Le▶ Relèvement de ◀l’▶Allemagne (1918-1938) par Albert Rivaud (28 octobre 1938)f
Après tant de livres sur ◀la▶ Russie soviétique ou stalinienne, il est temps que ◀le▶ public français commence à se renseigner sur ◀la▶ question hitlérienne, autrement brûlante et immédiate. ◀Le▶ livre de M. Rivaud nous y aidera. Il faut ◀le▶ lire avant de lire Mein Kampf ou ◀les▶ traductions plus ou moins fidèles et tronquées qu’on nous en offre. Car M. Rivaud a ◀le▶ grand mérite d’avoir situé ◀le▶ développement du national-socialisme à ◀l’▶intérieur du développement pangermaniste, qui a précédé Hitler, qui ◀le▶ soutient, et qui peut-être lui survivra.
La première partie de ce gros ouvrage est à mon sens ◀la▶ plus sérieuse et ◀la▶ plus riche d’enseignements. C’est un historique de ◀l’▶Allemagne d’avant-guerre, des origines du conflit de 1914, de ◀la▶ guerre, de ◀la▶ révolution, puis de ◀la▶ République de Weimar et de ◀l’▶ascension hitlérienne. À la lumière des événements de septembre, cette lecture prend une actualité vraiment bouleversante. Nous venons d’assister à ◀la▶ répétition du coup de juillet 1914. Mêmes manœuvres simultanées de bluffe guerrier et d’assurances pacifiques, même duplicité dans ◀le▶ détail des négociations, mêmes tentatives pour « localiser ◀le▶ conflit », là à ◀la▶ Serbie, ici à ◀la▶ Tchécoslovaquie.
◀Le▶ dénouement a été différent, certes. En 1914, ◀la▶ guerre a éclaté et ◀l’▶Allemagne, au terme du conflit, n’a rien obtenu. En 1938, ◀la▶ guerre n’a pas éclaté, et ◀l’▶Allemagne a tout obtenu. ◀Les▶ partisans de ◀la▶ résistance à tout prix en déduiront que ◀l’▶on a eu tort d’aller à Munich. Mais on peut leur faire observer que ◀la▶ guerre de 1914 n’a servi exactement à rien, puisque vingt ans plus tard, ◀l’▶Allemagne est plus forte que jamais, et atteint ses objectifs sans coup férir.
Dans la seconde partie, ◀l’▶auteur entreprend de décrire ◀le▶ régime nazi : État et armée, doctrine et formation des esprits, système économique et financier. Nous aurions beaucoup de réserves à formuler sur ◀le▶ détail de ces chapitres et sur ◀l’▶intention qui préside à ◀la▶ « description » qu’ils nous offrent. Certes, il est malaisé de se renseigner exactement sur ◀le▶ fonctionnement d’un régime autarcique, où nul organe de libre critique ne peut corriger ◀les▶ chiffres officiels. Mais alors, il faudrait citer ses sources avec plus de minutie, et quand on donne un chiffre, donner aussi ◀les▶ moyens de ◀l’▶interpréter. M. Rivaud affirme par exemple, que « dans beaucoup d’industries, ◀les▶ salaires globaux ont doublé » depuis 1933. Dans quelles industries ? Et quels étaient ◀les▶ salaires de base ? ◀Les▶ polémiques au sujet des salaires russes nous ont rendus méfiants, à juste titre. De même, page 364, on nous dit d’abord que « ◀l’▶organisation nationale-socialiste a permis de supprimer une grande partie des producteurs libres », et on précise que ◀le▶ nombre des sociétés anonymes a été réduit de 9634 en 1932 à 7204 en 1936, et que ◀le▶ nombre des « petites sociétés » est tombé de 6632 à 3863. Comment interpréter ces chiffres ? ◀L’▶auteur y voit ◀la▶ preuve « d’une sorte de socialisation indirecte de ◀la▶ production ». Mais par ailleurs, il semble qu’au contraire, ce sont ◀les▶ trusts qui ont absorbé ◀les▶ petites sociétés. Méfions-nous d’un certain abus du terme de « socialisme », trop fréquent chez ◀les▶ auteurs de droite auxquels M. Rivaud ne se cache pas d’appartenir. ◀Les▶ renseignements fournis sur ◀l’▶économie paysanne sont plus précis, et paraissent autoriser mieux ◀le▶ terme de « socialisme agraire ». Il faut recommander spécialement ◀la▶ lecture du chapitre sur ◀le▶ Reichsnährstandg (office d’alimentation).
Quand il parle des doctrines nazies, on doit reprocher à M. Rivaud de mêler trop souvent ses commentaires à ◀l’▶exposé objectif des thèses hitlériennes. Son résumé de Mein Kampf reste flou : on ne sait trop ce qui est dit par Hitler et ce qui est du cru de ◀l’▶auteur. Enfin, ◀le▶ chapitre sur ◀les▶ Églises et ◀la▶ religion est superficiel et souvent inexact : défaut d’autant plus curieux que c’est essentiellement au nom de sa foi catholique que ◀l’▶auteur condamne ◀l’▶hitlérisme. Par ailleurs, en effet, quand il parle des méthodes nazies d’usage interne, en politique et en économie. M. Rivaud ne cache pas ◀l’▶admiration que lui inspirent ◀les▶ Allemands : c’est qu’il voit dans ces méthodes ◀l’▶antithèse exacte de ce qui se passe en France. Et ◀l’▶on en vient à se demander si ce n’est pas surtout ◀le▶ souci de faire ◀la▶ leçon aux Français « de gauche » qui a poussé M. Rivaud à étudier ◀l’▶exemple allemand. Ce travers est particulièrement gênant dans ◀le▶ chapitre final sur ◀la▶ politique extérieure. ◀Le▶ résumé des événements de ◀l’▶après-guerre tel que ◀le▶ donne ◀l’▶auteur, paraît extrait des seules chroniques de M. Bailby. À tel point qu’on omet d’y faire figurer ◀le▶ retrait de ◀l’▶Allemagne de la SDN, ainsi que ◀la▶ Conférence du désarmement, dont ◀l’▶échec fut pourtant ◀le▶ prétexte principal à ◀la▶ restauration de ◀la▶ Reichswehr !
Que ces critiques n’empêchent personne de lire ce livre ! Elles n’ont pour but que de faciliter une lecture à tant d’égards urgente et révélatrice.