(1956) Articles divers (1951-1956) « Préface à Photo + scène (1953) » pp. 1-3

Préface à Photo + scène (1953)m

Le Centre européen de la culture n’avait pas attendu le succès remporté l’an dernier par l’Exposition internationale de photographies de scène, pour lui accorder dès le départ son patronage et son appui pratique. Il salue cette année l’épanouissement de cette initiative.

Si la musique reste une création spécifique de l’Europe, le théâtre est un langage mondial, mais qui exprime mieux que tout autre le rythme intime d’une civilisation. Le décor a pris en Europe, depuis la Renaissance italienne et française, une importance que le drame sacré japonais ou hindou ne pouvait lui accorder. Enfin, l’art photographique dérive non seulement de nos techniques mais de cinq siècles de peinture occidentale. Une exposition de photos de scène accomplissant le pèlerinage de nos festivals de musique offre donc un instantané saisissant de l’état présent des arts en Occident.

Une dizaine de pays prennent part à ce concours. Belle occasion pour les auteurs et les acteurs, les metteurs en scène, les photographes et les peintres de méditer non seulement sur leur métier propre, mais sur les surprises créatrices ménagées par leur collaboration.

Belle occasion aussi, pour le public, de prendre conscience de ce fait que l’art n’est pas le produit d’une nation mais de toute une culture, — ici l’européenne.

Quelques grands thèmes ou archétypes expriment l’Europe : Orphée, Iphigénie, Faust, Hamlet, Don Juan… À qui appartiennent-ils ? À ceux qui les recréent, puisant chacun au fonds commun, selon leur génie régional. Voyez l’Hamlet du Piccolo Teatro ; comparez-le à celui de John Gielgud ; voyez le Don Juan de Munich, comparez-le à celui d’Aix, comme on peut comparer dans nos musées l’évolution d’un grand sujet au cours des âges, de l’Italie aux Pays-Bas, puis à la France, puis à l’Allemagne — et vous verrez l’unité vraie de notre Europe : celle qui se réalise dans la diversité des langages, des écoles, des sensibilités. Et c’est cela que notre union doit préserver, pour les nouveaux départs que le monde attend de nous.