Fédéralisme et nationalisme (septembre-octobre 1954)aa
Parler fédéralisme sur un plan théorique serait contraire à l’▶attitude fédéraliste. En revanche, confronter cette attitude avec ◀l’▶obstacle principal que rencontre aujourd’hui ◀l’▶idée européenne, c’est décrire activement notre méthode. ◀L’▶obstacle dont je parle est ◀le▶ nationalisme. Faire ◀la▶ critique du nationalisme, c’est dégager du même coup ◀les▶ principes au nom desquels on ◀le▶ juge néfaste, et ◀les▶ maximes ◀de▶ ◀l’▶action qui permettra ◀de▶ ◀le▶ surmonter.
I. Naissance et prolifération du nationalisme
Goethe, assistant à ◀la▶ bataille ◀de▶ Valmy, s’écriait : « ◀De▶ ce lieu, ◀de▶ ce jour, on datera ◀l’▶ère nouvelle ». C’est en effet au cri ◀de▶ « Vive ◀la▶ Nation », clamé sur tout ◀le▶ front des troupes, que ◀les▶ Français durent ◀la▶ victoire. Remarquez que ce cri, à ce moment-là, ne signifie point : « Vive ◀la▶ France ! » — pas davantage que ◀le▶ cri : « ◀Les▶ Soviets partout ! » ne signifiera sous Lénine : « Vive ◀la▶ Russie ! » Il proclame un nouveau mythe. Il est comme une invocation à un dieu nouveau, une sorte ◀de▶ « Gott mit uns ! » aussitôt exaucé, puisque par ce seul cri ◀la▶ bataille sera gagnée.
◀La▶ nation à ◀l’▶état naissant, comme nous ◀la▶ trouvons à Valmy, c’est donc un idéal, une idéologie, ◀le▶ principe ◀d’▶une nouvelle communauté non ◀de▶ naissance mais ◀d’▶avenir et ◀de▶ volonté. Toutefois, cette idéologie n’est pas ◀le▶ fait du peuple tout entier, mais ◀d’▶un parti ; et ce parti agit par ◀le▶ moyen ◀de▶ ◀l’▶État.
À ◀l’▶intérieur du pays, la première tâche ◀de▶ ◀l’▶État sera ◀d’▶écraser ◀les▶ opposants, car ◀la▶ nation est religion et ◀les▶ religions ne transigent pas. ◀L’▶État se voit donc contraint ◀de▶ renforcer ◀la▶ police, ◀de▶ centraliser tous ◀les▶ éléments du pouvoir, et ◀de▶ transformer ◀la▶ justice en instrument ◀de▶ ◀l’▶idéologie, ◀le▶ tout au nom de ◀la▶ nation. Il confond dans une même répression ◀la▶ réaction qui veut ◀le▶ renverser, et ◀les▶ diversités locales ou spirituelles qui demanderaient seulement des lois plus souples. ◀L’▶uniformisation est sa réponse à tout. Que personne ne diffère, il deviendrait mon juge ! pense ◀l’▶État idéologique, né ◀d’▶une révolution sanglante, et qui se sait illégitime dans sa prétention à régner au nom de tous contre une moitié du peuple.
Mais si, à ◀l’▶intérieur, ◀l’▶idée ◀de▶ nation devient entre ◀les▶ mains ◀de▶ ◀l’▶État un instrument ◀d’▶oppression et ◀de▶ guerre civile larvée, à ◀l’▶extérieur elle va devenir un instrument ◀de▶ guerre déclarée. Pourquoi ◀la▶ nation doit-elle faire ◀la▶ guerre ? Tout d’abord, parce que « ◀les▶ nations divisées en elles-mêmes conquièrent par ◀la▶ guerre au-dehors ◀la▶ stabilité au-dedans » — comme ◀le▶ dira Hegel. Ensuite, parce que ◀la▶ collusion ◀de▶ ◀l’▶État centralisé et ◀de▶ ◀la▶ nation missionnaire produit comme résultante fatale ◀l’▶impérialisme : et voici ◀la▶ France napoléonienne. ◀L’▶idéologie ◀de▶ ◀la▶ nation est par essence conquérante : elle veut apporter ◀la▶ Liberté aux autres peuples, par ◀la▶ force au besoin. De plus, à ◀la▶ faveur ◀de▶ ces guerres que ◀l’▶État présente toujours comme une « défense de nos foyers », ◀l’▶instinct patriotique est mis en jeu et bientôt il se voit réquisitionné et mobilisé par ◀l’▶État : nous assistons à la première en date ◀de▶ toutes ◀les▶ « nationalisations », celle des patriotismes locaux !
Notons au passage que ◀la▶ guerre, qu’elle soit civile ou étrangère, froide ou déclarée, justifie toujours ◀le▶ sacrifice « temporaire » ◀de▶ certaines libertés. Or il n’est presque aucune ◀de▶ ces mesures ◀d’▶urgence, prises par ◀l’▶État, qu’on ait vue rapportée une fois ◀la▶ paix revenue. Ainsi, ◀le▶ mécanisme ◀de▶ ◀l’▶État-nation non seulement conduit à ◀la▶ guerre, mais trouve en elle ◀les▶ conditions du renforcement continuel ◀de▶ son pouvoir.
Mais voici que ◀la▶ guerre nationale menée par ◀les▶ soldats « libérateurs » ◀de▶ ◀la▶ Révolution et ◀de▶ ◀l’▶Empire, loin de faire triompher dans toute ◀l’▶Europe ◀l’▶idéologie unitaire des jacobins, va susciter des nationalismes rivaux. Et c’est dans ◀le▶ pays qui aura subi ◀le▶ plus durement ◀l’▶agression napoléonienne, c’est en Prusse, que ◀la▶ philosophie du nationalisme va se constituer. Hegel est ◀la▶ contrepartie réflexive ◀de▶ Napoléon.
Hegel, conformément à ◀l’▶esprit ◀de▶ Valmy, se représente ◀la▶ nation comme une croisade pour ◀l’▶idée. « Ce ne sont pas ◀les▶ déterminations naturelles ◀de▶ ◀la▶ nation qui lui donnent son caractère, mais c’est son esprit national. » (On voit donc que nation et Patrie diffèrent pour lui comme esprit et nature.) Cet esprit national est « un dans ◀la▶ marche ◀de▶ ◀l’▶Histoire ». Il se fait par sa propre activité, s’épanouit, atteint sa pleine vigueur (surtout en s’opposant, donc par ◀la▶ guerre), puis fatalement décline et meurt. « Chaque peuple mûrit un fruit ; son activité consiste à accomplir son principe, non à en jouir… Chacun a son principe auquel il tend comme à sa fin. Une fois cette fin atteinte, il n’a plus rien à faire dans ◀le▶ monde. » Et encore : « À chaque époque domine ◀le▶ peuple qui incarne ◀le▶ plus haut concept ◀de▶ ◀l’▶Esprit. »
Voici donc ◀les▶ peuples élevés à ◀la▶ dignité ◀d’▶intentions particulières ◀de▶ ◀l’▶esprit mondial, mais en même temps, ◀les▶ voici privés sous peine de « nullité politique » ◀de▶ ◀la▶ permission ◀de▶ vivre en paix, ◀de▶ « végéter », précise Hegel, dans ◀le▶ bonheur et sans histoire. Nous assistons au transfert décisif ◀de▶ ◀l’▶idée ◀de▶ vocation, passant des personnes aux nations.
Mais cet État-nation, une fois doué ◀de▶ toute ◀la▶ personnalité dont il tend à priver ◀les▶ hommes réels, comment va-t-il se comporter dans ◀le▶ monde ? ◀L’▶idéal primitif ◀de▶ ◀la▶ nation, confisqué par ◀l’▶État français, lui-même confisqué par un Corse — patriote humilié et récemment conquis —, a conduit à des guerres ◀d’▶agression. Celles-ci ont fait surgir d’autres nationalismes, qui vont revendiquer à leur tour ◀le▶ droit ◀de▶ dominer ◀l’▶époque, après s’être arrogé (au nom de ◀la▶ liberté) ◀le▶ droit ◀de▶ régner absolument sur leurs sujets. À cette fin, chacun prétendra qu’il incarne « ◀le▶ plus haut concept ◀de▶ ◀l’▶esprit ». Pour ◀la▶ Prusse, ◀l’▶idée ◀de▶ ◀l’▶État définie par Hegel et Fichte. Pour ◀l’▶Angleterre, ◀la▶ maîtrise des mers. Pour ◀la▶ Russie, un messianisme despotique. ◀Les▶ petits pays se borneront à invoquer leurs traditions, leur folklore, ou même leur langue : c’est ainsi qu’on a vu dans notre siècle, ◀la▶ Norvège, ◀la▶ Turquie, ◀l’▶Irlande et Israël se livrer au jeu pénible ◀de▶ restaurer artificiellement leur « langue nationale », parfaitement oubliée depuis longtemps, afin de mieux prouver leur raison ◀d’▶être. Nationalisme ◀de▶ reflet, ◀d’▶imitation, parfois plus proche du vrai patriotisme, mais tout aussi jaloux et même hargneux que celui des grands voisins. Aucun ◀de▶ ces « concepts ◀de▶ ◀l’▶esprit » ne parvenant à s’imposer, aucune nation ne dominera longtemps, mais aucune n’en tirera ◀la▶ conclusion, une fois vaincue, « qu’elle n’a plus rien à faire au monde », comme ◀le▶ disait Hegel. ◀Les▶ guerres seront menées au nom de ◀l’▶esprit national. ◀L’▶Allemand tuera ◀le▶ Français au nom de ◀la▶ « Kultur », ◀le▶ Français, ◀l’▶Allemand, au nom de ◀la▶ « civilisation » ou du « droit », etc. Jusqu’au jour où seront proclamés certains « concepts ◀de▶ ◀l’▶esprit » plus redoutables : encore ◀la▶ « race des maîtres », ◀le▶ « Herrenvolk », ◀le▶ « prolétariat » et sa dictature…
Hegel avait vu juste, objectivement parlant. À partir de Napoléon, ◀les▶ nations ◀de▶ ◀l’▶Europe vont se conduire comme des « individus » sans foi ni loi, au détriment de ◀la▶ grande communauté ◀de▶ civilisation qu’était ◀l’▶Europe. Chacune se dira « souveraine », à ◀l’▶imitation des rois absolus qui n’avaient ◀de▶ comptes à rendre qu’à Dieu seul — mais il n’y a plus ◀de▶ Dieu au-dessus des nations. ◀Le▶ droit divin se traduit donc par ◀le▶ droit ◀de▶ ◀l’▶État ◀le▶ plus fort. Celui-ci ne connaît plus d’autres obligations que ◀les▶ contrats passés avec ses concurrents, alliances ou traités ◀de▶ commerce révoqués dès qu’ils ne payent plus. C’est ainsi qu’une demi-douzaine ◀d’▶« États-gangsters », follement susceptibles, dépourvus ◀de▶ tout scrupule communautaire, main dans ◀la▶ poche, prêts à tirer, vont essayer ◀de▶ faire ◀la▶ loi en Europe. On parlera beaucoup de « concert des nations », et ◀de▶ « droit international », mais il est clair que ces États-nations-Individus rendent tout ordre international impossible en principe et par définition, puisqu’ils n’acceptent aucune instance supérieure à leurs « droits » et limitant leur « absolue souveraineté ». Pendant cent ans, ◀l’▶Europe qui se croit rationnelle vivra sur cette absurdité fondamentale. En 1914, elle en mourra.
Mais comment cette absurdité a-t-elle pu triompher pendant un siècle et plus ? En singeant ◀la▶ religion et son enseignement, en devenant elle-même une source ◀de▶ « sacré ». ◀L’▶Aigle, ◀les▶ Trois Couleurs et ◀le▶ Petit Chapeau jouent au début ◀le▶ rôle du labarum, du crucifix et ◀de▶ ◀la▶ mitre. ◀Les▶ cérémonies viendront plus tard, avec ◀les▶ monuments aux Morts et ◀le▶ culte du Soldat inconnu. Pour ◀la▶ piété et ◀la▶ morale nouvelle, ◀les▶ poètes populaires et ◀l’▶instruction publique obligatoire se chargeront ◀d’▶en rédiger ◀les▶ hymnes et ◀le▶ catéchisme. Cette religion nationale, que ◀l’▶on a comparée très justement au shintoïsme, n’attaquera même pas ◀le▶ christianisme, elle se contentera ◀de▶ ◀l’▶annexer dans ◀les▶ occasions décisives. Lorsqu’un Maurice Barrès célèbre ◀l’▶union « sacrée » ◀de▶ ◀la▶ nation dans laquelle catholiques, protestants et agnostiques « oubliant ce qui ◀les▶ divise » doivent se sentir « Français d’abord », nulle Église ne proteste contre cette subordination méprisante ◀de▶ sa foi à ◀l’▶esprit national. On n’y voit qu’une manière ◀de▶ parler… Et cependant cet esprit national est un dieu bien réel, et que ◀l’▶on croit vraiment, puisqu’il peut exiger ◀le▶ sacrifice ◀de▶ ◀la▶ vie même du citoyen. Mais que nous offre-t-il en échange ◀de▶ nos vies ? Une certaine communion vague et puissante, qui permet à ◀l’▶individu ◀de▶ dépasser son horizon restreint, ◀de▶ s’affranchir ◀de▶ ses soucis privés (en temps ◀de▶ guerre) et ◀de▶ se sentir comme transporté dans une espèce ◀de▶ transcendance. À vrai dire, il s’agit encore ◀d’▶un égoïsme, mais tellement élargi qu’il en devient vertu. On ◀l’▶enseigne dans ◀les▶ écoles sous ◀le▶ nom ◀de▶ « patriotisme ». Il est admis que tout orgueil, toute vanité, et jusqu’aux vantardises ◀les▶ plus stupides deviennent licites et honorables, dès qu’on ◀les▶ met au compte ◀de▶ ◀la▶ nation où ◀l’▶on a pris ◀la▶ peine ◀de▶ naître. Ce que nul n’oserait dire ◀de▶ son moi, il a ◀le▶ devoir sacré ◀de▶ ◀le▶ dire ◀de▶ son nous.
Pourtant, cette religion nationale demeure bien incapable ◀d’▶animer ◀l’▶existence tout entière ◀de▶ ◀l’▶homme. « ◀L’▶orgueil national est loin de ◀la▶ vie quotidienne » remarque Simone Weil. Cette petite phrase dit tout. ◀La▶ nation est un dieu lointain, qui demande beaucoup plus qu’il ne donne, infiniment plus, à ◀l’▶absurde. Principe ◀de▶ haine, plus que ◀d’▶amour, ◀la▶ nation revendique des absolus dont il est manifeste qu’elle est spirituellement indigne et matériellement incapable : celui ◀de▶ ◀la▶ souveraineté sans limites, par exemple, qui est un des attributs ◀de▶ Dieu ; ou celui ◀de▶ ◀l’▶éternité, au mépris ◀de▶ toute vraisemblance. « ◀La▶ France éternelle », « ◀l’▶Allemagne immortelle » sont des expressions courantes en temps ◀de▶ guerre. Cette rhétorique émeut des millions ◀d’▶hommes, qui en oublient du même coup leurs rudiments ◀d’▶Histoire.
Ces contradictions essentielles — entre ◀la▶ souveraineté absolue et ◀l’▶ordre européen, entre ◀l’▶État-nation et ◀la▶ liberté, entre ◀la▶ religion nationale et ◀la▶ foi chrétienne, entre ◀la▶ nation et ◀la▶ paix — ont éclaté en 1914. Et ◀l’▶Europe depuis lors se trouve devant ce choix, dont nous devons ◀la▶ rendre consciente : ou bien aller vers ◀la▶ formule fédéraliste, qui traduit seule notre réalité une et diverse, et cela suppose briser ◀le▶ carcan ◀de▶ ◀l’▶État-nation, recréer des pouvoirs locaux, dévaloriser ◀les▶ frontières ; ou bien il faut aller jusqu’au bout de ◀la▶ logique instituée par ◀les▶ jacobins, et soumettre alors toute ◀l’▶Europe à une nation unique, totalitaire, assumant au mépris des personnes ses prétentions ◀d’▶Église sans Dieu, et réclamant non seulement ◀la▶ mort en masse mais ◀la▶ totalité ◀de▶ ◀la▶ vie des hommes. Voilà ◀le▶ grand dilemme ◀de▶ notre temps.
II. Critique fédéraliste du nationalisme
Appliquons maintenant notre analyse fédéraliste à quelques-uns des éléments du nationalisme choisis parmi ◀les▶ plus typiques et ◀les▶ plus vivants encore dans nos esprits, ou tout au moins dans nos réflexes acquis sur ◀les▶ bancs ◀de▶ ◀l’▶école primaire.
◀La▶ souveraineté nationale, tout d’abord. On a remarqué, lors des débats sur ◀la▶ CED, que ◀les▶ adversaires du traité confondaient sincèrement et réellement ◀les▶ concepts ◀de▶ patrie réelle, ◀de▶ nation et ◀de▶ souveraineté. M. Herriot, par exemple, s’écria solennellement que ◀la▶ CED était « ◀la▶ fin ◀de▶ ◀la▶ France », parce que ◀la▶ CED prétendait limiter ◀la▶ souveraineté ◀de▶ ◀l’▶État dans ◀le▶ domaine militaire. À ses yeux donc, une France non absolument et totalement souveraine n’était plus ◀la▶ France. ◀La▶ seule évocation ◀d’▶une atteinte possible à ◀la▶ souveraineté absolue lui paraissait suffisante pour trancher ◀le▶ débat. Vouloir limiter ◀la▶ souveraineté, c’était évidemment trahir, attenter à ◀l’▶honneur du pays ; c’était se déclarer cyniquement antifrançais. Tout se passe donc comme si, en touchant à ◀la▶ souveraineté, on touchait au Sacré. ◀Le▶ très laïque M. Herriot est en réalité un fanatique ◀de▶ ◀la▶ religion ◀de▶ ◀la▶ nation. S’il n’était pas aveuglé par ◀la▶ superstition jacobine, il verrait comme nous tous que ◀la▶ souveraineté absolue n’est qu’un mythe, inventé par ◀les▶ prêtres ◀de▶ ◀la▶ nation dans ◀le▶ dessein ◀d’▶asservir ◀les▶ esprits à ◀l’▶État. ◀La▶ souveraineté absolue n’existe pas, et cependant ◀la▶ France existe bel et bien.
On a défini ◀la▶ souveraineté comme « ◀la▶ faculté pour un État ◀d’▶agir à sa guise, tant à ◀l’▶intérieur qu’à ◀l’▶extérieur, dans ◀les▶ limites posées par ◀le▶ droit applicable à chaque domaine ». Or il n’est pas un seul État européen qui, ◀de▶ nos jours, ait conservé ◀la▶ faculté ◀d’▶agir à sa guise à ◀l’▶extérieur. Il n’en est pas un seul qui soit capable ◀de▶ déclarer ◀la▶ guerre ou ◀de▶ conclure ◀la▶ paix comme il ◀l’▶entend, ◀d’▶assurer seul sa prospérité, ◀de▶ se défendre seul pendant plus ◀de▶ quelques heures contre une attaque des Russes ou des Américains, bref ◀de▶ vivre en vase clos ou ◀de▶ jouer au pirate. Ces limites décisives à ◀la▶ souveraineté ne sont point posées par ◀le▶ droit, mais par ◀les▶ circonstances réelles du siècle, techniques, économiques et politiques. Il en résulte que ◀la▶ souveraineté nationale, vis-à-vis de ◀l’▶extérieur, n’a plus ◀d’▶autre existence que celle ◀d’▶une illusion pseudo-religieuse et obsessive. Où ◀la▶ voit-on à ◀l’▶œuvre ? Non pas dans ◀les▶ faits, mais seulement dans ◀les▶ discours des adversaires ◀de▶ ◀la▶ CED ou ◀de▶ toute autre forme ◀d’▶organisation ◀de▶ ◀l’▶Europe. Non pas comme une réalité, mais bien comme un prétexte à refuser ◀les▶ évidences. Refoulée du domaine des forces réelles et des pouvoirs concrets, elle est devenue ◀le▶ réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies ◀de▶ gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités ◀d’▶une Histoire faussée par ◀l’▶école, agressivité frustrée, et surtout angoisse ◀de▶ perdre son identité. Elle a donc pris ◀les▶ caractères cliniques ◀d’▶un complexe. ◀D’▶où ◀la▶ difficulté, pour ceux qui en sont victimes, ◀de▶ s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même ◀de▶ ◀les▶ apercevoir. ◀D’▶où ◀la▶ prise qu’ils offrent aux manœuvres ◀les▶ plus grossières du communisme, jouant sur leur affectivité inquiète comme Iago sur ◀la▶ jalousie ◀d’▶Othello. ◀D’▶où enfin, ◀l’▶extrême confusion et ◀les▶ éclats ◀de▶ passion saugrenus qui caractérisent ◀les▶ polémiques sur ◀la▶ souveraineté nationale.
◀Le▶ fédéraliste ne peut donc adopter, devant ◀la▶ croyance à ◀la▶ souveraineté nationale absolue, qu’une attitude ◀de▶ scepticisme intégral, tempérée par un souci ◀de▶ clinicien : ◀le▶ nationaliste, en effet, n’est pas simplement un homme qui a tort, ou qui persiste méchamment dans son erreur. C’est bien plutôt un homme qui souffre ◀de▶ ◀la▶ crainte morbide ◀de▶ perdre une puissance magique qui n’existe pas ! Il s’agit beaucoup moins ◀de▶ ◀le▶ réfuter que ◀d’▶éviter ◀d’▶exciter sa névrose. Nous reviendrons sur ◀les▶ conséquences à tirer ◀de▶ ce diagnostic.
Un autre élément du nationalisme profondément induré dans ◀les▶ esprits, depuis quatre ou cinq générations, par ◀les▶ soins ◀de▶ ◀l’▶instruction publique, c’est ◀la▶ confusion établie entre « Patrie », « État », « Nation » et « Langue ».
◀La▶ Patrie, pour ◀le▶ fédéraliste, est une réalité ◀d’▶instinct et ◀de▶ sentiment, un fait ◀de▶ naissance, comme ◀le▶ mot ◀l’▶indique, une implantation géophysique, locale et peu extensible.
◀La▶ Nation, au contraire, est une réalité idéale ou idéologique. ◀D’▶où ◀la▶ différence foncière que voici : on peut annexer des peuples à une nation, des territoires à un État, mais on ne peut rien annexer à une Patrie.
Ensuite, ◀l’▶État est une structure administrative et politique, artificielle par définition, rarement influencée et jamais déterminée par ◀la▶ nature ◀de▶ ◀la▶ patrie concrète, encore moins par ses limites naturelles. Il suffit ◀de▶ constater que ◀la▶ forme ◀de▶ ◀l’▶État est à peu près ◀la▶ même ◀de▶ nos jours dans ◀les▶ patries et ◀les▶ nations ◀les▶ plus diverses. D’autre part, ◀l’▶État n’entretient avec ◀la▶ nation que ◀les▶ rapports ◀d’▶usurpation et ◀de▶ confiscation que j’indiquais plus haut.
Quant à ◀la▶ Langue, elle ne correspond historiquement et géographiquement ni à ◀la▶ Patrie, ni à ◀la▶ Nation, ni à ◀l’▶État. Ces évidences accablantes n’empêchent pas ◀le▶ nationaliste moyen ◀de▶ revendiquer ◀l’▶annexion à son État, au nom de son propre sentiment patriotique, ◀de▶ peuples qui ont ◀l’▶honneur ◀de▶ parler sa langue, quand celle-ci se trouve être celle ◀d’▶une majorité dans ◀les▶ frontières actuelles ◀de▶ ◀l’▶État en question.
◀La▶ confusion Patrie-État-nation-Langue, résultat ◀d’▶une ignorance crasse, sévit dans plusieurs chapitres des traités ◀de▶ Versailles, Trianon et Saint-Germain, pour ne citer que ceux-là. Elle sert ◀de▶ prétexte au premier nigaud venu pour mettre en doute ◀la▶ possibilité ◀d’▶une Europe unie. Dissocier ce conglomérat monstrueux, réfuter cette confusion séculaire, ◀la▶ ridiculiser et ◀l’▶extirper ◀de▶ ◀l’▶enseignement, voilà qui me paraît l’une des toutes premières tâches du fédéralisme appliqué à ◀l’▶Europe.
Mais ◀le▶ nationalisme, si incroyable que cela paraisse, a poussé plus loin dans ◀l’▶absurde. Non content de prétendre forcer dans ◀le▶ lit ◀de▶ Procuste des mêmes frontières administratives, patries locales, nation et langue, il a voulu imposer ce carcan aux réalités économiques. C’est ainsi que ◀le▶ charbon est devenu français ou allemand selon qu’il se trouvait ◀d’▶un côté ou ◀de▶ l’autre ◀de▶ ◀la▶ frontière linguistique, idéalement prolongée dans ◀le▶ sous-sol muet.
◀La▶ tendance à ◀l’▶autarcie économique n’est qu’une transposition particulièrement insensée ◀de▶ ◀la▶ volonté ◀d’▶isolement à la fois anxieux et agressif que représente ◀l’▶État-nation. Nulle part, ◀l’▶État ne trahit mieux que dans ce domaine son mépris foncier des hommes. Car ◀l’▶autarcie implique que ◀le▶ bien-être des hommes soit sacrifié à ◀la▶ puissance ◀de▶ ◀l’▶État, et leurs libertés concrètes à sa liberté abstraite, qu’il nomme indépendance nationale. ◀Le▶ nationalisme a réussi à faire croire aux masses et aux élites modernes que ◀l’▶indépendance nationale est ◀la▶ suprême valeur humaine, puisqu’en fait on lui sacrifie ◀la▶ santé ◀d’▶un pays et son niveau de vie, ◀la▶ liberté économique et ◀la▶ justice elle-même. « Buy british ! », « Achetez français ! ». Cela rend un son patriotique et vertueux (au sens jacobin). C’est pratiquement idiot, mais on ne s’en aperçoit que si c’est dit dans une langue étrangère, ou par un lointain Mossadegh, ruinant son peuple au nom de ◀l’▶indépendance. Ajoutons que ◀l’▶autarcie économique est irréalisable au xxe siècle, et n’existe pas, même en URSS. Tout comme ◀la▶ souveraineté absolue, elle ne représente rien ◀d’▶autre qu’une tendance psychologique morbide, un prétexte à refuser toute mesure réaliste ◀de▶ coopération et à autoriser ◀les▶ tricheries ◀les▶ plus effrontées dans ◀le▶ domaine commercial et financier : tarifs douaniers arbitraires, industries parasites protégées, cours forcés des devises, inflations et dévaluations, et autres formes légalisées mais non moins démoralisantes du vol à main armée.
Enfin, ◀l’▶État-nation, ayant renoncé au cujus regio, ejus religio, non par esprit œcuménique mais par mépris pour ◀la▶ religion, ◀l’▶a remplacé par ◀le▶ concept ◀de▶ « culture nationale ». On prétend que ◀les▶ idées ne connaissent pas ◀de▶ frontières, mais ◀l’▶instruction publique a changé cela. (Et ◀l’▶Université, en dépit de son nom, a pareillement abdiqué devant ◀l’▶État.) Au « Buy british ! » répond ◀le▶ « Pensez français ! » (ou pensez allemand, ou même suisse). ◀Les▶ encyclopédies et ◀les▶ revues parlent couramment ◀de▶ « science française », ◀de▶ « science allemande », etc. (variétés que ◀les▶ Soviets englobent d’ailleurs sous ◀le▶ titre diffamant ◀de▶ « science bourgeoise »). Sous Hitler, on parlait également ◀de▶ mathématiques allemandes, et sous Staline, ◀d’▶une biologie marxiste. Ces excès doivent nous rendre attentifs à ◀l’▶usage courant qu’ils prolongent. Si nous croyons qu’il est une « culture nationale », française ou danoise, par exemple, comme ◀la▶ culture comprend en fait ◀les▶ sciences aussi bien que ◀les▶ lettres, ◀les▶ arts et ◀la▶ philosophie, pourquoi n’y aurait-il pas une biologie soviétique et une algèbre allemande ? Ce que ◀l’▶on donne au nationalisme, chez nous, au nom de quoi ◀le▶ refuserait-on ailleurs à des systèmes qui ne s’en distinguent nullement par ◀les▶ principes, mais uniquement par une plus grande rigueur ?
◀La▶ volonté fondamentale ◀de▶ ◀l’▶État-nation : imposer ◀les▶ mêmes frontières au patriotisme, à ◀l’▶administration, à ◀la▶ langue, à ◀l’▶économie, et à ◀la▶ culture, nous jette donc finalement en plein délire totalitaire, seul achèvement possible du nationalisme. Et ceci nous permet, par contraste, ◀de▶ décrire ◀l’▶attitude fédéraliste comme un simple retour au respect des libertés et des réalités, comme une référence au bon sens.
III. Deux modes ◀de▶ penser
Il y a dans notre Europe du xxe siècle, deux types ◀d’▶esprit et ◀de▶ sensibilité politique : ◀les▶ nationalistes (dont ◀les▶ plus conséquents se nomment totalitaires) et ◀les▶ fédéralistes. Quelles ont été ◀les▶ manifestations que ◀l’▶on peut rapporter sans conteste à l’un ou l’autre ◀de▶ ces types ◀d’▶esprit, dans ◀le▶ passé récent ◀de▶ ◀l’▶Occident ?
◀Le▶ nationalisme a représenté au xixe siècle ◀le▶ seul principe ◀de▶ communion civique qui ait survécu au raz-de-marée rationaliste et jacobin ; et aussi ◀l’▶agent principal ◀de▶ ◀l’▶expansion européenne. Ce sont en effet ◀les▶ États-nations, et non pas ◀l’▶Europe comme telle, qui ont conquis des débouchés à nos produits matériels et culturels, en Asie et en Afrique, par ◀le▶ moyen du colonialisme. Mais dans ◀le▶ même temps qu’il portait à son apogée ◀la▶ puissance mondiale des Européens, ◀le▶ nationalisme développait ◀les▶ germes ◀de▶ notre décadence.
D’une part, chez ◀les▶ peuples lointains qu’il venait de coloniser et ◀d’▶humilier, il suscitait un esprit ◀de▶ révolte et ◀d’▶« indépendance nationale » qui allait se dresser contre lui au nom de ses propres principes, tout comme ◀la▶ Prusse s’était dressée contre ◀la▶ France impérialiste.
D’autre part, il épuisait ◀l’▶Europe en y provoquant des guerres de plus en plus totales, à mesure qu’il se faisait lui-même de plus en plus totalitaire. Si ◀l’▶Europe, entre 1914 et 1954, a connu ◀la▶ décadence rapide, ◀la▶ chute ◀de▶ potentiel, ◀le▶ recul mondial que ◀l’▶on sait, elle ◀le▶ doit, à un double titre, au nationalisme : à celui qu’elle a suscité contre elle au-dehors, à celui qu’elle a pratiqué au-dedans.
En revanche, ◀le▶ fédéralisme a produit deux témoignages exemplaires ◀de▶ sa vitalité : ◀les▶ USA et ◀la▶ Suisse. Ces deux pays ont été à la fois ◀les▶ plus prospères et ◀les▶ plus pacifiques ◀de▶ ◀l’▶ère moderne : ils n’ont provoqué aucune guerre. Toutes ◀les▶ dernières guerres, sans aucune exception, ont été déclarées par ◀les▶ pays où régnait sans conteste ◀la▶ religion nationaliste et ses dogmes unitaires, absorbant et dénaturant ◀le▶ sentiment patriotique. Aux yeux de ◀l’▶Histoire, ◀la▶ cause paraît jugée. Qu’en est-il au regard de ◀l’▶avenir ?
◀Le▶ nationalisme apparaît en pleine contradiction avec ◀l’▶évolution technique du xxe siècle, et avec ◀les▶ intérêts majeurs ◀de▶ ◀l’▶Europe, tant spirituels que matériels. En s’opposant à ◀l’▶ouverture indispensable ◀d’▶un grand marché continental, il entretient dans ◀les▶ pays protectionnistes une économie malsaine, de plus en plus inapte à soutenir ◀la▶ concurrence des voisins et des autres continents. ◀Les▶ conquêtes techniques du siècle, ◀l’▶énergie électrique puis atomique, ◀l’▶aviation, ◀la▶ radio, ◀les▶ armes nouvelles, échappent à tous égards aux cadres nationaux, et cela par leur nature, ou par leur portée, ou par leur coût ◀de▶ production, ou enfin par ◀les▶ échanges que ces techniques multiplient sans limites entre ◀les▶ hommes, dans ◀la▶ plus parfaite indifférence aux frontières des États-nations.
◀Le▶ nationalisme n’est donc pas seulement une dernière résistance que ◀le▶ sentiment patriotique dénaturé et ◀l’▶égoïsme politique mal compris opposent à ◀l’▶union ◀de▶ ◀l’▶Europe ; il est devenu au surplus une forme ◀de▶ pensée réactionnaire, un système ◀de▶ références démodé et rétrograde, et cela un siècle et demi seulement après son apparition révolutionnaire dans notre Histoire.
À ◀l’▶inverse, ◀le▶ fédéralisme se trouve en pleine consonance avec ◀l’▶évolution technique et ◀les▶ nouvelles formes ◀de▶ ◀la▶ pensée scientifique. ◀La▶ pensée fédéraliste, en effet, se représente ◀la▶ société européenne comme une constellation ◀de▶ foyers créateurs, non comme un puzzle formé ◀de▶ pièces rigides et définies d’abord par leur contour. Elle conçoit ◀les▶ rapports humains et politiques comme un complexe ◀de▶ tensions normales entre des pôles opposés mais valables, non comme ◀la▶ juxtaposition ◀de▶ monades ou ◀d’▶autarcies qui ne cessent ◀de▶ s’ignorer que pour s’entrechoquer brutalement. Nos coutumes et nos styles contrastés, nos confessions rivales et nos systèmes philosophiques en perpétuelle polémique ne lui apparaissent pas comme autant ◀de▶ contradictions insupportables, qu’il faut tenter ◀de▶ réduire à ◀l’▶uniformité si ◀l’▶on ne peut ◀les▶ isoler par des cloisons étanches, mais comme autant ◀de▶ valeurs « complémentaires », dont ◀le▶ dialogue fait ◀la▶ richesse ◀de▶ ◀l’▶Occident. Or nous voyons que ◀la▶ science actuelle pense également par champs ◀de▶ forces en interaction, non par entités statiques, et qu’elle a substitué au principe ◀de▶ non-contradiction qui bloquait ◀le▶ progrès des sciences physiques, ◀le▶ principe ◀de▶ complémentarité. Qu’il s’agisse ◀de▶ ◀la▶ théorie des jeux appliquée par von Neumann à ◀la▶ politique et à ◀l’▶économie, ou ◀de▶ ◀l’▶organisation technique des entreprises, ◀la▶ science actuelle dépasse ◀la▶ logique des incompatibles en s’appliquant à ◀la▶ recherche des optima. Or cette méthode est typiquement fédéraliste, puisqu’elle consiste à rechercher ◀le▶ meilleur équilibre « en tension » ◀de▶ deux groupes différents, sauvegardant ◀de▶ ◀la▶ sorte à la fois leur individualité et leur relation créatrice. Il serait bien utile ◀de▶ prolonger ce parallèle dans ◀le▶ domaine ◀de▶ ◀la▶ biologie et ◀de▶ ◀la▶ psychologie : je ◀le▶ suggère à des esprits plus compétents.
J’entendais simplement marquer cette convergence : ◀le▶ fédéralisme correspond à une vision du monde qui est précisément celle que ◀la▶ science moderne a conçue ; et il suppose un monde ◀de▶ relations libres et décentralisées qui est précisément celui que ◀la▶ technique moderne rend habitable.
Mais il y a plus. ◀Le▶ fédéralisme n’est pas seulement en prise avec ◀l’▶époque, si je puis dire, il est aussi dans ◀le▶ droit fil des traditions ◀les▶ plus fécondes ◀de▶ ◀l’▶Occident.
On sait que ◀l’▶Orient et ◀l’▶Occident s’opposent comme ◀le▶ monisme et ◀le▶ pluralisme. ◀Le▶ pluralisme des allégeances politiques et spirituelles a toujours été ◀la▶ condition des libertés personnelles en Europe. Mais c’est aussi ◀le▶ principe vivant du fédéralisme. Être ◀d’▶une patrie locale en tant qu’on y est né, mais ◀d’▶une religion universelle en tant qu’on y croit ; se rattacher par ◀la▶ langue à une communauté plus vaste que ◀l’▶État dont on est ◀le▶ citoyen ; pouvoir au surplus s’affilier à une telle école ◀de▶ pensée, ◀d’▶art ou ◀de▶ doctrine politique, proche ou lointaine dans ◀le▶ temps ou ◀l’▶espace, selon ses goûts et sa vocation, c’est pratiquer ◀l’▶éthique et ◀la▶ liberté fédéralistes. ◀Le▶ nationaliste n’y voit qu’une dispersion qui ◀l’▶angoisse et où il craint ◀de▶ perdre son identité. ◀Le▶ fédéraliste au contraire y voit une possibilité ◀d’▶enrichissement ◀de▶ ◀la▶ personne. (J’ai souvent défini ◀la▶ liberté comme ◀le▶ droit ◀d’▶appartenir à plusieurs clubs !) Ce pluralisme redouté par ◀le▶ nationaliste, interdit par ◀le▶ totalitaire, est ◀le▶ secret des pouvoirs créateurs et ◀de▶ ◀la▶ santé mentale ◀de▶ ◀l’▶Occident.
Enfin, je rappellerai que ◀le▶ fédéralisme est dans ◀la▶ ligne ◀de▶ ◀la▶ pensée chrétienne, alors que ◀le▶ nationalisme est foncièrement païen, idolâtre et antichrétien. ◀L’▶idée même ◀de▶ nation est étrangère au dogme et à ◀la▶ foi chrétienne. ◀Le▶ Christ est mort pour ◀le▶ salut des hommes personnels, non pour ◀le▶ salut des nations ou des collectivités. ◀Les▶ plus grands penseurs politiques du catholicisme et du calvinisme sont unanimes à condamner ◀le▶ nationalisme au nom de leur foi, et à préconiser en revanche une organisation personnaliste et fédéraliste ◀de▶ ◀la▶ société et ◀de▶ ◀la▶ communauté des peuples.
Là encore, ◀la▶ cause est jugée. ◀L’▶Histoire, ◀la▶ science et ◀la▶ théologie, ◀le▶ progrès et ◀la▶ tradition sont du côté de ◀la▶ pensée fédéraliste, et condamnent sans appel ◀le▶ mythe nationaliste, destructeur ◀de▶ ◀l’▶Europe et ◀de▶ sa paix.
IV. Stratégie et tactique du fédéralisme
Et cependant, il nous faut bien admettre que ces nationalistes condamnés en principe, et qui se trompent radicalement, sont encore là, sont même, en fait, plus nombreux que nous en Europe. Il nous faut faire ◀l’▶Europe en dépit d’eux, mais nous ne pouvons ◀la▶ faire sans eux. Voilà ◀le▶ problème concret qui se pose aujourd’hui.
◀Les▶ nationalistes ont sur nous ◀les▶ avantages du nombre, ◀d’▶une routine centenaire (qu’ils prennent à tort pour ◀la▶ tradition), du sentimentalisme cocardier, encore si puissant sur ◀les▶ foules, et ◀de▶ ◀l’▶appui ◀d’▶intérêts privés décidés à payer ce qu’il faut. Mais nous avons sur eux ◀l’▶avantage important ◀de▶ défendre une cause qu’ils n’osent pas attaquer : celle ◀de▶ ◀l’▶union européenne.
Il est clair que tous ◀les▶ obstacles à cette union viennent de ◀l’▶esprit nationaliste, jacobin et paratotalitaire. Mais il est clair aussi que ◀les▶ nationalistes n’osent pas se déclarer contre ◀l’▶union. Ils ◀la▶ sabotent, en fait, sous différents prétextes, mais ils lui rendent ◀l’▶hommage ◀d’▶une adhésion ◀de▶ principe. M. Herriot est l’un ◀de▶ ces hommages que ◀le▶ nationalisme rend à ◀l’▶Europe unie. Et M. Molotov lui-même propose un plan…
Certes, on ne peut espérer faire ◀l’▶Europe qu’en appliquant ◀le▶ fédéralisme, c’est-à-dire en tenant compte à chaque pas ◀de▶ cette double nécessité : instituer une union réelle, sauvegarder nos diversités. Sans union, ◀l’▶Europe disparaît, annexée ou colonisée. Mais si ◀l’▶on opprime ses diversités, ◀l’▶Europe cesse ◀d’▶être elle-même. Ces deux exigences, bien moins contradictoires que « complémentaires », commandent ◀la▶ stratégie fédéraliste. Quant à ◀la▶ tactique, elle doit tenir compte du fait que nous ne sommes pas seuls en Europe, et que ◀les▶ nationalistes ne cesseront pas ◀de▶ sitôt ◀d’▶opposer leurs « solutions ◀de▶ rechange » à notre volonté constructive. Quelles seront ◀les▶ maximes ◀de▶ notre lutte, dans cette situation ◀de▶ fait ?
J’envisagerai trois exemples typiques, l’un concernant ◀la▶ politique, le second ◀l’▶économie, le troisième ◀la▶ culture.
1° — Il y a d’abord ◀la▶ fameuse querelle ◀de▶ ◀la▶ souveraineté nationale. Faut-il ◀la▶ sacrifier ? Suffit-il ◀de▶ ◀la▶ limiter ? Ou bien peut-on ◀la▶ conserver tout en faisant ◀l’▶Europe ? Certains nationalistes, comme M. Herriot, nous disent qu’ils veulent bien ◀d’▶une Europe unie, à condition qu’elle respecte ◀les▶ souverainetés nationales. Ce qui revient à dire : « Je veux bien me marier, mais à condition de rester célibataire ! » Logiquement, cette attitude est absurde ; pratiquement, elle conduit à refuser toute proposition concrète ◀d’▶union — on vient de ◀le▶ voir par ◀le▶ rejet ◀de▶ ◀la▶ CED.
Ceci dit, ◀les▶ fédéralistes doivent-ils engager ◀la▶ bataille sur ◀le▶ thème ◀de▶ « ◀l’▶abandon des souverainetés » ? Je ne ◀le▶ crois pas, pour deux raisons. La première, c’est que ◀la▶ souveraineté nationale est encore un mythe puissamment agissant sur ◀les▶ primaires ◀de▶ ◀la▶ presse, des parlements, et ◀de▶ tous ◀les▶ degrés ◀de▶ ◀l’▶enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque une opposition passionnelle qui met fin à tout dialogue raisonnable. La seconde raison, c’est que ◀les▶ souverainetés nationales n’existent plus, comme je ◀l’▶ai rappelé tout à ◀l’▶heure.
J’estime donc que ◀les▶ fédéralistes doivent refuser ◀le▶ faux dilemme : souveraineté ou fédération. Et sur ◀la▶ base ◀d’▶une expérience historique probante, je leur propose une solution pratique.
Parmi ◀les▶ fédérations réussies, on peut citer ◀la▶ Suisse sans soulever ◀d’▶objections. Chacun sait que son régime politique est l’un des plus stables du monde, depuis un siècle. Ce que ◀l’▶on sait moins, c’est ◀la▶ manière dont ce régime fédéraliste parvint à se faire accepter par ◀les▶ 22 cantons qui étaient encore, au début ◀de▶ 1848, des États parfaitement souverains. Tout le monde admettait, à ce moment, que ◀les▶ alliances qui existaient depuis des siècles entre ◀les▶ cantons souverains étaient trop lâches : elles ne permettaient pas une défense commune efficace. Tout le monde admettait que ◀les▶ cordons douaniers séparant ◀les▶ cantons étouffaient ◀l’▶économie. Mais toute proposition ◀de▶ pacte fédéral plus étroit se heurtait au veto des cantons, jaloux ◀de▶ leur souveraineté sacrée. ◀La▶ solution qui s’imposa finalement, au lendemain ◀de▶ ◀la▶ guerre civile dite du Sonderbund (1847), fut ◀la▶ suivante : loin ◀d’▶exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, ◀la▶ Constitution suisse ◀de▶ 1848 garantit expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle en délègue partiellement ◀l’▶exercice au pouvoir fédéral. Voici ◀les▶ textes :
Article premier. — ◀Les▶ peuples des vingt-deux cantons souverains ◀de▶ ◀la▶ Suisse, unis par ◀la▶ présente alliance… forment dans leur ensemble ◀la▶ Confédération suisse.
Article 3. — ◀Les▶ cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par ◀la▶ constitution fédérale, et comme tels, ils exercent tous ◀les▶ droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral.
Article 5. — ◀La▶ Confédération garantit aux cantons leur territoire, ◀la▶ souveraineté dans ◀les▶ limites fixées par ◀l’▶article 3, leurs constitutions, ◀la▶ liberté et ◀les▶ droits du peuple… (etc.)
Ratifiés par ◀la▶ majorité du peuple et des cantons, ces articles ont résolu ◀le▶ problème à ◀la▶ satisfaction générale depuis cent-six ans. On peut ◀les▶ qualifier soit ◀d’▶habile compromis, soit ◀d’▶échappatoire, selon qu’on a ◀le▶ tempérament pragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’est pas ◀de▶ constitution plus fédéraliste que celle ◀de▶ ◀la▶ Suisse, et pourtant elle garantit ◀la▶ souveraineté ◀de▶ ses membres ! Souveraineté plus ou moins fictive, direz-vous ? Raison de plus pour ne point s’épuiser à ◀la▶ combattre. Laissant aux nationalistes un terme vide, ◀la▶ Constitution suisse a gardé ◀le▶ concret : elle a créé une souveraineté nouvelle et bien réelle au niveau de ◀la▶ fédération. Tout cela me paraît plein ◀d’▶enseignements pour ◀l’▶Europe ◀d’▶aujourd’hui. Tout cela nous indique une voie : nous devons désormais concentrer nos efforts sur ◀la▶ mise en discussion et sur ◀la▶ ratification ◀d’▶une Constitution fédérale ◀de▶ ◀l’▶Europe, afin que ◀l’▶Europe recouvre, entre ◀les▶ grands empires, une souveraineté qui échappe ◀de▶ toute manière à ses nations.
Nous savons bien comment vont réagir ◀les▶ nationalistes. Là encore, ils vont soulever une controverse purement verbale. Ils vont réclamer, au lieu de ◀la▶ fédération, une simple confédération, croyant dissimuler derrière ce petit préfixe leur qualité ◀d’▶adversaires réels ◀de▶ ◀l’▶union. Mais là encore, je demande que ◀les▶ fédéralistes refusent ◀de▶ se battre pour des mots trompeurs. C’est ◀le▶ contenu et ◀la▶ visée fédéraliste du traité, non pas son étiquette, qui nous importent. Rappelons-nous que ◀la▶ Suisse elle-même s’intitule Confédération ! Eh bien, si ◀l’▶on nous fait une Europe aussi réellement fédéraliste que ◀la▶ Suisse, on pourra ◀la▶ nommer comme on voudra, Confédération, Alliance, ou même Ligue pour ◀la▶ protection des nationalismes intégraux, — je serai content.
2° — Dans ◀le▶ domaine économique, également, cherchons ◀la▶ réalité derrière ◀les▶ étiquettes. ◀Le▶ fédéralisme n’est pas plus libéral que planificateur, et il doit refuser ce faux dilemme, pour ◀la▶ même raison qu’il refuse ◀de▶ choisir entre ◀les▶ autonomies régionales absolues et ◀l’▶unification forcée. Politiquement, ◀le▶ fédéralisme est une manière souple et sans cesse réajustée ◀de▶ distinguer entre ce qui doit être mis en commun pour mieux fonctionner, et ce qui doit rester autonome pour mieux vivre et créer. Économiquement, cela se traduit par ◀la▶ dichotomie qu’ont préconisée Robert Aron et Arnaud Dandieu, méthode qui consiste à distinguer dans ◀les▶ activités humaines ◀la▶ part des automatismes nécessaires et celle ◀de▶ ◀l’▶invention libre, ◀la▶ part des fonctions étatiques collectivisées et celle des risques personnels.
◀Les▶ nationalistes, incapables ◀de▶ nier ◀la▶ nécessité ◀d’▶une coopération continentale, ne proposent que des marchandages entre autarcies nationales un peu améliorées et assouplies. Nous demandons au contraire des services fédéraux organisant toutes ◀les▶ activités ◀de▶ production, ◀d’▶investissement et ◀de▶ transport qui, par nature, débordent ◀la▶ capacité ◀d’▶un seul pays ; et nous demandons ◀la▶ libération correspondante ou complémentaire des entreprises dont ◀l’▶optimum ◀de▶ production reste local ou régional. Ici, comme sur le plan des structures politiques, ◀le▶ fédéralisme va du local à ◀l’▶européen, non point du national à ◀l’▶international.
Je ne puis ici qu’indiquer sommairement cette direction ◀de▶ recherches économiques. Mais je tenais à marquer son articulation solide avec ◀les▶ nécessités du siècle d’une part, et avec nos conceptions fédéralistes et personnalistes d’autre part.
3° — Deux mots enfin sur ◀le▶ problème ◀de▶ ◀la▶ culture.
Il est une phrase que je retrouve dans tous ◀les▶ plans et projets « culturels » élaborés par ◀les▶ États, par ◀l’▶Unesco, et même par Strasbourg : il s’agit, nous dit-on, « ◀d’▶organiser des échanges culturels entre nations ». Une sensibilité fédéraliste s’irrite immédiatement à ce langage, révélateur des plus dangereux réflexes nationalistes.
S’il existait vraiment des cultures nationales, il y aurait intérêt à favoriser leurs échanges. Mais notre culture occidentale n’a jamais coïncidé avec ◀les▶ frontières ◀de▶ nos États actuels, pour ◀l’▶excellente raison qu’elle existait bien avant eux. Elle a précédé ◀de▶ mille à deux-mille ans ◀la▶ tentative ◀de▶ morceler notre héritage commun en « cultures nationales », tentative barbare et d’ailleurs avortée, qui n’a guère qu’un siècle et demi ◀d’▶âge en France, moins ◀d’▶un demi-siècle en Norvège, quelques dizaines ◀d’▶années en Turquie et en Irlande. Jamais ◀la▶ culture en Europe ne s’est développée par des échanges contrôlés et officiels ◀de▶ nation à nation. Elle est née dans des foyers locaux qui ne correspondent à aucun ◀de▶ nos États-nations — ◀la▶ Lombardie, ◀l’▶Ombrie, ◀les▶ Flandres, ◀la▶ Rhénanie, ◀la▶ Bourgogne, ◀le▶ Languedoc par exemple, puis Florence ou Paris, Bâle ou Oxford. Elle s’est propagée librement ◀de▶ l’un à l’autre de ces foyers. Et grâce à cette interaction perpétuelle, toutes ses formes nous sont communes, qu’il s’agisse ◀de▶ ◀la▶ symphonie ou du concerto, du roman ou du sonnet, ◀de▶ ◀l’▶équation ou ◀de▶ ◀la▶ théorie des groupes, ◀de▶ ◀la▶ fresque ou du tableau ◀de▶ chevalet, du vocabulaire ou des catégories philosophiques, et en général ◀de▶ toutes ◀les▶ théories et procédés scientifiques.
À quoi servirait, dès lors, ◀de▶ « multiplier ◀les▶ échanges culturels » comme on dit, entre ◀la▶ Suède et ◀l’▶Espagne, par exemple ? Faire connaître aux Espagnols des œuvres d’art en tant que suédoises ne présente qu’un médiocre intérêt. Ce n’est pas en tant qu’Italien que Raphaël m’intéresse, ni Shakespeare en tant qu’Anglais. Et je ne suis pas du tout sûr qu’il faille « apprendre à nos peuples à se mieux connaître » par ◀le▶ truchement ◀d’▶œuvres d’art nées sur leur territoire actuel. ◀Les▶ artistes ◀les▶ plus typiques ◀de▶ ◀l’▶esprit national ◀d’▶un peuple sont en général ◀les▶ plus mauvais. Ce n’est pas Mallarmé, ni Renoir, c’est Déroulède et Detaille qui représentent valablement la Troisième République comme telle. Et ◀les▶ peuples ont bien moins besoin ◀de▶ se connaître personnellement que ◀d’▶être enfin débarrassés ◀de▶ ◀l’▶enseignement nationaliste, qui leur inculque dès ◀l’▶enfance ◀la▶ méfiance et ◀la▶ haine ◀de▶ leurs voisins.
Il résulte ◀de▶ ces brèves remarques que préconiser comme on fait des échanges culturels ◀de▶ nation à nation, c’est essayer ◀de▶ consolider ◀les▶ mythes nationalistes, c’est reconnaître aux États ◀le▶ droit ◀d’▶élever ou ◀d’▶abaisser des obstacles arbitraires à ◀la▶ circulation des idées et des œuvres, c’est donc aller diamétralement à l’encontre du but allégué.
Seule une Europe fédéraliste peut résoudre, en ◀le▶ supprimant, ◀le▶ problème mal posé des échanges culturels. ◀La▶ culture est par essence un phénomène ◀d’▶échanges libres ; elle meurt ◀d’▶être enfermée dans des cadres administratifs ou nationaux ; et ce n’est pas une libération surveillée des échanges ◀de▶ prison à prison que nous devons exiger mais ◀l’▶élargissement immédiat et sans condition du prévenu — j’entends : ◀la▶ suppression totale des mesures ◀de▶ discrimination nationales et des barrières douanières imposées à ◀la▶ vie culturelle ◀de▶ ◀l’▶Europe et à ses produits. ◀Les▶ États — et demain ◀le▶ Pouvoir fédéral européen — n’ont qu’un moyen ◀d’▶aider ◀la▶ culture : c’est ◀d’▶offrir à ceux qui ◀la▶ créent et ◀la▶ transmettent ◀les▶ moyens ◀de▶ vivre décemment. Et quant à ceux qui feignent ◀de▶ redouter que ◀la▶ suppression des frontières « culturelles » entraîne un affreux mélange ◀de▶ nos vertus et caractères nationaux, nous leur dirons : qu’est-ce que votre « génie national » s’il a besoin ◀d’▶être entouré par des douaniers pour ne pas se perdre ?
Conclusions
J’ai tenté par ces quelques exemples, ◀de▶ montrer comment ◀l’▶analyse fédéraliste, en même temps qu’elle rend compte des causes nationalistes ◀de▶ ◀la▶ décadence ◀de▶ ◀l’▶Europe, dégage ◀les▶ principes ◀d’▶une méthode et ◀les▶ maximes ◀d’▶une action seules susceptibles ◀de▶ conduire à une union vivante ◀de▶ nos peuples.
Dans chaque cas, mes conclusions ont été pareilles : elles tendent toutes à nous persuader que, désormais, ◀le▶ fédéralisme européen doit concentrer tout son effort sur un seul objectif décisif : ◀la▶ Constitution fédérale ◀de▶ ◀l’▶Europe.
◀La▶ méthode proposée par ◀les▶ Anglais et baptisée « fonctionnelle » n’était pas incompatible en théorie avec une tactique fédéraliste. Mais elle a conduit à ◀l’▶échec. Elle a servi ◀de▶ prétexte à trop ◀de▶ marchandages entre ◀les▶ vraies forces ◀d’▶union et ◀les▶ répugnances nationalistes, plus ou moins avouées comme telles. Finalement, c’est ◀le▶ nationalisme ◀le▶ plus franc qui a triomphé, lors du refus ◀de▶ ◀la▶ CED.
Nous voyons donc qu’il n’est pas plus facile ◀de▶ faire ◀l’▶Europe par pièces et morceaux, que ◀de▶ ◀la▶ faire dans un seul élan. Tourner un à un ◀les▶ obstacles multipliés par ◀les▶ sceptiques, ◀les▶ méfiants, et ◀les▶ saboteurs sournois, n’est pas plus facile que ◀d’▶attaquer ◀de▶ front, franchement, une fois pour toutes, ce qui inspire toutes ◀les▶ résistances à notre union : ◀l’▶esprit nationaliste.