Autocritique de▶ la Suisse (février 1941)i j
Nul pays à ma connaissance, n’a été plus souvent expliqué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est qu’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctrine unitaire et suppose donc la connaissance très vivante ◀d’▶une autre espèce ◀d’▶union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’à-peu-près intellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise ◀de▶ conscience. ◀D’▶où la nécessité ◀d’▶une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser dissoudre, si l’on veut durer et surtout, si l’on prétend se donner en exemple.
Clarifions notre langage ! — Puisque le fédéralisme est une forme politique qui suppose l’équilibre vivant entre les droits ◀de▶ chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il n’est pas absurde ◀de▶ nommer « fédéraliste » un parti qui n’a ◀d’▶autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. Ceux qui se disent, chez nous, « fédéralistes » ne sont souvent, je le crains, que des nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité ◀de▶ l’union centrale auraient peut-être plus ◀de▶ droits à revendiquer le nom ◀de▶ fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, serment, union.) Par une inconséquence très bizarre, ces pseudo-fédéralistes, ou régionalistes, nomment « fédéral » ce qui procède ◀de▶ Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout ce qui est dit fédéral. Comprenne qui pourra !
Cette confusion verbale, symbolique ◀de▶ tant d’autres, est à la base ◀de▶ la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlementaires.