Miguel de Unamuno, Trois nouvelles▶ exemplaires et un prologue (septembre 1925)j
M. Valéry Larbaud est vraiment un étonnant esprit. Pour présenter au public français cette œuvre « d’importance européenne », croyez-vous qu’il aille s’abandonner à ◀l’▶émotion communicative de qui découvre un sommet ? Point. Précision, modération dans ◀le▶ jugement, humour léger, notation suggestive, telles sont ◀les▶ vertus de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera ◀la▶ mesure de son admiration et ◀le▶ gage de sa légitimité.
Nul doute que ◀les▶ Trois ◀nouvelles▶ exemplaires ne suscitent un intérêt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupations des plus modernes, problème de ◀la▶ réalité littéraire, problème de ◀la▶ personnalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que ◀les▶ personnages des trois ◀nouvelles▶ « sont réels, très réels, de ◀la▶ réalité ◀la▶ plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être… ». Mais ◀les▶ héros de Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, ◀le▶ grand malentendu de ◀la▶ personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action ◀les▶ possède, ◀les▶ exalte, ◀les▶ affole. ◀Les▶ plus beaux types créés par Unamuno sont ces femmes dures et passionnées, Raquel et Catherine, ou cet Alexandro Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’une volonté presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’imposent comme types, c’est encore et uniquement par leur obsédante volonté. Car on imagine difficilement un art plus dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure. ◀La▶ lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse ◀la▶ même impression de grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas ◀les▶ couleurs, ni ◀l’▶amère volupté des formes. Une sensation de barre d’acier sur ◀la▶ nuque.