(1973) Articles divers (1970-1973) « Quand Paul Martin voulait faire courir l’Europe (1971) » p. 41

Quand Paul Martin voulait faire courir l’Europe (1971)o

Ma première rencontre avec Paul Martin s’est produite sur la scène du Théâtre de Lausanne, envahie par les bellettriens : bras dessus, bras dessous nous chantions à tue-tête en nous balançant tantôt à gauche tantôt à droite. Mon bras droit tenait le gauche d’un aîné prestigieux capable de courir 800 mètres d’un trait et champion olympique pour cette raison, sans doute.

C’était assez pour se tutoyer, pas assez pour vraiment se connaître.

Quelque trente ans plus tard reparaît Paul Martin, plutôt rajeuni me semble-t-il (les petites différences d’âge s’effacent avec le temps). Il vient, de concert avec notre ami commun Raymond Silva — alors secrétaire général du Centre européen de la culture —, proposer que nous lancions une « Charte européenne » et un « Brevet européen du sportif ». Faire l’Europe dans les sports aussi — tous plus ou moins atteints de chauvinisme vociférant —, voilà une belle idée, que j’accepte d’enthousiasme.

C’était en 1954. Après deux ans d’études, de réunions au Centre, de démarches auprès des grandes associations sportives et des gouvernements, la « Commission de pédagogie sportive », animée par Martin et Silva, met au point une charte imposante et un brevet. Celui-ci sera dûment testé — et passé avec des succès divers — par les membres du comité, au nombre desquels le Dr Panchaud, le général du Souzy et M. Bourdeau de Fontenay, directeur de l’École nationale d’administration, tous amis de Paul Martin et amenés par ses soins à collaborer avec le Centre.

Une si heureuse initiative, et si rondement menée vers son destin européen, devait cependant échouer — en dépit des appuis les plus efficaces de dernière heure, comme celui de S. A. R. le prince Bernhard des Pays-Bas — devant les susceptibilités de l’olympisme officiel.

Quelques années plus tard, j’eus la surprise de recevoir des papiers à en-tête du Conseil de l’Europe annonçant la création par ce dernier d’un « Brevet européen du sportif ». On m’en communiquait le texte « pour mon information, pensant que ce sujet était peut-être de nature à m’intéresser ». Je reconnus au premier coup d’œil « notre » texte.

Strasbourg s’attribuait la médaille, mais Paul Martin avait gagné la course.