Une expérience de▶ fédéralisme : ◀la▶ Suisse (1959)n
1. Du pacte des communes à ◀l’▶alliance des États (xiiie au xixe siècle)
On se figure, et ◀l’▶on écrit souvent, qu’il a fallu quelque six siècles à ◀la▶ Suisse pour devenir, par une évolution, ◀l’▶État fédéral qu’elle est aujourd’hui. En réalité il a fallu neuf mois, au terme ◀d’▶une crise ◀de▶ trente-trois ans, succédant à cinq siècles et demi ◀d’▶alliances et ◀de▶ guerres entre petits États souverains, et ◀d’▶inexistence ◀d’▶un pouvoir central. Et cela s’est produit entre ◀le▶ 17 février et ◀le▶ 17 novembre 1848. Ce raccourci demande quelques explications, qui nous obligent à un rappel des origines.
◀Les▶ manuels ◀d’▶histoire suisse donnent ◀la▶ date du 1er août 1291 comme celle ◀de▶ ◀la▶ naissance ◀de▶ ◀la▶ Confédération. Il y a là un étrange anachronisme. Car ce qui se produisit ce jour-là, fut simplement ◀la▶ signature ◀d’▶un pacte entre ◀les▶ trois « communes » rurales ◀d’▶Uri, ◀de▶ Schwyz et ◀d’▶Unterwald, maîtresses des débouchés nord du Gothard.
Ce col était ◀le▶ seul à relier au travers ◀d’▶une seule chaîne des Alpes ◀les▶ moitiés nord et sud du Saint-Empire. ◀D’▶où son importance stratégique, commerciale et même culturelle. On n’insistera jamais assez sur ◀le▶ rôle décisif qu’il devait jouer dans ◀la▶ formation ◀de▶ ◀la▶ Suisse et dans ◀la▶ détermination ◀de▶ ◀la▶ mission singulière ◀de▶ ce pays. En effet, ce fut bien pour assurer ◀la▶ garde du col au nom de ◀l’▶Empire, contre ◀les▶ entreprises des féodaux voisins, que ◀les▶ Hohenstaufen donnèrent aux petits peuples des Waldstätten, déjà organisés en coopératives forestières, ◀l’▶immédiateté impériale ; et cela dès 1231, c’est-à-dire peu ◀d’▶années après ◀l’▶ouverture du col. Au nombre des seigneurs entreprenants qu’il fallait empêcher ◀de▶ dominer ◀la▶ route figuraient en bonne place ◀les▶ Habsbourg, possesseurs ◀d’▶une série ◀de▶ châteaux au nord ◀de▶ ◀la▶ Suisse actuelle, et qui ne cessaient ◀d’▶étendre leurs domaines vers ◀le▶ Gothard. Lorsque Rodolphe de Habsbourg devint empereur, ◀les▶ Waldstätten sentirent ◀la▶ menace grandir contre leurs libertés locales et contre leur mission ◀de▶ gardiens du Col. Et c’est pourquoi, au début du mois ◀d’▶août 1291, — « considérant ◀la▶ malice des temps, et afin de se défendre et maintenir avec plus ◀d’▶efficace », ◀les▶ trois coopératives forestières prirent ◀l’▶engagement ◀de▶ « s’assister mutuellement ◀de▶ toutes leurs forces, secours et bons offices… envers quiconque tenterait ◀de▶ leur faire violence, ◀de▶ ◀les▶ inquiéter ou molester, en leurs personnes et en leurs biens ». Et ce pacte devait « s’il plaît à Dieu, durer à perpétuité ». ◀De▶ fait, il a duré jusqu’à nos jours. Mais ses auteurs étaient bien loin de se douter qu’ils fondaient un État nouveau, lequel serait un jour, ◀la▶ Suisse. Cette première alliance locale ◀d’▶hommes libres des campagnes, directement inspirée des pactes en vigueur dans ◀les▶ communes lombardes, devait s’élargir et se compliquer au cours des siècles par ◀l’▶adhésion ou ◀la▶ conquête ◀de▶ communautés voisines, villes ou vallées, petits États indépendants, abbayes, ligues locales, bailliages et pays sujets, toutes unités ◀de▶ langues et ◀d’▶économies fort diverses. Ce long processus ◀d’▶agrégations contractuelles ou forcées, à ◀la▶ faveur ◀de▶ guerres civiles ou étrangères incessantes, se poursuivit ◀de▶ ◀la▶ fin du xiiie siècle à ◀la▶ fin du xviiie siècle. Un enchevêtrement ◀d’▶alliances particulières et un sens remarquable ◀de▶ ◀la▶ foi jurée devaient rester, pendant toute cette période, ◀le▶ seul gage ◀d’▶unité (relative) ◀de▶ ceux qui se désignaient comme ◀les▶ « Confédérés » (Eidgenossen, compagnons du serment).
◀Le▶ Directoire français, en 1798, tenta ◀d’▶imposer une Constitution unitaire aux cantons. Cette expérience jacobine ◀de▶ « République une et indivisible » échoua contre ◀la▶ résistance presque unanime des peuples et des patriciats dépossédés. Dès 1802, Napoléon écrivait aux délégués helvétiques qu’il avait convoqués à Paris : « ◀La▶ Suisse ne ressemble à aucun autre État, soit par ◀les▶ événements qui s’y sont succédé depuis des siècles, soit par sa situation géographique et topographique, soit par ◀les▶ différentes langues, ◀les▶ différentes religions et cette extrême différence ◀de▶ mœurs qui existent entre ses diverses parties. ◀La▶ nature a fait votre État fédératif. Vouloir ◀la▶ vaincre, ne peut pas être ◀d’▶un homme sage ». En conséquence, ◀l’▶empereur se déclarait partisan ◀d’▶une « organisation fédérative où chaque canton se trouve organisé suivant sa langue, sa religion, ses mœurs, son intérêt et son opinion ». ◀L’▶année suivante, ◀l’▶Acte ◀de▶ Médiation rétablissait ◀l’▶indépendance des cantons. Au lendemain ◀de▶ ◀la▶ chute ◀de▶ ◀l’▶empereur, en 1815, un nouveau Pacte fédéral consacra ◀le▶ retour à ◀l’▶état de choses prérévolutionnaire. Il restaurait ◀la▶ pleine souveraineté des cantons, remplaçait ◀le▶ pouvoir central par une simple Diète composée ◀de▶ plénipotentiaires des États, et supprimait ◀le▶ terme ◀de▶ « citoyen suisse » qu’avait utilisé ◀l’▶Acte ◀de▶ Médiation.
◀Le▶ « Corps helvétique », ainsi que ◀l’▶on nommait alors ◀l’▶ensemble des petites républiques et des bailliages occupant ◀l’▶espace délimité par ◀les▶ Alpes, ◀le▶ Jura, ◀le▶ lac ◀de▶ Constance et ◀le▶ Léman, n’était donc encore, après cinq siècles, guère plus qu’une simple Ligue ◀d’▶États souverains, une alliance visant à assurer leur sécurité collective et à unifier quelque peu leur politique étrangère. ◀La▶ formule du Pacte ◀de▶ 1291, bien qu’élargie, subsistait essentiellement. Quant aux régimes intérieurs, ils variaient ◀de▶ ◀la▶ démocratie directe (cantons primitifs) à ◀la▶ monarchie (principauté ◀de▶ Neuchâtel) en passant par ◀les▶ systèmes ◀les▶ plus complexes ◀d’▶oligarchies patriciennes pures ou mitigées. Un lien si lâche ne représentait en vérité qu’une faible garantie pour ◀l’▶indépendance des cantons, en un siècle qui allait voir surgir deux nouvelles grandes puissances unifiées, aux portes mêmes ◀de▶ ◀la▶ Suisse : ◀l’▶Italie et ◀l’▶Allemagne. ◀Le▶ problème brûlant qui se posait aux Suisses, dans cette Europe où ◀les▶ campagnes ◀de▶ Napoléon venaient de susciter ◀les▶ passions nationales, était celui du renforcement ◀de▶ leur unité et ◀de▶ ◀la▶ création ◀d’▶un État. Il est remarquable qu’ils n’aient pas cherché ◀la▶ solution ◀de▶ ce problème dans ◀l’▶unification systématique, à ◀la▶ manière jacobine, mais au contraire dans ◀l’▶union fédérale, conforme à leurs anciennes traditions comme au respect ◀de▶ leurs diversités linguistiques, religieuses, politiques et sociales. Ils ne se demandèrent pas : comment devenir une Nation ? mais bien : comment passer ◀d’▶une alliance ◀d’▶États (Staatenbund) à un État fédéral (Bundestaat). S’ils ne furent pas ◀les▶ seuls à poser ce problème, dans ◀l’▶Europe du xixe siècle, ils furent ◀les▶ seuls à ◀le▶ résoudre ◀d’▶une manière efficace et durable.
2. Crise du Pacte fédéral (1815-1848)
◀La▶ crise ouverte par ◀le▶ Pacte ◀de▶ 1815 devait se prolonger, sans progrès appréciable, pendant trente-trois ans. Elle ne fut résolue, très subitement, en 1848, qu’au lendemain ◀d’▶une guerre civile qui en fit éclater à tous ◀les▶ yeux ◀la▶ gravité littéralement mortelle.
Crise économique tout d’abord, — ◀la▶ plus frappante. « ◀La▶ Suisse — a écrit ◀l’▶historien et journaliste William Martin — ressemblait sous ◀le▶ Pacte ◀de▶ 1815 à ◀l’▶Europe ◀d’▶aujourd’hui. ◀Les▶ cantons souverains étaient ◀les▶ maîtres incontestés ◀de▶ leur politique économique. On comptait alors en Suisse 11 mesures ◀de▶ pieds, 60 espèces ◀d’▶armes, 87 mesures ◀de▶ grain, 81 pour ◀les▶ liquides et 50 poids différents. » ◀Le▶ régime monétaire n’était pas moins chaotique. « Incapables ◀de▶ s’entendre sur aucune mesure commune, ◀les▶ cantons multipliaient ◀les▶ mesures offensives ◀les▶ uns à l’égard des autres. Presque toutes ◀les▶ erreurs que nous avons vu commettre ◀de▶ nos jours en Europe ont eu leurs précédents sous ◀la▶ Restauration22. » Nous verrons également que cette époque a connu toutes ◀les▶ raisons que ◀l’▶on invoque aujourd’hui au plan européen pour ne pas corriger des erreurs analogues. ◀Les▶ cantons se montraient incapables ◀de▶ pratiquer une politique commune à l’égard des grandes nations voisines, mais ils n’hésitaient pas à décréter des mesures ◀de▶ blocus contre tel d’entre eux. On ne comptait pas moins ◀de▶ 400 taxes et droits ◀de▶ péages sur ◀les▶ marchandises passant ◀d’▶un canton à un autre ou ◀d’▶une commune à une autre. « Il y en avait partout, sauf aux frontières extérieures » relève encore W. Martin, et il signale que ◀le▶ seul canton du Tessin « ne prélevait pas moins ◀de▶ treize taxes différentes sur ◀la▶ route du Gothard, avec obligation ◀de▶ décharger chaque fois ◀la▶ marchandise pour ◀la▶ peser ». ◀Le▶ trafic étranger évitait donc ◀la▶ Suisse. Bien plus, un industriel ◀de▶ Saint-Gall avait intérêt à faire passer ses produits destinés à ◀l’▶Italie par ◀le▶ Brenner autrichien, plutôt que par ◀le▶ Gothard suisse ; ou encore, ses produits destinés à Genève par ◀la▶ Souabe et ◀la▶ France plutôt que par ◀les▶ routes suisses traversant une douzaine ◀de▶ frontières cantonales, par des routes et des ponts également frappés ◀de▶ droits. Si ◀l’▶industrie suisse put survivre à ◀de▶ telles conditions, elle ne ◀le▶ dut qu’à ◀l’▶initiative privée et à ◀la▶ haute qualité ◀de▶ sa main-d’œuvre, héritière ◀d’▶un très vieil artisanat : ◀les▶ États faisaient tout pour ◀l’▶étouffer, sous prétexte de défendre leurs privilèges douaniers et leur « sacro-sainte souveraineté » (comme ◀l’▶écrivait dès 1829 ◀le▶ vieil historien zurichois Heinrich Zschokke).
Politiquement, ◀la▶ situation n’était pas meilleure. Nulle autorité centrale et incontestée ne pouvait parler au nom de ◀la▶ Suisse entière. ◀La▶ Diète représentant 25 États souverains, ◀l’▶unanimité pratiquement requise pour ◀les▶ grandes décisions n’était jamais atteinte. (◀Les▶ députés votaient sur instructions ◀de▶ leur État. ◀La▶ chancellerie fédérale n’était qu’un bureau chargé ◀de▶ préparer ◀les▶ affaires, et changeait ◀de▶ résidence tous ◀les▶ deux ans.) ◀Les▶ pressions étrangères, venant ◀de▶ ◀la▶ France, ◀de▶ Metternich, ou ◀de▶ ◀la▶ Grande-Bretagne, finissaient donc, dans la plupart des cas, par imposer ◀la▶ décision. « Je mènerai ces gens à ◀la▶ baguette, il suffit ◀de▶ ◀les▶ diviser ! », écrivait alors à son gouvernement ◀l’▶ambassadeur ◀de▶ France. Il n’exagérait pas. Que pouvait entreprendre, en effet, une Confédération qui ne disposait que ◀de▶ contingents militaires levés et entretenus, chacun pour son compte, par ◀les▶ États souverains ? (Elle avait bien en propre une « caisse ◀de▶ guerre », et ◀le▶ droit ◀de▶ nommer ◀le▶ Général en chef, son état-major, et quelques fonctionnaires, mais elle n’en dépendait pas moins du bon plaisir des cantons, dans ce domaine.)
Cependant, ◀la▶ population augmentait rapidement. Un prolétariat industriel, misérable et inhumainement exploité s’était formé dans ◀les▶ cantons urbains ; et dans ◀les▶ cantons ruraux, ◀les▶ jeunes gens entreprenants s’expatriaient ou s’engageaient dans ◀les▶ régiments du « service étranger », commandés par des fils ◀de▶ familles nobles suisses. ◀Les▶ idées libérales, qu’on nommait alors « radicales », se répandaient dans ◀la▶ bourgeoisie, et provoquèrent ◀de▶ nombreuses révolutions cantonales, visant et aboutissant souvent à déposséder ◀le▶ patriciat ◀de▶ ses droits exclusifs à gouverner. Cette agitation et ces déséquilibres sociaux devaient nourrir ◀le▶ mouvement ◀de▶ « Régénération » qui se prononça dès 1830. Influencée par ◀l’▶action ◀de▶ nombreuses sociétés plus ou moins « culturelles » (◀de▶ chanteurs, ◀de▶ savants, ◀d’▶étudiants, ◀de▶ gymnastes, ◀de▶ médecins ou ◀de▶ tireurs au fusil !)23 qui seules entretenaient ◀l’▶idéal ◀d’▶une patrie commune et ◀d’▶une véritable fédération, ◀la▶ Régénération conquit ◀le▶ pouvoir dans plusieurs cantons en vue de hâter ◀l’▶avènement ◀d’▶une Suisse unie. En 1832, ◀la▶ Diète admit, sous ◀la▶ pression des cantons « régénérés », ◀le▶ principe ◀d’▶une révision du Pacte fédéral.
Une commission ◀de▶ 15 membres fut chargée ◀de▶ rédiger un projet ◀de▶ Constitution. ◀Le▶ rapport qu’elle présenta après quelques mois comportait un commentaire dû à ◀la▶ plume du délégué ◀de▶ Genève, Pellegrino Rossi24. Il vaut ◀la▶ peine ◀d’▶en citer quelques passages, qui évoquent irrésistiblement des situations que ◀l’▶Europe a bien connues depuis, aux temps ◀de▶ ◀la▶ Société des Nations, puis au lendemain ◀de▶ la Deuxième Guerre mondiale. Rossi remarquait d’abord que ◀la▶ faiblesse du lien fédéral institué en Suisse par ◀le▶ Pacte ◀de▶ 1815 créait « une illusion plus dangereuse que ◀l’▶isolement » par ◀la▶ fausse sécurité qu’elle inspirait. Il en résultait que ◀les▶ puissances voisines pouvaient « embrasser dans leurs plans stratégiques ◀la▶ Suisse, comme si ◀la▶ grande forteresse des Alpes était un désert livré au premier occupant ». Il décrivait ◀la▶ paralysie qui frappe une Diète formée ◀de▶ délégués ◀d’▶États souverains et non ◀de▶ députés des peuples : « Lequel ◀de▶ nous n’a dû souvent déplorer ◀la▶ forme actuelle des délibérations fédérales ? Ces instructions discutées séparément, souvent un peu au hasard, dans vingt-deux législatures, dont ◀les▶ unes ne connaissaient pas ◀les▶ motifs qui peuvent agir sur ◀les▶ autres… Ces députés obligés quelquefois ◀de▶ résister aux vérités ◀les▶ mieux démontrées… ◀Les▶ magistrats directeurs se trouvent dans une situation fausse. Ils doivent, pour ainsi dire, servir deux maîtres, être tour à tour ◀les▶ hommes ◀de▶ ◀la▶ Confédération et ◀les▶ hommes du canton… Il n’est, ce me semble, aucun motif ◀de▶ conserver un pareil état de choses… Rien ne milite en sa faveur, pas même ◀la▶ raison, d’ailleurs bien faible, ◀de▶ ◀l’▶économie… » Et Rossi concluait en montrant ◀les▶ progrès « mémorables » réalisés par ◀l’▶idée fédérale dans ◀l’▶élite et ◀les▶ masses : « Oui, ◀l’▶idée ◀d’▶une commune patrie ne nous est point étrangère… Et quoi qu’en disent ◀les▶ détracteurs des temps modernes, c’est une des gloires ◀de▶ ces temps, que cette idée ait acquis plus ◀de▶ netteté, ce sentiment plus ◀d’▶énergie. Ce mémorable progrès, tout nous ◀le▶ révèle. ◀Les▶ paroles, ◀les▶ écrits, ◀les▶ fêtes nationales, ◀les▶ sociétés littéraires et savantes, ◀les▶ vœux, ◀les▶ projets ◀d’▶un grand nombre ◀de▶ cantons, et cette anxiété elle-même, et ce malaise général qu’il est impossible ◀de▶ méconnaître, et cette espérance que dans un nouveau Pacte, dans une confédération plus solide, doit se trouver ◀le▶ remède aux maux qui affligent ◀la▶ patrie. »
Ce « nouveau Pacte » se résumait essentiellement dans ◀l’▶idée ◀de▶ créer un équilibre vivant entre ◀la▶ souveraineté des cantons et leur union resserrée, ◀les▶ cantons conservant « tous ◀les▶ droits qui ne sont pas expressément cédés au pouvoir fédéral ». ◀La▶ Ligue des cantons, enfin dotée ◀d’▶organes législatifs, exécutifs, judiciaires, administratifs et militaires, devait être transformée en un État moderne ◀de▶ forme fédérative.
◀L’▶éloquence ◀de▶ Rossi ne parvint pas à convaincre ◀les▶ partisans ◀de▶ ◀l’▶esprit ◀de▶ clocher et ◀de▶ ◀l’▶égoïsme cantonal. ◀Les▶ radicaux jugèrent ◀le▶ projet timide et trop respectueux des souverainetés, ◀les▶ conservateurs et ◀les▶ catholiques ◀le▶ jugèrent révolutionnaire. ◀La▶ Diète ◀l’▶enterra en 1833, après ◀l’▶avoir plusieurs fois renvoyé à des commissions. Trois cantons seulement avaient osé ◀le▶ proposer à ◀la▶ ratification populaire. ◀Le▶ verdict fut négatif dans deux cas. ◀L’▶opposition avait joué sur ◀la▶ « réalité prépondérante » du sentiment cantonal, souvent qualifié ◀de▶ « national » à ◀l’▶époque. C’est ainsi qu’un député (◀le▶ grand savant A.-P. de Candolle) pouvait s’écrier en 1832 au Parlement ◀de▶ Genève : « Que veulent ◀les▶ partisans du nouveau Pacte ?… Une république fédérative au lieu d’une réunion ◀d’▶États souverains ! Avec une position géographique, des mœurs, des antécédents, une langue, qui nous distingue des confédérés, nous ne pouvons vouloir un ordre ◀de▶ choses qui nous engagerait au sacrifice ◀de▶ notre nationalité. » Un autre député qualifiait ◀de▶ « chimère » ◀l’▶idée ◀d’▶une Union suisse s’opposant aux seules réalités solides : ◀le▶ sentiment national et ◀la▶ souveraineté des cantons.
Cependant ◀la▶ « chimère » restait à ◀l’▶ordre du jour, même au sein de ◀la▶ Diète qui ◀l’▶avait rejetée ; ◀Les▶ adversaires du Projet ◀d’▶union ◀l’▶avaient dénoncé comme introduisant « un brandon ◀de▶ discorde » parmi ◀les▶ cantons : il ◀le▶ devint en effet, de par ◀l’▶acharnement qu’eux-mêmes montrèrent à ◀le▶ combattre et à refuser ◀les▶ évidences du bien commun, au nom des préjugés ◀de▶ ◀la▶ souveraineté.
◀Les▶ cantons catholiques, où ◀le▶ parti conservateur restait ◀le▶ maître, n’hésitèrent pas à conclure une alliance séparée, ◀le▶ Sonderbund, et à négocier ◀l’▶intervention des puissances ◀de▶ ◀la▶ Sainte-Alliance, qui avaient imposé et garanti ◀le▶ Pacte ◀de▶ 1815. ◀Le▶ Sonderbund pouvait compter sur ◀l’▶appui ◀de▶ Guizot (protestant pourtant, mais d’abord antilibéral), ◀de▶ Metternich, du tsar, du roi de Sardaigne et du roi de Prusse. ◀La▶ France lui fournit en secret des canons et des fusils. Lorsque ◀les▶ cantons libéraux décrétèrent ◀le▶ bannissement ◀de▶ ◀l’▶ordre des jésuites, en 1847, ◀la▶ guerre civile éclata.
◀Les▶ libéraux (ou « radicaux ») détenaient ◀la▶ majorité et disposaient ◀de▶ contingents militaires supérieurs en nombre et en armement. Mais ils savaient que ◀les▶ grandes puissances voisines se tenaient prêtes à intervenir pour empêcher toute modification ◀de▶ régime favorable au libéralisme. Seul, Palmerston appuyait ◀les▶ réformistes (considérés par ◀les▶ chancelleries comme ◀de▶ « dangereux tyrans » partisans ◀de▶ ◀la▶ Révolution) : il pressentait que ◀l’▶instauration ◀d’▶une Suisse unie et libérale donnerait ◀le▶ signal du renversement ◀de▶ ◀l’▶ordre imposé à ◀l’▶Europe par ◀la▶ Sainte-Alliance. ◀La▶ courte guerre civile du Sonderbund (équivalent presque littéral ◀de▶ ◀la▶ guerre ◀de▶ Sécession américaine) fut suivie avec passion par ◀l’▶opinion européenne, et apporta par son issue un encouragement efficace aux libéraux. Mais il convient ◀de▶ souligner qu’en retour, ◀l’▶imminence des révolutions ◀de▶ 1848 fut un facteur important du succès des radicaux suisses : elle retarda ou même paralysa ◀l’▶action des Puissances. ◀La▶ campagne fut menée avec décision, rapidité et humanité. En 26 jours, ◀les▶ cantons catholiques, battus séparément, étaient amenés à ◀la▶ reddition. ◀L’▶étranger n’avait pas eu ◀le▶ temps ◀d’▶intervenir. ◀Les▶ vainqueurs se montrèrent généreux : par souscription publique dans ◀les▶ cantons protestants, ils contribuèrent à couvrir ◀la▶ dette ◀de▶ guerre des catholiques. Et dans ◀l’▶atmosphère ◀de▶ réconciliation nationale ainsi créée, ◀la▶ Diète décida ◀d’▶entreprendre sans plus de délai ◀la▶ rédaction ◀d’▶une Constitution fédérale. Plus qu’une victoire des protestants sur ◀les▶ catholiques, ◀la▶ guerre du Sonderbund venait de marquer ◀le▶ triomphe des fédéralistes sur ◀les▶ nationalistes cantonaux.
3. ◀De▶ ◀la▶ Ligue ◀d’▶États à ◀l’▶État fédératif (17 février-17 novembre 1848)
Tandis que ◀la▶ révolution éclatait successivement dans ◀les▶ diverses capitales européennes, tout au long ◀de▶ ◀l’▶année 1848, ◀les▶ Suisses profitèrent du répit que leur laissaient, malgré elles, ◀les▶ Puissances, pour accomplir en quelques mois ◀la▶ transformation ◀de▶ leur séculaire Ligue ◀d’▶États en un État fédératif durable et fort.
◀La▶ commission ◀de▶ révision, nommée par ◀la▶ Diète et comprenant un délégué par canton, se réunit pour la première fois ◀le▶ 17 février 1848. ◀La▶ majorité des commissaires étaient des chefs ◀de▶ gouvernements cantonaux ou des magistrats supérieurs, d’autres des commerçants, des médecins, ◀d’▶anciens commandants ◀de▶ divisions ◀de▶ ◀l’▶armée victorieuse ; tous hommes ◀d’▶expérience politique, pas un seul publiciste ou pur intellectuel. Dès la première réunion, ils décidèrent que leurs débats se tiendraient à huis clos, ceci surtout pour accélérer ◀les▶ travaux, éviter ◀les▶ discours démagogiques et ◀les▶ comptes rendus ◀de▶ presse qui « à peu ◀d’▶exceptions près — comme ◀le▶ déclarait un des membres — relatent ordinairement ◀le▶ contraire ◀de▶ ce qui s’est dit dans une commission ». En sept semaines, au cours de 31 séances plénières, ils élaborèrent un projet ◀de▶ 17 articles. Nombre ◀de▶ ces articles s’inspiraient du projet ◀de▶ 1832, mais ◀les▶ plus importants furent ◀le▶ fruit original des discussions du groupe.
Dès ◀le▶ 15 mai, ◀le▶ projet ayant été transmis préalablement aux cantons, ◀la▶ Diète en aborda ◀l’▶examen. Une première lecture, un renvoi ◀de▶ quelques articles à une Commission, une seconde lecture et ◀le▶ vote final ne prirent en tout que six semaines. ◀Le▶ 27 juin, ◀le▶ projet était accepté par ◀les▶ deux tiers environ des représentants des cantons. ◀La▶ ratification populaire devait avoir lieu avant ◀le▶ 1er septembre.
Dans la plupart des cantons, ◀le▶ Parlement se prononça d’abord, puis ◀le▶ peuple. ◀Les▶ votes populaires eurent lieu pendant ◀le▶ mois ◀d’▶août. ◀Le▶ 4 septembre, ◀la▶ Diète se réunit une dernière fois pour prendre connaissance des résultats : 15 cantons et demi contre 6 et demi et 170 000 électeurs contre 72 000 (environ) acceptaient ◀la▶ Constitution. ◀Le▶ 6 novembre, ◀les▶ nouvelles Chambres se réunirent à Berne (choisie comme « ville fédérale »). ◀Le▶ 16 novembre, elles procédèrent à ◀l’▶élection du premier Conseil fédéral, inaugurant un régime qui ne devait plus être remis en question jusqu’à nos jours. ◀L’▶essor économique, social et culturel ◀de▶ ◀la▶ nouvelle Suisse unie fut immédiat. Aucune des catastrophes prédites et calculées par ◀les▶ adversaires ◀de▶ ◀la▶ fédération ne se produisit.
Souple synthèse des autonomies locales ou cantonales d’une part, des nécessités pratiques ◀de▶ ◀l’▶union d’autre part, ◀la▶ Constitution ◀de▶ 1848 ne mérite pas seulement ◀l’▶épithète ◀de▶ fédérale : elle est précisément fédéraliste, dans ses visées comme par ses principales dispositions. ◀Le▶ législatif, par exemple, s’y compose ◀de▶ deux chambres dont l’une représente ◀le▶ peuple, l’autre ◀les▶ États. ◀L’▶exécutif collégial, élu par ces chambres réunies, combine ◀les▶ attributs ◀d’▶un chef d’État à sept têtes et ◀d’▶un cabinet ◀de▶ ministres ; on ne peut choisir plus ◀d’▶un ◀de▶ ses membres dans ◀le▶ même canton. Un Tribunal fédéral connaît des différends ◀de▶ droit civil entre ◀l’▶État central et ◀les▶ cantons, corporations ou particuliers. Enfin et surtout, ◀le▶ problème théoriquement tenu pour « insoluble » ◀de▶ ◀l’▶abolition des souverainetés nationales se trouve résolu par un compromis qui, plus qu’à ◀la▶ logique, satisfait au bon sens. Escamotage ou solution ◀de▶ sagesse, voici ce compromis qui tient en trois articles :
Article 1. ◀Les▶ peuples des vingt-deux cantons souverains ◀de▶ ◀la▶ Suisse, unis par ◀la▶ présente alliance, … forment dans leur ensemble ◀la▶ Confédération suisse.
Article 3. ◀Les▶ cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par ◀la▶ constitution fédérale, et, comme tels, ils exercent tous ◀les▶ droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral.
Article 5. ◀La▶ Confédération garantit aux cantons leur territoire, leur souveraineté dans ◀les▶ limites fixées à ◀l’▶art. 3, leur constitution, ◀la▶ liberté et ◀les▶ droits du peuple (etc.).
Si ◀l’▶on ajoute que ◀la▶ Constitution assure ◀les▶ libertés ◀d’▶établissement, ◀de▶ culte, ◀d’▶association, ◀de▶ pétition et ◀d’▶expression, et qu’elle établit ◀l’▶égalité devant ◀la▶ loi ; qu’elle crée une armée fédérale ; qu’elle supprime ◀les▶ péages intérieurs et reporte ◀les▶ douanes aux frontières ◀de▶ ◀la▶ Confédération, quitte à indemniser ◀les▶ cantons ; qu’elle uniformise ◀les▶ poids, mesures et monnaies, et nationalise ◀les▶ postes (◀les▶ chemins de fer suivront plus tard) mais laisse tout ◀le▶ domaine culturel et éducatif à ◀la▶ discrétion des cantons ; qu’enfin elle prévoit une procédure ◀de▶ révision « en tout temps » par initiative populaire ou parlementaire — on aura rappelé ◀l’▶essentiel ◀de▶ ◀l’▶œuvre des constituants ◀de▶ 1848. Une quarantaine ◀de▶ révisions partielles, et ◀la▶ révision générale (◀de▶ tendance un peu plus centralisatrice) opérée en 1874, n’en ont changé depuis plus ◀d’▶un siècle ni ◀l’▶esprit ni ◀le▶ caractère spécifiquement fédéralistes.
4. Une expérience-témoin
◀L’▶adoption ◀de▶ ◀la▶ Constitution ◀de▶ 1848 est saluée par ◀la▶ quasi-unanimité des historiens suisses comme ◀l’▶événement capital ◀de▶ ◀l’▶histoire des Confédérés. Elle tira ◀les▶ leçons ◀de▶ cinq siècles ◀d’▶expériences souvent amères, confirma ◀les▶ droits et ◀les▶ devoirs lentement élaborés par ◀les▶ divers régimes des républiques locales, et créa d’un seul coup ◀l’▶État qui se nomme désormais ◀la▶ Suisse. Cet acte central, axial et décisif ◀de▶ ◀l’▶histoire suisse appelle quelques commentaires qui en dégageront ◀l’▶originalité.
◀La▶ rapidité qui présida à ◀la▶ rédaction du projet, à son examen par ◀la▶ Diète, à sa ratification par ◀les▶ cantons et ◀les▶ peuples, et à sa mise en vigueur effective, paraît ◀d’▶autant plus remarquable que ce processus-éclair (9 mois en tout !) succédait à une longue période ◀de▶ crise et à des siècles ◀de▶ refus obstiné ◀de▶ tout pouvoir central.
◀L’▶absence ◀de▶ publicité des débats et ◀le▶ soin que ◀l’▶on apporta à ne point passionner ◀les▶ esprits (au lendemain ◀d’▶une guerre civile et religieuse)25 contribua sans nul doute à cette célérité ◀d’▶exécution, mais aussi à ◀la▶ stabilité du futur État. Plus révolutionnaire en fait que ◀les▶ chartes revendiquées ailleurs par ◀le▶ mouvement ◀de▶ 1848, ◀la▶ Constitution fédérale fut présentée au peuple comme un compromis, non point comme ◀le▶ gage du triomphe des radicaux. À vrai dire, elle portait toutes ◀les▶ marques ◀de▶ cette modération, née du juste équilibre des contraires, qui dénote ◀la▶ présence ◀d’▶un sentiment fédéraliste authentique…
Nulle mesure ◀de▶ transition ne fut prévue entre ◀l’▶ordre (ou ◀le▶ désordre) traditionnel et ◀le▶ nouveau régime ; nul « système ◀d’▶écluse » et nul délai ◀d’▶application. Or ◀la▶ suppression, ◀d’▶un trait ◀de▶ plume, des douanes intérieures et des entraves au libre établissement des citoyens ◀d’▶un canton dans un autre, avait été présentée par ◀les▶ opposants comme devant fatalement semer ◀le▶ chaos et ◀la▶ ruine dans ◀la▶ vie économique du pays. On prédisait ◀la▶ faillite des industries « protégées », ◀l’▶envahissement des cantons riches par ◀la▶ main-d’œuvre des cantons pauvres, enfin ◀le▶ nivellement au plus bas des diversités culturelles, des coutumes et traditions locales si chères aux Suisses. Ce furent ces craintes, précisément, qui se révélèrent, dans ◀le▶ fait, « rêveries, chimères et utopies ». ◀L’▶ascension économique ◀d’▶un riche canton industriel comme Zurich fut immédiate ; celle ◀d’▶un pauvre canton rural comme Glarus (son voisin) plus lente, mais certaine ; et chacun conserva sa physionomie propre, nul mélange dégradant ne se produisit, en dépit de ◀la▶ suppression instantanée des frontières économiques.
Notons en passant qu’il n’est pas un des arguments des opposants à ◀l’▶union suisse qui n’ait été repris, dans ◀les▶ débats actuels, par ◀les▶ opposants à ◀l’▶union européenne. On ne manquera pas ◀de▶ dire que dans ◀la▶ grande Europe moderne, ◀les▶ problèmes ne sont pas homologues ◀de▶ ceux ◀de▶ ◀la▶ petite Suisse du siècle dernier. A-t-on pris garde qu’il fallait trois jours à un député des Grisons pour se rendre à Berne, tandis qu’il ne faut qu’une matinée à un délégué grec ou scandinave pour se rendre à Paris ou à Bruxelles ? ◀L’▶Europe actuelle est pratiquement plus petite que ◀la▶ Suisse ◀de▶ 1848. Ses États souverains ne sont guère plus différents entre eux que ne ◀l’▶étaient ◀les▶ paysans primitifs ◀d’▶Appenzell des patriciens cosmopolites ◀de▶ Genève ; ils sont moins nombreux, et souvent, ◀de▶ moins ancienne tradition nationale…
Si, à bien des égards, ◀la▶ formation ◀de▶ ◀la▶ Suisse comme État représente une expérience ◀de▶ laboratoire annonçant des applications futures à grande échelle, il faut relever qu’à son époque elle se produisit comme à contre-courant ◀de▶ ◀l’▶Histoire. Déjà, ◀le▶ pacte ◀de▶ 1291, dernier reflet du mouvement des communes italiennes, françaises et flamandes, était apparu comme une réaction tardive, une exception, dont ◀les▶ destinées devaient être exceptionnellement heureuses. « ◀La▶ Confédération suisse est ◀le▶ seul mouvement qui ait survécu au combat pour ◀l’▶idée démocratique et communale au Moyen Âge ; elle représente ◀le▶ résultat ◀d’▶une révolution générale qui a été vaincue partout ailleurs »26. De même, ◀la▶ guerre du Sonderbund a produit, en créant ◀la▶ Suisse, ◀le▶ seul résultat durable que ◀l’▶on puisse attribuer précisément au mouvement général ◀de▶ 1848, partout ailleurs étouffé après la première explosion ◀d’▶enthousiasme et ◀de▶ violence populaire.
Une dernière remarque s’impose. Elle concerne ◀le▶ sens du mot fédéralisme, qui est ◀le▶ mot-clé ◀de▶ ◀l’▶histoire suisse. ◀Les▶ radicaux ◀de▶ 1848 voulaient une vraie fédération, mais ils passaient pour des centralistes unitaires. Leurs ennemis, catholiques et conservateurs, se disaient au contraire « fédéralistes », bien qu’ils fussent opposés à tout ce qui menaçait ◀de▶ diminuer ◀les▶ souverainetés locales et ◀d’▶établir un lien fédéral efficace.
◀De▶ nos jours encore, ceux qui s’intitulent « fédéralistes », en Suisse, sont ◀les▶ adversaires ◀de▶ toute extension du pouvoir central, tandis que ceux qui s’intitulent « fédéralistes » au plan européen, sont ◀les▶ partisans ◀d’▶une union institutionnelle ◀de▶ nos pays. Cette contradiction apparente et purement verbale s’explique par ◀la▶ nature dialectique du fédéralisme, doctrine pratique ◀de▶ ◀l’▶union dans ◀la▶ diversité. ◀Le▶ fédéralisme doit donc souligner ◀le▶ thème ◀de▶ ◀l’▶union quand ◀les▶ diversités tendent à devenir des divisions, — ou ◀le▶ thème des autonomies locales, quand ◀l’▶union tend à devenir unification forcée. Cette dialectique, en Suisse, n’est pas abstraite : elle exprime ◀la▶ vie même ◀de▶ ◀la▶ Confédération, et donne ◀la▶ formule générale ◀de▶ tous ◀les▶ débats qu’y soulèvent ◀les▶ questions politiques, économiques ou culturelles ◀les▶ plus concrètes.
Bibliographie
◀Les▶ sources ◀de▶ ◀l’▶histoire suisse sont cantonales et locales, jusqu’au xixe siècle.
Nous ne pouvons songer à en donner ici même un aperçu : ◀la▶ Suisse compte 25 cantons ! ◀Les▶ meilleurs ouvrages ◀d’▶ensemble sur ◀l’▶histoire suisse considérée dans son unité datent des débuts du xxe siècle :
H. Barth, Bibliographie der Schweizergeschichte, 3 vol., Bâle 1915 ; Karl Dändliker, Geschichte der Schweiz, Zurich 1900-1909 ; Johannes Dierauer, Geschichte der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Gotha 1907-1913 ; Ernest Gagliardi, Geschichte der Schweiz von den Anfängen bis zur Gegenwart, Zurich 1920 ; Werner Oechsli, Quellenbuch zur Schweizergeschichte, Zurich 1918 ; Hans Nabholz, Geschichte der Schweiz, Zurich 1937.
Sur ◀les▶ origines : Karl Meyer, Ueber die Einwirkung des Gotthardpasses auf die Anfänge der Eidgenossenschaft, in « Geschichtsfreund », t. 74, 1924 ; id., Die Urschweizer, Zurich 1927 ; id., Der älteste Schweizerbund, dans « Revue ◀d’▶Histoire suisse », n. 1 et 2, 1924.
Sur ◀la▶ Constitution ◀de▶ 1848 : F. Fleiner, Schweizer Bundesstaatsrecht, Tubingue, 1922 ; William E. Rappard, ◀La▶ Constitution fédérale ◀de▶ 1848, Neuchâtel, 1948 (ouvrage ◀de▶ base, contenant ◀de▶ larges extraits du Protocole ◀de▶ ◀la▶ Commission constituante et des journaux privés des membres ◀de▶ ◀la▶ Commission). Voir aussi : Fritz Fleiner, Entstehung und Wandlung moderner Staatstheorie in der Schweiz, Zurich, 1916 ; William Martin, Histoire ◀de▶ ◀la▶ Suisse, Paris 1930 ; Gonzague de Reynold, Conscience ◀de▶ ◀la▶ Suisse, Neuchâtel, 1938 ; Denis de Rougemont, ◀La▶ Confédération helvétique , Paris, 1953 ; André Siegfried, ◀La▶ Suisse, démocratie témoin, Neuchâtel, 1948 ; E. Hughes, The Federal Constitution of Switzerland, Oxford, 1954.