La▶ situation politique en France (octobre 1935)s
1. — ◀Les▶ partis bougent
Nous n’avons guère parlé ◀de▶ ◀la▶ politique des partis, dans cette revue : c’est ◀le▶ sujet ◀le▶ plus vain, ◀le▶ plus stérile et ◀le▶ plus irritant qui soit, dès qu’on essaie ◀d’▶y réfléchir, au lieu de ressasser des opinions toutes faites prises à droite et à gauche dans des journaux dont ◀l’▶éloge n’est plus à faire.
Mais nous sommes en train d’assister depuis un an à un phénomène nouveau, et dont ◀les▶ suites pourront avoir un certain intérêt pour notre action. Soit qu’ils reprennent quelque vitalité, soit qu’ils subissent ◀les▶ derniers soubresauts ◀d’▶avant ◀la▶ mort, ◀les▶ partis se mettent à bouger. Ils se divisent, se déforment et se regroupent. À ◀la▶ faveur ◀de▶ ces opérations qui par elles-mêmes ne présentent pas grand intérêt, il arrive qu’on distingue ◀le▶ retournement ◀de▶ certaines réalités vivantes. ◀La▶ vieille étoffe ternie et rapiécée se découd par ici, se déchire par là, et il arrive que ◀l’▶on devine ◀l’▶être ◀de▶ chair et ◀de▶ sang qu’elle déguisait, — ◀le▶ vrai pays.
Il suffit ◀d’▶indiquer pour mémoire : ◀la▶ scission socialiste, ◀le▶ conflit mal dissimulé ◀de▶ ◀l’▶Action française et du comte de Paris, ◀la▶ décomposition du parti radical, ◀les▶ dissidences communistes, ◀l’▶apparition ◀de▶ formations extra-parlementaires, Croix-de-Feu, Front paysan, Front social, etc., enfin tout ◀le▶ remue-ménage des « regroupements » ◀de▶ ◀la▶ gauche, aboutissant à cette union panique qui s’appelle ◀le▶ Front populaire, cependant que ◀la▶ « menace fasciste » trouve enfin son incarnation — quel soulagement — dans ◀le▶ brave colonel de la Rocque.
2. — Une gauche et une droite pour changer
Et tout cela, dira-t-on, pour retomber dans cette vieille balançoire écœurante gauche-droite, droite-gauche, — et jamais ◀d’▶objectif en avant.
Mais là encore, quelque chose bouge. Naguère, ◀la▶ droite et ◀la▶ gauche, c’étaient deux oppositions nécessaires à ◀l’▶équilibre ◀d’▶un centre qui seul était pris au sérieux par ◀le▶ pays. On ◀l’▶a dit et redit : ◀le▶ parti radical, c’est ◀la▶ France. Il faut dire aujourd’hui : c’était ◀la▶ France politicienne. Car ◀l’▶accélération ◀de▶ ◀la▶ crise a pour effet normal ◀de▶ ruiner ◀la▶ confiance un peu béate que ◀l’▶on mettait dans ◀l’▶immobilité même du centre.
Quand ◀l’▶électeur comprend « qu’il faut faire quelque chose », cela se traduit en fait par un vote à gauche ou à droite. C’est ainsi que ◀la▶ gauche et ◀la▶ droite cessent lentement ◀de▶ jouer ◀le▶ rôle convenu ◀d’▶opposition ◀de▶ sa Majesté le Radicalisme et deviennent vraiment ◀les▶ deux pôles ◀de▶ ◀la▶ nouvelle vie politique. ◀La▶ carte des partis parlementaires tend à recouvrir de plus en plus exactement ◀la▶ carte des mystiques qui divisent ◀la▶ France depuis 150 ans.
Il n’y a plus une gauche généreuse et une droite « réaliste » plus symboliques qu’efficaces, autour ◀d’▶un centre solidement établi sur ◀les▶ intrigues et ◀les▶ routines des comités. Il y a un Front populaire et un Front national, où se confondent mystique et politique, et entre deux ◀la▶ débandade des radicaux, en tout cas leur mauvaise conscience ◀de▶ centristes.
Notons aussi que ◀les▶ Fronts ◀de▶ droite et ◀de▶ gauche ne traduisent plus exactement ◀la▶ vieille opposition des blancs et des rouges, du châtelain et du métayer. C’est par rapport à ◀la▶ menace ou à ◀l’▶espoir du fascisme, que ◀les▶ positions se dessinent.
Mais alors, si ◀la▶ droite et ◀la▶ gauche deviennent ◀les▶ vrais foyers ◀de▶ ◀la▶ vie publique, et si d’autre part leurs mystiques se sont à ce point modifiées, il importe plus que jamais ◀de▶ définir ◀les▶ intérêts et ◀les▶ doctrines qui soutiennent et aggravent sans cesse ◀l’▶antagonisme des deux Fronts.
3. — Ils ne savent pas où ils vont
◀Le▶ Front national groupe d’autres incertaines combinaisons parlementaires, ◀les▶ grands bourgeois, une partie des paysans, ◀les▶ industriels et leurs Comités, ◀la▶ majorité des moyens et petits commerçants, et ◀d’▶une façon générale tout ce qui, en France, a son petit magot à protéger, derrière ◀les▶ troupes disciplinées ◀de▶ M. de la Rocque. À vrai dire, on ne voit guère à droite que ce colonel. Que veut-il ?
Un petit volume paru ◀l’▶hiver dernier, Service public, nous ◀l’▶a malheureusement appris. Ayant groupé cent-cinquante-mille hommes, ◀le▶ colonel de la Rocque a jugé que ◀l’▶heure était venue de réfléchir et ◀de▶ s’expliquer. ◀La▶ fatalité qui pèse sur son mouvement se trouve exprimée tout entière par cette seule phrase : Premier temps : En avant ! Deuxième temps : Où allons-nous ? Des exemples récents et assez éclatants nous ont appris qu’à ◀la▶ question « Où allons-nous ? », lorsqu’elle est posée après coup, après que ◀l’▶on s’est mis en marche, il n’est ◀d’▶autre réponse, dans ◀les▶ faits, que ◀la▶ fameuse dictature ◀de▶ transition, masque étatiste du désordre social.
◀Le▶ génie ◀de▶ ◀la▶ confusion qui détient ◀la▶ présidence effective ◀de▶ toutes nos réunions publiques, se hâte ◀de▶ proposer ici ◀le▶ terme ◀de▶ fascisme. Mais ◀l’▶apparition ◀de▶ Service public — et son succès — devraient suffire à mettre fin aux craintes qu’avait pu faire naître ◀le▶ silence prudent ◀de▶ M. de la Rocque. ◀Le▶ fascisme, en effet, est une mystique ◀de▶ ◀la▶ jeunesse ; Service public nous propose, au contraire, une mystique ◀d’▶anciens combattants. ◀Le▶ fascisme est anticapitaliste (en théorie), M. de la Rocque ne condamne du capitalisme que ses « parasites ». Enfin, ◀le▶ fascisme est un mouvement populaire, révolutionnaire, alors que ◀le▶ mouvement des Croix-de-Feu, tel que ◀le▶ définit son chef, paraît consister essentiellement dans un réveil des valeurs morales ◀les▶ plus traditionnelles. Valeurs ◀de▶ « pères ◀de▶ familles », morale bourgeoise révigorée, en vérité nous sommes encore bien loin de toute espèce ◀de▶ fascisme, « larvé » comme ◀l’▶on dit, ou déclaré.
Nous n’avons pas ◀l’▶intention ◀de▶ faire ici ◀le▶ procès ◀de▶ ◀la▶ morale que défend M. de la Rocque, et nous rendrons bien volontiers ◀l’▶hommage qu’elle réclame à cette honnêteté civique qui constitue ◀la▶ force ◀la▶ plus réelle du mouvement des Croix-de-Feu. Tirons notre chapeau aux lieux communs dont ◀le▶ livre ◀de▶ M. de la Rocque a ◀le▶ courage ◀de▶ rappeler ◀la▶ vertu, rions à notre tour du reproche ◀de▶ fascisme dont on veut accabler tant de braves républicains. Ceci fait, nous pourrons sans équivoque ni subtilités, dire pourquoi ce livre est mauvais.
« ◀Les▶ programmes sont des aboutissements », écrit M. de la Rocque. Et il ajoute, non sans logique : « J’ai imposé ◀la▶ priorité au plan ◀d’▶action ». Mais qu’est-ce qu’un plan ◀d’▶action sans programme ? Qu’est-ce que « cet en avant qui ne sait pas où il va ? » (Robert Aron) Qui ne veut même pas ◀le▶ savoir ? Car M. de la Rocque, au lieu de s’expliquer, comme il ◀l’▶annonce, se borne à répéter à tout bout ◀de▶ chapitre qu’il n’est pas ◀de▶ ces « intellectuels » qui se perdent à rechercher ◀les▶ Principes ◀d’▶un ordre nouveau. « Voyez net. Pensez simple. Soyez des réalisateurs, non des rhéteurs ». D’accord. À condition que tout cela ne dispense pas ◀de▶ voir loin et ◀de▶ penser juste ; à condition que ◀les▶ réalisateurs qu’appelle M. de la Rocque aboutissent à autre chose qu’à ◀la▶ restauration des majuscules dont se hérissent ◀les▶ pages ◀de▶ Service public. Nos Morts, ◀les▶ Martyrs ◀de▶ ◀la▶ Passion française, ◀la▶ Bonne Nouvelle des Volontaires Nationaux, leur Œuvre enfin, leur Foi, est-ce que cette inflation typographique dispense vraiment un chef ◀d’▶énoncer un programme cohérent ? Sont-ce tous ces grands mots faussement religieux qu’il prétend opposer aux rhéteurs, aux utopistes, aux « intellectuels » ? Et pourtant, c’est en vain que ◀l’▶on cherchera, dans ces pages, quelque autre réponse directe à ◀la▶ fière question du début : « ◀De▶ quoi s’agit-il ? »
« ◀Les▶ programmes sont des aboutissements ». Parions que ◀l’▶homme qui parie ainsi ne sait pas très bien où il va. Mais quelqu’un qui savait ce qu’il voulait, Lénine — et avec lui toute ◀l’▶histoire des révolutions réussies — répond : « Sans doctrine révolutionnaire, pas ◀d’▶action révolutionnaire ». M. de la Rocque haussera ◀les▶ épaules : il ne se pose pas en révolutionnaire, loin de là. C’est justement ce qu’il faut lui reprocher. C’est ce refus ◀de▶ prévoir jusqu’au bout ◀les▶ conséquences ◀de▶ son action, qui rend cette action dangereuse. Car tout ce qu’il écrit dans ce livre — je ne sais pas ce qu’il dit à ses troupes — tout son langage militaire — cette manière ◀de▶ parler ◀de▶ ses « intentions » ou ◀de▶ ◀les▶ tenir secrètes, toute sa tactique enfin, s’oriente vers ◀la▶ bataille, et non pas vers ◀la▶ révolution réelle. Et non pas vers ◀la▶ création ; et non pas vers ◀la▶ construction réfléchie ◀d’▶un ordre nouveau. Si bien que ◀l’▶aboutissement nécessaire ◀de▶ son « plan ◀d’▶action » ne peut être rien ◀d’▶autre, et quoi qu’il veuille, qu’un second 6 février. Ce serait ici ◀le▶ lieu ◀de▶ rappeler ◀le▶ grand principe tactique et doctrinal — ces deux aspects restant inséparables — formulé par Aron et Dandieu : « ◀Les▶ révolutions sont sanglantes dans ◀la▶ mesure où elles sont mal préparées ». Service public est un livre dangereux, parce que c’est un livre vague derrière lequel marchent des troupes disciplinées.
Que dire alors ◀de▶ ce Front populaire constitué sous ◀la▶ seule menace ◀d’▶un « fascisme » aussi mal défini ? La plupart des critiques — ◀les▶ plus graves — que nous faisons au mouvement Croix-de-Feu valent aussi pour ◀l’▶état-major des gauches, Daladier, Blum, ◀le▶ Comité ◀de▶ vigilance des intellectuels antifascistes, Déat, Thorez, etc. Mais là, ce n’est plus ◀l’▶état-major qui imprime à ◀l’▶action ses directives ; et ◀les▶ troupes sont sans discipline, et ◀les▶ objectifs si possible encore plus vagues, ou, dès qu’ils se précisent, contradictoires.
◀Le▶ Comité ◀de▶ vigilance défend ◀la▶ liberté en soi, ◀la▶ liberté dite démocratique, celle-là même que défendirent ◀les▶ intellectuels du dernier siècle, et qui nous vaut ◀la▶ Grande Presse, ◀l’▶éloquence parlementaire et ◀la▶ jungle capitaliste. Mais ◀le▶ Comité ◀de▶ vigilance ne tient pas ◀les▶ leviers ◀de▶ ◀l’▶action : c’est ◀l’▶affaire du Parti communiste. Or, ce parti veut bien ◀la▶ liberté, mais ◀d’▶une manière tant soit peu différente. Il veut, sous ◀le▶ nom ◀de▶ liberté, ◀la▶ dictature, ◀l’▶étatisme et ◀la▶ guerre. ◀La▶ guerre et ◀l’▶antimilitarisme. ◀La▶ guerre à Hitler et ◀la▶ destruction ◀de▶ ◀l’▶armée française. Car, si nous comprenons ses manifestes, placardés sur ◀les▶ voies publiques, « Staline a raison » mais ◀l’▶Humanité n’a pas tort.
À mi-chemin entre ◀l’▶idéologie libertaire des intellectuels vigilants et ◀la▶ pratique stalino-humanitaire des communistes, Léon Blum tremble et désespère devant ◀la▶ perspective prochaine ◀d’▶une prise ◀de▶ pouvoir légal, qui est ◀le▶ cauchemar ◀de▶ sa vie. Après avoir « milité » pendant quarante ans, ce prophète en Chambre découvre qu’en somme il n’a pas ◀de▶ programme.
◀La▶ situation du monde est peut-être tragique. Celle ◀de▶ nos chefs ◀de▶ gauche est certainement tragi-comique, et même à un degré que ◀le▶ simple lecteur ◀de▶ journaux ◀d’▶opinion, peu initié aux parlottes parisiennes, aux complots ◀de▶ salons, ◀de▶ bureaux ou ◀de▶ cafés, à ◀l’▶agitation dramatique qui règne depuis quelques mois dans ◀les▶ cercles antifascistes n’oserait pas même imaginer. C’est un spectacle vraiment consternant que celui ◀de▶ ces hommes ◀de▶ bonne volonté sans volonté, se lançant, par amour ◀d’▶une idée, dans des complots dont ils ignorent ◀le▶ vrai but, dans une action ◀de▶ défense qui n’ose pas préciser ce qu’elle défend, dans une ligue ◀de▶ brebis, ◀de▶ loups et ◀de▶ bergers provisoirement réconciliés par ◀la▶ panique. Leur masse, leur nombre ne suffit pas à ◀les▶ rassurer. Au contraire. Que vont-ils faire contre ◀la▶ menace qui ◀les▶ rassemble ? Si personne ne répond ◀d’▶urgence à ◀la▶ question, n’indique ◀d’▶urgence une direction commune, ◀les▶ anciennes habitudes vont se réveiller, et ◀la▶ houlette ◀de▶ Léon Blum n’empêchera pas ◀les▶ loups ◀de▶ dévorer ◀les▶ brebis.
Mais dira-t-on, ◀le▶ Populaire n’a-t-il pas proposé ◀de▶ nationaliser ◀les▶ banques ? Et ◀l’▶Humanité, ◀de▶ confisquer ◀les▶ fortunes excessives ? Et ◀l’▶Œuvre, ◀de▶ désarmer ◀les▶ ligues fascistes ? Et ◀l’▶AEAR ◀de▶ libérer Thaelman ? Et M. Frossard ◀de▶ supprimer ◀le▶ chômage ? Tout cela ne fait peut-être pas un programme extrêmement cohérent, mais ◀le▶ temps nous manque, il faut parer au plus pressé ; « priorité au plan ◀d’▶action ». Seulement personne ne sait au juste comment cela se fait, ◀la▶ nationalisation des banques. Et ◀l’▶on ne voit pas qui aurait ◀le▶ pouvoir ◀de▶ désarmer un colonel en civil, qui affirme au surplus n’avoir aucune espèce ◀d’▶intention quelconque. Quant à M. Frossard, il signe des décrets-lois.
Enfin, il est toujours possible ◀d’▶organiser des réunions ◀de▶ protestation contre Laval, il est beaucoup plus difficile ◀de▶ se prémunir contre ◀la▶ chute ◀de▶ Laval, et ◀la▶ prise ◀de▶ pouvoir par ◀les▶ gauches qui s’en suivrait. ◀La▶ plus lourde menace qui pèse sur ◀le▶ Front populaire27, c’est ◀l’▶éventualité ◀de▶ son succès prochain.
◀De▶ Blum qui ne sait pas ce qu’il faut faire, ◀de▶ Daladier qui croit ◀le▶ savoir ou ◀de▶ Cachin qui n’ose pas ◀le▶ dire, je vous laisse à juger lequel est ◀le▶ plus dangereux ; ou encore ◀le▶ moins efficace.
4. — Pronostic
En présence de deux forces bien définies, on peut toujours prévoir ◀la▶ forme au moins — sinon ◀l’▶issue — ◀de▶ ◀la▶ lutte qui ◀les▶ opposera. Mais du choc ◀de▶ deux fronts derrière lesquels on n’arrive pas à distinguer ◀de▶ volonté, ◀de▶ passion nette, ◀d’▶idée maîtresse, que pourra-t-il résulter ◀d’▶autre qu’une confusion indescriptible ? Coup ◀de▶ force, guerre civile, combinaisons imprévues ◀d’▶éléments ◀de▶ gauche et ◀d’▶éléments ◀de▶ droite28, ou simple déchaînement ◀de▶ démagogies électorales, tout cela est également possible, et sera également stérile. Tout cela se fera au hasard, sous ◀la▶ pression ◀de▶ ◀la▶ peur ◀d’▶un adversaire dont on surestime ◀de▶ part et ◀d’▶autre ◀les▶ forces. Mais nous sommes payés pour savoir que ◀la▶ confusion politique, en temps ◀de▶ crise, travaille pour ◀la▶ future dictature étatiste ; qu’elle se qualifie elle-même ◀de▶ nationale ou ◀de▶ prolétarienne, peu importe, ◀le▶ danger est pareil.
À moins qu’une force nouvelle n’apparaisse, qui ne soit ni ◀de▶ droite ni ◀de▶ gauche, mais qui apporte ◀la▶ solution des problèmes qui se posent concrètement, au lieu de se perdre à rechercher d’abord si ces problèmes sont ◀de▶ droite ou ◀de▶ gauche.
Cette troisième force existe-t-elle ? Je me bornerai à citer un fait symbolique. Du point de vue ◀de▶ ◀la▶ tactique révolutionnaire, il est clair que ◀la▶ seule question décisive n’a été posée ni par ◀les▶ gauches ni par ◀les▶ droites : c’est ◀la▶ question que pose ◀l’▶antagonisme actuel des revendications ouvrières et des revendications paysannes. Notre projet ◀de▶ service civil en liaison avec ◀les▶ corporations locales est ◀la▶ seule et unique solution qui ait été envisagée en France, jusqu’ici. Si incroyable que cela paraisse, personne ne s’est encore préoccupé ◀de▶ ce problème tactique vraiment crucial, en dehors de L’Ordre nouveau.
5. — ◀Les▶ faits travaillent pour nous
Ce n’est pas à notre propagande, certes, qu’il faut attribuer ◀l’▶évolution ◀d’▶une partie ◀de▶ ◀l’▶opinion, ou ◀de▶ certains groupes, vers des idées qui se rapprochent de plus en plus des nôtres, telles que nous ◀les▶ avons exposées dans ce bulletin et dans nos livres. Mais à ◀la▶ seule leçon des faits.
Quelques exemples. ◀La▶ nécessité ◀de▶ distinguer dans ◀l’▶économie un secteur plané et un secteur libre commence ◀d’▶apparaître aux yeux des syndicalistes, des néos, et ◀d’▶une manière générale ◀de▶ la plupart des fabricants ◀de▶ « plans ». C’est ◀l’▶amorce ◀de▶ ce que nous appelons ◀la▶ dichotomie, principe ◀de▶ notre service civil. Nous pensons avoir été plus loin que ◀la▶ simple position théorique du problème — et nos expériences ◀de▶ cet été ◀le▶ prouvent. Mais il n’est pas indifférent ◀de▶ noter ◀les▶ convergences qui se dessinent. Dans divers milieux ◀de▶ droite et ◀de▶ gauche29, nous voyons apparaître une critique du stalinisme considéré comme une forme ◀de▶ capitalisme ◀d’▶État et ◀de▶ nationalisme russe, et là encore nous reconnaissons un point de vue qui nous est familier. Dans certaines déclarations du Front paysan, nous distinguons ◀les▶ germes ◀d’▶une conscience fédéraliste qui appelle des institutions Ordre nouveau. Enfin, un peu partout, ◀l’▶idée qu’il faut organiser ◀les▶ libertés se fait jour, et cesse ◀d’▶apparaître comme un simple paradoxe ◀d’▶intellectuels. ◀D’▶une façon beaucoup plus générale, nous reconnaissons dans ◀l’▶anticapitalisme ◀d’▶un grand nombre ◀de▶ Croix-de-Feu, et dans ◀l’▶antisoviétisme du Front social ◀de▶ Bergery, des tendances qui préparent un grand nombre ◀d’▶esprits à mieux saisir ◀la▶ portée véritable ◀de▶ nos thèses constructives30.
Cette dernière remarque est importante. ◀La▶ grande leçon que nous avons tirée des confuses excitations ◀de▶ juillet, c’est qu’en dépit de ◀la▶ carence et des pataquès doctrinaux qui caractérisent ◀les▶ chefs, il existe à gauche et à droite une masse croissante ◀d’▶hommes qui savent ce qu’ils ne veulent pas : ◀la▶ guerre, ◀l’▶anarchie capitaliste, ◀la▶ dictature, ◀le▶ Comité des forges, ◀la▶ diplomatie moscoutaire, ◀le▶ parlementarisme, ◀la▶ grande presse. Rien de plus frappant que cette communauté ◀de▶ refus à gauche et à droite, parmi ◀les▶ troupes.
Il est temps ◀de▶ donner à ces troupes une volonté commune constructive, un programme qu’elles puissent opposer aux entreprises ◀de▶ M. de Wendel comme à celles ◀de▶ M. Litvinoff. Et c’est ainsi que se dessine dans ◀les▶ faits ◀l’▶appel à ◀la▶ doctrine personnaliste que ◀la▶ jeunesse française se doit ◀de▶ donner en exemple à ◀l’▶Europe.