Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)ah
Voici un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’une beauté assez brutale, pour▶ nous choquer et s’imposer pourtant. M. Lecache présente le problème juif avec une obstination à ne rien cacher qui le mène profond.
Une famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que ◀pour▶ ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, intelligence, brutalité : les caractères se résument dans son avidité de puissance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient grand industriel, assure sa fortune au prix du peu cynique reniement de ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non leurs ambitions. Surmontant son dégoût, le père ajoute : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi. »
Le récit grassement pittoresque dans la description du milieu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités ◀pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont le profond ricanement se prolonge en nous. Je crois entendre Jacob qui se retourne, méprisant : « Mais oui, je ne nie rien, je suis sans scrupules, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de me craindre. »