Conseils à la jeunesse (mai 1927)n
« On a reproché bien des choses aux romantiques : le goût du suicide, l’habitude de boire et de fumer excessivement, leurs▶ amours, l’égoïsme, le mépris de la réalité, l’exaltation maladive de l’imagination et de la sensibilité, l’atrophie du sens critique sous toutes ses formes : raison, jugement, simple bon sens, et l’ignorance systématique, le mépris enfin de tous les principes qui sont à la base de la société même. »
Ceci est tiré d’un livre récent sur Aloysius Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le dire — aux surréalistes ?
Si le mal du siècle consistait véritablement dans ces quelques effets, nous donnerions peut-être raison à M. Y. Z., qui, dans un petit article du Journal de Genève sur « La maladie du siècle », écrit :
« Plante des pommes de terre, jeune homme ! Quand tu seras au bout de la 20e ligne de 200 mètres, ce qui représente quatre kilomètres de plantation, le siècle ne sera plus malade, les temps seront guéris de ◀leur▶ crise, les valeurs auront retrouvé ◀leur▶ stabilité, et comme M. Albert Muret dont le Journal de Genève parlait naguère, tu mangeras avec appétit une poule au riz arrosée d’un savoureux “demi” de Lavaux. »
Seulement, il y a tout de même un ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils nous paraissent entraîner assez naturellement chez des jeunes « et qui pensent » ce goût de l’évasion caractéristique de tous les « vices romantiques ».
— Citez-m’en de ces phénomènes !
— Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; ce fait de la révolution russe… cet autre fait de la guerre… et puis, tenez ! ce fait surtout de la sacro-sainte Raison utilitaire au service des sacro-saints Principes au nom desquels tout se ligue aujourd’hui pour anéantir la seule chose qui reste à nos yeux sacro-sainte : la liberté.
Alors n’est-ce pas, merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin de rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait des autruches pour enseigner cette méthode à ◀leurs petits.
Le « satisfait » est un être inadmissible aujourd’hui. À plus forte raison, le satisfait artificiel.