III. La▶ puissance ou ◀la▶ liberté
34. ◀L’▶obstacle à toute union possible
◀L’▶obstacle à toute union possible ◀de▶ ◀l’▶Europe, donc à toute union fédérale, n’est autre que ◀l’▶État-nation, tel que Napoléon en a posé ◀le▶ modèle, intégralement centralisé en vue de ◀la▶ guerre. C’est ce modèle que tous ◀les▶ peuples ◀de▶ ◀l’▶Europe, grands et petits, ont imité l’un après l’autre tout au long du xixe siècle, suivis ◀de▶ nos jours par ◀le▶ reste du monde, notamment par ◀le▶ tiers-monde, mal décolonisé à cet égard…
Qu’est-ce en somme qu’instituer un État-nation ? C’est soumettre toute une nation ou un groupe ◀de▶ nations conquises par l’une d’entre elles, aux pouvoirs absolus ◀de▶ ◀l’▶État. C’est vouloir faire coïncider sur un même territoire, défini par ◀le▶ sort des guerres et du coup baptisé « sol sacré ◀de▶ ◀la▶ patrie », des réalités absolument hétérogènes, qui n’ont aucune raison ◀d’▶avoir ◀les▶ mêmes frontières, comme ◀la▶ langue et ◀l’▶économie, ◀l’▶état civil et ◀l’▶exploitation du sous-sol, ou pire encore, ◀les▶ idéologies ou ◀les▶ religions, sommées ◀de▶ s’arrêter sur une ligne ◀de▶ barbelés électrifiés. C’est livrer sans recours toute ◀l’▶existence humaine aux seules décisions ◀de▶ bureaux installés dans une seule capitale, et interdire toute allégeance des citoyens à des entités plus petites (comme ◀les▶ régions) ou plus vastes (comme une fédération continentale).
À l’intérieur de ses frontières, qu’il déclare naturelles contre toute évidence23, ◀l’▶État-nation n’admet aucune autonomie, aucune diversité réelle. À ◀l’▶extérieur, il refuse toute union, alléguant une indépendance et une souveraineté absolues aussi peu défendables en droit qu’elles deviennent illusoires en fait au xxe siècle.
Rien, donc, de plus hostile à toute espèce ◀d’▶union tant soit peu sérieuse ou sincère que cet État-nation qui, par ailleurs, se révèle incapable ◀de▶ répondre aux exigences concrètes ◀de▶ notre temps, puisqu’il est à la fois trop petit pour ◀le▶ monde, trop grand pour ses régions, et sans correspondance autre qu’accidentelle avec aucun espace économique défini par ◀la▶ nature des choses ou par un projet rationnel.
Or, voici ◀l’▶ironie tragique ◀de▶ notre histoire : c’est sur ◀la▶ base ◀de▶ cet obstacle radical à toute union que ◀l’▶on s’efforce depuis vingt-cinq ans ◀d’▶unir ◀l’▶Europe ! Voilà qui explique suffisamment, je crois, pourquoi ◀l’▶on n’a pas avancé ◀d’▶un mètre en direction ◀de▶ notre union politique.
Qu’on ◀l’▶appelle Europe des patries, des nations, des États ou des souverainetés, ◀l’▶union ◀de▶ ◀l’▶Europe ne se fera pas sur ◀la▶ grande confusion, si chère aux hommes d’État, ◀de▶ nos diversités et ◀de▶ nos divisions.
Je crois aux vertus créatrices du désordre dans ◀la▶ cité, mais ces confusions sont stériles, et leur critique impitoyable peut être à ◀la▶ rigueur féconde.
35. Critique fédéraliste du nationalisme
Nietzsche, témoin ◀de▶ ◀la▶ montée ◀de▶ nos délires, écrit ceci : « Un diagnostic ◀de▶ ◀l’▶âme moderne, par où commencerait-il ? Par une incision résolue dans cet amalgame ◀d’▶instincts contradictoires, par une extirpation ◀de▶ ses valeurs opposées, par une vivisection opérée sur son cas ◀le▶ plus instructif. » Cet « amalgame ◀d’▶instincts contradictoires », ce « cas ◀le▶ plus instructif », c’est ◀le▶ nationalisme, précisément. Appliquons maintenant notre analyse fédéraliste à quelques-uns des éléments du nationalisme choisis parmi ◀les▶ plus vivants encore dans nos esprits, ou tout au moins dans nos réflexes acquis sur ◀les▶ bancs ◀de▶ ◀l’▶école primaire.
◀La▶ souveraineté nationale d’abord. On a remarqué, lors des débats sur ◀la▶ CED, que ◀les▶ adversaires du traité confondaient sincèrement et réellement ◀les▶ concepts ◀de▶ patrie, ◀de▶ nation et ◀de▶ souveraineté. Édouard Herriot, par exemple, s’écria solennellement que ◀la▶ CED était « ◀la▶ fin ◀de▶ ◀la▶ France », parce que cette convention prétendait limiter ◀la▶ souveraineté ◀de▶ ◀l’▶État dans ◀le▶ domaine militaire. À ses yeux donc, une France non absolument et non totalement souveraine n’était plus ◀la▶ France. ◀La▶ seule évocation ◀d’▶une atteinte possible à ◀la▶ souveraineté absolue lui paraissait suffisante pour trancher ◀le▶ débat. Vouloir simplement limiter ◀la▶ souveraineté, c’était trahir, attenter à ◀l’▶honneur du pays ; c’était se déclarer cyniquement antifrançais. Tout se passe donc comme si, en touchant à ◀la▶ souveraineté, on touchait au sacré. ◀Le▶ très laïque M. Herriot était en réalité un fanatique ◀de▶ ◀la▶ religion ◀de▶ ◀la▶ nation. S’il n’eût pas été aveuglé par ◀la▶ superstition jacobine, il eût vu comme nous tous que ◀la▶ souveraineté absolue n’est qu’un mythe, inventé par ◀les▶ prêtres ◀de▶ ◀la▶ nation dans ◀le▶ dessein ◀d’▶asservir ◀les▶ esprits à ◀l’▶État. ◀La▶ souveraineté absolue n’existe pas, et cependant ◀la▶ France existe bel et bien.
Pour Jean Bodin, au xvie siècle, ◀la▶ souveraineté est ◀le▶ droit ◀de▶ poser et ◀de▶ casser ◀les▶ lois, ◀le▶ fait du prince, et seul en jouit ◀le▶ roi de France, sans que rien ◀le▶ limite hors ◀la▶ Justice divine, dont il est ◀le▶ seul interprète… Par ◀la▶ suite, on a défini ◀la▶ souveraineté comme « ◀la▶ faculté pour un État ◀d’▶agir à sa guise, tant à ◀l’▶intérieur qu’à ◀l’▶extérieur, dans ◀les▶ limites posées par ◀le▶ droit applicable à chaque domaine ». Or il n’est pas un seul État européen qui, ◀de▶ nos jours, ait conservé ◀la▶ faculté ◀d’▶agir à sa guise à ◀l’▶extérieur. Il n’en est pas un seul qui soit capable ◀de▶ déclarer ◀la▶ guerre ou ◀de▶ conclure ◀la▶ paix comme il ◀l’▶entend — qu’on se rappelle ◀l’▶affaire ◀de▶ Suez en 1956 —, ◀d’▶assurer seul sa prospérité, ◀de▶ se défendre seul pendant plus ◀de▶ quelques heures contre une attaque des Russes ou des Américains, bref ◀de▶ vivre en vase clos ou ◀de▶ jouer au pirate.
Ces limites décisives à ◀la▶ souveraineté ne sont point posées par ◀le▶ droit, mais par ◀les▶ circonstances réelles du siècle, techniques, économiques et politiques. Il en résulte que ◀la▶ souveraineté nationale vis-à-vis de ◀l’▶extérieur n’a plus ◀d’▶autre existence que celle ◀d’▶une illusion pseudo-religieuse et obsessive. Où ◀la▶ voit-on à ◀l’▶œuvre ? Non pas dans ◀les▶ faits, mais seulement dans ◀les▶ discours des adversaires ◀de▶ ◀l’▶union fédérale. Non pas comme une réalité positive, mais bien comme un prétexte à refuser ◀les▶ évidences. Refoulée du domaine des forces réelles et des pouvoirs concrets, elle est devenue ◀le▶ réceptacle où se recueillent pêle-mêle nostalgies ◀de▶ gloires passées, orgueils déçus, rancunes et préjugés hérités ◀d’▶une Histoire faussée par ◀l’▶école, agressivité frustrée, et surtout angoisse ◀de▶ perdre son identité. Elle a donc pris ◀les▶ caractères cliniques ◀d’▶un complexe. ◀D’▶où ◀la▶ difficulté, pour ceux qui en sont victimes, ◀de▶ s’adapter aux réalités changeantes du siècle, et même ◀de▶ ◀les▶ apercevoir. ◀D’▶où ◀la▶ prise qu’ils offrent aux manœuvres ◀les▶ plus grossières du communisme, qui joue sur leur affectivité inquiète comme Iago sur ◀la▶ jalousie ◀d’▶Othello. ◀D’▶où enfin ◀l’▶extrême confusion et ◀les▶ éclats ◀de▶ passion saugrenus qui caractérisent ◀les▶ polémiques sur ◀la▶ souveraineté nationale.
◀Le▶ fédéraliste ne peut donc adopter, devant ◀la▶ croyance à ◀la▶ souveraineté nationale absolue, qu’une attitude ◀de▶ scepticisme intégral, tempérée par un souci ◀de▶ clinicien : ◀le▶ partisan ◀de▶ ◀l’▶État-nation, en effet, n’est pas simplement un homme qui a tort, ou qui persiste méchamment dans son erreur. C’est bien plutôt un homme qui souffre ◀de▶ ◀la▶ crainte morbide ◀de▶ perdre une puissance magique qui n’existe pas ! Il s’agit beaucoup moins ◀de▶ ◀le▶ réfuter que ◀d’▶éviter ◀d’▶exciter sa névrose. Je reviendrai sur ◀les▶ conséquences à tirer ◀de▶ ce diagnostic.
Un autre élément du nationalisme profondément induré dans ◀les▶ esprits, depuis quatre ou cinq générations, par ◀les▶ soins ◀de▶ ◀l’▶instruction publique, c’est ◀la▶ confusion établie entre patrie, État, nation et langue. Voilà bien ◀le▶ type ◀de▶ ◀l’▶amalgame ◀de▶ réalités hétérogènes sur lequel il importe ◀de▶ pratiquer « ◀l’▶extirpation des valeurs opposées » et ◀la▶ « vivisection » préconisées par Nietzsche.
◀La▶ patrie, pour ◀le▶ fédéraliste, est une réalité ◀d’▶instinct et ◀de▶ sentiment, un fait ◀de▶ naissance et ◀d’▶atavisme non seulement paternel, comme ◀le▶ mot ◀l’▶indique, mais maternel. Et cette implantation géophysique reste locale. Elle n’est guère extensible au-delà ◀de▶ ◀la▶ région.
◀La▶ nation, au contraire, au sens moderne, au sens du « Vive ◀la▶ Nation ! » ◀de▶ Valmy, est une réalité ◀d’▶ordre plutôt mystique, idéale ou idéologique. ◀D’▶où cette différence foncière : on peut annexer des peuples à une nation, des territoires à un État, mais on ne peut rien annexer à une patrie.
◀L’▶État est un agencement ◀d’▶activités administratives et politiques, une construction artificielle par définition, rarement influencée et jamais déterminée par ◀la▶ nature ◀de▶ ◀la▶ patrie concrète, encore moins par ses limites prétendues naturelles. Il suffit ◀de▶ constater que ◀la▶ structure ◀de▶ ◀l’▶État est à peu près ◀la▶ même ◀de▶ nos jours dans ◀les▶ patries et ◀les▶ nations ◀les▶ plus diverses par ◀la▶ géographie et par ◀les▶ traditions : dans ◀les▶ pays neufs du tiers-monde, on copie ◀le▶ modèle imposé à ◀la▶ France par un Corse.
Quant à ◀la▶ langue, elle ne coïncide historiquement et géographiquement ni avec ◀la▶ nation, ni avec ◀l’▶État, ni même avec ◀la▶ patrie24. Ces évidences accablantes n’empêchent pas ◀le▶ nationaliste moyen ◀de▶ revendiquer ◀l’▶annexion à son État administratif, au nom de son propre sentiment patriotique, ◀de▶ peuples qui ont ◀l’▶honneur ◀de▶ parler sa langue, quand celle-ci se trouve être majoritaire dans ◀les▶ frontières actuelles (et en somme accidentelles) ◀de▶ ◀l’▶État en question.
◀La▶ confusion État-nation-Patrie-Langue, entretenue par ◀les▶ écoles publiques obligatoires dès ◀les▶ années 1880, a inspiré ◀les▶ « traités ◀de▶ banlieue » signés au lendemain ◀de▶ la Première Guerre mondiale — Versailles, Saint-Germain, Trianon, Sèvres, Neuilly —, qui ont balkanisé ◀l’▶Europe et fourni ◀les▶ motifs ◀de▶ ◀la▶ Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, cette même confusion sert ◀de▶ prétexte au premier nigaud venu pour mettre en doute, au nom du « réalisme », toute possibilité ◀d’▶unir ◀l’▶Europe. Dissocier ce conglomérat ◀de▶ clichés indurés et ◀de▶ préjugés pédants, ridiculiser ces confusions séculaires, ◀les▶ extirper ◀de▶ ◀l’▶enseignement, c’est l’une des premières tâches du fédéralisme en Europe : qu’on se ◀le▶ dise dans ◀les▶ écoles normales.
Mais ◀le▶ stato-nationalisme a poussé plus loin dans ◀l’▶absurde. Non content de prétendre forcer dans ◀le▶ lit ◀de▶ Procuste ◀d’▶un État patries locales, nations et langues, il a voulu imposer ce carcan aux réalités économiques. C’est ainsi que ◀le▶ charbon fut français ou allemand, selon qu’il se trouvait ◀d’▶un côté ou ◀de▶ l’autre ◀de▶ ◀la▶ frontière des langues, prolongée dans ◀le▶ sous-sol muet.
◀La▶ tendance à ◀l’▶autarcie économique n’est qu’une transposition particulièrement insensée ◀de▶ ◀la▶ volonté ◀d’▶isolement à la fois anxieux et agressif que représente ◀l’▶État-nation. Nulle part, ◀l’▶État ne trahit mieux son mépris foncier des hommes. Car ◀l’▶autarcie implique que ◀le▶ bien-être des citoyens soit sacrifié à ◀la▶ puissance ◀de▶ ◀l’▶État, et leur liberté personnelle et concrète à sa liberté collective et abstraite, qu’il nomme indépendance nationale. ◀Le▶ nationalisme a réussi à faire croire aux masses et aux élites modernes que ◀l’▶indépendance nationale est ◀la▶ suprême valeur humaine, puisque en fait on lui sacrifie ◀la▶ santé ◀d’▶un peuple et son niveau de vie, ◀la▶ liberté économique et ◀la▶ justice elle-même. « Buy British ! », « Achetez français ! », cela rend un son patriotique et « vertueux » au sens jacobin. C’est pratiquement idiot, mais on ne s’en aperçoit que si c’est dit dans une langue étrangère. Ajoutons que ◀l’▶autarcie économique est irréalisable au xxe siècle, et n’existe pas, même en Chine. Tout comme ◀la▶ souveraineté absolue, elle ne représente rien ◀d’▶autre qu’une tendance psychologique morbide, un prétexte à refuser toute mesure réaliste ◀de▶ coopération et à autoriser ◀les▶ tricheries ◀les▶ plus effrontées dans ◀le▶ domaine commercial et financier : tarifs douaniers arbitraires, industries parasites protégées, cours forcés des devises, inflation, dévaluations et autres formes légalisées mais non moins démoralisantes ◀de▶ ◀l’▶escroquerie légale.
Enfin, ◀l’▶État-nation, ayant renoncé au cujus regio, ejus religio, non par esprit œcuménique, mais par mépris pour ◀la▶ religion, ◀l’▶a remplacé par ◀le▶ concept ◀de▶ culture nationale. On prétend que ◀les▶ idées ne connaissent pas ◀de▶ frontières, mais ◀l’▶instruction publique a changé cela. (Et ◀l’▶Université, en dépit de son nom, a pareillement abdiqué devant ◀l’▶État.) ◀Les▶ encyclopédies et ◀les▶ revues parlent couramment ◀de▶ « science française », ◀de▶ « science allemande », etc. — variétés que ◀les▶ Soviets englobent d’ailleurs sous ◀le▶ titre diffamant ◀de▶ « science bourgeoise ». Sous Hitler, on parlait ◀de▶ mathématiques allemandes, et sous Staline ◀d’▶une biologie marxiste. Ces excès doivent nous rendre attentifs à ◀l’▶usage courant qu’ils prolongent. Si nous croyons qu’il est une « culture nationale » française ou danoise par exemple, comme ◀la▶ culture comprend en fait ◀les▶ sciences aussi bien que ◀les▶ lettres, ◀les▶ arts et ◀la▶ philosophie, pourquoi n’y aurait-il pas une biologie marxiste et une algèbre nationale-socialiste ?
◀La▶ volonté fondamentale ◀de▶ ◀l’▶État-nation : imposer ◀les▶ mêmes frontières au patriotisme, à ◀l’▶administration, à ◀la▶ langue, à ◀l’▶économie et à ◀la▶ culture, c’est-à-dire aux contraintes et aux libertés, nous jette en plein délire totalitaire, seul achèvement possible du nationalisme. Ce qui nous autorise, par contraste, à décrire ◀l’▶attitude fédéraliste comme un simple retour au respect des libertés et des réalités, comme une référence au bon sens.
36. Une solution pratique
Renoncer à ◀la▶ souveraineté nationale paraît tellement inconcevable à la plupart de mes contemporains, qu’ils jugeront plus niaises encore qu’imprudentes ◀les▶ trois questions suivantes que je tiens pour décisives : — Faut-il sacrifier ◀les▶ souverainetés absolues ? — Suffirait-il ◀de▶ ◀les▶ limiter ? — Peut-on ◀les▶ conserver tout en faisant ◀l’▶Europe ?
Certains stato-nationalistes ◀de▶ droite, ou ◀de▶ ◀l’▶Est, disent qu’ils veulent bien ◀de▶ ◀l’▶Europe unie, si elle respecte ◀les▶ souverainetés nationales. Ce qui revient à dire : Je veux bien me marier, à condition de garder mes droits ◀de▶ célibataire. Logiquement, ◀l’▶attitude est comique ; pratiquement, elle permet tous ◀les▶ refus et n’autorise que ◀les▶ hypocrisies. Quant à son absurdité théorique, elle est parfaitement exprimée par ◀la▶ devise que proposait ◀l’▶historien autrichien Walter Tritsch, paraphrasant ◀les▶ dernières phrases du Manifeste communiste : « Nationalistes ◀de▶ tous ◀les▶ pays, unissez-vous ! Vous n’avez rien à y perdre, que vos étrangers ! »
Cela dit, ◀les▶ fédéralistes doivent-ils engager ◀la▶ bataille sur ◀le▶ thème ◀de▶ « ◀l’▶abandon des souverainetés » ? Je ne ◀le▶ pense pas, pour deux raisons. La première, c’est que ◀la▶ souveraineté nationale est encore un mythe puissamment agissant sur ◀les▶ esprits primaires ◀de▶ ◀la▶ presse, des parlements et des trois degrés ◀de▶ ◀l’▶enseignement. Dès qu’on y touche, on provoque une opposition passionnelle qui met fin à tout dialogue. La seconde raison, c’est que ◀les▶ souverainetés nationales n’existent plus.
J’estime donc que ◀les▶ fédéralistes doivent refuser ◀le▶ faux dilemme : souveraineté ou fédération. Et sur ◀la▶ base ◀d’▶une expérience historique probante, je leur propose une solution pratique.
Parmi ◀les▶ fédérations réussies, on peut citer ◀la▶ Suisse, sans soulever ◀d’▶objections. Chacun sait que son régime politique est l’un des plus stables du monde, depuis plus ◀d’▶un siècle. Ce que ◀l’▶on ignore généralement, c’est ◀la▶ manière dont ce régime fédéraliste parvint à se faire accepter par ◀les▶ vingt-cinq cantons et demi-cantons qui étaient encore, au début ◀de▶ 1848, des États parfaitement souverains. Tout le monde admettait, à ce moment-là, que ◀les▶ alliances qui existaient depuis des siècles entre ◀les▶ cantons souverains étaient trop lâches : elles ne permettaient pas une défense commune efficace. Tout le monde admettait que ◀les▶ péages et douanes entre ◀les▶ cantons étouffaient ◀l’▶économie. Mais toute proposition ◀de▶ pacte fédéral plus étroit se heurtait au veto des cantons, jaloux ◀de▶ leur souveraineté sacrée. ◀La▶ solution qui s’impose finalement, au lendemain ◀de▶ ◀la▶ guerre civile dite du Sonderbund (1847), fut ◀la▶ suivante : loin ◀d’▶exiger des cantons une renonciation à leur souveraineté, ◀la▶ Constitution fédérale allait garantir expressément cette souveraineté, en même temps qu’elle en déléguerait partiellement ◀l’▶exercice au pouvoir fédéral. Voici ◀les▶ textes :
Article 1. — ◀Les▶ peuples des vingt-deux cantons souverains ◀de▶ ◀la▶ Suisse, unis par ◀la▶ présente alliance… forment dans leur ensemble ◀la▶ Confédération suisse.
Article 3. — ◀Les▶ cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par ◀la▶ Constitution fédérale, et comme tels, ils exercent tous ◀les▶ droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral.
Article 5. — ◀La▶ Confédération garantit aux cantons leur territoire, ◀la▶ souveraineté dans ◀les▶ limites fixées par ◀l’▶article 3, leurs constitutions, ◀la▶ liberté et ◀les▶ droits du peuple… (etc.)
Ratifiés par ◀la▶ majorité du peuple et des cantons, ces articles ont résolu ◀le▶ problème à ◀la▶ satisfaction générale depuis cent-vingt-deux ans. On peut ◀les▶ qualifier soit ◀d’▶habiles compromis, soit ◀d’▶échappatoires, selon qu’on a ◀le▶ tempérament pragmatique ou doctrinaire. Un fait demeure : il n’est pas ◀de▶ Constitution plus fédéraliste que celle ◀de▶ ◀la▶ Suisse, et pourtant elle garantit ◀la▶ souveraineté ◀de▶ ses membres ! Souveraineté plus ou moins fictive, direz-vous ? Raison de plus pour ne point s’épuiser à ◀la▶ combattre. Laissant aux nationalistes un terme vide, ◀la▶ Constitution suisse a gardé ◀le▶ concret : elle a créé une souveraineté nouvelle et bien réelle au niveau de ◀la▶ fédération.
Tout cela vaut pour ◀l’▶Europe ◀d’▶aujourd’hui, tout cela nous indique une voie : concentrer nos efforts sur ◀l’▶élaboration et sur ◀la▶ ratification ◀d’▶une Constitution fédérale ◀de▶ ◀l’▶Europe, afin que ◀l’▶Europe recouvre, entre ◀les▶ grands empires, une souveraineté qui échappe ◀de▶ toute manière à ses nations.
37. ◀La▶ puissance ou ◀la▶ liberté
Ces recettes ◀de▶ sagesse resteront nulles et vides tant que ◀la▶ « bonne volonté européenne » mélangera ◀les▶ déclarations louant ◀l’▶union et ◀les▶ professions ◀de▶ foi nationalistes.
Entre ◀l’▶union ◀de▶ ◀l’▶Europe et ◀les▶ États-nations sacralisés, entre une nécessité humaine des plus concrètes et ◀le▶ culte prolongé ◀d’▶un mythe, il faut choisir.
Pour la première fois dans ◀l’▶histoire, ◀l’▶homme se voit aujourd’hui en situation ◀de▶ choisir librement son avenir. Jusqu’à nous, point ◀de▶ choix économiques ni même peut-être politiques longuement délibérés, concertés à long terme : il fallait se battre pour survivre. Aujourd’hui que ◀le▶ nécessaire est assuré, on se bat pour ◀le▶ contrôle ◀de▶ zones ◀d’▶influence plus idéologiques que commerciales (voir ◀le▶ Vietnam) et ◀l’▶on travaille pour ◀le▶ profit, qui est en somme du superflu.
Mais dès lors que ce choix ◀de▶ notre avenir est libre, nous voici contraints ◀de▶ ◀le▶ faire, à nos risques et périls ! Nous voici contraints ◀de▶ nous demander ce que nous attendons ◀de▶ notre vie et ◀de▶ ◀la▶ vie en société, ce que nous voulons réellement, principalement, et contraints ◀de▶ tirer des plans en conséquence.
Voulons-nous par exemple à tout prix élever notre niveau de vie, quantitatif — ou plutôt voulons-nous sauvegarder un certain mode de vie, qualitatif ? Voulons-nous contribuer à tout prix à ◀l’▶accroissement indéfini du PNB (produit national brut) — ou plutôt recréer un habitat décent, une communauté vivante ? Et quel prix sommes-nous prêts à payer pour cela ? ◀Le▶ prix ◀de▶ certaines libertés, ou ◀le▶ prix ◀d’▶un nouvel accroissement ◀de▶ confort ?
Ces dilemmes se posent aujourd’hui à tous ◀les▶ peuples avancés sous le rapport de ◀l’▶industrie et ◀de▶ ◀la▶ technique. Et ils ◀les▶ forcent à reposer des questions difficiles, voire angoissantes, sur ◀le▶ sens même ◀de▶ ◀la▶ vie…
◀D’▶une façon plus précise, en Europe, il nous faut décider si notre union aura pour but ◀la▶ puissance collective ou ◀la▶ liberté des personnes. Il nous faut ◀le▶ décider, en toute conscience, et vite, car ◀le▶ choix ◀de▶ ◀la▶ fin implique évidemment celui des moyens adéquats ; mais à ◀l’▶inverse, si vous vous trompez ◀de▶ moyens, ils risquent bien ◀de▶ vous conduire où vous ne vouliez pas aller…
Voici donc ◀le▶ dilemme présent :
Si nous attribuons pour finalité à ◀la▶ Cité européenne ◀de▶ demain ◀la▶ puissance, c’est-à-dire ◀la▶ puissance industrielle et militaire massive ◀d’▶une sorte ◀de▶ Troisième Grand préoccupé principalement ◀de▶ tenir tête aux deux autres, alors il faut créer un super-État-nation continental, uniformisé, centralisé et agressif, comme ◀la▶ France de Napoléon, et faire ◀de▶ nos États autant ◀de▶ départements. Il faut tout unifier par des lois inflexibles, sans égard aux diversités ethniques et régionales, et soumettre ◀la▶ production industrielle au seul impératif ◀de▶ ◀l’▶élévation perpétuelle du PNB — cette tour ◀de▶ Babel du xxe siècle !
Une politique européenne ◀de▶ ce type, simple transposition ◀de▶ ◀la▶ formule ◀d’▶État-nation à ◀l’▶échelle continentale, serait capable sans nul doute ◀de▶ créer une Europe très forte, mais qui serait très peu européenne. Sans compter qu’un super-État-nation ne pourrait être imposé à tous nos peuples qu’à ◀la▶ faveur ◀d’▶une guerre générale — selon ◀la▶ loi ◀de▶ formation ◀de▶ ◀l’▶État-nation dès ses débuts. Il s’agit donc ◀d’▶une utopie catastrophique, mais dont ◀la▶ réalisation ne saurait être exclue pour autant.
Au contraire, si nous donnons pour finalité à ◀la▶ Cité européenne ◀la▶ liberté, c’est-à-dire ◀les▶ plus grandes possibilités ◀d’▶épanouissement des personnes, ◀de▶ participation des citoyens et ◀d’▶autonomie des communautés (◀la▶ production industrielle n’étant qu’un des moyens ◀de▶ ces libertés), alors il faut reconnaître que ◀l’▶État-nation n’est pas seulement un modèle périmé, mais qu’il est en fait aujourd’hui radicalement incompatible avec ◀les▶ fins ◀de▶ ◀l’▶Europe et ◀de▶ ◀la▶ liberté. Il faut adopter sans délai ◀les▶ méthodes ◀les▶ plus propres à réduire ◀l’▶obstruction des stato-nationalismes, et se consacrer sérieusement à ◀la▶ tâche ◀de▶ construire des modèles neufs pour une cité rendue à ◀l’▶usage ◀de▶ ◀l’▶homme. Il faut mettre en commun à ◀l’▶échelle fédérale continentale tout ce qui est nécessaire pour garantir ◀les▶ autonomies ◀de▶ tous ordres, régionales, communales et personnelles, mais rien de plus. Il faut admettre ◀la▶ pluralité des allégeances civiques, politiques, culturelles, idéologiques et religieuses, contre ◀la▶ prétention ◀de▶ ◀l’▶État-nation à leur monopole absolu. Il faut distribuer ◀les▶ pouvoirs étatiques aux différents niveaux ◀de▶ décision — ◀le▶ communal, ◀le▶ régional, ◀le▶ fédéral — indiqués par ◀la▶ nature des tâches, leurs dimensions et celles ◀de▶ ◀la▶ communauté ◀la▶ plus apte à ◀les▶ administrer. En un mot, il faut appliquer ◀la▶ méthode du fédéralisme.
38. Défaire et dépasser ◀l’▶État-nation
Puissance ou liberté : ces deux finalités commandent deux politiques ◀d’▶union, dont je crains bien que ◀l’▶on ne puisse impunément continuer à mêler ◀les▶ moyens.
On ne manquera pas ◀de▶ m’objecter en ce point que ◀la▶ politique a toujours eu pour fin réelle ◀la▶ puissance ; et je vois bien que toutes ◀les▶ civilisations que nous connaissons ont choisi ◀la▶ puissance comme seul but réaliste ◀de▶ ◀la▶ société politique ; ◀le▶ reste — ◀la▶ justice, ◀la▶ paix, ◀la▶ liberté — étant manière ◀de▶ parler plus ou moins nobles, ou pure et simple captatio démagogique. Mais je vois aussi que seuls des Européens, rares mais exemplaires, ont osé proclamer, ◀d’▶Aristote à Rousseau et ◀de▶ William Penn à Proudhon, que ◀les▶ libertés personnelles et ◀les▶ communautés autonomes valent mieux que ◀la▶ puissance collective. ◀L’▶Europe unie sera seule capable ◀de▶ réaliser leur vision.
On me dira peut-être aussi que je radicalise indûment ◀l’▶antithèse État-nation / fédération, ramenée au dilemme puissance ou liberté comme finalités ◀de▶ ◀l’▶union. Mais je ne crois pas qu’il y ait un tiers parti tenable. Je ne crois pas à cette « imposante confédération » qu’évoquait ◀le▶ général de Gaulle, et qui serait formée ◀d’▶États-nations conservant jalousement leurs prétentions à ◀la▶ souveraineté absolue. Je ne crois pas à cette amicale des misanthropes.
Je crois à ◀la▶ nécessité ◀de▶ défaire nos États-nations. Ou plutôt, ◀de▶ ◀les▶ dépasser, ◀de▶ démystifier leur sacré, ◀de▶ percer leurs frontières comme des écumoires, ◀de▶ narguer ces frontières sur terre, sous terre et dans ◀les▶ airs, et ◀de▶ ne pas perdre une occasion ◀de▶ faire voir à quel point elles sont absurdes. Elles sont encore efficaces, il est vrai, pour gêner ce qu’il faudrait aider : ◀les▶ échanges culturels, ◀les▶ mouvements ◀de▶ personnes, ◀la▶ concertation rationnelle des productions industrielles et agricoles. Mais elles ne servent absolument à rien pour arrêter ce qui devrait ◀l’▶être : ◀les▶ tempêtes et ◀les▶ épidémies, ◀la▶ pollution ◀de▶ ◀l’▶air et des fleuves, ◀les▶ attaques aériennes, ◀les▶ ondes ◀de▶ ◀la▶ propagande et ◀les▶ grandes contagions dites idéologiques. Elles empêchent simplement ◀de▶ bien traiter ces problèmes.
Ce statut des frontières, doublement déficient, est caractéristique ◀de▶ tout ce qui touche à ◀l’▶État-nation : néfaste dans ◀la▶ mesure où il est encore réel, inexistant quand on voudrait compter sur lui.
Je ne sais si nos États-nations délimités pour la plupart au xixe et au xxe siècle se trouvent vraiment former, comme par miracle, des entités économiques intelligibles. Je ne sais si ◀les▶ problèmes profonds que pose leur balance commerciale (laquelle ne saurait être positive, me semble-t-il, dans tous ◀les▶ pays à la fois…) ne sont pas ◀le▶ type même ◀de▶ faux problèmes, résultant ◀de▶ ◀la▶ seule fiction ◀d’▶économies dites nationales, qui ne correspondent à rien ◀d’▶économique.
Mais ce que je sais ◀de▶ science certaine, c’est que ◀les▶ États-nations n’existent pas dans ◀l’▶histoire ◀de▶ ◀la▶ culture, et que ◀le▶ « cheminement des esprits » dont parlait Robert Schuman traverse leurs frontières sans ◀les▶ apercevoir : dans ce plan, elles n’existent pas.
Il n’y a pas ◀de▶ « cultures nationales », nous ◀l’▶avons vu, il n’y a que des divisions tout arbitraires opérées après coup dans ◀l’▶ensemble vivant ◀de▶ ◀la▶ culture européenne. Et ◀les▶ diversités que nous devons respecter ne sont pas celles ◀de▶ ces États-nations nés ◀d’▶hier : elles ◀les▶ traversent et ◀les▶ divisent tous également, et ne coïncident jamais avec aucune frontière. Elles traversent aussi nos partis, nos confessions et nos régions ; nos personnes mêmes. Il y a dans chaque pays un nord et un midi ; dans chaque Église, catholique ou protestante, une aile évangélique et une aile ritualiste ; dans chaque personne qui réfléchit, une droite et une gauche, etc.
Nos États-nations, obsédés par ◀l’▶idée ◀de▶ « se faire respecter », oublient qu’ils n’y arriveraient qu’en se rendant utiles. Ils exigent, depuis Louis XIV, que ◀l’▶on s’incline devant ◀la▶ « majesté de l’État ». Mais non ! ◀l’▶État n’est pas un dieu, ce n’est qu’un appareil plus ou moins efficace, qui doit être mis au service des citoyens et ◀de▶ leurs cités, et non ◀l’▶inverse.
Cessez donc, Messieurs ◀les▶ ministres, ◀d’▶essayer ◀d’▶apaiser ◀les▶ ennemis ◀de▶ ◀l’▶union en jurant ◀de▶ ne jamais toucher aux droits sacrés ◀de▶ vos États-nations ! Vous savez bien que vous ne pourrez pas unir ◀l’▶Europe en proclamant périodiquement votre attachement aux causes mêmes ◀de▶ sa division ! Pourquoi ne pas ◀le▶ dire ouvertement ? Tous ◀les▶ sondages ◀d’▶opinion ◀le▶ montrent : on vous suivrait si vous osiez marcher…
Mais quant à vous, Européennes, Européens, cessez ◀de▶ vous figurer que vos hommes d’État ont vraiment ◀l’▶intention ◀de▶ faire ◀l’▶Europe ! Cessez surtout ◀de▶ croire que ça deviendra sérieux ◀le▶ jour où ◀les▶ ministres responsables décideront ◀de▶ faire élire par leurs peuples un parlement européen doté ◀de▶ pouvoirs délibérants, comme ◀le▶ demandait dans son discours du 17 août 1950 ◀le▶ général de Gaulle lui-même. Lisez plutôt ce qu’en pense son successeur : « S’imaginer qu’on va élire Dupont président, six-cents députés, qu’il en sortira un gouvernement et que cela fera ◀l’▶Europe, c’est une blague, une pure blague25… » Pas gentil pour ◀le▶ maître, mais vrai. Ne comptez pas sur ◀les▶ ministres et hommes d’État pour faire ◀l’▶Europe qu’ils traitent ◀de▶ blague, et qui ◀l’▶est en effet dans leurs calculs. Non qu’elle soit ◀le▶ cadet ◀de▶ leurs soucis : elle est ◀le▶ spectre qui ◀les▶ hante et qu’ils refoulent, en ◀le▶ bagatellisant. ◀L’▶Europe unie à bref délai, ◀de▶ leur vivant, ce serait, pour la plupart d’entre eux, ◀la▶ limite supérieure ou ◀la▶ fin ◀de▶ leur carrière, ◀la▶ fin des affaires « étrangères » et ◀de▶ ◀la▶ défense « nationale » économique ou militaire. Et ◀l’▶on sait que ◀l’▶abnégation n’est pas une valeur politicienne.
◀L’▶Europe ne se fera pas non plus spontanément, par ◀la▶ « force des choses », qui est ◀la▶ mesure exacte ◀de▶ ◀la▶ faiblesse ◀de▶ notre esprit, ou bien parce qu’elle est nécessaire, ou encore en vertu de quelque « sens ◀de▶ ◀l’▶histoire » que personne n’a jamais connu, ni ne connaît, ni ne pourra connaître en vérité avant ◀la▶ fin des temps et ◀le▶ Jugement dernier.
Européennes, Européens, c’est vous qui ferez ◀l’▶Europe, et personne ◀d’▶autre, à ◀la▶ seule condition que vous ◀le▶ vouliez vraiment.
Et non pas en « prenant ◀le▶ pouvoir », comme ◀le▶ répètent ◀les▶ adolescents qui en sont encore au Lénine de Que faire ? (1902). Il n’y a pas ◀de▶ pouvoir à prendre au niveau des États-nations. ◀La▶ seule question serait ◀d’▶en créer un, au niveau des réalités ◀de▶ notre société électronique.
Mais créer du pouvoir, ou créer ◀le▶ pouvoir dans ◀la▶ société qu’il faut faire, c’est d’abord créer ◀les▶ régions, seul échelon où ◀le▶ pouvoir puisse à la fois servir et être contrôlé, seul échelon ◀de▶ participation, ◀de▶ responsabilité, et donc ◀de▶ liberté.