L’▶Europe est une culture commune (1978)a
◀L’▶Europe, qui a dominé ◀le▶ monde pendant des siècles, n’est pas ◀le▶ produit ◀d’▶une terre assez ingrate, encore couverte ◀de▶ forêts quand ◀l’▶Égypte et Sumer illustraient toute ◀la▶ civilisation. Elle n’est pas ◀le▶ produit démontrable ◀d’▶un climat, ◀d’▶une pression démographique, ◀d’▶une aire géographique, ni ◀d’▶un sous-sol riche : tout autre continent pourrait se réclamer, sur la plupart de ces points, ◀d’▶avantages décisifs. Elle n’est pas fille ◀de▶ ◀la▶ Nature, mais ◀de▶ ◀l’▶Homme.
◀L’▶Europe est ◀le▶ produit ◀de▶ traditions diverses nouées en gerbe par ◀le▶ christianisme.
Née dans un petit groupe ◀de▶ tribus du Proche-Orient et prolongeant ses courants prophétiques, ◀la▶ révélation chrétienne se répand rapidement dans un monde où tout ce qui pense ne saurait ◀le▶ faire qu’en grec, j’entends en termes et en concepts élaborés par ◀l’▶hellénisme. ◀La▶ foi chrétienne va donc parler grec, elle aussi. Mais son discours assemble un peuple ◀de▶ fidèles et suscite une communauté. Celle-ci réclame un cadre et des institutions. Or, au plan politique et social, c’est ◀le▶ monde romain qui existe seul en Occident et à ce moment. ◀L’▶Église va donc s’organiser dans ◀les▶ structures ◀de▶ ◀l’▶Empire, comme sa doctrine s’est informée dans ◀les▶ catégories ◀de▶ ◀la▶ dialectique grecque.
◀La▶ venue du Christ et son message ont ainsi provoqué ◀la▶ combinaison imprévisible ◀de▶ trois traditions inégales : Athènes, Rome et Jérusalem.
Tradition hellénique : ◀la▶ Grèce de Delphes et ◀de▶ Délos, ◀d’▶Athènes, ◀de▶ Thèbes et ◀de▶ Lacédémone, mais aussi ◀de▶ ◀l’▶Archipel et ◀de▶ ◀l’▶Ionie d’abord, crée ◀les▶ notions ◀d’▶individu et ◀de▶ cité, ◀de▶ mesure et ◀de▶ philosophie, et ses dieux sont en forme ◀d’▶hommes, conquête majeure (quoique ridiculisée par ◀les▶ Gaulois lorsqu’ils virent ◀l’▶Apollon Pythien).
Tradition romaine : c’est ◀l’▶État, né du forum municipal, étendu à ◀l’▶empire hiérarchisé ; ◀la▶ loi commune ; ◀les▶ grandes routes ◀de▶ ◀l’▶Europe ; et ◀la▶ notion ◀de▶ citoyen (un responsable pourvu ◀de▶ droits), qui était ignorée ◀de▶ ◀l’▶Égypte et niée par ◀l’▶Asie.
Tradition sémitique : elle est double : ◀les▶ Phéniciens, « Hébreux ◀de▶ ◀la▶ Mer », colonisent tout d’abord ◀la▶ Méditerranée, Grèce comprise, frayant ◀les▶ voies ◀de▶ ◀la▶ civilisation du Proche-Orient — et c’est ce qu’exprime avec une grande précision ◀le▶ mythe ◀de▶ ◀l’▶Enlèvement ◀d’▶Europe, princesse de Tyr en Palestine, que Zeus fait reine en Crète, cependant que son frère Cadmus fondera Thèbes en Béotie. Puis apparaît Jésus, « fils ◀de▶ David », qui se réclame ◀de▶ ◀la▶ tradition des prophètes ◀d’▶Israël.
Combinaison imprévisible, ai-je dit. Car aucune dialectique historique n’en saurait rendre compte qu’au prix des plus grossiers anachronismes. Entre ◀le▶ monothéisme ◀d’▶Israël, ◀le▶ polythéisme grec, ◀l’▶État divinisé des Romains ; entre ◀le▶ sacralisme exclusif et ascétique du Temple, ◀la▶ mesure hellénique, ◀l’▶anarchie hellénistique et ◀les▶ structures collectivistes et profanes ◀de▶ ◀l’▶Empire, nulle convergence préétablie ne saurait être décelée, annonciatrice ◀de▶ ◀la▶ synthèse européenne, combien instable et malaisée, et qui pourtant s’est révélée capable ◀d’▶intégrer par ◀la▶ suite des apports germaniques et celtes, mais aussi slaves et arabes, tout différents des premiers.
◀L’▶apport germanique résultant ◀de▶ ◀la▶ fusion du Barbaricum et ◀de▶ ◀la▶ Romania a consisté surtout en coutumes politiques et sociales, fédératives et communautaires, ou « libertés ». ◀L’▶apport celte est sensible d’une part dans ◀l’▶évangélisation ◀de▶ plusieurs régions ◀de▶ ◀l’▶Europe centrale et septentrionale (missions ◀de▶ Colomban et Gall, rayonnement du foyer spirituel ◀de▶ Iona), d’autre part et ◀d’▶une manière plus durable, dans ◀la▶ tradition littéraire commune à tous ◀les▶ Européens à partir du xiie siècle (romans ◀de▶ ◀la▶ Table ronde, mythe ◀de▶ Tristan). ◀L’▶apport arabe est triple : éléments ◀de▶ chimie et ◀de▶ mathématiques, philosophie, poésie. ◀Le▶ lyrisme des troubadours, ancêtres ◀de▶ toute ◀la▶ poésie européenne, s’est formé au contact du lyrisme andalou (analogie des thèmes et des formes rhétoriques). Quant aux influences bien connues ◀d’▶un Avicenne et ◀d’▶un Averroès, on sait qu’elles ont convoyé vers ◀l’▶Europe ◀l’▶aristotélisme oublié depuis des siècles, d’ailleurs modifié et parfois enrichi. Est-il besoin ◀de▶ rappeler, au surplus, ◀les▶ échanges culturels et spirituels ménagés par ◀les▶ croisades et par ◀la▶ cour ◀de▶ Frédéric II à Palerme ? Enfin, ◀les▶ apports slaves ne sauraient être négligés, quoique très récents (roman russe, dès ◀la▶ fin du xixe siècle, musique russe au xxe siècle).
◀L’▶Europe comme telle, création ◀de▶ ◀l’▶esprit à partir ◀d’▶un cap de l’Asie (4 % des terres émergées ◀de▶ ◀la▶ planète) et ◀de▶ sept ou huit traditions à tant ◀d’▶égards incompatibles, est née ◀de▶ décisions métaphysiques.
Ce sont les premiers grands conciles œcuméniques du ive au vie siècle, et en particulier Nicée, Constantinople et Chalcédoine, qui ont défini ◀les▶ caractères fondamentaux ◀de▶ ◀la▶ conception européenne ◀de▶ ◀l’▶homme et du monde, en définissant ◀la▶ personne et ◀le▶ dogme ◀de▶ ◀l’▶Incarnation.
◀Le▶ concept ◀de▶ personne, élaboré en vue de rendre compte à la fois ◀de▶ ◀l’▶unité et ◀de▶ ◀la▶ distinction des fonctions entre ◀le▶ Père, ◀le▶ Fils et ◀le▶ Saint-Esprit en un seul Dieu, a été appliqué presque aussitôt à ◀l’▶homme par saint Augustin, puis par Boèce. Il a permis ◀d’▶opérer ◀la▶ synthèse entre ◀l’▶individu des Grecs (atome raisonnable, mais isolé) et ◀la▶ persona des Romains (citoyen défini par son rôle, sa fonction sociale dans ◀l’▶État). ◀La▶ personne, au sens chrétien, c’est donc ◀l’▶homme à la fois distinct et relié, à la fois libre et responsable. En effet, ◀la▶ vocation qu’il reçoit ◀d’▶un Dieu transcendant ◀le▶ distingue dans ◀la▶ masse, mais en même temps ◀le▶ relie à ◀la▶ communauté ◀de▶ ses prochains.
◀Le▶ dogme ◀de▶ ◀l’▶Incarnation, d’autre part, selon lequel Dieu a choisi ◀de▶ descendre vers nous, pour se manifester aux hommes dans un corps matériel, ce dogme fondamental valorise ◀la▶ chair et ◀la▶ matière, confirme leur importance et leur réalité, alors que ◀les▶ religions ◀de▶ ◀l’▶Orient considéraient ◀la▶ chair et ◀la▶ matière comme illusoires et irréelles aux yeux de ◀l’▶esprit.
Telles sont donc ◀les▶ sources communes ◀de▶ ◀la▶ culture européenne, et nous en sommes tous tributaires — que nous soyons chrétiens ou non, parce que c’est ◀d’▶elles que procède ◀l’▶attitude particulière ◀de▶ ◀l’▶esprit humain qui devait donner naissance, au cours des siècles, à ◀la▶ technique, à ◀la▶ notion ◀d’▶histoire et à celle ◀de▶ progrès, enfin à nos structures sociales et politiques. Voici, très brièvement suggérée, ◀la▶ généalogie ◀de▶ ces caractères distinctifs ◀de▶ notre culture.
Un premier fait : ◀la▶ science s’est développée en Europe, et non pas en Asie. Parce que ◀les▶ Européens avaient décidé (et déclaré au moins implicitement dès Nicée) que ◀le▶ corps, ◀la▶ matière, ◀le▶ cosmos étaient des œuvres ◀de▶ Dieu, et méritaient donc ◀d’▶être étudiés par ◀les▶ meilleurs esprits. Si ◀l’▶on croit au contraire que ◀le▶ corps, ◀la▶ matière et ◀le▶ cosmos sont autant ◀de▶ prisons et ne représentent en réalité que ◀le▶ voile ◀de▶ Maya, destiné à se dissiper au terme ◀de▶ ◀l’▶ascension métaphysique, il n’y a aucune raison ◀de▶ perdre son temps à explorer leurs mystères.
Un second fait : ◀l’▶Europe seule a conçu ◀l’▶importance ◀de▶ ◀l’▶histoire, et développé une conception historique ◀de▶ ◀l’▶humanité. Parce que ◀l’▶événement ◀de▶ ◀la▶ venue de Dieu sur ◀la▶ Terre, en forme ◀d’▶homme, qui marque ◀le▶ début ◀de▶ notre manière ◀de▶ compter ◀les▶ années, a introduit ◀l’▶idée ◀d’▶un progrès linéaire du temps, allant des origines du monde jusqu’au Christ, puis ◀de▶ ◀la▶ mort du Christ au Jugement dernier. ◀D’▶où résulte que ◀le▶ temps a un sens. Alors que toutes ◀les▶ autres civilisations croyaient — et croient encore — au retour éternel et cyclique des mêmes événements, donc à un temps circulaire, sans progressions dans ◀l’▶ensemble, temps des mythes, pour lequel ◀les▶ dates ne comptent pas.
Un troisième fait : ce sont ◀les▶ Européens qui ont exploré ◀la▶ planète et qui ont « découvert » ◀les▶ autres continents et ◀les▶ autres civilisations, non ◀l’▶inverse. Parce que ◀la▶ foi chrétienne est universaliste et missionnaire, non pas magique et folklorique. Parce qu’elle libère en ◀l’▶homme des énergies, un sens ◀de▶ ◀la▶ liberté et ◀de▶ ◀l’▶aventure, une inquiétude fondamentale, que ◀les▶ religions tribales, rituelles, magiques, condamnaient ou paralysaient. ◀Les▶ Chinois et ◀les▶ Hindous possédaient depuis longtemps ◀de▶ grands bateaux bien supérieurs à nos pauvres petites caravelles du xvie siècle, mais c’est Christophe Colomb qui a découvert ◀l’▶Amérique, c’est Magellan qui a fait le premier tour du monde.
Un dernier fait : ◀la▶ structure sociale et politique ◀de▶ ◀l’▶Occident est ◀la▶ seule qui repose sur ◀les▶ communes fédérées et ◀les▶ parlements délégués, et qui organise ainsi une résistance permanente au despotisme et au régime des castes. Parce que là où ◀l’▶homme est conçu comme une personne, non comme une simple cellule prise dans ◀la▶ masse, il tend à former des communautés où sa liberté et sa responsabilité puissent être réelles. ◀Le▶ christianisme s’est d’abord moulé dans ◀les▶ structures ◀de▶ ◀l’▶Empire romain, mais ensuite il ◀les▶ a fait éclater. C’est ainsi que ◀les▶ constitutions des ordres religieux du Moyen Âge, et ◀les▶ synodes calvinistes (assemblées ◀de▶ notables élus par ◀les▶ communautés locales ou paroisses) sont devenus ◀les▶ prototypes ◀de▶ nos parlements modernes.
Toute ◀l’▶histoire ◀de▶ ◀l’▶Europe et ◀de▶ ses conquêtes dans ◀le▶ domaine ◀de▶ ◀la▶ culture et ◀de▶ ◀la▶ civilisation, trouve ainsi un principe ◀d’▶explication dans ◀la▶ diversité ◀de▶ ses composantes, synthétisées par ◀le▶ christianisme et cependant toujours en lutte ou en tension : ◀d’▶où ◀les▶ oscillations extrêmes ◀de▶ nos sociétés, tantôt vers ◀l’▶individualisme anarchique (pôle grec), tantôt vers ◀le▶ collectivisme étatique (pôle romain), avec certains moments ◀de▶ retour ou ◀de▶ passage à ◀l’▶axe chrétien, personnaliste.
Cette communauté des conceptions fondamentales ◀de▶ ◀l’▶homme et du monde est beaucoup plus profonde et décisive que nous ne ◀le▶ pensons ◀d’▶ordinaire. Elle est tellement constitutive ◀de▶ nos vies et ◀de▶ leur sens général que nous avons peine à ◀la▶ voir. Seule, ◀la▶ comparaison avec des cultures orientales ou primitives nous en fait parfois prendre conscience. Rien ◀de▶ tel qu’un voyage aux Indes ou en Afrique pour réveiller chez un Européen ◀le▶ sens ◀de▶ ◀l’▶Europe !
D’autre part, cette communauté profonde est masquée à nos yeux depuis un siècle et demi par une estimation tout à fait exagérée ◀de▶ nos divisions, résultant du nationalisme. Obsédés par ◀les▶ différences ◀de▶ mœurs et ◀de▶ manière ◀de▶ penser que nous croyons exister entre Allemands et Français, Anglais et Italiens, voire entre Suédois et Norvégiens, ou mieux encore entre Vaudois et Genevois, nous en venons à oublier très sincèrement : 1° que ces différences, quoique réelles et intéressantes, restent superficielles si on ◀les▶ compare à ◀l’▶importance ◀de▶ ce que nous avons en commun : 2° que ces oppositions, loin ◀d’▶être éternelles ou même traditionnelles, ne datent souvent sous leur forme actuelle et virulente que du xixe siècle.
C’est en effet seulement à partir de ◀l’▶ère du suffrage universel, du service militaire obligatoire et des écoles régies par ◀l’▶État que ◀l’▶idée (hégélienne) ◀de▶ « cultures nationales » s’est répandue. Inculquée à quatre générations, elle nous est devenue quasi naturelle. Nous parlons couramment ◀de▶ « culture française » (ou autrichienne, ou danoise), ◀de▶ « science allemande » (ou anglaise, ou italienne), non pas comme on parlait jadis ◀de▶ musique flamande ou bourguignonne, ◀de▶ peinture rhénane ou siennoise, ou aujourd’hui ◀de▶ ◀l’▶École ◀de▶ Paris, désignant par là des styles ou des modes, mais comme s’il s’agissait ◀d’▶entités permanentes délimitées par ◀les▶ frontières politiques et administratives ◀de▶ tel ou tel État-nation. ◀Les▶ États totalitaires ont poussé plus loin ◀l’▶absurdité, mais dans ◀le▶ même sens : c’est ainsi qu’on a parlé sous Hitler ◀de▶ « mathématiques nationales-socialistes » et sous Staline ◀de▶ « biologie marxiste » !
En réalité, nos soi-disant « cultures nationales » sont des découpages arbitraires, opérés sur ◀l’▶héritage commun des Européens, ou alors des nuances, certes valables et souvent précieuses, mais seulement par rapport à ◀l’▶ensemble. ◀La▶ culture vivante a toujours été ◀le▶ résultat ◀d’▶échanges libres et ◀d’▶influences fécondantes, non pas entre nations comme telles, mais entre foyers locaux, écoles régionales, individus créateurs, cités ◀d’▶art, etc. Ni ◀la▶ musique pour elle-même (concert), ni ◀la▶ peinture comme fin en soi (tableau), inventions typiques ◀de▶ ◀l’▶Europe, n’ont jamais été nationales ; elles naquirent au sud, se transplantèrent dans ◀les▶ Flandres et ◀la▶ Bourgogne, redescendirent changées vers ◀l’▶Italie du Nord, où ◀les▶ Saxons vinrent ◀les▶ apprendre, pour ensuite s’exporter vers ◀la▶ Russie au xixe siècle, puis vers ◀l’▶Amérique au xxe siècle. Rien dans tout cela qui corresponde ◀de▶ près ou ◀de▶ loin au découpage accidentel ◀de▶ nos frontières présentes.
◀L’▶illusion nationale concernant ◀la▶ culture s’autorise surtout ◀de▶ nos diversités linguistiques. Mais là encore, quelles sont ◀les▶ réalités ? Nos langues sont presque toutes sœurs ou cousines, et nos littératures ont toutes utilisé au cours des âges ◀les▶ mêmes procédés rhétoriques et ◀les▶ mêmes genres : ◀le▶ sonnet, ◀le▶ roman, ◀l’▶essai, ◀la▶ description réaliste ou ◀l’▶analyse psychologique, etc. Semblablement, nos arts utilisent ◀les▶ mêmes formes : ◀la▶ symphonie, ◀le▶ concerto, ◀l’▶opéra, ◀le▶ tableau ◀de▶ chevalet, ◀le▶ portrait, etc., ignorés ou proscrits par ◀les▶ cultures sacrées ◀de▶ ◀l’▶Asie et du Proche-Orient. Quant à ◀la▶ science, on sait assez que son langage est universel : encore convient-il ◀de▶ marquer que c’est ◀le▶ rayonnement ◀de▶ ◀l’▶Europe qui ◀l’▶a rendu tel, et qu’il exprime l’une des ambitions ◀les▶ plus constantes ◀de▶ ◀l’▶esprit ◀de▶ recherche profane, spécifiquement européen.
Ainsi ◀la▶ vie et ◀la▶ vitalité ◀de▶ notre culture n’impliquent rien ◀de▶ moins que ◀l’▶Europe tout entière, non seulement dans ◀l’▶espace, mais dans ◀le▶ temps, depuis bientôt trois millénaires.