Page d’▶histoire (novembre 1938)an
◀D’▶un manuel futur : Leçon sur ◀la▶ crise des minorités en 1938.
1. Caractérisez ◀l’▶état politique ◀de▶ ◀l’▶Europe en 1938. — ◀Les▶ démocraties ◀de▶ ◀l’▶Ouest avaient fondé leur paix sur deux principes : droit des peuples à disposer ◀d’▶eux-mêmes, arbitrage international. Au nom du premier principe fut créé ◀l’▶État tchèque, au nom du second, ◀la▶ SDN. Mais ◀le▶ jacobinisme des démocraties (centralisation rigide, confusion ◀de▶ ◀l’▶État et ◀de▶ ◀la▶ Nation) s’opposait dans ◀le▶ fait à toute application honnête des deux principes. D’une part ◀la▶ SDN ne fut pas une fédération, aucun des États constituants n’ayant renoncé à aucune ◀de▶ ses prérogatives au bénéfice ◀de▶ ◀la▶ Société ; d’autre part ◀l’▶État tchèque opprima ses propres minorités, leur imposant un régime centraliste inspiré du modèle français.
2. Sur quoi se basaient ◀les▶ revendications hitlériennes ? — ◀Les▶ dictateurs du Centre européen furent les premiers à s’apercevoir du paradoxe politique que nous venons de définir. Ils eurent ◀l’▶habileté ◀de▶ baser leurs revendications, à la fois sur l’un des principes que ◀les▶ démocraties prétendaient défendre, et sur ◀le▶ système qu’elles pratiquaient en fait. C’est ainsi que ◀l’▶Allemagne exigea ◀l’▶autonomie des Sudètes au nom du droit ◀de▶ libre disposition des peuples, puis leur annexion au nom de « ◀l’▶unité nationale ».
3. Quelle fut ◀la▶ réponse des démocraties ? — Il était fatal, dans ces conditions, que ◀les▶ démocraties se laissassent convaincre par ◀le▶ « bon droit » des exigences allemandes. Et c’est pourquoi, lorsqu’en septembre 1938, ◀l’▶Allemagne appuya sa revendication ◀de▶ menaces militaires, ◀les▶ démocraties cédèrent (entrevue ◀de▶ Berchtesgaden).
4. Pourquoi ◀le▶ conflit s’aggrava-t-il subitement ? — ◀Le▶ litige était réglé en principe. Mais alors (entrevue ◀de▶ Godesberg), Hitler démasqua ◀l’▶aspect original (et non plus jacobin) ◀de▶ ◀la▶ dictature totalitaire : ◀l’▶impérialisme religieux, ou sacral. Il exigea ◀d’▶entrer en armes et sur ◀le▶ champ dans ◀les▶ territoires sudètes. Une cession purement diplomatique n’eût pas compté à ses yeux. ◀La▶ religion dont il était ◀le▶ fondateur voulait ◀le▶ sacrifice sanglant (ou son symbole), ◀le▶ viol ◀de▶ ◀la▶ victime, ◀la▶ « libération » violente ◀de▶ ◀la▶ proie désirée (guerre limitée).
5. Quelle fut ◀la▶ réaction ◀de▶ ◀l’▶Europe ? — ◀L’▶opinion démocratique apparut désorientée par cette exigence purement « rituelle ». ◀Les▶ uns remarquaient qu’il n’y avait guère ◀de▶ différence entre Berchtesgaden et Godesberg. ◀Les▶ autres pensaient que ◀l’▶exigence ◀d’▶entrer en armes était une « querelle ◀d’▶Allemands », une rodomontade gratuite, puisqu’en principe tout était résolu. Seul, le Premier ministre anglais sut voir et dire qu’il y avait là un fait nouveau, ◀le▶ signe ◀d’▶une volonté ◀d’▶hégémonie. C’était traduire en termes classiques ◀la▶ réalité pressentie ◀de▶ ◀la▶ nouvelle religion totalitaire. D’ailleurs, ◀les▶ réactions des masses ne tardèrent pas à démontrer que Chamberlain avait su exprimer l’une des tendances fondamentales et instinctives ◀de▶ ◀l’▶Occident : ◀la▶ résistance à toute hégémonie, au nom d’un idéal latent ◀de▶ fédération des peuples sur pied ◀d’▶égalité. Une vague ◀de▶ fond s’éleva contre ◀la▶ prétention allemande, que ◀l’▶on sentait, obscurément, ruineuse pour ◀l’▶avenir confédéral ◀de▶ ◀l’▶Europe. Hitler comprit que son heure n’était pas encore venue. Il se vit contraint ◀d’▶accepter ◀la▶ réunion à Munich ◀d’▶une « Diète » ◀de▶ gouvernements égaux, qui régla ◀le▶ problème à ◀l’▶avantage matériel ◀de▶ ◀l’▶Allemagne, mais sur une base ◀d’▶arbitrage international préfigurant ainsi un statut fédéral exclusif ◀de▶ toute hégémonie.
6. À qui profitèrent ◀les▶ accords ◀de▶ Munich ? — Cette victoire symbolique du principe fédératif ne fut pas exploitée par ◀les▶ nations qui ◀l’▶avaient remportée comme malgré elles et en dépit de leurs intérêts nationalistes. En proie à des luttes intestines sans grandeur, ◀les▶ démocraties ◀de▶ ◀l’▶Ouest ne surent tirer ◀d’▶un événement aussi considérable que des conclusions chagrines, au terme ◀de▶ calculs qu’on appelait alors « réalistes », et qui se bornaient à faire état des pertes matérielles subies. ◀Le▶ bénéfice moral, incalculable, fut perdu.
7. Conclusion. — ◀La▶ voie était dès lors ouverte aux ambitions totalitaires, ◀les▶ dictateurs ne trouvant plus devant eux que des États demeurés centralistes et maladroitement autarchiques, auxquels ils empruntaient leurs vieux systèmes mais pour ◀les▶ appliquer avec rigueur. Personne ne sut opposer au Führer ◀l’▶idéal qui avait fait jusqu’alors ◀la▶ force et ◀l’▶équilibre dynamique ◀de▶ ◀l’▶Occident : ◀l’▶utopie agissante ◀d’▶une fédération des égaux, dont ◀la▶ seule Suisse figurait ◀le▶ microcosme.
C’est dans cette perspective historique que ◀les▶ événements ultérieurs (colonisation intra-européenne, état ◀de▶ guerre non déclarée), pour surprenants et monstrueux qu’ils soient apparus en leur temps, trouvent leur explication ◀la▶ moins douteuse.