Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)ag
Il faut souhaiter que ce témoignage sur les▶ générations nouvelles et leurs maîtres soit lu par tous ceux qui cherchent à s’orienter dans ◀la▶ crise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à ◀l’▶état de velléités contradictoires que son intelligence très nuancée maintient en une sorte d’instable équilibre, ◀les▶ tendances que ses contemporains ont poussées à ◀l’▶extrême avec moins de prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras sans ◀l’▶aimer ; saluant en Valéry une réussite unique mais presque inhumaine ; secrètement attiré par ◀les▶ thèses extrémistes mais non dépourvues d’une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solution universelle, ◀la▶ foi, il résume en lui cette inquiétude qui fait ◀la▶ grandeur et ◀la▶ misère de ◀l’▶époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’une abdication. Il décrit ◀la▶ « génération nouvelle » avec une intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’analyse qui conduit à ◀la▶ dispersion autant qu’à ◀l’▶approfondissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de ◀l’▶absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien ◀les▶ grands traits de notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t-il trop négligé ◀le▶ rôle extérieur, que je crois décisif, des conditions de ◀la▶ vie moderne.) Après avoir défini quelques « positions en face de ◀l’▶inquiétude », M. Rops considère ◀les▶ deux solutions ◀les▶ plus parfaites qui s’offrent aux jeunes gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis que l’autre « ne ruine notre angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que de Dieu : ◀la▶ Foi ». Acculée à ◀la▶ rigueur d’un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mais, ici, M. Daniel-Rops n’a-t-il pas cédé à ◀la▶ tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un inquiet qui veut ◀le▶ rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer en deux mots : inquiétude ou foi. Dès lors sont-elles vraiment ◀les▶ deux termes d’un dilemme, l’une n’étant que ◀le▶ chemin qui mène à l’autre ? Car ◀la▶ foi naît de ◀l’▶inquiétude autant que de ◀la▶ grâce, et régénère sans cesse ◀l’▶inquiétude autant que ◀la▶ sérénité… Au reste, n’est-elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement ◀les▶ exigences conjointes de ◀l’▶inquiétude et de ◀la▶ foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à ◀le chercher encore… »