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Le grand litige
« Fatalités », ou la▶ peur ◀d’▶être libre
◀Le▶ débat ◀de▶ ◀l’▶énergie nucléaire dramatise ◀d’▶une manière exemplaire toutes ◀les▶ motivations formulées jusqu’ici. Il implique tous ◀les▶ éléments du cercle ◀de▶ ◀la▶ crise où nous nous enfermons. Et c’est à travers lui que se manifeste, dans ◀l’▶inconscience ou ◀le▶ cynisme, ◀l’▶option générale du système — qui n’est pas ◀le▶ bonheur, on s’en doute, et encore moins ◀les▶ libertés ◀de▶ ◀la▶ personne, mais ◀la▶ puissance sous ses formes brutales, industrielles, financières, militaires, finalement stato-nationales.
Reprenons donc notre trajet à partir de ◀la▶ démographie. ◀La▶ bombe P n’est pas seulement ◀l’▶effet ◀de▶ ◀la▶ révolution industrielle, ◀de▶ ◀la▶ pharmacopée et ◀de▶ ◀la▶ technique exportées par ◀les▶ militaires, ◀les▶ commerçants, ◀les▶ missionnaires du christianisme ou des plus vieux stato-nationalismes européens : ◀le▶ français, ◀l’▶ibérique et ◀le▶ britannique. Elle exerce un pouvoir ◀d’▶entraînement en tous domaines publics et privés où ◀la▶ croissance paraît possible, bientôt souhaitable, et aussitôt indispensable ; comme c’est en premier lieu ◀le▶ domaine ◀de▶ ◀l’▶énergie, qui commande ceux ◀de▶ ◀l’▶industrie, des transports et ◀de▶ ◀l’▶urbanisme, bien qu’on nous dise qu’il en dépend, mais je n’en crois rien. Car ◀les▶ problèmes que nous pose ◀l’▶énergie ne dépendent pas des grands « impératifs techniques », des « lois » que ◀l’▶on prétend découvrir, ni ◀de▶ ◀la▶ « marche inexorable du progrès ». Ils dépendent au contraire des conceptions ◀de▶ ◀l’▶homme et ◀de▶ son rôle sur ◀la▶ Terre qui nous animent en vérité. Non pas que nos idées ◀de▶ ◀l’▶homme et ◀de▶ ses fins soient toujours bien conscientes chez la plupart. Mais ce sont elles, fût-ce à travers nos rêves, qui, en dernier ressort, dictent nos décisions. Nos options traduisent et trahissent avec une totale impudeur nos vraies hiérarchies ◀de▶ valeurs, celles qu’il nous faut apprendre à lire précisément dans notre crise.
Apprendre à distinguer dans nos actions ◀les▶ fins qu’elles servent en réalité, quand nous pensions en servir d’autres plus avouables et même philanthropiques ; montrer que ◀les▶ fatalités que ◀l’▶on allègue ne sont que ◀les▶ déguisements ◀de▶ fins qu’on veut cacher, ou que ◀l’▶on se cache à soi-même, ◀les▶ alibis ◀de▶ notre lâcheté, j’entends ◀de▶ notre peur ◀d’▶être libres : telle est bien ◀l’▶ambition ◀de▶ cet ouvrage, au moins dans sa première partie.
Sans autres compétences que celles ◀d’▶un citoyen qui a pris ◀la▶ peine ◀d’▶étudier ◀les▶ dossiers avant de voter, je suis à ◀la▶ recherche des motifs réels derrière ◀les▶ arguments brandis ◀de▶ part et ◀d’▶autre dans ◀le▶ grand litige du siècle. Et je ne crains nullement que cette approche lie mon ouvrage à ◀de▶ ◀l’▶anecdotique : ◀le▶ débat des centrales nucléaires restera longtemps signifiant, moins par ◀les▶ faits, vite dépassés, que par ◀les▶ choix qui commandent ◀l’▶avenir ◀de▶ notre civilisation occidentale, et même ◀de▶ toute ◀l’▶humanité, si elle accepte sans méfiance notre héritage technologique.
Tout a commencé dans ◀l’▶innocence générale
Situation des années 1950 en Europe : ◀le▶ bruit se répand que ◀le▶ genre humain, désormais, va doubler tous ◀les▶ trente ans ; ◀la▶ production industrielle progresse à des taux parfois exponentiels ; ◀le▶ suremploi et ◀la▶ surchauffe créent des problèmes : un travailleur étranger sur huit en France, un sur cinq en RFA, un sur trois en Suisse ; des pénuries ◀d’▶énergie sont en vue, à cause du suremploi, du boom industriel et ◀de▶ ◀la▶ « démographie galopante ». C’est alors qu’on nous offre ◀les▶ centrales nucléaires. C’est propre, nous dit-on, pas une fumée n’en sort, ni même ◀de▶ gaz ou ◀de▶ vapeurs incolores ; c’est le dernier cri ◀de▶ ◀la▶ technique, voire ◀de▶ ◀la▶ science ; ce sera concurrentiel, rentable dans dix ans, vingt ans au plus ; et ◀le▶ combustible, « il y en a partout » assurent ◀les▶ experts des gouvernements et tous ◀les▶ chroniqueurs des mass médias. Alors, on y va ? — Et comment ! ◀Les▶ plans ◀de▶ quelques dizaines ◀de▶ centrales sont acceptés et mis en œuvre aux USA, en Grande-Bretagne, en France, en Espagne et en URSS. ◀Le▶ peuple suisse, en 1957, vote sans histoires et presque distraitement ◀les▶ pleins pouvoirs au gouvernement fédéral pour ◀la▶ construction des centrales nucléaires.
Les premiers doutes
Vers ◀la▶ fin des années 1960 et au début des années 1970, les premières questions vont se poser dans ◀l’▶ordre exact que ◀l’▶on pouvait prévoir : coût calculé en termes financiers, non pas encore ◀d’▶environnement ; sécurité ; nécessités ; finalités ◀de▶ civilisation.
— C’est bien cher ! soupirent quelques économistes, un demi-milliard ◀de▶ dollars pour une centrale ◀de▶ 1200 MW devisée aujourd’hui, et ◀le▶ double d’ici qu’on ◀la▶ construise… On leur répond que selon tous ◀les▶ calculs, ◀l’▶électricité nucléaire se trouve d’ores et déjà compétitive avec ◀l’▶électricité ◀d’▶origine hydraulique ou à mazout.
— Et ◀les▶ risques ◀de▶ radiations ? demandent quelques névrosés traumatisés par Hiroshima, et certains ennemis bien connus ◀de▶ nos « régimes ◀de▶ liberté ». On leur répond qu’une centrale nucléaire produit moins ◀de▶ rayonnement que ◀les▶ cadrans lumineux ◀de▶ nos montres, dix fois moins que ◀la▶ TV, cinquante fois moins que ◀la▶ radiologie médicale, et cent-cinquante fois moins que ◀la▶ nature — corps radioactifs dans ◀l’▶écorce terrestre, rayons cosmiques, eaux minérales. Alors ?
— Mais en cas ◀d’▶accident, que se passerait-il ? insistent ◀d’▶éternels inquiets. On leur répond que « toutes ◀les▶ précautions ont été prises », et que ◀les▶ normes ◀de▶ sécurité sont « vingt-cinq fois plus rigoureuses que dans toute autre branche ◀de▶ ◀l’▶industrie ». Pas un seul « accident majeur » à déplorer et pas une mort depuis ◀la▶ mise en marche ◀de▶ la première centrale. Et quant aux « incidents » qui ont pu se produire ici ou là, « presque toujours en cours ◀d’▶expérimentation des appareils », ils nous ont justement appris ◀les▶ moyens ◀d’▶éviter leur retour !
— Mais des savants sérieux n’ont-ils pas affirmé qu’il n’est nullement exclu qu’un millionième ◀de▶ gramme ◀de▶ plutonium inhalé jusque dans ◀les▶ poumons y produise un cancer mortel ? — Qu’en savez-vous ? Avez-vous essayé ? répond un professeur français, expert du gouvernement, qui prétend pouvoir ingérer sans ◀le▶ moindre risque « des légumes gorgés ◀de▶ plutonium »38.
— Reste ◀le▶ problème des déchets, et des centrales elles-mêmes une fois usées, après environ vingt-cinq ans… À cela ◀le▶ représentant ◀d’▶une importante société suisse productrice ◀d’▶électricité répond fin 1972 que cette objection est facilement résolue : on envoie ◀les▶ déchets à des usines qui ◀les▶ retraitent, ◀les▶ fusent dans du verre et ces blocs ◀de▶ verre seront par ◀la▶ suite stockés dans des cavernes39. Cependant, ◀le▶ physicien Leprince-Ringuet affirme pour sa part40 que « l’un des bons procédés qu’on étudie actuellement » serait ◀la▶ vitrification. Quant aux réacteurs épuisés, ils ne présentent aucun danger : on peut en faire des bureaux. Il ◀l’▶a vu lui-même à Marcoule où deux réacteurs (tiens, déjà ?) sont arrêtés.
— Mais « ◀l’▶étude ◀d’▶un bon procédé » nous met-elle à ◀l’▶abri des radiations du strontium et du plutonium des déchets ? Pourquoi ne pas attendre que ◀l’▶étude ait abouti, avant de faire proliférer ces éléments ? — Sachez, Monsieur, me dit-on avec une soudaine sévérité, que nous n’avons simplement pas ◀le▶ choix et que nous ne pouvons plus attendre. ◀La▶ demande ◀d’▶électricité double tous ◀les▶ sept ans, c’est un fait établi, et nous sommes tenus ◀d’▶y faire face. Au reste ◀l’▶homme n’a jamais rien entrepris sans risque.
Négligeant ◀de▶ vérifier ce « fait » qui ne saurait être « établi » que dans ◀l’▶avenir ◀de▶ vos désirs, et non des miens, je me borne à observer que dans sept ans, il faudrait produire deux fois plus ◀d’▶électricité, c’est peut-être possible ; dans quatorze ans quatre fois plus, c’est terriblement difficile, dans vingt-huit ans seize fois plus, ce n’est guère pensable, et dans moins ◀d’▶un siècle (quatre-vingt-dix-huit ans exactement) seize mille-trois-cent-quatre-vingt-quatre fois plus, c’est ◀de▶ ◀la▶ démence pure.
Mais la dernière réponse citée, à savoir : « Nous n’avons pas ◀le▶ choix ! » qu’un producteur ◀d’▶énergie donnait au terme ◀d’▶un débat public organisé par ◀le▶ CERN à Genève, m’a révélé ◀la▶ nature du malaise que me laissait ◀l’▶examen ◀de▶ ◀l’▶ensemble du dialogue : ce je ne sais quoi ◀de▶ systématique qui me semblait commander toutes ◀les▶ réponses ; cette tendance constante à nier ◀les▶ risques, à ◀les▶ minimiser s’ils étaient confirmés par des accidents ◀de▶ fonctionnement, qu’on nommait alors incidents ; cette manière comme automatique ◀de▶ dénigrer ◀le▶ contradicteur au lieu de réfuter ses arguments, ◀de▶ laisser entendre qu’on était en présence d’une victime du « complexe ◀d’▶Hiroshima », ou ◀d’▶un ennemi du progrès, ou ◀d’▶un gauchiste, ou des trois à la fois, bref, ◀de▶ quelqu’un avec lequel il était inutile ◀de▶ discuter si les premières réponses lénifiantes n’avaient pas endormi ses suspicions — toute cette conduite évoquait tantôt celle ◀de▶ ◀l’▶avocat ◀d’▶office ◀d’▶une cause qu’on sait mauvaise, tantôt celle ◀de▶ ◀l’▶agent ◀d’▶un grand dessein qu’il se doit ◀de▶ tenir caché, mais jamais celle ◀d’▶un scientifique cherchant ◀le▶ vrai et prêt à en débattre.
Je me tournai vers ◀les▶ auteurs ◀de▶ l’autre bord, ceux qui avaient l’air ◀d’▶avoir accepté nos questions et ◀de▶ partager au moins nos doutes. Ceux qui n’étaient pas aveuglés, ni payés pour nous aveugler. Et voici ce qu’ils avaient à dire sur ◀les▶ points ◀les▶ plus controversés du grand litige.
Sur ◀la▶ question des prix ◀de▶ revient du kilowatt nucléaire. — Kowarski montrait ◀l’▶absurdité à quoi ◀les▶ incertitudes financières ◀de▶ tous ordres conduisent ◀les▶ calculs ◀de▶ coûts. Une autre approche du problème, celle ◀de▶ ◀l’▶économiste américain E. S. Mason, montrait que ◀la▶ consommation dans un pays sous-développé ◀de▶ ◀l’▶énergie produite par une petite centrale supposerait ◀la▶ création ◀d’▶une infrastructure industrielle coûtant environ cent fois plus41.
Et surtout, Barbara Ward et René Dubos42 nous rappelaient avec force que
tout calcul basé sur ◀les▶ avantages matériels et sur ◀le▶ prestige national ou sur un profit rapide tiré ◀de▶ quelque affaire commerciale habilement conclue est tout à fait inadmissible dans ce contexte. ◀Les▶ hommes ne se trouvent pas devant une simple question ◀de▶ profit ou ◀de▶ bien-être ; ils sont confrontés au problème ◀de▶ leur propre survie, celle ◀de▶ leurs enfants et petits-enfants et ◀de▶ toute ◀la▶ race humaine. Aucun pays, quel que soit son système politique, ne doit permettre que ◀les▶ règles ◀de▶ sécurité qui concernent ◀le▶ domaine nucléaire soient fixées par ◀les▶ personnes ◀le▶ plus directement intéressées à ◀l’▶extension ◀de▶ ◀l’▶industrie atomique.
◀Le▶ citoyen, pour sa part, peut appliquer son bon sens à ◀l’▶examen ◀de▶ quelques points plus précis. Par exemple, il peut protester chaque fois qu’il est question ◀de▶ construire des stations atomiques près ◀d’▶agglomérations urbaines. Qu’arrivera-t-il ◀de▶ si grave s’il en résulte une hausse des coûts ◀de▶ distribution ? On peut dire en tout cas qu’aucune économie ne justifie une fuite nucléaire qui se produirait dans une région urbanisée et répandrait une radioactivité mortelle dans un rayon ◀de▶ cent kilomètres.
Sur ◀la▶ question des accidents. — Dès 1970 « des calculs faits pour un réacteur ◀d’▶environ 150 MW, situé à quatre-vingts kilomètres ◀de▶ San Francisco, parvenaient à une prévision ◀de▶ 3400 morts et 43 000 blessés, avec des dégâts matériels s’élevant à 7 milliards ◀de▶ dollars. Des calculs analogues pour un réacteur ◀de▶ 300 MW à Lagoona Beach, dans ◀le▶ Michigan, qui partaient ◀de▶ ◀l’▶hypothèse ◀d’▶une libération totale dans des conditions ◀d’▶air stagnant, ont indiqué qu’un tel accident provoquerait 133 000 morts et 181 000 blessés immédiatement, avec des dommages à retardement (cancers et raccourcissement ◀de▶ ◀la▶ vie) pour 245 000 personnes, et n’ont même pas cherché à estimer ◀les▶ dommages matériels. Qui plus est, on ne peut pas laisser ◀les▶ gros réacteurs se refroidir tout seuls ; ils exploseraient43.
Pierre Samuel nous informait tôt après ◀de▶ ce que ◀la▶ loi du 30 octobre 1968 en France, « limite à 50 millions ◀de▶ francs ◀la▶ responsabilité des exploitants ◀d’▶installations atomiques ; au-delà ◀de▶ ce chiffre, ◀les▶ victimes sont indemnisées par ◀l’▶État jusqu’à concurrence ◀de▶ 600 millions. ◀La▶ situation est analogue aux États-Unis44 ».
Il y avait mieux. On calculait que ◀le▶ rejet ◀de▶ 25 kilos ◀de▶ plutonium causerait entre 44 000 et 44 millions ◀de▶ morts alors que ◀les▶ surgénérateurs ◀de▶ 1200 MW auxquels on songeait en contiendraient plus ◀de▶ 4,5 tonnes, 800 fois ◀la▶ masse critique des explosions ◀de▶ bombes.
Contrairement à toutes ◀les▶ déclarations officielles sur ◀l’▶absence ◀d’▶accidents dans ◀les▶ centrales, P. Samuel écrivait :
Des dizaines ◀d’▶accidents se sont déjà produits dans des centrales atomiques. Plus généralement, on a dénombré un millier ◀d’▶accidents et ◀d’▶incidents survenus dans des installations atomiques entre 1945 et 1963. (Il y a des raisons ◀de▶ penser que d’autres ont été tenus secrets.) Il y en eut ◀de▶ fort graves à Windscale en Angleterre, à Sverdlovsk en Russie, à Rocky Flats, à Wood River et à Idaho Falls aux États-Unis.
Et il donnait une liste ◀d’▶accidents « assez graves » survenus dans ◀la▶ seule année 1969 à Lucens (Suisse), Latina (Italie), Lingen (Allemagne), Saint-Laurent-des-Eaux (France)…
Qu’en était-il des déchets des centrales actuelles à eau légère ?
◀Le▶ traitement des éléments usés peut consister à en dissoudre ◀l’▶uranium et ◀les▶ produits ◀de▶ fission dans un bain ◀d’▶acide nitrique, puis à séparer ◀l’▶uranium (et ◀le▶ plutonium) du reste par un processus chimique complexe. Ce reste, ces déchets, toujours dissous dans ◀l’▶acide, sont jetés après concentration dans ◀d’▶immenses cuves souterraines ◀d’▶acier au carbone, où ◀le▶ liquide bouillonnant doit constamment être refroidi et agité. Il y a plus ◀de▶ 300 millions ◀de▶ litres ◀de▶ ces liquides (1973) dans ◀les▶ cuves ◀de▶ ◀l’▶ABC américaine, assez pour pouvoir empoisonner toute ◀l’▶eau douce ◀de▶ ◀la▶ Terre…
Une fois solidifiés, il faut mettre ces déchets quelque part, ce qui pose encore ◀le▶ problème du transport : il y a eu trente-six pertes ◀de▶ substances radioactives durant des transports en 1968 aux États-Unis. Un calcul utilisant ◀le▶ kilométrage des transports nécessaires et ◀la▶ fréquence moyenne des accidents indique qu’il faudrait compter sur un accident grave tous ◀les▶ huit ans.
Un dernier déchet est ◀le▶ réacteur atomique lui-même, lorsqu’il aura terminé sa vie utile ◀de▶ vingt à trente ans. Plein ◀d’▶une radioactivité prodigieusement abondante, son démontage poserait un problème ◀de▶ beaucoup plus grande envergure que celui des déchets. On envisage, pour ◀l’▶instant, une méthode plus simple : ◀l’▶enterrer sous un énorme bloc ◀de▶ béton. Encore faudrait-il qu’il n’y ait, pour des millénaires, ni tremblements ◀de▶ terre ni explosions ◀de▶ bombes, et que ◀les▶ générations futures surveillent soigneusement ces nécropoles atomiques !45
Qui croire ?
Arrêtons-nous ici : 1973. En ce point du débat nucléaire, toute médiation paraît exclue. Ou bien ◀les▶ deux partis font erreur sur ◀les▶ faits — alors qu’ils en débattent et fondent leur paix sur un commun programme ◀de▶ recherches. Ou bien l’un des partis poursuit un dessein politique tellement puissant sur sa psyché, que ses tenants ne parviennent plus à s’interroger sincèrement à son sujet. ◀D’▶où ◀le▶ blocage ◀de▶ ◀l’▶information : celle que dispensent ◀les▶ agences ◀de▶ ◀l’▶État quand elles s’y voient contraintes par ◀l’▶opinion ou par telle révolte locale (grève ◀de▶ ◀La▶ Hague en 1976, manifestations à Malville, à Brokdorf, etc.) n’est ◀de▶ toute évidence que boniment ◀de▶ vendeur, ou au mieux marketing qui voudrait se faire passer pour prospective.
Qui croire, lorsque trente-deux savants parmi lesquels onze prix Nobel, signent une déclaration favorable à ◀l’▶expansion rapide des « nukes » (comme ◀la▶ jeunesse contestataire a baptisé ◀les▶ centrales nucléaires aux USA), cependant que deux-mille-trois-cents professeurs ◀de▶ sciences et ingénieurs adressent au Congrès américain une pétition demandant que ◀les▶ USA s’abstiennent ◀de▶ construire ◀de▶ nouvelles centrales tant que leur sécurité n’est pas mieux assurée ?
◀Le▶ biologiste George Wald, ◀de▶ Harvard, prix Nobel ◀de▶ médecine et ◀de▶ physiologie, apporte à cette question ◀la▶ réponse ◀la▶ plus réaliste, ◀la▶ plus impitoyable quant au fond, mais ◀la▶ moins dure quant à ◀la▶ forme. Il observe que sur ◀les▶ vingt-six universitaires qui ont signé ◀la▶ déclaration en faveur des centrales, quatorze occupent en même temps des postes ◀de▶ directeurs ou ◀d’▶administrateurs dans ◀les▶ principales sociétés productrices ◀d’▶énergie nucléaire aux USA. Ne sont-ils pas amenés à se prononcer comme des avocats plutôt que comme des juges ? M. Wald observe au surplus une omission curieuse : dans ◀la▶ liste des signataires, ◀les▶ vingt-six ne figurent qu’au titre ◀de▶ professeurs ◀d’▶université.
Et il conclut46 :
Qui croire ? On ne peut ◀le▶ dire en toute certitude. Mais il est utile ◀de▶ savoir que ceux qui s’opposent à ◀la▶ puissance nucléaire n’ont rien à y gagner, sauf pour ◀le▶ bien public, et qu’ils sont au contraire prêts à payer ◀le▶ privilège ◀de▶ dire librement ce qu’ils pensent.
Lors ◀d’▶un débat au Conseil général de l’Isère (déc. 1976) au sujet du surgénérateur prévu à Creys-Malville, Lew Kowarski, dernier représentant ◀de▶ ◀la▶ grande génération des fondateurs ◀de▶ ◀la▶ physique nucléaire, déclarait : « ◀Les▶ gouvernements écoutent leurs experts désignés et n’écoutent que ces experts… Ces spécialistes techniciens, bien entendu, tirent leurs gains, leur carrière, leurs préoccupations quotidiennes des lignes suivies par ◀les▶ organismes auxquels ils appartiennent. ◀Les▶ autres (◀les▶ 4000 savants groupés en France contre ◀le▶ nucléaire) on ne ◀les▶ écoute pas. »
Péripétie, ou ◀la▶ crise du pétrole
Là-dessus, ◀la▶ décision des émirats ◀de▶ quadrupler ◀le▶ prix du pétrole brut déclenche au cours de ◀l’▶automne 1973 ◀la▶ « crise du pétrole ». ◀Le▶ terme est ambigu, car en fait, il n’y a pas moins ◀de▶ pétrole qu’avant ; mais ce malentendu provoque une prise de conscience subite et générale ◀de▶ ◀l’▶état ◀de▶ crise dans lequel vit ◀l’▶Occident. Et cette prise de conscience va changer beaucoup de choses. Elle radicalise ◀le▶ débat nucléaire. Elle répand et enfièvre en quelques semaines un sentiment ◀d’▶urgence devant ◀les▶ choix énergétiques. Elle abaisse ◀le▶ seuil des scrupules qu’auraient encore ◀les▶ promoteurs. Elle fournit aux gouvernements ◀l’▶arme absolue : ◀l’▶invocation à « ◀l’▶indépendance nationale en péril » — dans ◀le▶ domaine, au moins, ◀de▶ ◀l’▶énergie. Nous ne pouvons plus dépendre des émirs, et ◀le▶ pétrole va s’épuiser ! Nous n’avons plus ◀le▶ choix ! (On ne ◀l’▶avait déjà plus.) Depuis que ◀le▶ prix du pétrole brut a quadruplé, ◀l’▶énergie nucléaire devient compétitive. (Elle ◀l’▶était hier déjà, qui trompe-t-on ?)
Mais on oublie ◀de▶ nous dire que pendant ce temps, ◀le▶ prix ◀de▶ ◀l’▶uranium aussi a quadruplé, de même que ◀le▶ prix ◀de▶ construction des centrales. On ◀l’▶oublie, car ◀les▶ gouvernements, semant ◀la▶ panique chez ◀les▶ consommateurs, annoncent que « désormais » ◀la▶ seule solution est ◀la▶ mise en chantier massive et immédiate ◀de▶ dizaines ◀de▶ nouveaux réacteurs. ◀Les▶ décisions se précipitent, prenant ◀de▶ court ◀les▶ mouvements écologiques et trahissant une volonté délibérée ◀de▶ placer ◀les▶ populations devant ◀le▶ fait accompli, ou devant ◀la▶ menace du chômage si elles persistent dans leur méfiance ◀d’▶ignorantins et leurs demandes ◀d’▶enquêtes sérieuses, alors qu’on se tue à ◀le▶ leur répéter : « Toutes ◀les▶ précautions ont été prises. »
À ce point, ◀le▶ système du mensonge nucléaire s’annonce comme tel, devient visible dans toutes ses parties, et doit être décrit sans plus de ménagements.
Douze mensonges en service commandé
1. « Toutes ◀les▶ précautions ont été prises. » — En 1870, ◀l’▶armée française part à ◀l’▶attaque ◀de▶ ◀la▶ Prusse en toute confiance : ◀le▶ général en chef a déclaré « qu’il ne manque pas un bouton ◀de▶ guêtre ». Toutes ◀les▶ précautions ont été prises pour ◀la▶ victoire.
En 1912, dans ◀la▶ nuit du 14 au 15 avril, ◀le▶ plus grand paquebot du monde, ◀le▶ Titanic, au nom provocateur, quitte ◀le▶ port ◀de▶ New York pour son premier voyage. Il est absolument insubmersible, assurent ◀les▶ constructeurs, chaque cabine, imperméable, devant fonctionner en cas ◀d’▶accident comme une bouée ◀de▶ sauvetage. Ce défi flottant ◀de▶ ◀l’▶humanité technicienne au dieu ◀de▶ ◀la▶ mesure, cette anti-arche ◀de▶ Noé, heurte au troisième jour ◀de▶ son voyage un iceberg que « toutes ◀les▶ précautions prises » avaient oublié ◀de▶ prévoir, et coule avec ses deux-mille-deux-cents passagers. Depuis lors, quand on me répète que « toutes ◀les▶ précautions ont été prises », je comprends instantanément qu’il y a lieu ◀de▶ redouter ◀le▶ pire.
En 1974, dans ◀la▶ centrale ◀de▶ Browns Ferry (USA), un gardien voulant vérifier une fuite à ◀la▶ lueur ◀d’▶une bougie, met ◀le▶ feu aux gaines des câbles commandant ◀le▶ système ◀de▶ sécurité. Feu éteint après cinq heures et demie ◀d’▶incendie, juste avant « ◀l’▶accident majeur ». Dégâts estimés à 100 millions ◀de▶ dollars et plus ◀d’▶un an ◀d’▶arrêt complet. On avait tout prévu sauf ◀l’▶utilisation ◀d’▶une bougie.
Pas un bouton ne manque à nos centrales. Tout a été mille fois vérifié, assuré. Pas un neutron ne pourra s’en échapper. Pourtant ◀l’▶aveu éclate à tous ◀les▶ yeux, en décembre 1976. ◀La▶ presse nous apprend que ◀le▶ gouvernement suédois, du fait qu’il impose aux centrales des règles strictes ◀de▶ retraitement et ◀de▶ stockage des déchets, « pose des conditions pratiquement irréalisables pour ◀le▶ moment : ◀les▶ sociétés ◀d’▶exploitation devront en effet fournir ◀la▶ preuve irréfutable ◀d’▶une sécurité absolue ».
Ces règles strictes restent d’ailleurs résolument muettes sur ◀les▶ risques ◀les▶ plus probables : tremblements ◀de▶ terre, attentats terroristes, grèves dans ◀les▶ usines ◀de▶ retraitement, accès ◀de▶ folie ◀d’▶un ingénieur, usage éventuel ◀d’▶une bougie…
2. « Pas un seul accident mortel ne s’est produit. » — « ◀Les▶ réacteurs en service, au nombre ◀de▶ plusieurs centaines, ont eu des incidents, certes, mais ces incidents n’ont jamais eu ◀de▶ conséquences pour ◀le▶ public », affirme en 1973 un directeur au Commissariat ◀de▶ ◀l’▶énergie atomique français (CEA). ◀La▶ même année, ◀l’▶AEC américaine reconnaît cependant « qu’il y a eu, dans trente réacteurs, du 1er janvier 1972 au 31 mai 1973, environ 850 anomalies ◀de▶ fonctionnement, dues au malfonctionnement ou à ◀la▶ déficience des systèmes ◀de▶ sécurité. Beaucoup de ces incidents sont largement susceptibles ◀de▶ se reproduire et leurs conséquences sont potentiellement graves ». En fait, des milliers ◀d’▶« incidents » et une trentaine ◀d’▶accidents sérieux sont déjà connus. ◀La▶ probabilité ◀d’▶accidents graves est presque nulle, s’obstinent à répéter ◀les▶ promoteurs. ◀Le▶ risque n’en demeure pas moins inacceptable, car ◀l’▶accident s’il se produit, sera presque total pour ◀de▶ vastes contrées. Et ◀l’▶on trompe ◀le▶ public en lui laissant croire qu’une probabilité ◀de▶ 1 contre 100 000 signifie ◀la▶ sécurité pour cent-mille ans : ◀l’▶accident peut se produire avant ◀la▶ fin ◀de▶ ma phrase. Au reste, selon ◀le▶ biologiste Jaurès Medvedev, « quelque chose » (incident ou accident ?) se serait déjà produit en URSS aux premiers temps du nucléaire (1958), causant plusieurs centaines ◀de▶ morts et plusieurs milliers ◀de▶ blessés. Ce qui est peu au regard des prévisions ◀de▶ ◀l’▶AEC pour des réacteurs nains ◀de▶ 100 à 200 MW seulement. ◀Les▶ gouvernements allemand, français et suisse sont en train de construire 16 réacteurs de plus ◀de▶ 1000 MW chacun, dans une zone ◀de▶ 15 à 65 kilomètres ◀de▶ rayon autour de ◀la▶ ville ◀de▶ Bâle. ◀Les▶ chiffres américains seraient à multiplier par 5 à 10 pour chacun ◀de▶ ces réacteurs à eau légère non susceptibles ◀d’▶explosion nucléaire. Mais personne n’a osé supputer ◀les▶ conséquences ◀d’▶un accident majeur dans un surgénérateur tel que celui que ◀la▶ France entend construire à Creys-Malville, et qui, lui, pourrait exploser à la manière d’une bombe atomique plusieurs milliers ◀de▶ fois plus dévastatrice par sa puissance ◀de▶ conflagration que ◀la▶ petite bombe ◀d’▶Hiroshima.
3. « ◀Le▶ nucléaire : énergie propre. » — Pas ◀de▶ fumées sulfureuses, en effet. Et ◀le▶ rayonnement, qui malgré tout traverse ◀les▶ parois du réacteur, ne serait guère qu’un cent quarantième ◀de▶ ◀la▶ radioactivité naturelle : « dose admissible » donc. Oui, si ◀l’▶on considère comme admissibles des risques génétiques supplémentaires causés par ◀les▶ rejets ◀de▶ tritium, ◀d’▶iode 131, ◀de▶ krypton, ◀de▶ radon, ◀de▶ strontium, etc. pouvant entraîner chaque année — si ◀la▶ population ◀d’▶un pays comme ◀la▶ France y était pleinement exposée — 12 500 à 25 000 morts par maladies congénitales ou ◀de▶ dégénérescence 47. On dira qu’une fraction seulement court ce danger dans l’état actuel. Mais qu’en sera-t-il dans trente ans, avec ◀les▶ dizaines ◀de▶ milliers ◀de▶ centrales qu’on nous affirme nécessaires, et leurs rejets ◀de▶ plutonium, ce corps baptisé par un atomiste américain « ◀le▶ plus sale ◀de▶ tous ceux que ◀l’▶homme a jamais fabriqués » ? ◀La▶ « propreté » des réacteurs et ◀de▶ leurs déchets ne sera d’ailleurs établie — si elle ◀l’▶est jamais — qu’au terme ◀d’▶expériences en cours dont ◀les▶ résultats seront connus « dans une trentaine ◀d’▶années48 ». D’ici là, ◀le▶ plan ORSECRAD a prévu en cas ◀d’▶accident, des « contrôles et décontaminations éventuels du personnel regroupé en vue de son évacuation », et recommande ◀de▶ « laver soigneusement » ◀les▶ parties du corps qui auraient été exposées à une contamination radioactive.
Note sur ◀les▶ trois premiers mensonges
Si j’avais tort sur ces trois points, ◀les▶ producteurs du nucléaire auraient un moyen simple ◀de▶ m’en convaincre. ◀L’▶innocuité et ◀la▶ fiabilité des centrales actuelles étant ce qu’ils disent, pourquoi ne pas construire ◀les▶ réacteurs sur ◀les▶ lieux mêmes où ◀l’▶on consomme ◀la▶ majeure partie ◀de▶ leur production : dans ◀les▶ grandes villes industrielles, voire au cœur ◀de▶ nos capitales, comme Paris, Londres, Vienne ? ◀Les▶ transports ◀d’▶énergie sont très chers, ◀de▶ ◀la▶ Bretagne ou ◀de▶ ◀l’▶Alsace à Paris : pourquoi ne pas en faire ◀l’▶économie ? Et si ◀la▶ Seine ne vaut pas ◀le▶ Rhin pour absorber toutes ◀les▶ thermies rejetées, avec ◀le▶ reste on chauffera toute ◀la▶ ville.
En fonction de ◀la▶ réponse des promoteurs, on verra bien s’ils croient ce qu’ils nous disent, ou s’ils mentent.
4. « ◀La▶ sécheresse ◀de▶ 1976 a plaidé pour ◀le▶ nucléaire. » — C’est ce que déclare ◀l’▶Union des exportateurs ◀d’▶énergie électrique ◀de▶ Suisse. ◀Les▶ usines au fil ◀de▶ ◀l’▶eau (hydroélectriques) ayant dû ralentir leur production, « ◀les▶ membres ◀de▶ ◀l’▶Union souhaitent donc que ◀le▶ public comprenne ◀les▶ répercussions néfastes que pourraient entraîner pour ◀l’▶approvisionnement du pays, des retards surgissant dans ◀la▶ mise en place ◀de▶ nouvelles centrales nucléaires ». — Voilà un petit mensonge bien net, bien coupé et parfaitement révélateur. ◀La▶ vérité : ◀les▶ réacteurs consomment par jour jusqu’à 40 000 m3 ◀d’▶eau ◀de▶ refroidissement. En cas ◀de▶ sécheresse, c’est eux qui devront s’arrêter les premiers, ou bien ils menaceraient ◀de▶ faire bouillir nos fleuves !
5. « ◀Le▶ problème des déchets est réglé. » — ◀Le▶ mensonge a ◀les▶ jambes courtes, dit un proverbe, et celui-ci s’est révélé ◀d’▶activité rapidement décroissante ; ou pour ◀le▶ dire en termes nucléaires, ◀de▶ période brève.
◀Le▶ 1er novembre 1972, à Genève, ◀le▶ directeur désigné ◀de▶ ◀la▶ centrale ◀de▶ Verbois (qui doit être construite à dix kilomètres ◀de▶ ◀la▶ ville) fait une conférence sur ◀l’▶énergie nucléaire, et je lis dans ◀les▶ comptes rendus — tous pareils — que donne ◀la▶ presse du lendemain (◀les▶ mots soulignés ◀le▶ sont par moi) :
◀Les▶ objections qui se présentent sont facilement résolues : ◀les▶ résidus des produits ◀de▶ fission sont envoyés dans des usines qui retraitent ces combustibles usés, ◀les▶ fusent dans du verre de façon à ◀les▶ rendre insolubles. Ces blocs ◀de▶ verre seront stockés dans ◀les▶ cavernes ◀de▶ Lucens qui pourront ◀les▶ contenir ainsi que tous ◀les▶ déchets suisses jusqu’à ◀l’▶an 2000.
Quinze jours plus tard, ◀le▶ présent sont devient ◀le▶ conditionnel seraient : L. Leprince-Ringuet affirme « qu’un bon procédé qu’on étudie serait ◀la▶ vitrification ». Un an s’écoule, et ◀les▶ journaux passent au futur :
On peut affirmer que les premiers essais ◀de▶ stockage des déchets radioactifs pourront être entrepris dès ◀l’▶hiver ◀de▶ 1976 en Suisse, selon ◀le▶ bulletin ◀de▶ presse ◀de▶ ◀l’▶Association suisse pour ◀l’▶énergie atomique. Une campagne ◀de▶ sondage pourra déjà commencer dans ◀les▶ prochaines semaines. Elle aura pour but ◀de▶ déterminer où se trouvent des couches rocheuses susceptibles ◀de▶ convenir au stockage.
◀D’▶où il résulte ou bien qu’on stockait ◀les▶ déchets bien avant de savoir où il conviendrait ◀de▶ ◀le▶ faire, c’est-à-dire plusieurs années avant les premiers essais ; ou bien que ◀l’▶information ◀de▶ 1972 était fausse, totalement et délibérément.
On nous annonce ensuite, par étapes, en 1975, que ◀l’▶étude du procédé dit ◀de▶ vitrification « va commencer ». Puis, que « cette étude ne commencera pas avant quelques années ».
◀Le▶ Monde du 18 février 1976 précise que « tandis que ◀le▶ monde occidental construit des dizaines ◀de▶ centrales nucléaires, il n’existe aujourd’hui aucune usine en fonctionnement capable ◀de▶ traiter ◀les▶ combustibles irradiés ◀de▶ ces centrales »49.
Et voici ◀les▶ dernières nouvelles, 18 mai 1976 :
◀Le▶ Centre ◀de▶ recherches nucléaires ◀de▶ Jülich, près de Cologne, expérimente actuellement une méthode ◀de▶ traitement des déchets… Il a élaboré un système ◀de▶ vitrification… Il n’existe pas encore assez ◀de▶ centrales pour justifier ◀la▶ mise en route ◀d’▶une usine ◀de▶ retraitement. Une telle usine ne sera pas construite en Allemagne avant une quinzaine ◀d’▶années.
Quant au problème du stockage dans ◀les▶ cavernes :
Selon ◀les▶ experts ◀de▶ Jülich, ◀les▶ déchets ne devront avoir aucun contact avec ◀la▶ biosphère pendant un million ◀d’▶années environ… ◀Les▶ spécialistes vont étudier ◀le▶ comportement ◀de▶ ◀la▶ roche saline aux dégagements ◀de▶ chaleur et ◀de▶ radioactivité.
Et en attendant ? ◀L’▶agence Reuter annonce ◀le▶ 17 mai 1976 :
6 700 tonnes ◀de▶ déchets radioactifs provenant ◀de▶ laboratoires néerlandais, belges, suisses et britanniques seront immergées cet été dans ◀le▶ nord ◀de▶ ◀l’▶Atlantique par un cargo britannique.
(Nous ◀les▶ retrouverons, d’ici quelques années, à l’autre bout de ◀la▶ chaîne alimentaire qui commence aux poissons des profondeurs.)
Que sont devenues « ◀les▶ usines ◀de▶ retraitement » où, dès 1972, ◀les▶ centrales suisses envoyaient leurs déchets ? Il en existait à cette date deux en tout. Windscale, en Angleterre, a été fermée depuis lors, ◀La▶ Hague est en grève au moment où j’écris.
◀La▶ conclusion ◀de▶ cette histoire ◀de▶ déchets, je ◀la▶ trouve dans une sobre déclaration ◀de▶ Ralph Nader : « Nous n’aurons besoin ◀d’▶énergie ◀de▶ fission que pendant trente-cinq à quarante ans, mais nous demandons non sans arrogance aux générations qui nous suivront ◀de▶ surveiller ses déchets mortels pendant cent-mille ans. »
6 et 7. « ◀L’▶explosion démographique et ◀la▶ croissance industrielle nous imposent ◀le▶ choix nucléaire. »
◀Le▶ mensonge, ici, se dédouble.
A — Il n’est pas vrai que ◀l’▶Europe participe à ◀l’▶explosion démographique. Il y a ◀de▶ fortes chances qu’avant ◀la▶ fin du siècle, son taux ◀de▶ croissance s’établisse à zéro. ◀La▶ pression qu’on invoque affectera ◀le▶ tiers-monde, qui va doubler sa densité ◀de▶ peuplement. Comme il est techniquement impossible et politiquement impensable que ◀les▶ centrales prévues dans nos pays alimentent ◀la▶ Zambie, ◀le▶ Zaïre, ◀l’▶empire ◀de▶ Bokassa Ier, ◀le▶ Cambodge ou ◀l’▶Amazonie, ◀l’▶argument ne vaut pas ◀le▶ papier qui ◀le▶ supporte. Il n’en est pas moins efficace, car il invoque ◀l’▶absolu ◀de▶ ◀la▶ croissance, et ce recours suffit à donner bonne conscience au promoteur, qu’il met dans ◀le▶ sens ◀de▶ ◀l’▶histoire, tout en contraignant ◀l’▶objecteur à passer pour ennemi du progrès, cyniquement insoucieux ◀de▶ ◀la▶ misère du tiers-monde et préférant une image du Passé au bien-être « concret » des masses ◀de▶ demain. À tous ◀les▶ stades ◀de▶ notre analyse, quand nous buterons sur cette absurdité parfaitement hypocrite mais reçue sans broncher par toute ◀la▶ presse occidentale, attendons-nous à retrouver, en arrière-plan et couvrant tout, ◀l’▶idée ◀de▶ croissance absolue, comme vrai référentiel ◀d’▶un « homme moderne » conforme aux ambitions ◀de▶ ◀l’▶industrie ◀d’▶hier et ◀de▶ ◀l’▶État-nation napoléonien.
B — Il n’est pas vrai que ◀les▶ besoins ◀de▶ ◀l’▶Europe doublent tous ◀les▶ sept ou dix ans.
Qui nous dit qu’ils ◀le▶ font ? Dans chacun ◀de▶ nos pays, ce sont ◀les▶ dirigeants des sociétés productrices ◀d’▶électricité, bientôt suivis par ◀les▶ ministres et leurs experts. Mais pourquoi nous ◀le▶ disent-ils avec tant ◀d’▶insistance ? Serait-ce pour inciter ◀le▶ public à se restreindre, et à réduire ◀le▶ gaspillage ◀d’▶énergie qui explique sans doute ces courbes ◀de▶ croissance continue, tandis que ◀la▶ population se stabilise ? Bien au contraire. Jusqu’à 1974, leurs brochures ◀de▶ publicité poussent à ◀la▶ consommation. On peut y lire que nous voici sortis ◀de▶ ◀l’▶ère où il convenait ◀d’▶ordonner aux enfants ◀d’▶éteindre avant de quitter une chambre. On fait honte aux Français ◀d’▶être si fort en retard sur ◀les▶ Américains du Nord quant à leurs dépenses ◀d’▶énergie. Pour rejoindre ◀les▶ USA, « ils doivent » tripler ou quintupler leur consommation, déclare leur propre agence énergétique nationale. Ainsi, par ◀la▶ publicité, avec ◀l’▶appui ◀de▶ ◀la▶ presse et ◀de▶ rares savants ◀de▶ service, ◀les▶ producteurs essaient ◀de▶ nous faire prendre leurs désirs pour nos fatalités.
◀Les▶ responsables ◀de▶ ◀la▶ production et ◀de▶ ◀la▶ distribution ◀d’▶électricité nous répètent que « leur seule ambition — conformément à leur mission ◀de▶ service public — est ◀de▶ satisfaire au moindre coût ◀les▶ besoins en énergie électrique ◀de▶ ◀la▶ collectivité nationale50 ». Admettons, mais quels sont ◀les▶ « besoins » dont on parle ? Toutes ◀les▶ estimations prospectives des années 1965 à 1973 étaient fausses. Nulle part ◀la▶ consommation n’a augmenté aux taux prévus. ◀L’▶argument des « besoins à couvrir » qui exigeraient ◀les▶ centrales nucléaires est littéralement renversé par ◀les▶ propres déclarations ◀d’▶EDF :
Il ne s’agit plus ◀de▶ fournir, mais ◀de▶ vendre, ◀de▶ suivre ◀la▶ demande, mais ◀de▶ ◀la▶ susciter. » (1970)
Notre affaire immédiate, c’est ◀de▶ pousser parallèlement ◀l’▶équipement nucléaire et ◀la▶ vente du kWh. (1972)
Tout client nouveau qui opte pour ◀le▶ chauffage électrique nous amène à augmenter ◀d’▶autant notre programme nucléaire. (1973)
Enfin, ◀l’▶aveu complet tombe ◀de▶ ◀la▶ bouche même du directeur général ◀d’▶EDF :
Nous avons reçu mission (◀de▶ ◀l’▶État) — dès cette époque (fin 1970, on ◀le▶ précise) — ◀de▶ développer ◀les▶ ventes ◀d’▶électricité pour préparer ◀la▶ substitution ◀de▶ ◀l’▶électricité nucléaire au pétrole… (◀Le▶ Monde, 24 janvier 1975.)
On ne « répond » donc pas aux besoins, on ◀les▶ suscite. ◀L’▶argument ◀de▶ base du nucléaire s’évanouit51. ◀La▶ « mission » qu’on invoque n’était bien qu’un prétexte au service ◀d’▶une certaine politique, qu’on aurait tort, je ◀le▶ crains, ◀de▶ réduire au marketing.
Pour faire face à ◀la▶ demande en électricité dont on assure, sans nul souci ◀de▶ vraisemblance, qu’elle va sans fin doubler tous ◀les▶ sept ou dix ans, on déclare nécessaires des réacteurs dont on ignore encore ◀les▶ vrais dangers, et encore plus ◀les▶ moyens ◀d’▶y remédier. J’en déduis qu’on veut nous faire prendre dès maintenant des risques proprement incalculables, au nom de besoins à venir arbitrairement évalués. On ne connaît, scientifiquement, ni ces risques ni ces besoins, et c’est ◀de▶ cette double ignorance que ◀l’▶on déduit ◀la▶ certitude qu’il faut des centrales nucléaires.
Quelque chose ◀d’▶important doit se cacher là derrière.
8. « ◀Les▶ réacteurs permettront ◀de▶ brûler moins ◀de▶ pétrole. » (Bilan énergétique.) — Construire un réacteur coûte beaucoup ◀d’▶énergie.
Si ◀la▶ construction ◀de▶ centrales nucléaires augmente trop vite, elle consomme plus ◀d’▶énergie qu’elle n’en produit… Nous ne pouvons pas créer assez ◀de▶ potentiel nucléaire pour compenser ◀la▶ diminution des ressources pétrolières d’ici ◀la▶ fin du siècle.
Ces deux phrases résument une étude du New Scientist (19 décembre 1974) ◀d’▶où il résulte que ◀le▶ bilan énergétique du nucléaire restera négatif pendant une période ◀de▶ neuf à quinze ans52.
Curieusement, ◀les▶ États et leurs experts nous répètent que ◀les▶ réacteurs sont un mal nécessaire pour couvrir notre déficit énergétique durant ◀les▶ dix années qui viennent. Par malheur, il s’agit des mêmes dix années…
9. « ◀Le▶ nucléaire est rentable. » (Bilan financier.) — Considérons ◀la▶ possibilité ◀d’▶un succès maximal ◀de▶ ◀l’▶effort nucléaire entrepris — avec quel acharnement et quel déploiement policier — par nos États-nations européens. (◀Les▶ USA déclarent déjà forfait : « C’est ◀la▶ débâcle ! » n’hésite pas à écrire Lew Kowarski au printemps ◀de▶ 1976.) ◀Les▶ États et leurs sociétés productrices ◀d’▶électricité publient des chiffres et des calculs en caoutchouc ◀d’▶où résulterait que leur kilowatt/heure est « compétitif ». Ils mentent à coup sûr et ne peuvent ◀l’▶ignorer.
◀Le▶ « succès maximal du nucléaire » a été évalué par Mesarovic et Pestel dans le deuxième rapport au club de Rome, intitulé Stratégie pour demain : à supposer que dans cent ans toute ◀l’▶énergie primaire soit ◀d’▶origine nucléaire, si ◀les▶ tendances actuelles du développement se poursuivent… il faudra pour répondre à ◀la▶ demande ◀d’▶énergie ◀d’▶une population quadruplée construire 3000 groupements ◀de▶ centrales nucléaires composés chacun ◀de▶ 8 surgénérateurs produisant ensemble 40 000 MW… Selon ◀l’▶ancien directeur du laboratoire ◀d’▶Oakridge, A. Weinberg, il faudrait construire dans ◀le▶ monde 4 réacteurs par semaine durant ◀les▶ cent prochaines années pour atteindre ◀l’▶objectif ◀de▶ 24 000 réacteurs produisant chacun 5000 MW. S’ils durent trente ans, il faudra en construire deux par jour à seule fin ◀de▶ remplacer ceux qui seront hors ◀d’▶usage… Ce remplacement coûterait au moins 2000 milliards ◀de▶ dollars par an, « soit 60 % du revenu mondial actuel… Il est hors de question ◀de▶ réunir ◀de▶ tels capitaux dans aucun des systèmes économiques actuels ».
10. « ◀Les▶ autres formes ◀d’▶énergie, solaire, éolienne, géothermique, marémotrice, ne seront pas compétitives avant ◀la▶ fin du siècle. » — Cette prévision est mensongère, car elle ne pourrait se vérifier qu’au prix ◀d’▶une négation délibérée des possibilités actuelles, ◀d’▶un blocage persistant des crédits à ◀la▶ recherche en ces domaines et ◀d’▶un refus ◀d’▶exploiter ◀les▶ résultats acquis.
J’ai vu ◀les▶ villes, villages et villas des côtes ◀de▶ ◀l’▶Anatolie, ◀de▶ ◀la▶ Syrie, du Liban, ◀d’▶Israël : sur chaque maison, ◀le▶ petit four solaire, pas plus laid qu’une antenne ◀de▶ TV, assure ◀l’▶autonomie énergétique et marche mieux que votre téléphone. Dans des pays plus nuageux ◀d’▶Europe et ◀d’▶Amérique du Nord, des centaines ◀de▶ « maisons solaires » ont permis ◀de▶ faire avec succès ◀les▶ expériences indispensables. ◀Les▶ recherches pourraient se concentrer sur ◀les▶ applications industrielles. Mais il faudrait ◀les▶ financer et nos États sabotent plus ou moins sournoisement toutes ◀les▶ décisions ◀de▶ principe prises dans ce sens. Aux États-Unis, en 1973, ◀le▶ budget ◀de▶ ◀la▶ recherche solaire équivaut à 4 % ◀de▶ celui des recherches nucléaires ; en 1976, c’est 15 % ; en Europe aujourd’hui : un demi-pour cent.
J’ai entendu ◀le▶ président ◀d’▶EDF déclarer publiquement que ◀l’▶équivalent solaire ◀d’▶un réacteur ◀de▶ 1000 MW exigerait que ◀l’▶on couvre ◀de▶ miroirs ◀le▶ territoire ◀de▶ trois départements53. Voix dans ◀la▶ salle : « Pourquoi faut-il absolument ◀de▶ grandes centrales ? On dirait que cela vous obsède ! Mais ◀le▶ Soleil n’appartient à personne ! Vous n’avez aucun droit sur sa lumière. Nous ◀l’▶aimons pour son rayonnement qui est à tous, qui est partout, à jamais décentralisé ! Pour cette même raison vous ◀le▶ détestez : vous n’arriverez jamais à ◀le▶ nationaliser ! »
Non, ce n’est pas « ◀l’▶état présent ◀de▶ ◀la▶ recherche » qui explique ◀le▶ retard des formes ◀d’▶énergie non nucléaires, mais simplement ◀l’▶idolâtrie ◀de▶ ◀l’▶État-nation. Il n’y a pas ◀de▶ lobby solaire, ni auprès du Pentagone, ni à Bruxelles… « Tant que ◀les▶ États-nations n’auront pas trouvé ◀le▶ moyen ◀d’▶intercaler un compteur entre ◀le▶ soleil et nous, on nous répondra que ces technologies douces ne sont toujours pas au point, et on ◀les▶ rangera parmi ◀les▶ énergies ◀de▶ demain.54 »
11. « ◀Les▶ centrales nucléaires ou ◀le▶ chômage ! » — Qu’apporte au mieux ◀la▶ construction ◀d’▶un réacteur ? Quelques milliers ◀d’▶emplois pendant six ans, puis tout se disperse. Restent des ingénieurs, des techniciens, ◀les▶ pompiers ◀de▶ service et des gardes armés.
◀La▶ lutte contre ◀la▶ pollution créerait ◀de▶ trois à cinq fois plus ◀de▶ postes ◀de▶ travail, hélas durables.
Non, ◀les▶ centrales nucléaires ne vont pas « créer ◀de▶ ◀l’▶emploi », c’est un mensonge. Elles vont créer des bénéfices pour quelques-uns, une très lourde charge pour tous, et mille fois plus ◀de▶ risques là-bas que ◀de▶ chances ici. ◀Le▶ marché nucléaire entre ◀la▶ RFA et ◀le▶ Brésil « garantit pour la première fois ◀la▶ stabilité ◀de▶ 19 000 emplois » dans ◀les▶ usines et bureaux ◀de▶ Siemens (selon ◀la▶ presse ◀de▶ ◀l’▶Allemagne fédérale), mais installe un danger ◀de▶ mort atroce pour des millions ◀d’▶hommes dans ◀les▶ deux Amériques.
12. « ◀Le▶ nucléaire assurera ◀l’▶indépendance nationale dans ◀le▶ domaine ◀de▶ ◀l’▶énergie. » — Tous ◀les▶ ministres chargés des questions ◀de▶ ◀l’▶énergie ◀l’▶ont affirmé, chacun dans son pays. Et ◀les▶ exemples ◀d’▶affluer :
◀La▶ France a confié ◀le▶ développement du nucléaire à une société constituée par Westinghouse (qui a fourni ◀la▶ licence des centrales à eau légère) ; par ◀la▶ firme allemande Siemens, et à 30 % seulement, par ◀le▶ Commissariat français à ◀l’▶énergie atomique, chargé ◀de▶ fournir ◀les▶ idées ; ◀le▶ tout étant présidé par un Belge.
◀La▶ Suisse finance ses centrales avec ◀l’▶aide ◀d’▶un groupement ◀de▶ banques européennes (françaises, anglaises, belges, autrichiennes) ; elle ◀les▶ nourrit avec ◀de▶ ◀l’▶uranium américain ; enfin, elle envoie ses déchets, pour retraitement, à ◀l’▶usine ◀de▶ ◀La▶ Hague, qui d’ailleurs ne fonctionne plus au moment où j’écris. (◀La▶ République fédérale, ◀la▶ Hollande et ◀le▶ Japon dépendent également ◀de▶ ◀La▶ Hague pour cet aspect ◀de▶ leur « indépendance énergétique ».)
Et ainsi dans tous ◀les▶ pays où se construisent des réacteurs, nous constatons que ◀les▶ multinationales sont seules capables ◀d’▶assurer nos indépendances nationales. Aussi longtemps du moins qu’il leur plaira, et qu’elles n’y perdront pas trop ◀d’▶argent. Quand tout s’enfoncera dans ◀le▶ rouge, quand cette forme coûteuse ◀de▶ puissance cessera ◀de▶ ◀les▶ intéresser, ◀le▶ moment sera venu pour elles ◀de▶ se faire nationaliser, et c’est alors ◀la▶ gauche qui ◀les▶ sauvera, en faisant racheter leur participation par ◀l’▶État ; ◀les▶ déficits étant transférés ◀de▶ ◀la▶ sorte à ◀la▶ charge des contribuables.
Quant à ◀l’▶uranium dont on nous disait « qu’il y en a partout », il vient actuellement des USA, qui en ont encore, disent-ils, pour une trentaine ◀d’▶années ; il viendra plus tard ◀de▶ Russie et en troisième rang ◀de▶ ◀l’▶Afrique du Sud.
◀La▶ vérité est qu’un objet aussi cher et aussi grand qu’une centrale nucléaire ne peut pas rester « national » tout simplement : ses dimensions ◀l’▶internationalisent. Qu’on ◀le▶ réduise au régime national, il mourra ◀de▶ faim dans ses déchets accumulés, déchet lui-même, « à gérer pendant cent-mille ans » par nos éventuels descendants.
◀La▶ sottise majeure est ◀d’▶invoquer « ◀l’▶indépendance nationale » dans ◀le▶ domaine énergétique. Car cette indépendance est prévue pour ◀la▶ guerre, et que se passerait-il en cas ◀de▶ guerre ?
Toutes nos centrales dépendent d’autres pays, voire d’autres continents, pour leur uranium, leur technique, leur financement, et ◀les▶ retraitements ◀de▶ leurs déchets. Ce qui rend chacun ◀de▶ nos États inexcusablement vulnérable en cas ◀de▶ guerre. ◀La▶ fermeture ◀de▶ ses frontières ◀le▶ paralyse !
◀La▶ vulnérabilité sera toujours en raison directe ◀de▶ ◀la▶ centralisation, mais inverse ◀de▶ ◀la▶ dispersion. Que répondent à cela nos gouvernements ? Rien, pas un seul député ne ◀les▶ ayant jamais interpellés sur ce point.
Mensonge universel, automatique, systématique. On ◀le▶ dénonce, il revient identique. Comme ranimé par une disposition ◀de▶ ◀l’▶opinion à ◀la▶ créance ◀de▶ principe accordée au dire officiel des promoteurs du nucléaire. Ceux-ci ne répondent à rien, ils réitèrent, leur souci n’étant pas ◀de▶ vérité mais ◀de▶ pouvoir. ◀Les▶ adversaires des centrales nucléaires, à ◀les▶ entendre, « font fi des conquêtes ◀de▶ ◀la▶ science et entendent nous ramener au Moyen Âge, à ◀la▶ lampe à huile, voire à ◀l’▶âge des cavernes ». Personne n’a jamais pu montrer par quels enchaînements mystérieux ◀le▶ fait ◀de▶ ne pas ajouter à ◀l’▶électricité disponible un 20 % dont il est avéré que ◀l’▶on peut se passer, ramènerait ◀l’▶Occident dans ◀les▶ cavernes. ◀L’▶argument ◀les▶ obsède visiblement. Il évoque leurs déclarations sur ◀l’▶évacuation des déchets. Non, Messieurs, nous n’irons plus au bois chercher ◀les▶ grottes salines, ◀les▶ puits sans fonds, ◀les▶ cavernes gorgées ◀de▶ plutoniens déchets : on vous ◀les▶ laisse.
Vous n’avez jamais essayé ◀de▶ faire voir comment notre refus ◀de▶ multiplier ◀la▶ consommation ◀d’▶énergie par 16 384 en quatre-vingt-dix-huit ans signifierait un retour aux cavernes et non pas un retour au bon sens. Je ne vous crois pas un seul instant malintentionnés, déshonnêtes. Mais ayant écarté fermement toute « explication » ◀de▶ ce genre, je n’en trouve pas ◀d’▶autre.
C’est en ce point ◀de▶ perplexité qu’un incident sur ◀le▶ petit écran m’a ouvert ◀les▶ yeux.
« Concorde » ou ◀le▶ mensonge qui va plus vite que ◀le▶ son
Au début ◀de▶ 1976, je fus invité à prendre position ◀de▶ ◀la▶ manière ◀la▶ plus publique qui soit, dans ◀l’▶affaire ◀de▶ ◀l’▶avion supersonique « Concorde ». Et je me vis confronté au même type ◀de▶ mensonges en service commandé, proférés par des hommes non moins intelligents ni moins respectables que ◀les▶ promoteurs du nucléaire, et recourant néanmoins au même système ◀de▶ sophismes.
Parlant au cours ◀d’▶une émission ◀de▶ ◀la▶ TV française — essayant ◀de▶ parler, plutôt, « en dépit des interruptions ◀d’▶une insupportable agressivité du meneur ◀de▶ jeu55 », j’ai essayé ◀de▶ formuler mes objections et mes mises en question selon ◀le▶ schéma suivant que je reconstitue :
1. — On s’était adressé à moi comme « philosophe ». ◀Le▶ philosophe étant celui qui pose des questions simples et naïves, je demande : « Concorde, à quoi est-ce que ça sert ? » On m’assure que cet appareil ira ◀de▶ Paris à New York en trois heures et demie au lieu de sept. Bon. Mais ◀les▶ quelques dizaines ◀de▶ PDG et ◀de▶ membres du jet-set qui en « bénéficieront », si ◀l’▶on peut dire, que feront-ils ◀de▶ ces heures gagnées ? Est-ce qu’elles vaudront ◀les▶ 16 milliards déjà dépensés par ◀l’▶État, donc par ◀les▶ contribuables français et anglais ? Est-ce qu’elles justifieront ◀le▶ risque planétaire que des savants redoutent, ◀l’▶atteinte possible à ◀la▶ couche ◀d’▶ozone qui protège tout ce qui vit sur ◀la▶ terre contre ◀les▶ rayons ultraviolets ?
Votre pari — dis-je aux promoteurs ◀de▶ « Concorde » alignés devant moi, et consternés — c’est ◀le▶ contraire du pari ◀de▶ Pascal. Si vous perdez, vous perdez tout et pour tout ◀le▶ monde. Si vous gagnez, vous gagnez trois heures pour quelque 70 PDG. Pari étrange. Pour ma part, je ne ◀le▶ tiendrais pas…
2. — Si ◀les▶ clients prévus, dont ◀l’▶heure est si précieuse, sont à tel point suroccupés, on leur rendrait meilleur service en leur faisant « perdre » quelques heures supplémentaires au-dessus des merveilleux châteaux ◀de▶ nuages ◀de▶ ◀l’▶Atlantique : ils y gagneraient (outre 20 % sur ◀le▶ prix du billet, et x % sur leurs impôts) ◀le▶ temps ◀de▶ se reposer, ◀de▶ réfléchir, ou ◀de▶ lire mes livres par exemple.
Et s’il était vraiment indispensable ◀de▶ « gagner » trois heures sur ce trajet, en voici ◀le▶ moyen simple et qui eût déjà permis environ 15,8 milliards ◀d’▶économies selon mes premiers calculs : 1. supprimer ◀les▶ formalités ◀de▶ douanes et passeports au départ et à ◀l’▶arrivée : deux fois une demi-heure ◀de▶ gagnée ; 2. transporter ◀les▶ passagers ◀de▶ ◀l’▶échelle ◀de▶ coupée au centre ◀de▶ ◀la▶ ville par hélicoptère ou métro. (Gain ◀de▶ deux fois une heure. Total trois heures au moins.)
3. — On me dit qu’arrêter ◀la▶ fabrication ◀de▶ « Concorde » mettrait au chômage 40 000 ouvriers56. Argument proprement scandaleux ! Faut-il, comme ◀le▶ demandait un Premier ministre, supprimer toute limitation ◀de▶ vitesse sur ◀les▶ autoroutes pour éviter ◀le▶ chômage des carrossiers ? (Pour ne rien dire des chirurgiens, des assureurs, etc.) ◀Les▶ Américains se sont posé la question à propos du Vietnam : pouvons-nous arrêter ◀la▶ guerre, alors que ◀l’▶industrie des armements occupe des centaines ◀de▶ milliers ◀d’▶ouvriers ?
Je pense que si ◀la▶ société est ainsi faite que ◀la▶ seule alternative qu’elle offre au gaspillage industriel, à ◀la▶ pollution ◀de▶ ◀l’▶atmosphère, voire à ◀la▶ guerre, c’est ◀le▶ chômage, il est temps ◀de▶ changer ◀de▶ cap, ◀de▶ se fixer d’autres buts, et ◀d’▶inventer d’autres moyens ◀d’▶y aller.
4. — Outre ◀le▶ gain ◀de▶ temps, outre ◀l’▶emploi — et comme pour ◀la▶ guerre du Vietnam, ici encore — on invoque ◀les▶ « retombées technologiques » (« Concorde » lui-même étant une retombée des V2 à travers ◀les▶ fusées américaines). Cela signifie qu’en construisant « Concorde », on aurait découvert des procédés qui permettront ◀de▶ construire d’autres avions encore plus chers et plus problématiques, et puis surtout qui permettront ◀la▶ mise au point ◀d’▶armements de plus en plus sophistiqués : ces « retombées » se feront donc sur nos têtes.
5. — Indépendamment ◀de▶ ces arguments, je suis contre « Concorde » pour deux raisons fondamentales.
a) Tout comme ◀les▶ centrales nucléaires, « Concorde » est ◀le▶ symbole ou simplement ◀l’▶enseigne ◀d’▶un modèle ◀de▶ société que je récuse radicalement. Car ◀l’▶humain s’y voit sacrifié non pas même au profit (ici très négatif) mais à ◀la▶ puissance physique ◀de▶ ◀l’▶État centralisateur et policier, au nom de quoi tout s’ordonne à ◀la▶ guerre. « Concorde » résume un ensemble ◀de▶ calculs et ◀de▶ rêves, ◀de▶ principes et ◀d’▶ambitions qu’il nous faut dépasser si nous voulons survivre, qui détruisent à la fois ◀la▶ nature et ◀la▶ communauté des hommes, au nom du prestige ◀de▶ ◀l’▶État — vanité collective et surprofits privés — absolument contraire aux fins que je défends dans toute mon œuvre, ◀de▶ liberté et ◀de▶ responsabilité ◀de▶ ◀la▶ personne, ◀d’▶autonomie et ◀de▶ fédération des groupes.
b) Je suis convaincu que ◀les▶ promoteurs ◀de▶ « Concorde » sont animés par un certain idéal ; c’est celui du progrès selon ◀le▶ xixe siècle : toujours plus ◀d’▶objets, toujours plus grands, toujours plus chers, toujours plus bruyants et toujours plus dangereux — exigeant toujours plus ◀de▶ contrôle ◀de▶ ◀l’▶État — et allant toujours plus vite vers n’importe quoi !
◀L’▶idée vraiment moderne du progrès et du luxe s’oppose radicalement à cette manie démodée ◀de▶ ◀la▶ vitesse et du fracas pour épater ◀le▶ monde. Ce qui commence à valoir des fortunes, c’est ◀le▶ contraire ◀de▶ ce que « Concorde » symbolise. ◀Le▶ luxe suprême ◀de▶ demain, je ◀l’▶ai défini au lendemain ◀d’▶Hiroshima : « ◀La▶ lenteur au sein du silence. »
Ce soir-là, j’ai trouvé ◀la▶ formule ◀de▶ tout ce qui me répugnait dans ◀l’▶affaire nucléaire comme dans celle ◀de▶ « Concorde », en faisant ◀de▶ ces deux entreprises ◀les▶ suites logiques ◀de▶ ◀l’▶idéal matérialiste du progrès combiné avec ◀la▶ réalité toujours plus totalitaire ◀de▶ ◀l’▶État-nation.
Des objets toujours plus grands exigent, en effet, des moyens toujours plus centralisés et des investissements que ◀l’▶État central seul peut obtenir.
Des objets toujours plus dangereux (comme ◀les▶ centrales à plutonium, et il en suffit ◀de▶ cinq kilos pour faire une bombe atomique) exigent un déploiement toujours plus dense des forces policières ◀de▶ protection, ◀de▶ contrôle et ◀de▶ répression. Et tout cela tend au développement ◀d’▶une civilisation et ◀d’▶un mode de vie toujours plus affamé et dévoreur ◀de▶ cette sorte-là ◀d’▶énergie que ◀l’▶État est seul en mesure ◀de▶ produire et ◀de▶ distribuer, entraînant par ◀le▶ jeu des disciplines ◀de▶ production, ◀la▶ mise en servage progressive et insensible des individus et des communautés locales.
Personne, bien sûr, ne viendra dire devant un parlement ou dans une assemblée populaire, que c’est cela qu’il veut ; ni qu’il complote vicieusement en vue de promouvoir cette forme-là ◀d’▶asservissement.
Mais ◀la▶ logique du système stato-national dans notre société industrielle, qu’elle soit capitaliste ou socialiste, nulle différence à cet égard ! — ◀la▶ logique du système que ◀le▶ grand sociologue américain Lewis Mumford a baptisé ◀le▶ Pentagone ◀de▶ ◀la▶ puissance 57, cette logique est plus forte que tous ◀les▶ hommes d’État, que tous ◀les▶ servants ◀de▶ ◀l’▶État : elle ◀les▶ manipule et commande — à leur insu ◀le▶ plus souvent — dans leurs réflexes et finalement dans leurs pensées. Elle ◀les▶ force à mentir en bonne conscience parce que, au sens ◀le▶ plus précis ◀de▶ ◀l’▶expression, ils mentent par raison ◀d’▶État, et même, pour certains d’entre eux, par fidélité à leur mission ! C’est cette mission, et non pas eux, que je réprouve.
Si je me dis adversaire du nucléaire et du supersonique, et que je motive mon hostilité par ◀les▶ raisons que je viens de dire : c’est trop grand, trop dangereux, trop bruyant et trop cher, cela va trop vite vers n’importe où, et surtout cela donne toute puissance à ◀l’▶État — alors que je veux ◀la▶ liberté du citoyen responsable et ◀l’▶autonomie des groupes — il arrive parfois que je renforce mon adversaire dans sa conviction : car il sent — même s’il n’en prend pas conscience — que c’est précisément à cause de cela qu’il est pour ◀les▶ centrales nucléaires et pour « Concorde » !
◀Le▶ moment ◀de▶ ◀la▶ révolution
Allons plus loin et plus profond : derrière ◀les▶ deux attitudes dont je viens ◀d’▶esquisser ◀l’▶opposition radicale, il y a deux attitudes opposées face à ◀la▶ vie, au destin ◀de▶ ◀l’▶homme sur ◀la▶ Terre ; il y a deux morales incompatibles en théorie, si elles sont parfois complémentaires en pratique. L’une veut ◀la▶ liberté d’abord, l’autre veut ◀la▶ sécurité par-dessus tout.
Si vous tenez à ◀la▶ sécurité par-dessus tout, vous êtes amené à accepter ◀la▶ logique interne ◀de▶ ◀la▶ mégamachine étatique, vous attendez de plus en plus ◀de▶ ◀l’▶État, et vous trouvez enfin normal que ce soit lui — comme ◀les▶ rois antiques — qui dispense seul ◀l’▶Énergie. Une énergie qui vous vient donc ◀de▶ ◀l’▶extérieur et que ◀les▶ pouvoirs vous assurent.
Si au contraire vous voulez ◀la▶ liberté d’abord, avec ◀les▶ risques qu’elle comporte, vous vous heurtez aux cadres géométriques qu’imposent ◀la▶ société industrielle mécanisée et ◀l’▶uniformisation indispensable au fonctionnement ◀de▶ ◀l’▶État-nation. Vous êtes amené à revendiquer ◀l’▶autonomie que ◀l’▶État menace, et que ◀les▶ nécessités ◀de▶ ◀la▶ production industrielle tendent à exclure. Et vous en viendrez peu à peu à ◀l’▶idée ◀de▶ trouver ◀l’▶énergie ◀le▶ plus près possible ◀de▶ vous, dans votre proche environnement, chute ◀d’▶eau, rivière, force des vents, lumière et chaleur du soleil (qui ne souffrent pas ◀la▶ centralisation, c’est pourquoi nos États ◀les▶ décrient). Et vous irez plus loin. Vous en viendrez bientôt à chercher ◀l’▶énergie en vous-même.
Voilà ◀le▶ moment ◀de▶ ◀la▶ révolution, ◀la▶ seule réelle et radicale dans notre société industrielle, ◀la▶ seule aussi qui puisse renverser ◀les▶ fatalités catastrophiques inscrites dans ◀les▶ motifs mêmes ◀de▶ ◀l’▶évolution vers ◀le▶ nucléaire. Chercher ◀l’▶énergie qui est dans ◀l’▶homme au lieu de sacrifier ◀l’▶homme à ◀l’▶énergie dispensée par ◀l’▶État, je dis que c’est une révolution parce que c’est un changement radical ◀de▶ finalités, qui peut entraîner des changements innombrables dans notre mode de vie comme dans toutes nos structures politiques et sociales.
◀Le▶ noyau du pouvoir
On peut penser que ◀les▶ réacteurs ne seront aux yeux de ◀l’▶histoire qu’un épisode, une erreur ◀de▶ parcours sur ◀les▶ voies ◀de▶ ◀la▶ recherche ◀d’▶énergies différentes, en vue ◀d’▶une société moins résignée au pire. Tout cela sera sans doute oublié (mais ◀les▶ déchets ◀de▶ plutonium ?) quand nous aurons maîtrisé ◀la▶ fusion, dans ◀les▶ supercentrales à enceintes électromagnétiques ◀de▶ ◀l’▶an 2000. « N’en faites donc pas ◀le▶ noyau du drame politique ◀de▶ cette fin, déjà si proche, du xxe siècle. »
On peut aussi penser que ◀les▶ réacteurs sont ◀les▶ structures décisives du pouvoir et ◀de▶ sa dynamique fondamentale, dans une société stato-nationaliste.
Il y aurait donc une politique du nucléaire, elle serait caractérisée par ◀les▶ traits principaux qui ont fait, au cours des siècles, ◀la▶ force des monarchies ◀de▶ droit divin. À savoir : ◀le▶ secret, qu’on pressent menaçant, et ◀le▶ mutisme ou ◀la▶ serve parole imposés à tous ses sujets ; ◀l’▶arbitraire du prince, et seuls quelques barons sont initiés à ses motifs à longue portée ; ◀le▶ prestige des hautes murailles, tours ◀de▶ contrôle, miradors hérissés ◀de▶ détecteurs électroniques ; ◀les▶ coûts énormes, démesurés au regard des possibilités privées ; ◀l’▶aura du danger irradiant ◀l’▶apparence ◀d’▶une présence sacrée ; ◀l’▶idée magique, enfin, et des plus primitives, que ◀le▶ roi détient ◀l’▶énergie, en est ◀la▶ source et fonde sur cela même sa royauté58.
◀La▶ majorité des politiciens ◀de▶ nos pays, nostalgiques sans jamais se ◀l’▶avouer ◀de▶ ◀la▶ monarchie absolue, se livrent à ◀l’▶empire ◀de▶ ces structures obscurément ressenties comme celles du pouvoir même : c’est qu’ils veulent commander. ◀La▶ majorité des contribuables se laissent tondre sans résistance, dans ◀l’▶idée ◀d’▶assurer leur confort, mais surtout, leur sécurité : c’est qu’ils veulent être commandés. Et tous ◀les▶ imbéciles répètent qu’on n’arrêtera pas ◀le▶ progrès.