(1981) Articles divers (1978-1981) « La Suisse face au danger de guerre : « Je suis un pessimiste actif » (4 mars 1981) » pp. 19-20

La Suisse face au danger de guerre : « Je suis un pessimiste actif » (4 mars 1981)bn

Il y a eu l’Iran, il y a eu l’Afghanistan et chaque fois toutes les conditions étaient réunies pour que la guerre éclate, une guerre générale, mais, au dernier moment, les deux Grands ont renoncé à appuyer sur le bouton. S’il n’y a pas encore la guerre, c’est qu’on a peur de la faire. Je me rappelle une conversation que j’ai eue avec Einstein en 1947 à Princeton où nous étions voisins. Je lui ai demandé ce qui se produirait en cas de guerre atomique. Il m’a répondu, après un moment de réflexion : « Je pense qu’il subsisterait à peu près vingt millions de vivants […] dans des angles morts. »

Depuis lors, on a beaucoup perfectionné les moyens d’exterminer les hommes et plus personne ne peut dire si on en tuerait des millions ou des milliards. Kowarski67, que j’interrogeais sur les dangers que pourrait représenter pour la Suisse la construction de Creys-Malville68 qui, n’est-ce pas, peut éclater comme une bombe atomique et produire un aérosol de quatre tonnes de plutonium que les vents dominants s’empresseraient de diriger vers notre plateau, Kowarski me disait : « Ça peut tuer tout le monde ou très peu de gens, personne ne peut rien dire, il n’y a pas de précédent. » Je crois que les hommes ont obscurément conscience qu’une guerre atomique serait la dernière ; qu’après, il n’y aurait plus personne pour en faire d’autres.

En 1979, les États ont dépensé plus de 500 milliards de dollars pour des armements qui, au mieux, ne serviront à rien, sinon, comme chacun nous le dit, à empêcher les autres de faire la guerre. Je n’en crois pas moins qu’un accident est fatal. Ou que certaines « raisons », si l’on ose dire, peuvent intervenir. Ainsi, l’évolution démographique de l’URSS, qui joue en défaveur des Russes et en faveur des républiques asiatiques. Il peut en résulter un jour des déséquilibres intérieurs tels que l’URSS serait tentée, selon la phrase fameuse de Hegel, de « chercher par la guerre au-dehors la tranquillité qu’elle n’aurait plus au-dedans ».

Vers la guerre

Je constate, d’autre part, que l’industrie occidentale, qui pendant longtemps a été axée sur l’automobile, est en train de basculer vers la préparation à la guerre. Des recherches officiellement « pures », mais susceptibles de servir à la mise au point de procédés tels que les « beam weapons », armes à faisceaux de rayons groupés ou « rayons de la mort », se voient massivement financées par les gouvernements. Et tout cela prend une telle ampleur, se répand dans tant de domaines de l’industrie, même les plus éloignés apparemment de la chose, qu’on pourrait croire à un plan d’ensemble non pour faire la guerre, mais pour la « préparer », selon l’imbécile adage latin qui affirme, n’est-ce pas, que préparer la guerre est le sûr moyen d’avoir la paix.

Non ! Quand tout le monde prépare la guerre, il est fatal qu’on finisse par l’avoir, soit par accident, soit pour des motifs comme celui que j’évoquais à propos de la Russie, mais il peut en surgir bien d’autres.

Même sans choc entre les deux Grands d’aujourd’hui, rien ne dit qu’un peu plus tard il n’y aura pas choc avec les puissances du tiers-monde. Parce que, là aussi, nous avons tout disposé, avec une inconscience quasi démente, pour que ça éclate un jour. En vertu d’un phénomène psychologique profondément contradictoire, fait de peur et de fascination de la guerre, les médias, les mentalités, les politiques et toute notre industrie se mettent en place peu à peu, comme poussés par un mot d’ordre qui, je crois, n’existe pas, mais qui correspondrait à une certaine attitude mentale de l’être humain fasciné par la catastrophe.

Tout cela se met en place pour la guerre, avec une rationalité proprement épouvantable. C’est le règne de la raison folle, abandonnée à elle-même, d’une raison qui n’est plus contrôlée par des finalités humaines données par l’esprit. Comment la Suisse pourrait-elle échapper à ce vertige ? Je la vois au contraire étroitement prise dans le tissu des préparatifs de guerre. Je n’ai pas besoin de mettre ici les points sur les i, chacun sait que nos industries sont engagées dans le nucléaire. On a essayé de nous faire croire que le nucléaire militaire et le nucléaire civil n’avaient aucune espèce de rapport, eh bien, voyez l’exemple de l’Inde. La seule question est de savoir si nous aurons le temps de faire prendre conscience aux populations du danger qu’elles courent en brûlant trop d’électricité, en installant le chauffage électrique dans les maisons, ce qui est le meilleur argument pour construire des centrales nucléaires, ce qui est le meilleur moyen de fabriquer beaucoup de plutonium, ce qui est le meilleur moyen de faire disparaître l’humanité de la surface de la Terre.

Des groupes dont je fais partie ont publié des manifestes, ont essayé d’atteindre les gouvernements. Un débat public a été organisé à Genève, auquel avaient été conviées les compagnies nationales d’électricité. Eh bien, les producteurs du nucléaire ont reçu de leurs collègues suisses le mot d’ordre de ne pas venir. D’ailleurs, tous les colloques que nous pouvons écrire, les émissions que nous pouvons faire, même multipliées par cent-mille, ne suffiront pas à renverser le courant. La seule chose dans laquelle je place encore, si j’ose dire, quelque espoir, c’est ce que j’ai appelé la « pédagogie des catastrophes ».

C’est-à-dire ?

Des catastrophes vont se produire, il est inévitable qu’elles se produisent. Si elles restent, disons à peu près « à la taille de l’homme », peut-être suffiront-elles à réveiller les masses et leurs dirigeants avant que la grande apocalypse nucléaire ne vienne tout écrabouiller. Il y a eu l’accident de Three Mile Island. Il y en aura d’autres. Il faudra qu’à chaque fois beaucoup de gens soient là pour tirer les conclusions, informer le public. Mais, disant cela, je sens déjà poindre un autre danger. À force de voir peindre le diable nucléaire sur la muraille, les gens commencent à s’y accoutumer. Ou bien, ça les plonge dans une espèce de prostration, ils ne veulent plus rien faire contre la guerre, à quoi bon, on n’y peut rien de toute manière, buvons et fumons, car demain nous mourrons. Ou alors, ça développe chez eux, inconsciemment peut-être, l’idée insidieuse, atroce, qu’avec les nouveaux procédés, une guerre atomique se laisserait contrôler, limiter, je dirais presque apprivoiser.

J’avoue avoir moi-même hésité à un moment donné, me disant : après tout, la bombe à neutrons serait encore le moyen le plus maniable de nous défendre quand les Russes déferleront avec leurs milliers de chars. Mais je me reprends : les armes à neutrons, cela fait partie du jeu général de la préparation à la guerre, cela contribue à rendre acceptable le nucléaire, et c’est ça justement qu’il faut empêcher à tout prix. Il faut que les hommes se mettent une bonne fois dans la tête qu’il n’y a pas de parade à une guerre atomique pour ce qui concerne les populations.

Mais c’est grave ce que vous dites-là ! Ça signifierait qu’on trompe la population en lui faisant croire qu’elle est protégée.

Oui.

Vous allez jusque-là ?

Absolument. Des amis physiciens me disent que l’espoir de se protéger dans des abris antiatomiques est, hélas !, trompeur. Un bombardement atomique déclencherait des incendies d’une telle violence que l’oxygène de l’air serait entièrement brûlé dans un rayon de plusieurs kilomètres à partir du point d’impact d’une bombe. Les gens étoufferaient tout simplement dans leurs abris. En 1946, tout de suite après Hiroshima, toute l’Amérique a été prise d’un réflexe panique de rentrer sous terre. On imaginait des puits gigantesques où les gratte-ciel s’engloutiraient comme des cabines d’ascenseurs.

Au début des années 1960, aux États-Unis, j’ai assisté au boom des abris antiatomiques. On mettait tout New York sous abris. Et on me faisait de vifs reproches : « À quoi pensez-vous en Europe, vous ne faites rien pour vous défendre, vous ne creusez pas d’abris ! Ici, tout le monde s’y met, c’est un devoir national ! » Eh bien, cette fièvre n’a duré que quatre ans. On a fait des expériences, on a tiré des conclusions tout à fait analogues à celles que me transmettent les physiciens que je vous citais. Les États-Unis ont donc abandonné la construction d’abris antiatomiques. Je m’explique mal comment nos milieux gouvernementaux et militaires y croient encore.

La guérilla organisée

Mais je voudrais insister ici sur un tout autre aspect de la question. On se demande quel intérêt les Russes auraient à lancer des bombes atomiques sur une Europe qu’ils voudraient conquérir. Ils se créeraient de la sorte, devant eux, un barrage beaucoup plus infranchissable que tous ceux que nous pourrions leur opposer. S’ils font la guerre, ce sera aussi pour s’emparer des industries européennes dont ils ont grand besoin. On ne voit donc pas pourquoi ils anéantiraient la Ruhr ou l’agglomération zurichoise. Et, à supposer même qu’ils veuillent raser nos villes et nos usines, ils pourraient se passer de bombes atomiques puisqu’il leur suffirait de faire sauter nos propres centrales nucléaires (comme l’a dit le général Buis), ce qui paralyserait du même coup notre pays. Raison de plus, soit dit en passant, pour que la Suisse renonce à construire des centrales, dont elle peut d’ailleurs parfaitement se passer, premièrement en économisant son électricité, secondement en renonçant à en exporter plus qu’elle n’en importe.

Bon, mais dans le cas d’une guerre classique, non nucléaire, que peut faire la Suisse ?

Vous abordez-là un sujet tout différent. Dans une telle guerre, qui risque effectivement de se produire, je ne vois qu’une défense plausible : la guérilla organisée, non pas « sauvage » comme on le dit des grèves, mais au contraire obéissant aux ordres de l’EMG ou du gouvernement. C’est la doctrine que m’enseignait en 1928 déjà, lors de mon école d’officier, vous voyez que ce n’est pas d’hier, le colonel divisionnaire Borel, officier très brillant qui allait faire pas mal de voix contre Guisan en 1939. « Il faudra, nous disait-il, laisser pénétrer l’infanterie et les chars adverses, très profondément, mais tirer sur les états-majors, l’intendance, le ravitaillement, les couper des troupes, isoler celles-ci et ensuite les réduire par la guérilla. »

Impensable

Essayons d’imaginer une attaque russe. Je ne vois pas quel autre agresseur on pourrait imaginer aujourd’hui en Europe, car une des choses que le mouvement fédéraliste européen a obtenues, même si beaucoup de gens n’en prennent pas clairement conscience, c’est que l’idée d’une guerre entre deux pays européens est devenue pratiquement impensable. Cela nous laisse une seule hypothèse : celle d’un déferlement de l’immense armée russe sur toute l’Europe. À quoi rimerait alors la défense de l’Europe en général et de la petite Suisse en particulier ?

Je crois qu’il y a une réponse à trouver dans les chiffres de population. L’Europe, Pologne et autres « satellites » compris, représente au total 520 millions d’habitants. Les Russes, eux, ne sont que 260 millions, donc exactement la moitié. Or, ils auraient à défendre des dizaines de milliers de kilomètres de frontières avec les Coréens, Japonais, Chinois, Indiens, Afghans, Pakistanais, Iraniens, Turcs, etc., avant même d’envoyer leurs chars et leurs troupes à la conquête de l’Europe. En admettant qu’ils nous submergent rapidement, comme le prévoit le général belge Close69, qu’ils occupent tout le continent, de Varsovie à Lisbonne, Gibraltar, Brindisi et Athènes, ils se trouveraient terriblement dilués, n’est-ce pas ?

Si, à ce moment-là, il y a chez les Européens, et chez les Suisses qui nous intéressent plus particulièrement, une volonté de défense, une conscience de ce qu’ils ont à défendre : une certaine dignité de vie, un certain sens de la liberté, de la critique, de l’opposition, enfin tout ce qui est supprimé ou n’a jamais existé en Russie, il me paraît absolument impossible qu’un ordre stalinien puisse être maintenu dans un continent où les Russes seraient à un contre 150, noyés dans une masse immense de citoyens qu’ils découvriraient radicalement différents de tout ce qu’on leur en a dit. Face à cette résistance locale, civile, civique, d’hommes et de femmes passionnément motivés dans la défense de leur ville, de leur village, de leur ferme, les jeunes soldats russes ne comprendraient bientôt plus ce qu’ils font là.

L’affrontement quotidien avec une population non seulement résolue, mais préparée à se défendre par tous les moyens psychologiques imaginables, entraînerait la démoralisation de l’occupant, et pourrait aboutir à sa mise hors de combat sans combat. La défense locale, village par village, « en hérisson », serait non seulement adaptée à nos conditions géographiques et politiques particulières, mais s’inscrirait dans la tradition du civisme helvétique, fondée sur des siècles d’autonomie locale et de gestion communale, populaire.

Éducation civique

Il est absolument vain de croire, qu’on peut défendre un peuple malgré lui, lui mettrait-on en main les meilleures armes du monde. La défense d’un peuple, c’est d’abord, disons même surtout, sa volonté de se défendre, comme on l’a vu au Vietnam et comme on le verra peut-être en Afghanistan. Tout tient à ça. C’est une question d’éducation civique. Et, avec cela, le principal est dit. L’éducation civique, la santé civique, voilà le fondement sûr d’une défense suisse, défendant réellement la réalité suisse. Éducation ! Il s’agit d’un effort immense, mais je le répète et ne le répéterai jamais assez, ce n’est pas plus difficile à faire que tous ces abris et ces gadgets d’armements qui ne serviront à rien, mais qui coûteront très cher, et qui, naturellement, rapporteront de l’argent à certains, du moins pendant un temps.

Ce n’est tout de même pas le but de notre défense nationale, n’est-ce pas, que d’enrichir un certain nombre de gens, ni même que de donner du travail à un certain nombre d’ouvriers. Il faut rejeter ce chantage à l’emploi qui faisait dire à un ministre français qu’en limitant la vitesse sur les autoroutes on créerait du chômage dans la carrosserie ! Plutôt que de songer à acquérir d’éventuelles armes nucléaires qu’on nommerait « tactiques » pour l’occasion, mais qui n’en seraient pas moins contraires à notre neutralité, puisqu’elles sont par nature offensives (le premier qui tire a toutes les chances de gagner), nous devrions entraîner d’urgence notre population civile à cette défense non violente.

Cet entraînement s’inspirerait du principe essentiel du judo, qui consiste à ne pas opposer de résistance à l’adversaire là où il l’attend, et à lui faire perdre ainsi son équilibre, psychologique et militaire. L’enseignement du russe « colloquial » d’aujourd’hui à nos jeunes gens des deux sexes pourrait devenir une arme infiniment plus redoutable, quoique mille fois moins coûteuse, que nos achats d’avions vite démodés. Ces cours de défense civile, psychologique, devraient être menés de pair avec la préparation intensive des soldats en vue de la guérilla. Dans cet effort communautaire de défense en partie non violente, je ne vois pas seulement le moyen le plus efficace de protéger la Suisse, mais du même coup, la solution du problème des objecteurs de conscience.

Un service civil très poussé donnerait, à tous ceux qui refusent de porter des armes et de tuer pour défendre la paix et leur pays, les moyens d’agir en bonne conscience et solidarité, et cela de manière au moins aussi efficace que celle de leurs camarades en uniforme, dans les conditions réelles de la guerre de demain. Voilà comment je conçois une défense non seulement « de la Suisse » mais « à la suisse ». Et je voudrais la voir s’étendre à tous les pays d’Europe. Cela les amènerait à développer leur civisme, c’est-à-dire à fonder leur défense sur la conscience de leurs raisons d’être, sur leurs libertés concrètes. Tout le reste me paraît dangereusement démodé.

Cela fait rêver, mais n’est-ce pas finalement utopique ?

La pire des utopies est celle du prétendu « réalisme » qui mesure les chances de survie d’un pays en termes de budget militaire et non pas de santé civique.

Vous croyez que les jeunes, sceptiques comme ils sont, se laisseraient mobiliser ?

Je puis tout de suite vous donner une réponse. Ce qui manque aux jeunes aujourd’hui, c’est un avenir. L’angoisse qu’ils ont, pas toujours consciente, mais certainement présente, c’est de n’avoir pas d’avenir, parce que tout est barré par l’idée d’une guerre atomique qui serait la fin de l’humanité, en tout cas de l’humanité civilisée. Rien n’est plus mobilisant pour des jeunes gens que de s’assurer une possibilité d’avenir, d’avenir encore ouvert.

Vous y croyez, vous, à leur avenir ouvert ?

Si la Suisse se lançait dans la bataille pour la paix, si elle suivait une politique cohérente, radicale, de refus de la guerre atomique, allant jusqu’à s’interdire de vendre, non seulement des armes, mais des produits qui permettent à d’autres pays de faire des centrales nucléaires et, à partir de là, voyez l’Inde et l’Irak, du nucléaire militaire, si la Suisse prenait une position en flèche, cela donnerait à notre jeunesse un idéal très puissant, un avenir véritablement attirant, voire fascinant. L’idée que nous ne serions plus les « profiteurs des guerres des autres », comme nous en accuse l’Europe, mais que nous montrerions le chemin vers un futur possible, vivable encore, je ne vois pas de cause plus enthousiasmante pour des jeunes. Mais encore faudrait-il y aller carrément, ne pas mettre son drapeau suisse — pacifique — dans sa poche, ne pas se cacher derrière la Croix-Rouge en estimant qu’on a humanisé la guerre et que c’est assez.

Faire quelque chose

Cela n’irait pas sans sacrifices.

Cela n’irait pas sans sacrifices, mais qui seraient peu de choses au regard de l’enjeu. Qu’est-ce que ça fait qu’on perde quelques emplois dans les usines qui fabriquent des armements ou des machines qui serviront aux armements, si on sauve ainsi toute une population ?

Vous nous montrez les Suisses à la croisée des chemins.

Oui.

Et vous êtes optimiste quant à leur choix ?

Je n’ai jamais été optimiste. J’ai toujours été, depuis mes tout premiers écrits sur des questions politiques, un pessimiste actif. Je ne pense pas que les choses soient disposées de manière à aller bien toutes seules. Je pense que si on les laisse aller, elles iront très mal. Et, dans la mesure où nous sommes actifs, quelles que soient nos chances de succès évaluables aujourd’hui, nous sauvons au moins notre dignité personnelle. Nous serons au moins des personnes qui auront essayé de faire quelque chose. Et après tout, pour moi, le but de la société, ce n’est pas la puissance collective, c’est la liberté. Et quel meilleur emploi pourrais-je en faire que de me battre pour la volonté de liberté des personnes, contre la volonté de puissance des États ?