Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)aq
C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la production actuelle.
On retrouve aux premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman▶, il n’y a plus seulement la femme, avec le miracle perpétuel de sa sensibilité. Il y a encore la princesse, le témoin intelligent et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du ◀roman▶ pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femme aussi femme que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le ◀roman▶ repart dans une troisième action (l’amour de Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du ◀roman▶ sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas qu’il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes » faciles mais cela même ne manque pas de naturel…
On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse plus organique du ◀roman et des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’un Ligne par exemple.