1 1970, Lettre ouverte aux Européens. Lettre ouverte
1 et j’en passe. La France, la Suisse et les autres nations ne sont pas pour autant de simples vues de l’esprit, mais des réalité
2 absolue. Vous ne vous sentez pas le citoyen d’une nation de 500 millions en devenir, surpassant les deux Grands additionn
3 rmettant la fusion des intérêts essentiels de nos nations  : production industrielle, législation sociale, tarifs douaniers, lib
4 ordres. Et s’il suffisait bien d’une seule de nos nations , le Danemark, la Hollande ou le Portugal, pour établir un empire colo
5 ois que la formule sacrée, quoique moderne, de la nation étatisée qui se prétend souveraine absolument (ses chefs ont le droit
6 e ! » 2. Car je ne puis m’adresser nommément aux nations qui n’ont plus ou pas encore d’État, aux Basques et aux Catalans, aux
7 urs filles, et de cent autres communautés, cités, nations , régions, évêchés, clubs, ordres et sociétés publiques ou secrètes. M
2 1970, Lettre ouverte aux Européens. I. L’unité de culture
8 z avant lui, mettent l’Europe au-dessus de leur «  nation  ». Mais l’adjectif européen est d’un usage bien plus ancien : il para
9 t idéologiques. Mais les frontières de toutes nos nations n’ont cessé de varier, elles aussi, dans une mesure beaucoup plus lar
10 , précisément, n’est pas soutenable au plan de la nation . Comment le serait-il donc au plan de l’Europe entière ? On nous dit
11 t imaginaires, comme le prouve l’expérience de la nation elle-même, au nom de laquelle on refuse l’union. 2° Si pittoresques e
12 t évidente. Vus d’Amérique, quelle que soit notre nation , nous sommes tous des Européens. Vus d’Asie, je n’ai pas besoin d’ins
13 us entendre, nous autres Européens de différentes nations , confessions ou climats, Français de différents partis, ou même Confé
14 l’homme universel, soit avec l’homme d’une seule nation du grand complexe continental dont il révèle ainsi qu’il fait partie
15 pas seuls partie ceux qui le nient au profit des nations qui le composent, mais aussi ceux qui en ont conscience et qui l’assu
16 gible d’étude historique n’est ni un État-nation ( nation state), ni l’humanité dans son ensemble, mais un certain groupement h
17 lus exaltante en fait pour les Européens de toute nation et de toute classe, de toute croyance et de toute incroyance. L’appel
18 là, le plus souvent, et toujours dans les grandes nations , les valeurs de l’héritage commun ne cessent jamais d’être présentes,
19 divisions anarchiques Le véritable sens du mot nation , avant que le xixe siècle ne l’ait étatisé, était donné par des réal
20 ment au mépris de la personnalité authentique des nations qu’ils ont unifiées par coups de force. Seule l’union de l’Europe au-
21 -delà des États permettra de restaurer ces vraies nations . La cause des « personnalités nationales » est liée à la cause de l’E
22 u’il regrettera — il l’a prédit — ce n’est pas sa nation , mais l’Europe — « l’Europe aux anciens parapets ». Ceux qui, au cont
23 aussi — présentaient l’Europe comme un puzzle de nations et sa culture comme l’addition d’une vingtaine de « cultures national
24 s foyers de création, des maîtres, et non pas des nations au sens moderne. Roland de Lassus n’appartient ni à la Belgique, ni à
25 hamp limité par les frontières d’une seule de nos nations actuelles. Il n’y a pas plus de « peinture française » que de « chimi
26 nne) au xxe siècle. d) Les écoles. — Le terme de nation (natio) désignait au Moyen Âge les étudiants d’une université parlant
27 an a fait justice de la confusion entre langue et nation . On parle encore sept langues en France, et le français est la langue
28 lle de communautés importantes appartenant à cinq nations . Avant cette différenciation, il y avait déjà la littérature, et les
29 listes européens s’engagent à ne jamais faire aux nations quelles qu’elles soient ce que les unitaires et centralisateurs qui l
30 ociale effective : commune et entreprise, région, nation , fédération continentale…) Les problèmes vivants et réels de l’Europe
31 rels, en tant qu’ils relèvent de la région, de la nation , de l’Europe unie ou de communautés électives (non natives), universe
32 olitiques, partis et parlements. Plus tard, telle nation neuve ou telle fraction de son intelligentsia décide d’adopter nos co
33 ale de tout homme devant Dieu, quelle que soit sa nation , sa couleur ou sa race. L’Égypte ancienne ne croyait rien de tel. Le
34 raîne dans les mœurs et les modes de penser d’une nation . Le fameux « bond en avant » de la Chine n’a guère été qu’un bond ver
3 1970, Lettre ouverte aux Européens. II. L’union fédérale
35 on voit partout en plein essor, qu’il s’agisse de nations en instance de divorce avec l’OTAN ou avec le pacte de Varsovie, ou d
36 e avec l’OTAN ou avec le pacte de Varsovie, ou de nations au sens ancien du mot, régions ou ethnies en révolte plus ou moins ou
37 n, produit de la confiscation d’une mystique — la Nation  — par un appareil administratif et policier — l’État. Un État plus ou
38  l’État. Un État plus ou moins nationalisé ou une nation étatisée, modèle : la France, bientôt imitée par presque toute l’Euro
39 l’Europe — et au xxe siècle, par une centaine de nations nouvelles. Centralisé, atomisé et trituré par les dynamismes contrair
40 . Peut-on dire plus ? Sur les quelque cent-trente nations souveraines qui divisent notre humanité, je ne compte guère que deux
41 ces États officiellement fédératifs que dans les nations unitaires : en URSS, ce sont les autonomies régionales et les diversi
4 1970, Lettre ouverte aux Européens. III. La puissance ou la liberté
42 tituer un État-nation ? C’est soumettre toute une nation ou un groupe de nations conquises par l’une d’entre elles, aux pouvoi
43 C’est soumettre toute une nation ou un groupe de nations conquises par l’une d’entre elles, aux pouvoirs absolus de l’État. C’
44 litique. Qu’on l’appelle Europe des patries, des nations , des États ou des souverainetés, l’union de l’Europe ne se fera pas s
45 cèrement et réellement les concepts de patrie, de nation et de souveraineté. Édouard Herriot, par exemple, s’écria solennellem
46 tait en réalité un fanatique de la religion de la nation . S’il n’eût pas été aveuglé par la superstition jacobine, il eût vu c
47 n’est qu’un mythe, inventé par les prêtres de la nation dans le dessein d’asservir les esprits à l’État. La souveraineté abso
48 e, c’est la confusion établie entre patrie, État, nation et langue. Voilà bien le type de l’amalgame de réalités hétérogènes s
49 e n’est guère extensible au-delà de la région. La nation , au contraire, au sens moderne, au sens du « Vive la Nation ! » de Va
50 contraire, au sens moderne, au sens du « Vive la Nation  ! » de Valmy, est une réalité d’ordre plutôt mystique, idéale ou idéo
51 ence foncière : on peut annexer des peuples à une nation , des territoires à un État, mais on ne peut rien annexer à une patrie
52 près la même de nos jours dans les patries et les nations les plus diverses par la géographie et par les traditions : dans les
53 ide historiquement et géographiquement ni avec la nation , ni avec l’État, ni même avec la patrie24. Ces évidences accablantes
54 ans le lit de Procuste d’un État patries locales, nations et langues, il a voulu imposer ce carcan aux réalités économiques. C’
55 e souveraineté qui échappe de toute manière à ses nations . 37. La puissance ou la liberté Ces recettes de sagesse restero
5 1970, Lettre ouverte aux Européens. IV. Vers une fédération des régions
56 e toujours forcée qu’ils offrent à leurs ethnies, nations et cités libres. À nous Thésée libérateur ! héros de l’Europe des rég
57 os de l’Europe des régions ! 39. Le siècle des nations  ? Zurich, le 16 septembre 1946 : Avec une poignante éloquence, Win
58 inquiétantes, comme celle d’André Malraux : « Les nations sont redevenues le phénomène fondamental du siècle. L’évolution a jou
59 « réalité fondamentale du siècle », que serait la nation , est précisément celle qui fait obstacle à cette « seule chose vérita
60 on Churchill n’est pas faite, c’est parce que les nations qu’exalte l’ex-ministre d’État du général de Gaulle s’y opposent enco
61 ent encore irréductiblement, de tout leur être de nations « souveraines »28 ? Quand on nous affirme que le xxe siècle ne sera
62 e Proudhon l’avait prévu, mais bien le siècle des nations , est-ce qu’on s’en félicite, ou bien est-ce que l’on dit « le siècle
63 cite, ou bien est-ce que l’on dit « le siècle des nations  » comme on dirait « l’année de mon infarctus » ? Autre chose est de c
64 la réalité politique de notre temps est encore la nation , autre chose d’affirmer qu’on ne veut rien y changer, que c’est là-de
65 à faire en sorte qu’ils cessent de sévir. 40. Nations en crise Que les nations soient encore bien réelles, et très forte
66 sent de sévir. 40. Nations en crise Que les nations soient encore bien réelles, et très fortes à quelques égards, l’impos
67 ntre avec une évidence presque écrasante. Que les nations soient en même temps mal adaptées (pour dire le moins) à l’évolution
68 t totalitaire — par le besoin d’union au-delà des nations , partout ressenti et déclaré, et qui a donné naissance au Marché comm
69 y a plus : aux crises locales dans telle ou telle nation , provoquées par le mécontentement irrépressible d’une région que brim
70 Berne, au nom d’une ethnie différente qui se veut nation , cependant que tout près de là, Bâle devient le centre d’une Regio qu
71 nfirmer que « l’évolution joue dans le sens de la nation  », mais bien plutôt que nous atteignons le stade de crise finale d’un
72 maginent qu’il y a toujours eu des États, que les nations sont immortelles (au moins la leur), que rien d’autre n’est donc poss
73 est donc possible, et que d’ailleurs l’État et la nation marquent l’aboutissement logique, normal et inévitable du progrès. Po
74 politiques, assez pour rappeler d’où viennent la nation , l’État et l’État-nation né de leur collusion moderne. Il faudrait ra
75 mpire de Charlemagne, puis Saint-Empire romain de nation germanique. Il faudrait montrer que les premiers États nationaux n’ap
76 genre humain. Et que la naissance de la première nation , la France, peut être datée de cette déclaration des légistes de Phil
77 . Ce spectacle, qui est celui de la naissance des nations , remplit d’effroi les sages de l’époque. « Ô genre humain, tu es deve
78 nalisation de l’État royal et l’étatisation de la nation révolutionnaire, c’est cela qui va créer dans la première décennie du
79 . Voilà la vérité fondamentale du xxe siècle des nations . À ce propos, une constatation des plus paradoxales : c’est que, si t
80 onstituer les États-Unis d’Europe sur les grandes nations étatistes. Le problème de l’union de l’Europe à partir des États-nati
81 n meilleur milieu de participation civique que la nation , telle que nous l’a léguée le siècle dernier : la région31. 46. I
82 bie contestée), Yougoslavie (avec ses cinq ou six nations et ses deux religions, dont l’une en plusieurs confessions). L’histoi
83 ler curieux, Messieurs, qu’à l’âge de l’union des nations et des intégrations continentales, vous vous préoccupiez d’abord, à A
84 sur les cadres en bonne partie vidés des vieilles nations . Ce passage de la nation aux régions sera le phénomène majeur de l’Eu
85 rtie vidés des vieilles nations. Ce passage de la nation aux régions sera le phénomène majeur de l’Europe de la fin du xxe si
86 en plus accentué de vastes régions de France. La nation doit réparation du tort ainsi causé35. Tout cela est intéressant, di
87 ue, le dogme de l’immortalité non seulement de ma nation , mais de la forme nationale en général. Bien sûr, un coup d’œil sur l
88 rié dans un discours célèbre à la Sorbonne : Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiro
89 oppement harmonieux des régions » au sein des six nations membres ; b) des régions plurinationales se sont définies ou constit
90 ehors, refusant à la fois l’autonomie aux petites nations annexées et les pouvoirs décisionnels à toute institution supranation
91 ontre le mouvement de l’histoire, selon lequel la nation est le progrès. » « La région est une nostalgie réactionnaire. Le pro
92 ème avec votre utopie ! » « On ne peut passer des nations souveraines aux régions fédérées sans transition, et cela prendra des
93 breux et plus mesquins que les conflits entre nos nations . » « Voulez-vous donc balkaniser l’Europe ? » Ces réflexes passionnel
94 t souverainement toute l’existence publique de la nation , c’est-à-dire de l’ensemble des hommes vivant à l’intérieur d’un terr
95 té » (comme on fait sa puberté), il devient une «  nation immortelle ». Et l’État qui agit en son nom dispose de la vie et de l
96 faut apprendre à penser par problèmes, et non par nations . Devant un problème posé (urbanisme, participation civique, universi
97 s dues aux moyens techniques de mise au pas d’une nation . Et de Napoléon à n’importe quel État-nation contemporain, la continu
98 extrémités pour le centre, et le marasme gagne la nation devenue hydrocéphale. « Ne rien laisser dans l’indivision » : grande
99 tion au-delà. Il faut garder l’État, protéger les nations , mais défaire les États-nations. Il ne faut pas détruire l’État, mais
100 er à se rattacher politiquement à l’une des trois nations dont la Regio est le carrefour ou l’intersection. La résistance qu’op
101 t Schuman. Ces solidarités ne se nouent pas entre nations , peuples, partis, députés, fonctionnaires ou ministres. Elles se noue
102 re-5 novembre 1967. 28. Il est évident que les «  nations  » dont parle Malraux sont en réalité les États-nations tels que les a
103 les a formés le xixe siècle, et pas du tout les nations au sens premier — peuples, régions, ethnies ; elles sont du type Fran
104 ont il les a frustrées. 29. « Quand il s’agit de nations comme celles de la vieille Europe (…), qui pourrait admettre de bonne
105 de « provincialisme » ? 38. Cf. Qu’est-ce qu’une Nation  ?, Paris, 1882. 39. Documents de la Conférence sur les économies ré
106 nt me paraît juste. Mais quand Malraux dit que la nation est le phénomène dominant du xxe siècle, on doute qu’il pense d’abor
6 1970, Lettre ouverte aux Européens. Lettre ouverte, suite et fin
107 ent de l’union européenne qui ne fût pas de votre nation , et 59 % d’entre vous ont dit oui. Tout cela fait en faveur de l’unio
108 quable expansion » s’il s’agit de la France comme nation  ? Victor Hugo, parlant des « sauvages » de l’empire colonial français
109 t regarder la vérité… Ils savent qu’il existe une nation ouverte, qui appelle chez elle quiconque est frère ou veut l’être. De
110 ’une absence de frontières, entraînerait pour une nation donnée, sans voir que cette absence supprimerait, en fait, non seulem
111 centre du système politique, non seulement de la nation vers l’Europe, mais encore vers l’humanité dans son ensemble et en mê