Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927▶)k
Neuchâtel va-t-elle redevenir le centre artistique qu’elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à un regroupement ◀de▶ ses forces créatrices ? La question est peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des ◀deux▶ éléments nécessaires à ce regroupement existe : il y a ◀de▶ jeunes peintres neuchâtelois. Quant à savoir s’il est possible déjà ◀de▶ discerner parmi eux certaines tendances générales, nous y reviendrons au cours de cette promenade à travers notre domaine artistique.
Domaine à vrai dire assez singulier. Nos artistes, en effet, n’ignorent rien des courants les plus modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que le meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère ◀de▶ combat nécessaire au développement ◀de▶ certains jeunes tempéraments leur fait défaut dans la même mesure. Ainsi risquent ◀de▶ s’établir autour ◀d’▶eux des mœurs un peu bourgeoises dont je ne vais pas faire le procès, mais qui expliquent, me semble-t-il, pour une part, la dispersion des efforts artistiques. Tout ce monde ◀d’▶amateurs ◀de▶ découvertes, ◀de▶ snobs, ◀de▶ marchands ◀de▶ tableaux, ◀de▶ critiques ◀d’▶avant-garde, ce monde où tous les extrémismes sont prônés comme vertus cardinales, et qui forme ailleurs le premier public des jeunes artistes, n’existant pas ici, le peintre se trouve placé d’emblée en face de ce qu’on nomme le gros public. L’épreuve est pénible, énervante, souvent fatale aux novateurs. Alors ils s’en vont à Paris, ou bien ils se retirent dans une solitude plus effective, quitte à nous revenir munis du passeport indispensable ◀d’▶une consécration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau ◀de▶ jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, les feuilles locales retentissent ◀de▶ touchants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pays accueillera cette consécration bien méritée du talent ◀d’▶un ◀de▶ ses enfants… » Car le fils prodigue, s’il rentre au foyer dans une Rolls-Royce et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’on n’attendait pas moins du fils ◀d’▶un tel père.
« Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’il en faille gémir. Une certaine résistance est nécessaire pour que la force se développe. N’était certain petit plaisir ◀d’▶impertinence, je me fusse dispensé ◀de▶ redire ces lieux communs, auxquels pourtant nos circonstances confèrent une actualité toujours vive. D’ailleurs, sachons le reconnaître, il y a moins ◀de▶ malice que ◀de▶ paresse dans les jugements du public, et moins ◀d’▶incompréhension que ◀de▶ timidité.
On ne m’en voudra pas ◀de▶ ne citer ni dates ◀de▶ naissance, ni traits ◀d’▶enfance géniaux et prophétiques, ni opinions ◀de▶ critiques autorisés. Du benjamin, Eugène Bouvier, qui a ◀25▶ ans, jusqu’à André Evard, qui en a près de ◀50,▶ si les peintres dont nous allons parler méritent ◀d’▶être appelés jeunes, c’est par leurs œuvres avant tout. D’autre part je préfère la légende à l’histoire comme la peinture à la photographie. Une œuvre d’art est un merveilleux foyer ◀de▶ contagion contre lequel je ne saurais me prémunir par le moyen ◀d’▶aucun ◀de▶ ces appareils à jugements garantis qui posent un critique d’art diplômé.
Premier péché contre l’histoire : au seuil ◀d’▶un article consacré aux jeunes artistes neuchâtelois, je vous présente Conrad Meili, un Zurichois qui nous arriva ◀de▶ Genève il y a ◀de▶ cela ◀cinq▶ ou ◀six▶ ans. Il peignait alors des natures mortes, ◀de▶ petits paysages, il dessinait des nus aux crayons ◀de▶ fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Matisse ; mais il y avait encore du flou, des courbes complaisantes. Meili est devenu plus net, plus cruel aussi. À Marin, près Neuchâtel, dans cette petite maison qu’on reconnaissait entre ◀trente▶ pareilles, aux cactus qui ornaient les fenêtres, dans une chambre peinte en bleu vif et ornée ◀de▶ surprenants batiks, il s’est livré pendant quelques années à des recherches un peu théoriques et abstraites. ◀De▶ cette époque datent des toiles comme le Souvenir ◀de▶ l’Évêché. Décors et personnages semblent ◀d’▶une matière idéale. Tout est lisse et parfait. Trop parfait seulement. Il manque à ces recompositions ◀de▶ la nature, à ces natures remises à ◀neuf▶, l’imperfection humaine qui touche. Mais l’atmosphère pure ◀de▶ ces espaces définis par quelques plans ne tue pas un certain mystère. Cette cour sans issue, cette tulipe bizarre, cette tête prisonnière qui regarde ailleurs… Qu’il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille ◀de▶ constater combien l’épuration rigoriste ◀de▶ sa technique sert une vision aigüe ◀de▶ la vie. La série ◀de▶ gravures sur bois colorées qu’il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre ◀de▶ réalisme stylisé. C’est ◀d’▶un art très volontaire, qui connaît ses ressources et sait en user avec la sobriété qui produit le maximum ◀d’▶expression. Cette « simplicité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’il décore une bannière, fabrique une poupée, compose une affiche ou une mosaïque, c’est elle qui permettra ◀de▶ reconnaître une ◀de▶ ses œuvres. Et aussi ce brin ◀de▶ comique un peu bizarre qu’il glisse si souvent là où on l’attend le moins.
Conrad Meili apporte chez nous une inspiration neuve, ◀d’▶origine germanique, mais qui a choisi ◀de▶ s’astreindre à la voluptueuse rigueur latine, et qui tout en s’épurant dans des formes claires a su les renouveler. Il nous apporte aussi cet élément ◀de▶ vitalité combative qui manque trop souvent au Neuchâtelois. S’il casse des vitres, ce n’est pas seulement pour le plaisir, mais plutôt par amour du courant ◀d’▶air. Cela dérange toujours quelques frileux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’en prenant une initiative comme celle ◀de▶ Neuchâtel ◀1927▶ ◀7▶ il aura bien mérité sa place parmi les artistes neuchâtelois.
Actuellement, Meili achève la décoration ◀d’▶une salle ◀d’▶hôtel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce paysagiste plutôt impressionniste s’astreindrait jamais aux exigences ◀de▶ la technique décorative ! Voilà qui laisse espérer parmi nos artistes bien d’autres rapprochements moins paradoxaux.
Donzé n’est pas ◀de▶ ceux pour qui la peinture consiste à habiller une idée. Voyez son portrait ◀de▶ Meili : il ne prend pas le sujet par l’intérieur, mais il taille ce visage dans une pâte riche et un peu lourde, son pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’il voit. Il y a ◀de▶ la sensualité dans l’écrasement ◀de▶ ses couleurs, une sensualité qui sait se faire délicate quand du haut ◀de▶ San Miniato ou ◀de▶ Fiesole, il peint Florence avec des roses et des jaunes jamais mièvres, sous l’œil méfiant des fascistes qui le prennent pour un agitateur russe, à cause de sa chevelure, sans doute ! On ne pourrait pas se tromper plus.
À vrai dire j’en vois peu parmi les jeunes qui vouent tout leur amour à la peinture pure. Je crois même que, Paul Donzé touché à son tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’un, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier.
Ce garçon aux allures discrètes promène sur le monde des yeux ◀de▶ Japonais ◀d’▶une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’on ne croit, mais il a toujours l’air ◀de▶ songer à la Hollande, sa seconde patrie si la peinture est sa première et Neuchâtel la troisième…
Il y a par Eugène Bouvier quelque chose de nouveau dans la peinture neuchâteloise : un lyrisme un peu amer, ◀d’▶une tristesse qui ne s’affiche pas, mais s’insinue dans toute sa palette, ce charme enfin, ce je ne sais quoi qu’on cherche en vain chez beaucoup des meilleurs ◀de▶ nos artistes. Mais n’allez pas croire à des grâces faciles ou sentimentales. Il y a une sorte ◀d’▶aristocratique dissimulation dans l’œuvre ◀de▶ Bouvier. Sa technique qui paraît au premier abord masquer ses intentions, en réalité les exprime par ses défauts mêmes ou ses fausses négligences ; mais il faut pour comprendre cet art emprunter ◀de▶ singuliers chemins ◀d’▶accès. Ce qui d’abord vous prend et vous retient dans un tableau ◀de▶ Bouvier, c’est toujours une sorte ◀de▶ dissonance, un défaut par où l’on va peut-être se glisser dans l’atmosphère ◀de▶ l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout devient satisfaisant. Ce lyrique, ce mystique exige pour être compris une complicité ◀de▶ sentiments ou ◀d’▶état d’âme.
Je ne verrais guère que Louis de Meuron, parmi ses aînés, dont on le puisse rapprocher, parce qu’il est un des rares peintres ◀de▶ ce pays pour qui la couleur existe avant tout. Mais la nostalgie ◀de▶ Bouvier l’entraîne à ◀mille▶ lieues des jardins ◀de▶ sourires qui s’épanouissent sur les toiles ◀de▶ Meuron. Il semble toujours qu’il peigne entre ◀deux▶ pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêlent, et sait rendre mieux que personne la liquidité ◀d’▶un lac, certaines atmosphères délavées et sourdes. « Temps couvert, calme, légères précipitations » annonce le bulletin. Tiens, me dis-je, Bouvier va peindre. Comme peintre religieux, il se cherche encore. On a pourtant l’impression, à voir ses dernières toiles, ◀d’▶une plus grande certitude intérieure. Les visages sont plus calmes, les couleurs s’avivent, le soleil est sur le point de reparaître…
Charles Humbert ou comment on passe en ◀cinq▶ ans ◀de▶ Baudelaire à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef ◀d’▶une école du gris-noir neurasthénique. Il peignait des natures mortes qui décidément l’étaient, à faire froid dans le dos ; ou bien des scènes ◀d’▶une bizarre fantaisie, un mélange ◀de▶ Rops et ◀d’▶Ensor ; pensait-on…
Déjà il avait des disciples (Madeleine Woog, G. H. Dessoulavy)… Mais déjà paraissaient dans les Voix (cette courageuse revue qu’il avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins ◀d’▶un dynamisme impétueux révélant un tempérament très rassurant. C’était, je crois, le vrai Humbert qui commençait à s’affirmer. Puis il y eut une période intermédiaire, un peu pénible. Dans des bouquets ◀d’▶une opulence assez désordonnée, des rouges trop violents éclataient avec un certain mauvais goût au milieu d’harmonies funèbres, comme un qui n’attendrait pas que l’enterrement s’éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa technique auparavant volontairement maigre se faisait trop lâche. Mais aujourd’hui la mue semble s’être opérée. Humbert est rendu à lui-même. Il atteint son équilibre et sa maîtrise avec une toile comme le Potier. Si la couleur n’est pas encore aussi plantureuse que les formes, il y a une belle richesse ◀de▶ lueurs sur une matière traitée largement et ◀d’▶une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’on doit beaucoup attendre ◀de▶ ce tempérament qui fait jaillir en lui sans cesse des possibilités imprévues.
Il y a un côté « homme ◀de▶ la Renaissance » chez un Charles Humbert livré à sa fougue originale. Il y en a plus encore chez un Aurèle Barraud. Il suffit ◀de▶ le voir peint par lui-même pour s’en assurer. La tête large, aux yeux clairs et assurés, le cou robuste, les mains ◀d’▶un si beau dessin, qui ont du poids et nulle lourdeur, tout cela communique une impression ◀de▶ puissance domptée et qui semble se faire une volupté ◀de▶ la discipline qu’elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renaissance » : le costume est drapé avec un soin minutieux, mais une grande mèche insolente retombe devant le visage. Aurèle tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens ancien du terme, tout comme son frère Charles Barraud, qui lui, passe ses journées à vendre des couleurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme (elle peint aussi, ◀d’▶un œil regardant le sujet, ◀de▶ l’autre ce qu’en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le plus jeune des frères. Il vient apporter des dessins qui ressemblent beaucoup aux petites huiles ◀de▶ Charles, moins intensément réalistes, plus fins, mais tout aussi habiles dans l’utilisation du clair-obscur qui simplifie et renforce l’expression. Décidément ces ◀trois▶ frères sont une école.
Délaissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous saurons désormais retrouver, allons errer un peu dans le royaume ◀d’▶Utopie. André Evard va nous y introduire, et nous ne saurions trouver guide plus pittoresque.
Celui-ci s’était égaré en avant, très en avant, sans s’en apercevoir, peut-être. Il suivait son petit bonhomme ◀de▶ chemin sans se douter qu’il avait pris quelques années ◀d’▶avance sur ses contemporains. Un jour les jeunes le rattrapent. Salutations, présentations : « André Evard. — Les jeunes peintres. — Vous suivez la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous. Et l’on apprend peu à peu des choses bien curieuses sur son compte. Il a fait ◀de▶ la pâtisserie, mais on m’assure qu’il se nourrit ◀de▶ noix et ◀d’▶oranges. Il administre une feuille religieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’il relègue dans son atelier, pêle-mêle avec les siens. Vous retournez une toile appuyée au mur, c’est un Renoir…
Retournez-en une autre, ce doit être un dessin ◀d’▶horlogerie, ou quelque plan ◀d’▶une machine à mouvement perpétuel. Une autre encore : cette fois-ci c’est un Evard : des roses noires sur une table, dans un espace bizarrement lumineux où se coupent des plans transparents, cellule ◀de▶ quelque palais ◀de▶ glaces en miniature, sorte ◀de▶ boîte à miracles où sous un éclairage très net, mais inusité, l’objet le plus banal se charge ◀de▶ mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe ◀de▶ quel occulte prodige ?
Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’être qu’une épure : c’est intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance ◀d’▶un songe ? C’est en effet un rêve ◀de▶ précision qui s’incarne dans ces motifs géométriques, pour le plaisir ◀de▶ la perfection exercée par jeu. Mais quel support à ◀de▶ nouvelles songeries ! Ces horlogeries impossibles sont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une ◀de▶ ces machines à explorer l’au-delà. En vérité il faut être sorcier ou artiste pour changer en instruments métaphysiques ces bonnes montres ◀de▶ précision ◀de▶ La Chaux-de-Fonds…
Avant de quitter les peintres, rappelons le souvenir ◀de▶ Charles Harder, qui est mort jeune, sans avoir pu donner toute sa mesure. Il a laissé surtout des dessins, ◀d’▶une sûreté un peu traditionnelle, ◀d’▶un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réaliste.
Mais voici dans son costume ◀d’▶aviateur, retour ◀de▶ Vienne, un sculpteur qui saura s’imposer. Léon Perrin a compris tout le parti qu’on pouvait tirer des principes cubistes dans un art dont la genèse même est cubiste en quelque sorte, supposant une décomposition primitive en plans. C’est ainsi qu’il atteint d’emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hardi. Mais il y avait quelque lourdeur dans des morceaux comme le Joueur ◀de▶ rugby. C’était le poids ◀de▶ la pierre, plus que celui du corps ◀de▶ l’athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinement sa vie propre. Depuis, Léon Perrin semble avoir évolué vers une plus grande harmonie ◀de▶ lignes. Je pense surtout à ses bas-reliefs du BIT où se manifeste un heureux équilibre entre le réalisme imposé par les sujets et un style qui sait rester ample, ◀d’▶une simplicité non dépourvue ◀de▶ puissance. Une fois de plus l’on peut admirer la salutaire leçon ◀de▶ style donnée par le cubisme aux artistes qui ont su se dégager ◀de▶ son outrance théorique.
C’est dans la manière cubiste encore que Perrin décora naguère fort plaisamment une pendule ◀de▶ Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art, compose des coussins, des couvertures ◀de▶ livres, des étoffes, ◀d’▶une somptueuse fantaisie ; et qu’Alice Perrenoud combine ◀de▶ petits tableaux en papiers découpés, avec une ingéniosité délicieusement féminine, une élégance aiguë.
Notre revue n’est certes pas complète. Mais elle a du moins l’avantage ◀de▶ grouper des artistes qui, par le fait des circonstances peut-être plus que par ◀de▶ naturelles affinités, se trouvent former un mouvement actif déjà, et dont Neuchâtel ◀1927▶ sera la première manifestation collective.
Est-il possible, au sein de ce mouvement, ◀d’▶en distinguer d’autres plus organiques ? D’une part il y a des préoccupations décoratives qui pourraient aboutir peut-être à la formation ◀d’▶un groupe dont l’activité serait féconde en ce pays. D’autre part, des œuvres aussi différentes par leur objet et le domaine où elles se réalisent que celles ◀de▶ Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une recherche ◀de▶ la simplicité savante et ◀de▶ la perfection du métier, un goût pour la construction rigoureuse qui sont des éléments peut-être insuffisants pour caractériser une école, mais qui révèlent tout de même une orientation générale vers une sorte ◀de▶ classicisme moderne dont les frères Barraud ne seraient pas très éloignés par d’autres côtés. Un avenir peut-être proche dira dans quelle mesure ◀de▶ tels groupements correspondent à une réalité artistique.
Pour aujourd’hui, notre but serait suffisamment atteint si nous n’avions fait qu’affirmer l’existence et la vitalité ◀d’▶une jeune peinture originale dans un pays qu’on s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et ◀d’▶une maigre végétation artistique. Pays où l’on préfère la netteté utile à l’harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’elle ne caresse ; où pourtant les hivers les plus durs réservent des douceurs secrètes.