Demain l’▶Europe ! — Que pouvez-vous faire ? (17 octobre 1949)
Chers auditeurs,
Depuis que j’ai repris cette chronique, en fin ◀d’▶été, je vous ai parlé surtout ◀de▶ ◀l’▶Assemblée de Strasbourg, ◀de▶ ce qui s’est fait déjà au cours de sa première session, mais aussi des difficultés que crée pour notre action ◀la▶ crise anglaise entre autres. J’ai tâché ◀de▶ vous faire voir, en résumé, que ◀l’▶union fédérale du continent est en bonne voie, que ◀l’▶Assemblée de Strasbourg permet ◀de▶ grands espoirs, mais que ◀l’▶attitude britannique, pour ◀le▶ moment, fait échec à certains progrès rapides et décisifs qui, sans elle, pouvaient être acquis dès cet automne. Voilà pour ◀la▶ situation en général.
Mais tout cela, direz-vous, se passe bien loin de nous, à Strasbourg ou à Londres, ou même à Washington. Tout cela met en jeu des forces politiques et ◀de▶ grands intérêts économiques sur lesquels nous ne pouvons rien. En un mot, tout cela nous dépasse, et nos bonnes volontés ne trouvent pas ◀le▶ moyen ◀d’▶entrer dans cette action, dont pourtant dépend notre avenir. Ce sentiment ◀d’▶impuissance qui étreint ◀les▶ individus, devant ◀l’▶évolution ◀de▶ monde, il est bien caractéristique ◀de▶ notre siècle, ◀d’▶un siècle qui a vécu deux guerres mondiales, que personne ne voulait et que nous avons pourtant tous faites, ou subies.
C’est contre ce sentiment ◀d’▶impuissance, angoissant, mais aussi en partie illusoire, que je voudrais parler ce soir. Une question ◀d’▶un ◀de▶ mes auditeurs ◀de▶ ◀La▶ Chaux-de-Fonds (M. Maire), écrivant au nom de plusieurs autres, m’en fournit justement ◀l’▶occasion. ◀La▶ voici : « Que peuvent faire, m’écrit-il, ◀les▶ simples pékins pour soutenir ◀les▶ efforts ◀de▶ ceux qui œuvrent pour ◀l’▶Europe unie ? » Que pouvons-nous faire, chacun ◀de▶ nous ? Oui, voilà bien ◀la▶ grande question, ◀la▶ vraie question humaine ◀de▶ notre temps. Une question simple, élémentaire, mais qui va droit au fond des choses. Car il s’agit ◀de▶ savoir, aujourd’hui, si ◀l’▶homme, ◀l’▶individu, chacun ◀de▶ vous n’a plus qu’à démissionner en attendant ◀d’▶être réduit en poussière atomique, ou bien si, au contraire, il est encore capable ◀de▶ reprendre en main son destin, ◀de▶ secouer ◀les▶ fatalités ◀de▶ guerre, ◀de▶ misère et ◀de▶ honte, qui s’accumulent sur un proche horizon.
Que devons-nous faire ? Nous réveiller d’abord ! Car nous dormons, sur ◀le▶ bord ◀d’▶un abîme. Et peu nombreux, encore, sont ◀les▶ « simples pékins » qui s’en doutent. Nous dormons à côté des bombes atomiques, des tubes ◀de▶ bactéries dont un seul (disait hier un savant canadien) peut faire mourir en une heure tous ◀les▶ habitants ◀d’▶une grande ville ◀d’▶Europe. Nous dormons sur ◀le▶ seuil ◀d’▶une crise économique sans précédent. Nous dormons dans une Europe qui, réellement, pratiquement, nécessairement, doit s’unir demain ou périr.
Que devons-nous faire dans ce péril ? Eh bien, on ne demande pas à chacun ◀de▶ vous ◀de▶ repenser ◀le▶ monde ◀de▶ fond en comble et ◀de▶ résoudre pour sa part tous ◀les▶ grands problèmes du siècle. On demande à chacun ◀de▶ vous simplement ◀de▶ sortir ◀de▶ son isolement, car c’est ◀l’▶isolement qui produit ce sentiment ◀d’▶impuissance dont je parlais. On demande aux hommes qui veulent agir ◀de▶ se grouper et ◀d’▶être prêts. Comment ◀le▶ faire ? Voici quelques conseils pratiques.
Dans presque toutes nos villes ◀de▶ Suisse, il existe des sections ◀de▶ ◀l’▶Union européenne des fédéralistes, qui est une des branches du grand Mouvement européen.
Chacun ◀de▶ vous peut écrire à ◀la▶ section locale ◀de▶ ◀l’▶Union européenne. Chacun ◀de▶ vous peut y entrer demain moyennant une petite cotisation annuelle.
Mais une fois entrés dans cette Union européenne, qu’aurons-nous à faire ◀de▶ précis, ◀de▶ concret ? Allez-vous me dire.
Deux choses.
Tout d’abord, vous serez tenus au courant ◀de▶ ◀l’▶action générale pour ◀la▶ fédération, et vous pourrez y faire entendre votre voix. Vous ne vous sentirez plus un isolé, vous deviendrez un militant, c’est-à-dire un homme ou une femme responsable, et non pas une victime inconsciente du destin.
En second lieu, vous aurez à propager autour de vous, dans votre milieu immédiat, ◀l’▶idée fédéraliste européenne, seul grand espoir ◀de▶ notre continent, vous aurez à recruter des adhérents, à distribuer des tracts, à convaincre ◀les▶ sceptiques, à préparer ◀les▶ grands meetings publics, bref, à concrétiser ◀les▶ engagements qui furent pris au congrès ◀de▶ La Haye, il y a un an, par 800 Européens unanimes, militants ou ministres, députés ou « simples pékins » et dont je vous relis le dernier paragraphe :
Nous prenons ◀de▶ bonne foi ◀l’▶engagement ◀d’▶appuyer ◀de▶ tous nos efforts, dans nos foyers et en public, dans nos partis, dans nos églises, dans nos milieux professionnels et syndicaux, ◀les▶ hommes et ◀les▶ gouvernements qui travaillent à cette œuvre ◀de▶ salut public, suprême chance ◀de▶ ◀la▶ paix et gage ◀d’▶un grand avenir, pour cette génération et celles qui ◀la▶ suivront.
À ◀la▶ question : que devons-nous faire ? je réponds donc : entrez dans notre Union européenne, venez-y militer pour notre idée, parlez-en dans votre milieu, faites-◀la▶ surtout adopter par ◀la▶ section locale ◀de▶ votre parti comme cela vient de se faire à Genève lundi dernier au Parti socialiste. Exigez que votre parti se prononce publiquement en faveur de ◀la▶ fédération ◀de▶ nos peuples. Car une fois que tous ◀les▶ partis en auront ainsi décidé ils mandateront leurs députés pour voter dans ce sens au Parlement. Et nous serons alors à ◀la▶ veille du succès, prêts à nous prononcer dans chaque pays, pour ◀l’▶adoption du Pacte fédéral ◀de▶ ◀l’▶Europe par un référendum ◀de▶ tous ◀les▶ peuples.
Voici ◀la▶ route à suivre, elle est simple, entrez-y. Car c’est ainsi seulement que se créera ◀l’▶opinion, sans laquelle rien ne peut être fait, et qui peut tout.
Il est tard, en Europe, il est très tard. Mais il dépend encore ◀de▶ chacun ◀de▶ vous, chers auditeurs, qu’il ne soit pas trop tard. Avec vous tous, partout, nous gagnerons. Mais pas sans vous ! Pas sans chacun ◀de▶ vous ! Et non pas après-demain, mais demain. Car après-demain, sans vous, il n’y aura plus ◀d’▶Europe, si nous dormons.
Je vous parlerai ◀la▶ prochaine fois du rôle que doit jouer notre Suisse.
Au revoir, mes chers auditeursh.