L’▶attitude fédéraliste (octobre 1947)p
◀Le▶ danger que présente un tel sujet, c’est qu’il risque ◀d’▶entraîner à des généralisations théoriques ; or, rien n’est plus contraire à ◀l’▶essence même du fédéralisme que ◀l’▶esprit théorique et ◀les▶ généralisations.
D’autre part, j’ai toujours éprouvé ◀de▶ ◀la▶ répugnance à séparer ◀les▶ valeurs spirituelles et leur incarnation dans ◀les▶ réalités humaines. J’essaierai donc ◀de▶ définir ◀l’▶esprit fédéraliste ◀d’▶une manière indirecte, par implication, et je m’en tiendrai ◀le▶ plus possible à ses manifestations historiques, telles que nous pouvons ◀les▶ observer et ◀les▶ contrôler ◀de▶ très près dans une expérience bien connue : celle ◀de▶ ◀la▶ Confédération helvétique.
Toutefois, je ne puis éviter ◀de▶ poser au départ quelques définitions. Il est vain ◀de▶ parler des problèmes politiques, si ◀l’▶on ne s’est pas entendu d’abord sur une certaine idée ◀de▶ ◀l’▶homme. Car toute politique implique une certaine idée ◀de▶ ◀l’▶homme, et contribue à promouvoir un certain type ◀d’▶humanité, qu’on ◀le▶ veuille ou non, qu’on ◀le▶ sache ou non. Quelle est donc ◀la▶ définition ◀de▶ ◀l’▶homme sur laquelle nous pouvons tomber d’accord, ou pour mieux dire, sur laquelle nous sommes d’accord, tacitement, si nous souhaitons un régime fédéraliste ?
Nous n’en parlerions pas si nous pensions que ◀le▶ type ◀d’▶homme ◀le▶ plus souhaitable est ◀l’▶individu isolé, dégagé ◀de▶ toute responsabilité vis-à-vis de ◀la▶ communauté. Car dans ce cas, notre jardin nous suffirait. Mais nous n’en parlerions pas non plus si nous pensions avec Hitler que ◀l’▶homme n’est qu’un soldat politique totalement absorbé par ◀le▶ service ◀de▶ ◀la▶ communauté. Car alors, nous irions ◀de▶ l’autre côté du rideau ◀de▶ fer, en esprit tout au moins. Si nous en parlons, si nous ◀le▶ voulons, c’est que nous savons que ◀l’▶homme est un être doublement responsable : vis-à-vis de sa vocation propre et unique, d’une part, et d’autre part vis-à-vis de ◀la▶ communauté au sein de laquelle sa vocation s’exerce. Aux individualistes nous rappelons donc que ◀l’▶homme ne peut se réaliser intégralement sans se trouver engagé du même coup dans ◀le▶ complexe social. Et aux collectivistes, nous rappelons que ◀les▶ conquêtes sociales ne sont rien, si elles n’aboutissent pas à rendre chaque individu plus libre dans ◀l’▶exercice ◀de▶ sa vocation. ◀L’▶homme est donc à la fois libre et engagé, à la fois autonome et solidaire. Il vit dans ◀la▶ tension entre ces deux pôles : ◀le▶ particulier et ◀le▶ général ; entre ces deux responsabilités : sa vocation et ◀la▶ cité ; entre ces deux amours : celui qu’il se doit à lui-même et celui qu’il doit à son prochain — indissolubles.
Cet homme qui vit dans ◀la▶ tension, ◀le▶ débat créateur, ◀le▶ dialogue permanent, c’est ◀la▶ personne.
Voici donc définis trois types humains, qui favorisent trois types différents ◀de▶ régimes politiques, et sont en retour favorisés par eux.
À ◀l’▶homme considéré comme pur individu, libre mais non engagé, correspond un régime démocratique tendant vers ◀l’▶anarchie, et débouchant dans ◀le▶ désordre, lequel prépare toujours ◀la▶ tyrannie.
À ◀l’▶homme considéré comme soldat politique, totalement engagé mais non libre, correspond ◀le▶ régime totalitaire.
Enfin, à ◀l’▶homme comme personne, à la fois libre et engagé, et vivant dans ◀la▶ tension entre ◀l’▶autonomie et ◀la▶ solidarité, correspond ◀le▶ régime fédéraliste.
J’ajouterai une remarque encore, pour compléter ce schéma trop rapide mais qui me paraît indispensable. Il ne faut pas penser que ◀la▶ personne soit un moyen terme ou un juste milieu entre ◀l’▶individu sans responsabilité et ◀le▶ soldat politique sans liberté. Car ◀la▶ personne, c’est ◀l’▶homme réel, et ◀les▶ deux autres ne sont que des déviations morbides, des démissions ◀de▶ ◀l’▶humanité complète. ◀La▶ personne n’est pas à mi-chemin entre ◀la▶ peste et ◀le▶ choléra, mais elle représente ◀la▶ santé civique. Un homme qui boit ◀de▶ ◀l’▶eau et qui se lave n’est pas à mi-chemin entre celui qui meurt ◀de▶ soif et celui qui se noie.
Et de même, ◀le▶ fédéralisme ne naîtra jamais ◀d’▶un habile dosage ◀d’▶anarchie et ◀de▶ dictature, ◀de▶ particularisme borné et ◀de▶ centralisation oppressive. ◀Le▶ fédéralisme est sur un autre plan que ces deux erreurs complémentaires. Chacun sait que ◀l’▶individualisme outré fait ◀le▶ lit du collectivisme : ces deux extrêmes, eux, sont dans ◀le▶ même plan, se conditionnent et s’appellent l’un et l’autre. C’est avec ◀la▶ poussière des individus civiquement irresponsables que ◀les▶ dictateurs font leur ciment. Et nous avons pu voir, pendant la dernière guerre, que ◀les▶ résistances que rencontrent ◀les▶ dictateurs, sont au contraire ◀le▶ fait des groupes ◀de▶ citoyens responsables, c’est-à-dire des personnes fédérées.
Ayant ainsi esquissé à grands traits ◀la▶ conception ◀de▶ ◀l’▶homme sur laquelle nos travaux doivent se fonder et qu’ils ont pour but ultime ◀de▶ promouvoir, nous pouvons passer maintenant à une description plus concrète ◀de▶ ◀l’▶attitude et des méthodes fédéralistes.
◀L’▶an dernier, aux Rencontres internationales ◀de▶ Genève, ◀le▶ philosophe allemand Karl Jaspers déclarait que ◀l’▶Europe n’a plus ◀de▶ choix qu’entre ◀la▶ balkanisation et ◀l’▶helvétisation.
Je suppose que Jaspers entendait par balkanisation ◀la▶ désintégration ◀de▶ ◀l’▶Europe en nationalismes rivaux, et par helvétisation au contraire, ◀l’▶intégration fédérale des nations, renonçant au dogme ◀de▶ leur souveraineté absolue, et acceptant sous une forme ou sous une autre, une constitution commune.
Dans cette vue, ◀la▶ Suisse moderne serait une sorte ◀de▶ « bon exemple » à suivre.
Rien de plus banal, que cette référence à ◀la▶ Suisse, dès qu’il est question ◀d’▶États-Unis d’Europe ou ◀d’▶un gouvernement mondial. Rien de plus banal, si ce n’est ◀les▶ objections qui surgissent aussitôt : « Tout cela, dit-on, est bel et bon pour un petit pays, mais n’est pas applicable aux grands. De plus, il a fallu des siècles aux Suisses pour se fédérer, et nous avons besoin ◀de▶ solutions rapides. »
À la deuxième objection, je répondrai que ◀les▶ cantons suisses n’ont adopté une constitution commune qu’en 1848, au terme ◀d’▶une crise ◀d’▶assez courte durée, et en dépit d’une opposition très importante dans ◀la▶ population, doublée ◀d’▶un scepticisme assez général chez ◀les▶ gens ou pouvoir. Ce qui étonne tous ◀les▶ historiens ◀de▶ ◀la▶ Confédération helvétique, c’est justement ◀l’▶extrême rapidité avec laquelle ◀la▶ Constitution ◀de▶ 1848 fut proposée, écrite, adoptée et mise en pratique. En 1846, elle était encore une utopie. Trois ans plus tard, elle fonctionnait si bien que ◀l’▶on eût dit qu’elle allait de soi.
Quant à ce que ◀l’▶on répète sur ◀la▶ petitesse ◀de▶ ◀la▶ Suisse et sur ◀l’▶impossibilité ◀de▶ transposer ses institutions à ◀l’▶échelle continentale, je répondrai que ◀l’▶objection est valable si ◀l’▶on ne s’attache qu’aux détails ◀de▶ ◀la▶ mise en pratique du fédéralisme en Suisse, mais non pas si ◀l’▶on cherche à dégager ◀de▶ cette expérience ◀l’▶idée fédéraliste qu’elle illustre. Une expérience ◀de▶ laboratoire est nécessairement plus réduite ◀de▶ dimensions que ses applications, mais pourtant celles-ci n’existeraient pas sans celle-là.
C’est pourquoi, dans notre tentative ◀de▶ définir ◀l’▶idée fédéraliste en soi, nous ferons bien ◀de▶ ne pas perdre ◀de▶ vue cette expérience-témoin, concrète, typique, et particulièrement concluante.
Comme toutes ◀les▶ grandes idées, ◀l’▶idée fédéraliste est très simple, mais non pas simple à définir en quelques mots, en une formule. C’est qu’elle est ◀d’▶un type organique plutôt que rationnel, et dialectique plutôt que simplement logique. Elle échappe aux catégories géométriques du rationalisme vulgaire, mais correspond assez bien aux formes ◀de▶ pensée introduites par ◀la▶ science relativiste. À mon sens, ◀le▶ mouvement intime ◀de▶ ◀la▶ pensée fédéraliste ne saurait être mieux comparé qu’à un rythme, à une respiration, à ◀l’▶alternance perpétuelle ◀de▶ ◀la▶ diastole et ◀de▶ ◀la▶ systole. ◀La▶ pensée fédéraliste ne projette pas devant elle une utopie européenne qu’il s’agirait simplement ◀de▶ rejoindre, ou des plans statiques qu’il faudrait réaliser en quatre ou cinq ans, par ◀la▶ réduction impitoyable des réalités vivantes qui gênent ◀le▶ plan. Elle cherche au contraire ◀le▶ secret ◀d’▶un équilibre souple et constamment mouvant entre des groupes qu’il s’agit ◀de▶ composer en ◀les▶ respectant, et non point ◀de▶ soumettre ◀les▶ uns aux autres, ou ◀d’▶écraser l’un après l’autre.
On ne saurait trop insister sur ce double mouvement qui caractérise ◀la▶ pensée fédéraliste, sur cette interaction, cette dialectique, cette bipolarité, comme on voudra, qui est ◀le▶ battement même du cœur ◀de▶ tout régime fédéraliste. ◀L’▶oublier serait se condamner à retomber sans cesse dans un malentendu fondamental, que ◀l’▶exemple ◀de▶ ◀la▶ vie politique suisse illustre très clairement.
En effet, ◀les▶ mots fédération et fédéralisme sont compris ◀de▶ deux manières très différentes par ◀les▶ Suisses alémaniques et par ◀les▶ Suisses romands. En allemand, confédération se dit Bund, qui signifie union, et qui évoque avant tout ◀l’▶idée ◀de▶ centralisation. En Suisse romande, au contraire, ceux qui se proclament fédéralistes sont en réalité ◀les▶ défenseurs jaloux ◀de▶ ◀l’▶autonomie des cantons contre ◀la▶ centralisation. Pour ◀les▶ uns, fédérer veut dire simplement : s’unir. Pour ◀les▶ autres, être fédéraliste veut dire simplement : rester libre chez soi. Or ◀les▶ uns et ◀les▶ autres ont tort, parce qu’ils n’ont qu’à moitié raison. ◀Le▶ véritable fédéralisme ne consiste ni dans ◀la▶ seule union des cantons, ni dans leur seule autonomie. Il consiste dans ◀l’▶équilibre continuellement rajusté entre ◀l’▶autonomie des régions et leur union. Il consiste dans ◀la▶ composition perpétuelle ◀de▶ ces deux forces ◀de▶ sens contraire, en vue de leur renforcement mutuel. Ce dernier point est parfaitement exprimé par ◀la▶ devise ◀de▶ ◀la▶ Suisse, devise paradoxale ou « dialectique » dans sa forme : « Un pour tous, tous pour un. » En effet, « Un pour tous » signifie ◀l’▶élan des personnes et des régions vers ◀l’▶union, tandis que « tous pour un » signifie ◀l’▶aide que ◀l’▶union doit apporter à chaque région et à chaque personne.
Il est infiniment probable que sur le plan européen, nous allons voir se dessiner deux tendances toutes semblables à celles que je viens de signaler en Suisse. Nous aurons des fédéralistes qui ne penseront qu’à faire ◀l’▶union et à ◀la▶ renforcer, et nous aurons des fédéralistes préoccupés avant tout ◀de▶ sauvegarder ◀les▶ droits ◀de▶ chaque nation contre ◀les▶ empiètements du pouvoir central. Et nous devrons constamment rappeler aux deux partis que ◀le▶ fédéralisme véritable n’est ni dans l’une ni dans l’autre ◀de▶ ces tendances, mais bien dans leur co-existence acceptée, dans leur dialogue, dans leur tension féconde.
Lorsqu’on lit ◀les▶ anciens historiens suisses, j’entends ceux ◀d’▶avant 1848, on est frappé ◀de▶ constater qu’ils n’emploient jamais ◀le▶ terme ◀de▶ fédéralisme, qu’ils ◀l’▶ignorent, et qu’ils ne touchent que très rarement, et très vaguement, à ◀l’▶idée fédéraliste en soi. C’est peut-être parce que cette idée, comme je ◀le▶ disais tout à ◀l’▶heure, est à la fois simple à sentir et très délicate à formuler. Mais c’est peut-être aussi, et plus probablement, parce qu’un sûr instinct ◀les▶ prévenait ◀de▶ rationaliser ◀les▶ principes ◀de▶ leur vie politique. Il est incontestable, en effet, que ◀l’▶idée fédéraliste n’a pas cessé ◀d’▶inspirer et ◀de▶ guider ◀les▶ démarches des meilleurs hommes d’État suisses, pendant des siècles. Mais il est non moins certain que cette idée est demeurée informulée, et même soigneusement informulée, jusqu’à ce que ◀la▶ crise ◀d’▶une guerre civile, en 1847, ◀l’▶ait forcée à prendre forme et force ◀de▶ loi. Et ce n’est guère qu’au xxe siècle que ◀les▶ penseurs et sociologues se sont mis à ◀la▶ commenter et à philosopher à son sujet. Jusqu’en 1848, elle allait sans dire, comme ◀la▶ vie même ; elle était ◀la▶ vie du civisme et ◀de▶ ◀la▶ pratique politique des Suisses. C’est ◀le▶ défi que représente ◀l’▶esprit totalitaire, qui ◀les▶ force à faire aujourd’hui ◀la▶ théorie ◀de▶ cette pratique, et qui ◀la▶ transforme en une sorte ◀de▶ programme, ou ◀de▶ manifeste vivant.
Par ◀la▶ force des choses, ◀l’▶union paisible ◀de▶ deux religions, ◀de▶ quatre langues, ◀de▶ vingt-deux républiques, et ◀de▶ je ne sais combien ◀de▶ « races » en un État qui ◀les▶ respecte, cette union prend ◀l’▶allure à la fois ◀d’▶un antiracisme déclaré et ◀d’▶un antinationalisme.
◀L’▶instinct contrecarré devient conscience ; ◀la▶ coutume attaquée devient programme ; ◀la▶ pratique remise en question par une propagande agressive se voit contrainte ◀de▶ développer pour sa défense une théorie.
Nous vivons ce moment ◀de▶ ◀l’▶histoire où ◀le▶ fédéralisme suisse, s’il veut durer, doit devenir à son tour missionnaire.
Telle est sa crise : ou se nier, ou triompher, mais sur le plan ◀de▶ ◀l’▶Europe entière.
◀Le▶ grand danger ◀de▶ ◀l’▶heure présente, pour ◀la▶ Suisse, je ◀le▶ vois dans ce fait qu’elle doit se formuler. Elle doit dire ce qui allait sans dire et qui alors n’en allait que mieux. Elle s’expose à son risque maximum : celui ◀de▶ décoller ◀de▶ ses bases concrètes, perdant ainsi en force originelle ce qu’elle pourrait gagner en conscience ◀de▶ ses fins.
De même pour ◀le▶ fédéralisme européen. Un instinct commun se formait peu à peu, depuis ◀la▶ guerre ◀de▶ 1914-1918. ◀La▶ SDN fut l’un ◀de▶ ses symptômes, bien faible encore. ◀L’▶idée ◀d’▶un réseau ◀de▶ pactes bilatéraux en fut un autre. Dans ◀les▶ deux cas, ◀le▶ sentiment fédéraliste fut promptement détourné au profit ◀de▶ politiques ◀d’▶hégémonie. Toutefois ce sentiment ne cessait pas ◀de▶ croître et ◀de▶ se renforcer dans la plupart des peuples. ◀La▶ guerre dont nous sortons à peine est venue ◀le▶ fouetter. Brusquement, ◀la▶ question se pose ◀de▶ fédérer ◀l’▶Europe dès ◀la▶ paix rétablie. Mais parce qu’elle se pose brusquement, cette question risque ◀d’▶être mal posée. J’entends qu’elle risque ◀de▶ ne susciter que des plans rationnels et des systèmes.
C’est pour éviter ce piège autant que possible que je vais me borner à dégager ici, après coup, quelques-uns des principes directeurs qui, ◀d’▶une manière tout empirique, ont formé ◀la▶ fédération suisse. Et je vais ◀les▶ choisir parmi ceux qui me paraissent applicables, immédiatement, dans ◀l’▶état présent ◀de▶ ◀l’▶Europe.
Premier principe. — ◀La▶ fédération ne peut naître que du renoncement à toute idée ◀d’▶hégémonie organisatrice, exercée par l’une des nations composantes.
Toute ◀l’▶histoire suisse illustre ce principe. Chaque fois qu’un des cantons, comme Zurich, ou un groupe ◀de▶ cantons citadins, plus riche ou plus peuplé que ◀les▶ autres, a cru pouvoir imposer sa primauté, ◀les▶ autres se sont ligués contre lui, ◀l’▶ont obligé à rentrer dans ◀le▶ rang, et ◀l’▶union fédérale a marqué un progrès. Lors de la dernière crise grave, ◀la▶ guerre civile ◀de▶ 1847 opposant catholiques et protestants, ◀les▶ vainqueurs n’ont eu rien de plus pressé que ◀de▶ rendre aux vaincus leur pleine égalité ◀de▶ droit. Et ◀de▶ cet acte ◀de▶ renoncement à ◀l’▶hégémonie conquise, est résulté ◀la▶ constitution ◀de▶ 1848, véritable base ◀de▶ ◀l’▶État fédératif moderne. C’est pourquoi ◀la▶ Suisse ne verra jamais sans une certaine méfiance certains « grands » s’arroger ◀l’▶initiative ◀d’▶une fédération continentale ou mondiale. ◀L’▶échec ◀de▶ Napoléon, puis celui ◀d’▶Hitler, dans leurs tentatives pour faire ◀l’▶unité ◀de▶ ◀l’▶Europe, sont des avertissements utiles, ils nous confirment dans ◀l’▶idée qu’on ne peut pas atteindre ◀la▶ fin, qui est ◀l’▶union, par des moyens impérialistes. Ceux-ci ne peuvent conduire qu’à ◀l’▶unification forcée, caricature ◀de▶ ◀l’▶union véritable.
Deuxième principe. — ◀Le▶ fédéralisme ne peut naître que du renoncement à tout esprit ◀de▶ système. Ce que je viens de dire au sujet de ◀l’▶impérialisme ou ◀de▶ ◀l’▶hégémonie ◀d’▶une nation, vaut également pour ◀l’▶impérialisme ◀d’▶une idéologie. On pourrait définir ◀l’▶attitude fédéraliste comme un refus constant et instinctif ◀de▶ recourir aux solutions systématiques, aux plans simples ◀de▶ lignes, clairs et satisfaisant pour ◀la▶ logique, mais par là même infidèles au réel, vexants pour ◀les▶ minorités, destructeurs des diversités qui sont ◀la▶ condition ◀de▶ toute vie organique. Rappelons-nous toujours que fédérer, ce n’est pas mettre en ordre d’après un plan géométrique à partir ◀d’▶un centre ou ◀d’▶un axe ; fédérer, c’est tout simplement arranger ensemble, composer tant bien que mal ces réalités concrètes et hétéroclites que sont ◀les▶ nations, ◀les▶ régions économiques, ◀les▶ traditions politiques ; et c’est ◀les▶ arranger selon leurs caractères particuliers, qu’il s’agit à la fois ◀de▶ respecter, et ◀d’▶articuler dans un tout.
Troisième principe. — ◀Le▶ fédéralisme ne connaît pas ◀de▶ problème des minorités.
On objectera que ◀le▶ totalitarisme, lui aussi, supprime ce problème : mais c’est en supprimant ◀les▶ minorités qui ◀le▶ posaient.
Il y a totalitarisme (au moins en germe) dans tout système quantitatif ; il y a fédéralisme partout où c’est ◀la▶ qualité qui prime. Par exemple : ◀le▶ totalitaire voit une injustice ou une erreur dans ◀le▶ fait qu’une minorité ait ◀les▶ mêmes droits qu’une majorité. C’est qu’à ses yeux ◀la▶ minorité ne représente qu’un chiffre, et ◀le▶ plus petit. Pour ◀le▶ fédéraliste, il va de soi qu’une minorité puisse compter pour autant, voire pour plus qu’une majorité dans certains cas, parce qu’à ses yeux elle représente une qualité irremplaçable. (On pourrait ainsi dire : une fonction.)
En Suisse, ce respect des qualités ne se traduit pas seulement dans ◀le▶ mode ◀d’▶élection du Conseil des États, mais surtout, et ◀d’▶une manière beaucoup plus efficace, dans ◀les▶ coutumes ◀de▶ ◀la▶ vie politique et culturelle, où ◀l’▶on voit ◀la▶ Suisse romande et ◀la▶ Suisse italienne jouer un rôle sans proportion avec ◀le▶ chiffre ◀de▶ leurs habitants ou ◀de▶ leurs kilomètres carrés.
Quatrième principe. — ◀La▶ fédération n’a pas pour but ◀d’▶effacer ◀les▶ diversités et ◀de▶ fondre toutes ◀les▶ nations en un seul bloc, mais au contraire, ◀de▶ sauvegarder leurs qualités propres. ◀La▶ richesse ◀de▶ ◀la▶ Suisse par exemple, réside dans ses diversités jalousement défendues et maintenues. De même, ◀la▶ richesse ◀de▶ ◀l’▶Europe et ◀l’▶essence même ◀de▶ sa culture seraient perdues si ◀l’▶on tentait ◀d’▶unifier ◀le▶ continent, ◀de▶ tout mélanger, et ◀d’▶obtenir une sorte ◀de▶ nation européenne, où Latins et Germains, Slaves et Anglo-Saxons, Scandinaves et Grecs, se verraient soumis aux mêmes lois et coutumes, qui ne pourrait satisfaire aucun ◀de▶ ces groupes, et qui ◀les▶ brimerait tous. Si ◀l’▶Europe doit se fédérer, c’est pour que chacun ◀de▶ ses membres bénéficie ◀de▶ ◀l’▶aide ◀de▶ tous ◀les▶ autres, et réussisse ainsi à conserver ses particularités et son autonomie, qu’il serait hors ◀d’▶état ◀de▶ défendre seul contre ◀la▶ pression des grands empires qui ◀le▶ menacent.
Chacune des nations qui composent ◀l’▶Europe y représente une fonction propre, irremplaçable, comme celle ◀d’▶un organe dans un corps. Or ◀la▶ vie normale du corps dépend ◀de▶ ◀la▶ vitalité ◀de▶ chacun ◀de▶ ses organes, de même que ◀la▶ vie ◀d’▶un organe dépend ◀de▶ son harmonie avec tous ◀les▶ autres.
Si ◀les▶ nations ◀de▶ ◀l’▶Europe arrivaient à se concevoir dans ce rôle ◀d’▶organes divers ◀d’▶un même corps, elles comprendraient que leur harmonie est une nécessité vitale, et non pas une concession qu’on leur demande, ou une diminution ◀de▶ leur valeur propre. Elles comprendraient aussi que dans une fédération, elles n’auraient pas à se mélanger, mais au contraire à fonctionner ◀de▶ concert, chacune selon sa vocation. Ce ne serait pas même une question ◀de▶ tolérance, vertu purement négative et qui naît ◀le▶ plus souvent du scepticisme. Chaque nation serait mise au défi ◀de▶ donner ◀le▶ meilleur ◀d’▶elle-même, à sa manière et selon son génie. Après tout, ◀le▶ poumon n’a pas à « tolérer » ◀le▶ cœur. Tout ce qu’on lui demande, c’est ◀d’▶être un vrai poumon, ◀d’▶être aussi poumon que possible, et dans cette mesure même, il aidera ◀le▶ cœur à être un bon cœur.
Cinquième principe. — ◀Le▶ fédéralisme repose sur ◀l’▶amour ◀de▶ ◀la▶ complexité, par contraste avec ◀le▶ simplisme brutal qui caractérise ◀l’▶esprit totalitaire.
Je dis bien ◀l’▶amour, et non pas ◀le▶ respect ou ◀la▶ tolérance. ◀L’▶amour des complexités culturelles, psychologiques, et même économiques, telle est ◀la▶ santé du régime fédéraliste. Et ses pires ennemis sont ceux dont ◀le▶ grand Jakob Burckhardt annonçait ◀la▶ venue dès 1880, dans une lettre prophétique, ceux qu’il appelait ◀les▶ « terribles simplificateurs ».
Lorsque ◀les▶ étrangers s’étonnent ◀de▶ ◀l’▶extrême complication des institutions suisses, ◀de▶ cette espèce ◀de▶ mouvement ◀d’▶horlogerie fine que composent nos rouages communaux, cantonaux, fédéraux, si diversement engrenés, il convient ◀de▶ leur montrer que cette complexité est ◀la▶ condition même ◀de▶ nos libertés. C’est grâce à elle que nos fonctionnaires sont constamment rappelés au concret, et que nos législateurs sont obligés ◀de▶ garder un contact attentif avec ◀les▶ réalités humaines et naturelles du pays. ◀La▶ Suisse est formée ◀d’▶une multitude ◀de▶ groupes et ◀d’▶organismes politiques, administratifs, culturels, linguistiques, religieux, qui n’ont pas ◀les▶ mêmes frontières, et qui se recoupent ◀de▶ cent manières différentes. Il est clair que des lois ou des institutions conçues dans un esprit unitaire, jacobin, ou totalitaire, brimeraient nécessairement un ou plusieurs ◀de▶ ces groupes, tendraient à réduire leur variété, et mutileraient ainsi dans plusieurs ◀de▶ ses dimensions ◀la▶ personne même ◀de▶ ceux qui s’y rattachent.
Certes, il est plus facile ◀de▶ décréter sur table rase, ◀de▶ simplifier ◀les▶ réalités ◀d’▶un trait ◀de▶ plume, ◀de▶ tirer des plans à ◀la▶ règle, dans un bureau, et ◀de▶ forcer ensuite leur exécution en écrasant tout ce qui résiste, ou simplement tout ce qui dépasse. Mais ce qu’on écrase ainsi, c’est ◀la▶ vitalité civique ◀d’▶un peuple. Une politique fédéraliste soucieuse ◀de▶ se mouler sur ◀la▶ réalité toujours complexe, suppose infiniment plus ◀de▶ soins, ◀d’▶ingéniosité technique, et ◀de▶ compréhension des peuples qu’elle gouverne. Elle exige beaucoup plus ◀de▶ vrai sens politique. Finalement, si ◀l’▶on y réfléchit, on s’aperçoit que ◀la▶ politique fédéraliste n’est rien ◀d’▶autre que ◀la▶ politique tout court, ◀la▶ politique par excellence — c’est-à-dire ◀l’▶art ◀d’▶organiser ◀la▶ cité au bénéfice des citoyens. Tandis que ◀les▶ méthodes totalitaires sont antipolitiques par définition, puisqu’elles consistent simplement à supprimer ◀les▶ diversités, par incapacité ◀de▶ ◀les▶ composer en un tout organique et vivant.
Enfin, sixième principe : Une fédération se forme ◀de▶ proche en proche, par ◀le▶ moyen des personnes et des groupes, et non point à partir ◀d’▶un centre ou par ◀le▶ moyen des gouvernements.
Je vois ◀la▶ fédération européenne se composer lentement, un peu partout, et ◀de▶ toutes sortes ◀de▶ manières. Ici, c’est une entente économique, là c’est une parenté culturelle qui s’affirme. Ici ce sont deux églises ◀de▶ confessions voisines qui s’ouvrent l’une à l’autre, et là c’est un groupe ◀de▶ petits pays qui forment une union douanière. Et surtout, ce sont des personnes qui créent peu à peu des réseaux variés ◀d’▶échanges européens. Rien ◀de▶ tout cela n’est inutile. Et tout cela, qui paraît si dispersé, si peu efficace souvent, forme peu à peu des structures complexes, dessine ◀les▶ linéaments ◀d’▶une ossature et ◀le▶ système des vaisseaux sanguins ◀de▶ ce qui deviendra un jour ◀le▶ corps des États-Unis d’Europe. Au-dessous et au-dessus des gouvernements, ◀l’▶Europe est beaucoup plus près de s’organiser qu’il ne ◀le▶ semble. Elle est déjà beaucoup plus unie, en réalité, qu’elle ne ◀le▶ croit. C’est sur le plan ◀de▶ ◀l’▶action gouvernementale que ◀les▶ oppositions et ◀les▶ rivalités éclatent, et là seulement, elles sont irréductibles.
Je ne pense pas que ◀les▶ gouvernements puissent jamais réaliser une union viable. Leurs dirigeants ne sont pas qualifiés pour arbitrer ◀le▶ jeu des nations. Chacun sait qu’il serait déraisonnable ◀de▶ choisir comme arbitres ◀d’▶un match ◀les▶ capitaines des équipes en présence. C’est pourtant bien ce qu’avait tenté ◀de▶ faire ◀la▶ SDN, qui en est morte, et ce que tente à nouveau ◀l’▶ONU, que cela empêche ◀de▶ vivre. ◀La▶ fédération européenne ne sera pas ◀l’▶œuvre des gouvernants chargés ◀de▶ défendre ◀les▶ intérêts ◀de▶ leur nation contre ◀le▶ reste du monde. ◀La▶ fédération sera ◀l’▶œuvre ◀de▶ groupes et ◀de▶ personnes qui prendront ◀l’▶initiative ◀de▶ se fédérer en dehors des gouvernements nationaux. Et ce sont ces groupes et ces personnes qui formeront ◀le▶ gouvernement ◀de▶ ◀l’▶Europe. Il n’y a pas ◀d’▶autre voie possible et praticable. ◀Les▶ USA ne sont pas dirigés par une assemblée des gouverneurs des 48 États, ni ◀la▶ Suisse par ◀les▶ délégués des 22 cantons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus ◀de▶ leurs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples.
◀Le▶ jour où ◀les▶ peuples ◀d’▶Europe auront compris qu’ils sont en réalité beaucoup plus solidaires et plus unis que leurs gouvernements ne pourront jamais ◀l’▶être, ils s’apercevront que ◀la▶ fédération est non seulement possible, mais facile à réaliser, et rapidement, comme ◀le▶ fut celle des cantons suisses en 1848. ◀La▶ nécessité en est évidente, ◀la▶ maturation historique en est fort avancée, ◀les▶ structures en sont déjà esquissées. Il n’y manque plus qu’une charte fédérale, des organes représentatifs, et un dernier élan, une poussée populaire forçant ◀la▶ main aux gouvernements. Souhaitons que cet élan soit spontané et non pas provoqué avant terme par une nouvelle menace extérieure. C’est dire qu’il nous faut aller vite.
Il n’y a, dans ◀le▶ monde du xxe siècle, que deux camps, deux politiques, deux attitudes humaines possibles. Ce ne sont pas ◀la▶ gauche et ◀la▶ droite, devenues presque indiscernables dans leurs manifestations. Ce ne sont pas ◀le▶ socialisme et ◀le▶ capitalisme, l’un tendant à se faire national et l’autre étatique. Ce ne sont pas ◀la▶ Tradition et ◀le▶ Progrès, qui prétendent également défendre ◀la▶ liberté. Et ce ne sont pas non plus ◀la▶ Justice et ◀la▶ Liberté, qu’il est aussi impossible ◀d’▶opposer en réalité qu’en principe. Aujourd’hui, repoussant tous ces anciens débats à ◀l’▶arrière-plan, il y a ◀le▶ totalitarisme, et il y a ◀le▶ fédéralisme. Une menace et une espérance.
Cette antithèse domine ◀le▶ siècle. Elle est son véritable drame. Toutes ◀les▶ autres pâlissent devant elle, sont secondaires ou illusoires, ou dans ◀le▶ meilleur des cas lui sont subordonnées.
◀Les▶ principes du fédéralisme, tels que je viens de ◀les▶ rappeler, s’opposent diamétralement et point par point, avec une étonnante précision, aux dogmes des totalitaires.
Tous ◀les▶ systèmes totalitaires, en effet, sont fondés sur ◀l’▶hégémonie ◀d’▶un parti ou ◀d’▶une nation, sur ◀l’▶esprit ◀de▶ système, sur ◀l’▶écrasement des minorités et des oppositions, sur ◀l’▶unification forcée des diversités, sur ◀la▶ haine des complexités vivantes, sur ◀la▶ destruction des groupes, et sur ◀le▶ mépris des vocations remplacées par une fiche ◀de▶ mobilisation professionnelle, politique, et finalement militaire.
◀Le▶ totalitarisme est simple et rigide, comme ◀la▶ guerre, comme ◀la▶ mort. ◀Le▶ fédéralisme est complexe et souple, comme ◀la▶ paix comme ◀la▶ vie… Et parce qu’il est simple et rigide, ◀le▶ totalitarisme est une tentation permanente pour notre fatigue, notre inquiétude, nos doutes et nos vertiges ◀de▶ démission spirituelle. ◀L’▶esprit totalitaire n’est pas dangereux seulement parce qu’il triomphe aujourd’hui dans une dizaine ◀de▶ pays et progresse plus ou moins rapidement dans tous ◀les▶ autres ; mais surtout parce qu’il nous guette tous, à l’intérieur de nos pensées, au moindre fléchissement ◀de▶ notre vitalité, ◀de▶ notre courage, du sens ◀de▶ notre vocation. Nous n’arriverons à rien ◀de▶ bon, dans nos efforts et nos débats pour promouvoir ◀l’▶Europe unie, si nous ne restons pas en garde vigilante contre ◀les▶ réflexes totalitaires qui peuvent affecter nos esprits, même et surtout quand nous parlons ◀de▶ fédéralisme. Si au contraire, à ◀la▶ faveur ◀de▶ ces débats, nous parvenons à développer des réflexes ◀de▶ pensée fédéraliste, si nous devenons nous-mêmes intégralement fédéralistes — fédéralistes comme on respire — ◀la▶ partie sera déjà plus qu’à moitié gagnée.
Car si ◀l’▶Europe doit durer, c’est aux fédéralistes qu’elle ◀le▶ devra, et à eux seuls. Sur qui ◀d’▶autre peut-elle compter ?
Elle ne doit pas compter sur ◀les▶ gens au pouvoir. J’en connais peu qui aient ◀l’▶intention ◀de▶ ◀le▶ laisser limiter, et c’est pourtant ce que nous leur demandons. Tous ◀les▶ gouvernements ont un penchant marqué à persévérer dans leur être, et même à lui survivre aussi longtemps que possible avec ◀l’▶appui ◀de▶ ◀la▶ police. Or ◀l’▶être des gouvernements, dans ◀le▶ monde actuel, c’est ◀la▶ souveraineté absolue. Tous ◀les▶ États-nations qui se sont arrogé ces droits absolus sans devoirs, ont un penchant irrésistible à devenir totalitaires. Et ce n’est point que leurs hommes d’État soient particulièrement bêtes ou méchants, mais leur fonction leur interdit ◀de▶ céder un pouce, et dans ◀l’▶état présent ◀de▶ ◀l’▶opinion et des rivalités des partis, ils courraient ◀le▶ risque ◀d’▶être accusés ◀de▶ trahison s’ils transigeaient un seul instant avec ◀le▶ dogme ◀de▶ ◀la▶ souveraineté absolue. ◀L’▶union, ◀la▶ paix, que la plupart d’entre eux désirent, ne peuvent pas être leur affaire, pour des raisons absurdes mais techniques. Il faut donc ◀les▶ pousser dans ◀le▶ dos, voilà qui est clair, pour qu’ils acceptent un jour ◀de▶ renoncer non pas à ◀la▶ souveraineté même ◀de▶ leur nation, mais à son caractère absolu.
Et c’est ◀l’▶agitation ◀de▶ ◀l’▶opinion et des peuples dans toute ◀l’▶Europe qui ◀les▶ poussera.
◀De▶ cette agitation, que je voudrais baptiser ◀la▶ Nouvelle Résistance européenne, nous nous sommes déclarés responsables au récent congrès ◀de▶ Montreux, qui fédérait tous ◀les▶ fédéralistes, dans ◀la▶ conviction sobre et ferme que, cette fois-ci, on ne nous laisserait plus ◀le▶ temps ◀de▶ rater.