voient par transparence au travers de l’autre. Il dit : « Pour celui
619 ion. » Nous sortîmes. Seules des trompes d’autos s’ appelaient dans la nuit froide. Gérard ne disait presque plus rien ; à
620 t presque plus rien ; à peine, de temps en temps, s’ il parlait à voix basse à son homard, qui semblait d’ailleurs endormi.
621 s faisaient les cent pas dans la neige fraîche ou s’ accoudaient à la banquette d’une boutique à « Würstel » où nous nous a
622 t menaçait d’éteindre à chaque instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’il en était ainsi chaque nuit, que l’a
623 hauffeurs regardaient d’un œil las, trop las pour s’ étonner. Transi, je me balançais d’un pied sur l’autre dans de la neig
624 ter » et ailleurs « Wienerli ». Soudain les autos se mirent à ronfler. Par le grand escalier, au fond de la cour du palais
625 s chapeau couraient vers les voitures, les hommes s’ inclinaient pour des baise-mains silencieux et mécaniques. Je reconnus
626 ur les chapeaux noirs de ses cavaliers. Tout cela s’ empila dans des autos ; en dix minutes, il n’y eut plus personne, la p
627 n dix minutes, il n’y eut plus personne, la place s’ éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’étaient fixés intensément, à la sor
628 onne, la place s’éteignit. Mais Gérard ? Ses yeux s’ étaient fixés intensément, à la sortie des invités, sur une femme qui
629 ément, à la sortie des invités, sur une femme qui s’ en allait toute seule vers une auto à l’écart des autres. Une femme au
630 . Il avait murmuré : Marie Pleyel. Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière auto, extrao
69 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
631 Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre joie. Ce ne sont pas les savants qui s
632 rspectives d’évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que d’avoir emprunté le véh
633 raconte que les détenus des maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au travers desquels ils respiraient l’air
70 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
634 œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sans cesse pour crier : Lâches, vous refusez d’avancer ! Mai
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
635 des surréalistes débattent la question de savoir s’ ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entraîner, à l
636 listes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entraîner, à leur point d
637 r point de vue, celui d’autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action, c’est-à-dire — nous sommes
638 sponsabilité là-dedans ; leur défense de l’esprit s’ est bornée jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de
639 qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils com
640 é. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « service
641 comprendraient que le « service dans le temple » s’ accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours e
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
642 5 nous place au nœud du monde moderne : on y voit s’ affronter en quelques hommes d’action les forces caractéristiques du t
643 éens expérimentateurs, Juifs russes méthodiques — s’ émeuvent les masses de coolies, d’ouvriers armés, toute cette Chine qu
644 coolies, d’ouvriers armés, toute cette Chine qui s’ éveille au sein même de la lutte qui met aux prises l’Europe et le mon
645 noises, Malraux fait preuve d’un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de
646 nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et précis, admi
647 ué par l’enchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence
648 e chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’ appliquent à distinguer les forces déterminantes de l’heure, à les exp
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
649 en le laisser voir. La qualité de l’illusion dont se nourrit Louis II n’est ni aussi pure ni aussi rare qu’on voudrait l’i
650 sposait par hasard de moyens d’action puissants : s’ il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il
651 ts : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’ il a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Cho
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
652 Au hasard d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient autour de s
653 , l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient autour de sa vie le plus grand mystère
654 s de la révolution : il a été condamné à mort, il s’ est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français pa
655 tre exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le
656 Jusque dans la ruse que ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire de la « vérité trop évidente » ; alors qu’il la
75 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
657 ens de sa génération. Seulement chez lui, cela ne s’ est pas porté sur les autos. Il préfère s’intéresser aux divers types
658 cela ne s’est pas porté sur les autos. Il préfère s’ intéresser aux divers types humains. Mais on lui sait peu de grés de s
659 es, on lui conseille de rentrer en lui-même. « Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un de nos cla
660 lui-même. « Il se ramène en soi, n’ayant plus où se prendre » comme parle un de nos classiques. Repoussé par le monde par
661 e autre manie de sa génération. Mais là encore il se singularise : il n’écrit pas de livre pour y pourchasser un moi qui f
662 e pour y pourchasser un moi qui feint toujours de se cacher derrière le feuillet suivant, entraîne le lecteur par ruse jus
663 le un sur sa table de travail, de façon à pouvoir s’ y surprendre à tout instant. Cet exercice — essayez ! — ne tarde pas à
664 ir obsédant. Stéphane passe des heures entières à se regarder dans les yeux. Il varie sur son visage les jeux de lumière e
665 fatigue dans son regard : appuyé sur lui-même il se perd en méditations éléates. Le sommeil l’en délivre. Au matin il cou
666 éates. Le sommeil l’en délivre. Au matin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séances lui f
667 atin il court se voir : il est laid. Lâchement il se prend en pitié. Ces séances lui font du mal, l’énervent, mais l’aveu
668 ffre à Stéphane sa tête, son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en fa
669 , son portrait en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’ascense
670 t en pied. Il se voit dans l’acte de se raser, de se baigner ; son image descend en face de lui par l’ascenseur, elle le s
671 une sorte d’angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre
672 veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais s’ il lui arrive de prendre son image pour celle de n’importe quel passan
673 on image pour celle de n’importe quel passant, il se sent comme séparé de soi, et si profondément différent de cette appar
674 n’y trouve que le désir d’une révélation. Peut-on s’ hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a plus que cette incantatio
675 pourrait lui rendre la certitude d’être. Mais il s’ épuise dans une perspective de reflets qui vont en diminuant vertigine
676 de laquelle il convient de méditer : la personne se dissout dans l’eau des miroirs. Stéphane est en train de se perdre p
677 dans l’eau des miroirs. Stéphane est en train de se perdre pour avoir voulu se constater. Va-t-il découvrir aussi qu’on n
678 éphane est en train de se perdre pour avoir voulu se constater. Va-t-il découvrir aussi qu’on ne comprend que ce qu’on dép
679 qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un besoin de vérifier qui n’est p
680 ifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu confia
681 sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne veulent pas se fatiguer pour rien.) Cette histoire idiote, d’ailleurs vraie, se born
682 r rien.) Cette histoire idiote, d’ailleurs vraie, se borne à décrire l’aspect psychologique d’une aventure qui en a bien d
683 as encore gronder les eaux profondes. Le désir de s’ hypnotiser l’irrite toujours vaguement. Mais il fuit son propre regard
684 urs vaguement. Mais il fuit son propre regard, il se cherche dans d’autres yeux, c’est pourquoi il fait peur à certaines f
685 cette femme l’écho de ce qui serait lui. Déjà il se perd dans ces yeux, mais comme on meurt dans une naissance. Stéphane
686 Les fenêtres battaient. Le soleil et « la mort » se conjuraient pour abaisser tous les regards. Stéphane rendu à la santé
76 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
687 Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légèrement absurde en face d’un récit comme celui d’A
688 son est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’ avance à une allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu à peu en
689 leur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ ouvrent des perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson est avant
690 ’autres placeraient le couplet humanitariste, lui s’ en va dans un rêve, ou dans un autre souvenir. Qui parmi nous sait enc
691 e femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que nous nous en
77 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
692 froid, je ne puis dire grand-chose de plus. On ne se comprend bien qu’entre jeunes hommes ivres. Mais alors point n’est be
693 ne connaîtront pas de pardon. Car ils ont vu, et s’ ils n’ont pas cru, c’est qu’ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de
694 n. Mais ce qui importe d’abord, n’est-ce point de se livrer, purement et simplement. 7. (Secret). r. « Belles-Lettres, c
78 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
695 cette naissance aux lents vertiges Quand la nuit s’ effeuille et se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau des fleu
696 e aux lents vertiges Quand la nuit s’effeuille et se fane prisonnier d’une saison morte au tombeau des fleurs obscures les
697 ombeau des fleurs obscures les mains de l’absence se ferment sur le vide   Tu pleurerais Mais la grâce est facile comme u
79 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
698 Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut se permettre quelques malices, quelques jeux d’esprit ou de méchanceté,
699 el, Godet restera l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s
700 ela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’ y prêtait, peu complexe et comme réduite à deux dimensions ; la consci
701 chair. Et de rêve. Est-ce qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Nois
80 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
702 en grosses lettres, et tout cela finira bien par s’ arranger, comme au dernier acte d’une opérette. Ce peuple s’est résign
703 , comme au dernier acte d’une opérette. Ce peuple s’ est résigné avec une facilité incroyable à la défaite, au marxisme, au
704 t bazar, qui sonne rouge et jaune aussi). Soudain se dresse une énorme maison de pierre brune, puis une banque en style ho
705 ts de fer. Contre leurs piles, en hiver, viennent se briser avec un fracas sourd les îlots de glace qui descendent lenteme
706 t lentement le fleuve. Au cœur de Prophète chauve s’ élève la montagne de pierre de St-Gellert. Elle tombe en hautes falais
707 be, froide et nue, mais dans son flanc une grotte s’ illumine, et la Vierge y sourit. Le château royal avec son amiral rége
708 iral régent et ses gardes blancs aux casques d’or s’ avance en proue, dominant superbement cette ville désordonnée. Derrièr
709 démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’elle s’ amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vous ont reçu comme
710 une langue totalement incompréhensible, rient et s’ enivrent comme plus un Européen ne sait le faire, et dansent à tout pr
711 e un visage romantique et ardent dont le voyageur s’ éprend malgré lui, malgré tout, comme d’une passion poétique un peu fo
81 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
712 èmes est comme une initiation au silence. Il faut s’ en approcher avec une douceur patiente, et le laisser créer en nous so
713 . « Reste immobile et sache attendre que ton cœur se détache de toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte,
714 dans le silence « aux yeux gelés de rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin « saisir » dans le
715 « saisir » dans leur réalité les choses dont elle s’ est dégagée et qu’elle voit dans une autre lumière : « Tout semblait v
716 ci l’approche d’un silence partout pressenti, qui s’ impose, qui apaise le vain débat de notre esprit : « Car l’on pense be
82 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
717 tention du médecin, mais il est plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’occu
718 sprit et dont certains des plus purs d’entre nous se préparent à tenter le climat, — j’avais rêvé sur ce passage de l’émou
719 tant de voix l’appellent, combien sont dignes de s’ attendre au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’est posée
720 au don du langage sacré ? Cette langue de feu qui s’ est posée sur Hölderlin et qui l’a consumé… Digne ? — Un adolescent au
721 te cet être faible, humilié par le monde. L’amour s’ éloigne le premier, quand Hölderlin doit quitter la maison de Madame G
722 — un héros — Ou bien — la sagesse. » Mais le feu s’ éteint — l’esprit souffle où il veut. Juin 1802 : au moment où meurt D
723 eux maniaque. Le buisson ardent quitté par le feu se dessèche. Ce qui fut Hölderlin signe maintenant Scardanelli des quatr
724 en aussi un « Nietzsche » à fond plat. Des saules se penchent vers l’eau lente. Sur l’autre rive qui est celle d’une longu
725 lle d’une longue île, des étudiants au crâne rasé se promènent un roman jaune à la main. L’un après l’autre, dans cette pa
726 uabe, hauts et sombres, qui paraîtraient immenses s’ ils n’étaient à demi encombrés d’armoires. Un couloir, la chambre. L’h
727 à Francfort, écrivait Bettina, car aussitôt l’on se met à raconter les choses les plus affreuses sur son compte, simpleme
728 ur les gens d’ici, aimer, c’est seulement vouloir se marier… » — Et puis plus tard on encadre les lettres des amants, on p
729 les contreforts de l’Église du Chapitre : je vois s’ y engager chaque jour le fou au profil de vieille femme qui promène do
730 ous les marronniers. À quatre heures, l’orchestre s’ est mis à jouer des ringues charmantes, jazz et clarinette, chansons d
731 e mai. Les bateaux qui dérivent dans le voisinage se rapprochent, tournoyent lentement dans la musique. Je n’aime pas les
732 vant la statue d’Eberhard le Barbu. Des bourgeois se rient contre par-dessus leurs chopes. « Gemütlichkeit ». Évidemment :
733 s aux yeux voilés, aux pantalons trop courts, qui se promènent tout seuls… Et puis, il lui est arrivé quelque chose de ter
734 s gens ?… Il a eu tort, sans doute. Tout le monde s’ accorde à trouver malsain ce genre de tentatives : cela ne peut que ma
735 « bourgeois cultivés » à faire la bête dès qu’il s’ agit de l’âme. Dans la bouche de certains, cela prend l’air de je ne s
736 e je ne sais quelle revanche du médiocre dont ils se sentent bénéficiaires. Ah ! vraiment les malins ! qui ont préféré fai
737 r de grandes choses généreuses autour d’eux… Cela s’ oublie. Et l’amour, tout justement, nous fait comprendre, dans le temp
738 ur de moi insuffisant, transitoire, allusif. Tout se remet à signifier l’absence. 11. Bettina von Arnim-Brentano : Die
83 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
739 ans les songes des grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’aut
740 nheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’ en doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malices et d’e
741 alices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’ égare parfois dans les maisons des grands bourgeois, où tout, soudain,
84 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
742 nishads et la tentative poétique de Rimbaud, l’on s’ étonne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’une telle interpr
743 endroit de l’être le plus monstrueusement pur qui se soit révélé par le truchement de la poésie française. — Livre un peu
744 osée par Claudel et Isabelle Rimbaud ? Si Claudel s’ est montré partial en faisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage 
745 « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ ignore, il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud po
85 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
746 ire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’ entend définir et classer choses et idées en catégories « rationnelles
86 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
747 se des ailes, une grande paire d’ailes. Allait-on s’ émerveiller ? Mais déjà Freud expliquait le monstre, les chaires le dé
748 on sans une ingénue fierté. Mais au courant d’air s’ enrhuma le grand-papa. On craignit de le perdre. — « Eh ! quoi, — vinr
749 mple. Des hurlements de rage ne tardèrent point à s’ élever de toutes parts. Les uns défendaient la Démocratie outragée, le
750 ndre, et l’on parla défense de l’Occident. L’ange s’ enfuit par l’un des nombreux trous de leurs raisonnements. L’inspir
87 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
751 vec l’ironie tranquille du bon sens bafoué et qui s’ en moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué
752 t l’esprit démocratique. Là-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse d’aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a le
753 les raisons. Hors le domaine de l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argument. Je demande le d
754 pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’ apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il
755 Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’une voix s’ élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instruction p
756 aiment exagéré pour la jugeote de l’adversaire ou s’ il traduit simplement cette mauvaise foi pas même consciente, cette lâ
757 la discussion précise de leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par inertie, je ne sais. Mais je
758 ns d’une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage, je les renvoie en corps au chapitre 5
88 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
759 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’ attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils les confonde
760 nt n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’ énerve, qui embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de faire
761 raînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’ emmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’est-ce qui ressembl
762 fassent la même chose, ici ! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint
763 rent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de l
764 at, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’ accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoi
765 rompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’ incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisait
89 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
766 s d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’ entendait d’autant mieux qu’on était devenus plus différents. Car ces
767 par le gouvernement) de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir
768 cience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’il
769 nt le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’ en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne.
770 et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en
771 eu très instruit, vous êtes presque certain qu’il s’ agit d’un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des farce
772 ouceur. Car le type populaire du poète romantique s’ est dégradé en deux sous-types posthumes : l’artiste photographe et le
773 t petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie
774 uma Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’ écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est
90 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
775 cifiste n’est pas toujours l’esprit de vérité, il s’ en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tra
776 d’une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’ aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicalisme
777 que ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succèdent sans transition, dans un ordre absolument fortuit, de maniè
778 certain nombre d’heures par semaine, au jugé. On s’ arrange à faire tenir dans cette classification le plus possible de « 
779 re temps est précieux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas, de quoi vous plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’
780 stes. Les participants du Tour de Science doivent s’ inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux qui arrivent après la clôt
781 au cours du trimestre. Ce phénomène déconcertant s’ explique justement par cette psychologie de l’enfant dont je disais to
782 e, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’ agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons donc
783 es meilleurs ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle ne convient qu’aux médiocres, dont elle assure le triom
784 médiocres, dont elle assure le triomphe. L’école s’ attaque impitoyablement aux natures d’exception, et les réduit avec ac
785 ois assistent sans honte à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se
786 ime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse est caractérisée,
787 moins rationalisé. Son instrument le plus parfait s’ appelle le manuel. Un bon manuel est un résumé clair et portatif des r
788 ie d’abord la science dans sa réalité, puis qu’on se réfère au résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’école veut qu’on com
789 commence par apprendre le résumé. D’ailleurs elle s’ arrête là. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne renfe
790 particularités, toutes les « prises » où pourrait s’ accrocher l’intérêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce don
791 ail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’ il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèle
792 notre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’ il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindri
793 paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il so
794 ermet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol de s’ écrier sans hésiter : « Liberté, liberté chérie, voilà bien ta patrie.
795 qui, en quelque manière que ce soit, voudraient «  se distinguer ». (Le mépris que notre peuple met dans cette expression !
796 e noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’ étonner de voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une
797 ème, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’ agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambiti
798 urs de ces nombreux banquets de cercles locaux où se fondent les réputations, où se « baptisent » les hommes d’avenir. Un
799 cercles locaux où se fondent les réputations, où se « baptisent » les hommes d’avenir. Un jour on voit s’étaler en premiè
800  baptisent » les hommes d’avenir. Un jour on voit s’ étaler en première page des illustrés la face épanouie quoique énergiq
801 lèche de l’édifice administratif. Et c’est ce qui s’ appelle une belle carrière. Mais ces brillants météores ne troublent p
91 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
802 eprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’ en convaincre de parcourir l’abondante littérature publiée sur le « pr
803 appelle école nouvelle tout établissement où l’on s’ efforce d’enseigner selon des principes tirés de l’observation des enf
804 gés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’ appelle de l’école pratique. Plus tard on fait apprendre à ces mêmes e
805 les noms des rues et places de leur ville, comme s’ ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si ce
806 ude des verbes actifs sera aussi active, un élève se mettra à marcher dans le couloir en s’écriant : je marche, ou : j’arp
807 , un élève se mettra à marcher dans le couloir en s’ écriant : je marche, ou : j’arpente ; un autre restera assis, en affir
808 ouvelle on atteint l’enfant plus profondément, on se glisse à l’intérieur de son esprit, là où s’élabore son invention ; o
809 , on se glisse à l’intérieur de son esprit, là où s’ élabore son invention ; on capte scientifiquement les sources mêmes de
810 qu’on traite le gosse comme un organisme dont il s’ agit d’obtenir le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’hom
811 l’enfant… Dans ce milieu l’enfant ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfants…
812 avec ferveur les principes de l’école libre, qui se moquent des programmes, et dont les classes joyeuses sont de vraies f
92 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
813 eulement qu’on m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il nous écrase. La réponse est simple, terri
814 gtemps possible, pour qu’on n’ait pas le temps de se rendre compte que tout cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temp
815 itutrice qu’un rendu. Car dans ce monde-là « tout se paye » comme ils disent avec une satisfaction sordide et mal dissimul
816 e aux intérêts de la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’elle n’était encore au xviiie siècle qu’une utopie de
817 licité, si évidente à l’origine de l’institution, se manifeste encore de nos jours, et d’une façon non moins flagrante, da
818 ais les gouvernements savent ce qu’ils font. Tout se tient, comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’envie de bousculer
819 té qui me dresse contre l’École. Mes arguments ne se mettent en branle qu’après coup. Et quand vous les démoliriez tous, m
820 l’homme. Mais attendez, si quelques-uns allaient se réveiller… Il suffit d’un peu de chaleur d’âme pour amorcer le dégel
93 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
821 ci, le procureur prit un ton plus grave.) L’école s’ est vendue à des intérêts politiques. C’était là, nous venons de le vo
822 côtés de belles catastrophes. Je suis de ceux qui s’ en réjouissent mauvaisement. (« C’est bien fait. C’était trop laid ».)
823 e des valeurs réalistes, sans lesquelles le monde s’ enfonce de son propre poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre
824 fonce de son propre poids dans l’abrutissement ou se laisse prendre à des théories non point fumeuses comme le veut le cli
825 diminuer le « rendement » quantitatif de ceux qui s’ y livrent. Je ne veux pas me poser ici en défenseur des vertus patriar
826 ncus, partisans des « lumières », et qui pourtant s’ indignent de voir la morale actuelle s’attaquer, voyez-vous ça, à la f
827 i pourtant s’indignent de voir la morale actuelle s’ attaquer, voyez-vous ça, à la famille, « cette cellule sociale ». Et j
828 isation. Or il semble bien que nous en soyons-là, s’ il faut en croire les signes de révolte qui apparaissent de toutes par
829 rcés. L’école donne à l’enfant ce qu’il faut pour se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est promis. Mais elle
830 ais elle tue tout ce qui lui donnerait l’envie de se libérer — et peut-être les moyens. Vaste distillerie d’ennui, c’est-à
831 e d’ennui, c’est-à-dire de démoralisation — qu’on se le dise ! —, puissance de crétinisation lente, standardisation de tou
94 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
832 éférez le sur-place. Ainsi l’instruction publique s’ est arrêtée aux environs de 1880 et depuis lors n’a guère bougé. Le mo
833 nfler et de tout empester. Et peu à peu le public s’ aperçoit que « l’instrument de progrès » n’est qu’un camouflage à l’ab
834 és. On forme nos gosses, dès l’âge de 6 ans, à ne se point poser de questions dont ils n’aient appris par cœur la réponse.
835 s, elles corrigent, stimulent, vivifient. L’École se contente d’être figée. Est-ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une v
836 -ce un frein ? Même pas. C’est plutôt une vase où s’ enlise notre civilisation ; et où la Démocratie peut se conserver des
837 ise notre civilisation ; et où la Démocratie peut se conserver des siècles encore… Or si je dis que l’École est contre le
838 struction publique, limite l’homme au citoyen. Il s’ agit donc de dépasser le citoyen, de retrouver l’homme tout entier. Je
839 e dire, est un ramassis de lieux communs. Mais il s’ en faut, hélas, de beaucoup que la majorité des électeurs les considèr
840 l’autre intellectuel, d’une même mentalité. Elle s’ est développée au xviiie dans l’aristocratie qui n’y voyait qu’un jeu
841 mpêche de devenir autre chose que des utopies. Il s’ agit donc en premier lieu de le démasquer et de le pourchasser dans to
842 ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’on s’ attaque à tout ce qui entrave cet avènement. C’est pourquoi je réclame
843 tes une imagination prodigieuse au dit sujet pour se représenter même très vaguement notre actuelle civilisation. Et même
844 ociale que nous appelons sans la connaître et qui s’ élabore déjà secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’un ri
95 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
845 les philosophes13 les mieux informés de ce temps s’ accordent sur un point : le salut de l’Europe est lié à la naissance d
846 astrophiques pour peu que cela continue. Qu’on ne s’ y trompe pas : le sens technique qui tient lieu d’imagination à l’homm
847 bien fera un acte, et ces peuples de somnambules s’ éveilleront du cauchemar où les plongent toutes vos drogues : presse,
848 de l’Esprit. Mais il faudrait que dès maintenant se constituent ces élites, et cela ne se peut que si les tenants de l’or
849 maintenant se constituent ces élites, et cela ne se peut que si les tenants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’
850 rouve être dans une certaine mesure un anarchiste s’ il défend son opinion de toutes ses forces. Mais c’est un anarchiste d
851 un homme libre qui a une foi (ou un amour) et qui s’ y consacre. (Mais alors !… Je vois à votre mine stupidement rassurée q
852 s nouvelles. Tenir compte du réel ne signifie pas s’ y soumettre sans combat. L’utopiste est celui qui ne se résigne à aucu
853 oumettre sans combat. L’utopiste est celui qui ne se résigne à aucun état de choses. Il est pour le « mieux » contre le « 
854 « mieux » contre le « bien ». Sans lui l’humanité s’ avachirait totalement. Mais il est dans l’ordre qu’elle beugle longuem
855 de, paraît-il. À ce propos : que les journalistes s’ engagent désormais à ne publier plus un seul article de fond où ne per
856 teste l’école a pourtant faim d’instruction15, et se croirait lésé dans un de ses droits fondamentaux. Le peuple veut s’in
857 ans un de ses droits fondamentaux. Le peuple veut s’ instruire et on lui bourre le crâne pour l’en empêcher. Il s’agit de l
858 et on lui bourre le crâne pour l’en empêcher. Il s’ agit de lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle à s
859 ble ou fait sourire les étriqués. On croit devoir se défendre : on se moque. On me dit : vous ne voyez tout de même pas un
860 re les étriqués. On croit devoir se défendre : on se moque. On me dit : vous ne voyez tout de même pas une classe de gamin
861 lasse de gamins répétant la syllabe sacrée Aûm ou se livrant à des exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’agit n
862 es exercices de contrôle de la respiration. Il ne s’ agit nullement de cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que
863 e parallèle peut être poussé dans les détails. Il s’ agit bien d’un geste identique, exécuté dans deux plans différents. Le
864 nsée au garde-à-vous durant quelques instants, il s’ épargnerait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. C
865 ait de longs énervements. Il n’y a pas là de quoi se tordre. Car tout cela nous donnerait des années de liberté en même te
866 berté nous permettraient de vivre, seule façon de s’ instruire inventée à ce jour. Ce calme nous permettrait de comprendre
867 de la regarder. De faire connaissance. Je ne sais s’ il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une pl
868 st à cultiver ces facultés atrophiées que devrait s’ employer l’école. Nous avons vu qu’elle préfère les étouffer. Cependan
869 n système de culture spirituelle, les différences s’ accuseraient, mais se légitimeraient du même coup ; car sur ce plan el
870 spirituelle, les différences s’accuseraient, mais se légitimeraient du même coup ; car sur ce plan elles ne font que tradu
871 oi je la voudrais secrète. Vous verrez bien. Cela se fera sans vous. Déjà revient le temps des mages : ils comprennent les
872 u’il propagent et qui les fait vivre. La question se complique dès que l’instituteur prend conscience de la nocivité de so
873 t, c’est le genre distingué de la bourgeoisie qui se monte le cou. 13. Économistes et philosophes : ces Messieurs n’appa
874 depuis. 16. On promet des confitures à l’enfant, s’ il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
96 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
875 vec l’ironie tranquille du bon sens bafoué et qui s’ en moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’il est pratiqué
876 t l’esprit démocratique. Là-dessus, ces messieurs se lamentent, la jeunesse d’aujourd’hui, etc. Évidemment. Mais il y a le
877 les raisons. Hors le domaine de l’amour, où tout se confond miraculeusement, gémir n’est pas un argument. Je demande le d
878 pour la discussion. Il retrousse ses manches. Il s’ apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il
879 Car j’ai encore deux mots à dire. Dès qu’une voix s’ élève pour mettre en doute l’excellence du principe de l’instruction p
880 iment exagéré pour la jugeotte de l’adversaire ou s’ il traduit simplement cette mauvaise foi pas même consciente, cette lâ
881 la discussion précise de leurs principes par quoi se signalent bien souvent nos tolérants par inertie, je ne sais. Mais je
882 ns d’une démocratie progressiste et tolérante qui se livrent à ces excès de langage. Je les renvoie en corps au chapitre 5
97 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
883 1. Mes prisons Il existe des gens qui s’ attendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ils les confonde
884 nt n’est pas une fantaisie pour ce petit être qui s’ énerve, qui embrouille les règles, qui a sommeil, qui a peur de faire
885 raînées de craie grise, où les chiffres trop gros s’ emmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’est-ce qui ressembl
886 s fassent la même chose ici ! » Dans la suite, on se chargea d’illustrer par d’innombrables exemples cet axiome qui devint
887 rent-ils assez de verdeur d’esprit pour qu’il pût se dégager de leur empire. Mais on avait brisé en nous ces ressorts de l
888 at, piliers d’un régime dont ils sont les seuls à s’ accommoder parce qu’ils l’ont établi à la mesure exacte de leurs besoi
889 rompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’ incliner devant les miracles de la science appliquée. On nous faisait
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
890 s d’école primaire. Comme ils avaient changé ! On s’ entendait d’autant mieux qu’on était devenu plus différents. Car ces d
891 par le gouvernement) de la manne égalitaire — ne se prennent pas pour de la petite bière. Ils ont conscience d’appartenir
892 cience d’appartenir à une élite responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’il
893 nt le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’ en douter s’ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. M
894 et ils auraient souvent l’occasion de s’en douter s’ ils étaient sensibles aux finesses de l’ironie paysanne. Mais je n’en
895 t petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesquinerie
896 uma Droz et ses crottes de mouches… Dans ce décor s’ écoulent huit années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 3. Anatomie du monstre
897 cifiste n’est pas toujours l’esprit de vérité, il s’ en faut. Or je ne suis pas de ceux qui subordonnent la vérité à la tra
898 d’une ou deux générations. Pendant ce temps elle s’ aggrave, et nous voici avec l’héritage de cinquante ans de radicalisme
899 que ; de 9 à 10 composition, etc. Ces disciplines se succèdent sans transition, dans un ordre absolument fortuit, de maniè
900 certain nombre d’heures par semaine, au jugé. On s’ arrange pour faire tenir dans cette classification le plus possible de
901 re temps est précieux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas, de quoi vous plaignez-vous, vous ? — Mais on fausse l’
902 stes. Les participants du Tour de Science doivent s’ inscrire au terme de chaque trimestre. Ceux qui arrivent après la clôt
903 au cours du trimestre. Ce phénomène déconcertant s’ explique justement par cette psychologie de l’enfant dont je disais to
904 e, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’il s’ agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons donc
905 es meilleurs ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle ne convient donc qu’aux médiocres, dont elle assure le
906 médiocres, dont elle assure le triomphe. L’école s’ attaque impitoyablement aux natures d’exception, et les réduit avec ac
907 ois assistent sans honte à ce crime quotidien, et se félicitent du régime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se
908 ime des lumières et des compteurs à gaz. Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse est caractérisée,
909 moins rationalisé. Son instrument le plus parfait s’ appelle le manuel. Un bon manuel est un résumé clair et portatif des r
910 ie d’abord la science dans sa réalité, puis qu’on se réfère au résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’école veut qu’on com
911 commence par apprendre le résumé. D’ailleurs elle s’ arrête là. Les manuels ne correspondent à aucune réalité. Ils ne renfe
912 particularités, toutes les « prises » où pourrait s’ accrocher l’intérêt. Ils dispensent de tout contact direct avec ce don
913 ail. Or ce travail n’a qu’une valeur éducatrice : s’ il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où sont à l’école les modèle
914 notre conception pénitentiaire de l’école. Mais, s’ il est des disciplines qui renforcent, il en est d’autres qui amoindri
915 paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’il so
916 ermet à ceux qui tombent du ciel sur notre sol de s’ écrier sans hésiter : « Liberté, liberté chérie, voilà bien ta patrie.
917 x qui, en quelque manière que ce soit, voudraient se « distinguer ». (Le mépris que notre peuple met dans cette expression
918 e noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’ étonner de voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une
919 mes, voire par d’ex-instituteurs. À la vérité, il s’ agit de réussites qui, pour avoir enivré l’espoir et enflammé l’ambiti
920 urs de ces nombreux banquets de cercles locaux où se fondent les réputations, où se « baptisent » les hommes d’avenir. Un
921 cercles locaux où se fondent les réputations, où se « baptisent » les hommes d’avenir. Un jour on voit s’étaler en premiè
922  baptisent » les hommes d’avenir. Un jour on voit s’ étaler en première page des illustrés la face épanouie quoique énergiq
923 lèche de l’édifice administratif. Et c’est ce qui s’ appelle une belle carrière. Mais ces brillants météores ne troublent p
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 4. L’illusion réformiste
924 eprendre ce travail de démolition. Il suffit pour s’ en convaincre de parcourir l’abondante littérature publiée sur le « pr
925 appelle école nouvelle tout établissement où l’on s’ efforce d’enseigner selon des principes tirés de l’observation des enf
926 gés de 3 à 4 ans à lacer leurs souliers ; et cela s’ appelle l’école pratique. Plus tard, on fait apprendre à ces mêmes enf
927 les noms des rues et places de leur ville, comme s’ ils étaient tous destinés à la profession de chauffeurs de taxi. Si ce
928 ude des verbes actifs sera active aussi, un élève se mettra à marcher dans le couloir en s’écriant : je marche, ou : j’arp
929 , un élève se mettra à marcher dans le couloir en s’ écriant : je marche, ou : j’arpente ; un autre restera assis, en affir
930 velle, on atteint un enfant plus profondément, on se glisse à l’intérieur de son esprit, là où s’élabore son invention ; o
931 , on se glisse à l’intérieur de son esprit, là où s’ élabore son invention ; on capte scientifiquement les sources mêmes de
932 qu’on traite le gosse comme un organisme dont il s’ agit d’obtenir le rendement le plus élevé. On cultive les petits d’hom
933 l’enfant… Dans ce milieu l’enfant ne tarde pas à se développer… Prenez un enfant de 6 ans… Mettez ensemble trois enfants…
934 avec ferveur les principes de l’école libre, qui se moquent des programmes et dont les classes sont de vraies foires ; il