URSS (1994)aw
Au cours des soixante premières années de▶ son existence, ◀l’▶URSS a été dotée par ◀les▶ chefs du Parti communiste ◀de▶ quatre constitutions différentes.
◀La▶ Constitution ◀de▶ 1918
Improvisée au cours des mois qui suivirent ◀la▶ révolution ◀d’▶Octobre, c’est une constitution ◀de▶ combat, expressément prévue « pour une période transitoire ». Elle veut « établir sous forme ◀d’▶un gouvernement fort, ◀la▶ dictature des travailleurs des villes et des campagnes ». Inversant ◀l’▶ordre des étapes prévues par Marx, elle donne ◀la▶ primauté à ◀la▶ révolution politique sur ◀l’▶économique. Elle organise « ◀la▶ République des soviets ◀de▶ députés ouvriers, paysans et soldats », et prive du droit ◀de▶ vote ◀les▶ commerçants, ◀les▶ bourgeois, ◀les▶ propriétaires terriens et ◀les▶ prêtres, ainsi que ◀les▶ membres ◀de▶ ◀la▶ famille impériale. ◀Le▶ vote populaire élit ◀les▶ soviets des villes qui élisent au deuxième degré ◀le▶ congrès des soviets ◀de▶ Russie, tandis qu’il y a quatre degrés pour ◀les▶ campagnes : ◀le▶ vote populaire élit ◀les▶ soviets ◀de▶ village (Conseil primaire), qui élit ◀les▶ soviets ◀de▶ canton (Conseil intermédiaire) qui élisent ◀les▶ soviets ◀de▶ province (Conseil supérieur) qui élisent ◀le▶ congrès des soviets ◀de▶ Russie. Ce dernier élit à son tour ◀le▶ Comité central exécutif, qui élit ◀le▶ Conseil des commissaires du peuple. Cette constitution pyramidale, fédéraliste en apparence, culmine dans un pouvoir absolu et centralisé, résidant à Moscou.
◀La▶ Constitution ◀de▶ 1924
Elle traduit ◀la▶ formation ◀de▶ ◀l’▶Union des républiques socialistes soviétiques, ou URSS, proclamée en 1922. Elle définit ◀l’▶État soviétique comme un régime ◀de▶ « libre fédération ◀de▶ peuples égaux en droits », ouvert « à toutes ◀les▶ républiques soviétiques qui pourront naître ». Elle est formée au départ ◀de▶ quatre républiques : Russie, Ukraine, Biélorussie et Fédération transcaucasienne (qui comprend ◀l’▶Azerbaïdjan, ◀l’▶Arménie et ◀la▶ Géorgie). Elle comptera 6 républiques en 1924, 7 en 1929, 12 en 1936 et 15 ensuite.
◀Le▶ Comité central exécutif devient ◀le▶ Parlement bicaméral ◀de▶ ◀l’▶Union, constitué par ◀le▶ Soviet ◀de▶ ◀l’▶Union et ◀le▶ Soviet des nationalités (sur ◀le▶ modèle du Congrès et du Sénat aux USA, ou du Conseil national et du Conseil des États en Suisse). ◀L’▶autorité suprême réside dans ◀le▶ Présidium du Comité central exécutif.
◀La▶ Constitution ◀de▶ 1936
Cette première esquisse ◀d’▶une constitution fédérale, entrée en vigueur au moment de ◀la▶ mort ◀de▶ Lénine, sera remplacée plus tard par ◀la▶ Constitution ◀de▶ 1936, intitulée Loi fondamentale ◀de▶ ◀l’▶Union des républiques socialistes soviétiques et couramment appelée « Constitution ◀de▶ Staline ». Elle va durer quarante-et-un ans.
Elle résulte ◀d’▶une ambiguïté ◀d’▶intentions soigneusement maintenue tout au long ◀de▶ ses 146 articles. Dans son rapport sur ◀le▶ projet ◀de▶ constitution, Staline exalte d’une part « son caractère éminemment démocratique, observé sans réserve », et d’autre part, il dit « considérer comme son mérite ◀de▶ maintenir ◀le▶ régime ◀de▶ dictature ◀de▶ ◀la▶ classe ouvrière et ◀la▶ primauté du parti communiste ».
Or, ceci annule cela, avec une vigilance sans défaut, comme ◀le▶ fait voir ◀l’▶analyse des principaux chapitres (il y en a XIII) du texte officiel.
◀Le▶ chapitre Ier sur ◀l’▶Organisation sociale annonce que ◀l’▶URSS est un État socialiste des ouvriers et des paysans, dont « ◀la▶ base politique est constituée par ◀les▶ soviets [conseils] ◀de▶ députés des travailleurs qui ont grandi et se sont affermis […] grâce à ◀la▶ conquête ◀de▶ ◀la▶ dictature du prolétariat » (art. 1 et 2). « Tout ◀le▶ pouvoir dans ◀l’▶URSS appartient aux travailleurs en ◀la▶ personne des soviets ◀de▶ députés ◀de▶ travailleurs. »
◀L’▶art. 6 énumère ◀la▶ propriété ◀de▶ ◀l’▶État, c’est-à-dire ◀le▶ bien du peuple tout entier. Cependant, ◀l’▶art. 7 prévoit que « chaque foyer kolkhozien […] a ◀la▶ jouissance personnelle ◀d’▶un petit terrain [attenant à ◀la▶ maison] et sur ce terrain il possède en propre une maison ◀d’▶habitation, ◀le▶ bétail productif, ◀la▶ volaille et ◀le▶ menu matériel agricole ». Selon ◀l’▶art. 10, « ◀le▶ droit à ◀la▶ propriété personnelle des revenus et ◀de▶ ◀l’▶épargne, […] ◀de▶ ◀l’▶économie domestique auxiliaire, des objets ◀de▶ ménage, ◀d’▶usage et ◀de▶ commodité personnels, de même que ◀le▶ droit ◀d’▶héritage […] sont protégés par ◀la▶ loi. » ◀L’▶art. 11 déclare que « ◀la▶ vie économique ◀de▶ ◀l’▶URSS est déterminée et dirigée par ◀le▶ plan ◀d’▶État » en vue ◀d’▶affermir ◀l’▶indépendance ◀de▶ ◀l’▶URSS et ◀de▶ renforcer sa capacité ◀de▶ défense.
Résumons : tout est « ◀la▶ propriété ◀de▶ ◀l’▶État, c’est-à-dire ◀le▶ bien du peuple tout entier », ou inversement : tout appartient au peuple, c’est-à-dire à ◀l’▶État. De même, « tout ◀le▶ pouvoir appartient aux travailleurs » mais c’est « en ◀la▶ personne des soviets ◀de▶ députés des travailleurs », dont on verra plus loin (art. 46 et 141) que, pratiquement, ces députés ne peuvent être proposés à ◀l’▶élection que par ◀le▶ Parti.
◀Le▶ chapitre II sur ◀l’▶Organisation ◀de▶ ◀l’▶État définit ◀l’▶Union des républiques soviétiques socialistes (art. 13) comme « un État fédéral constitué sur ◀la▶ base ◀de▶ ◀l’▶union librement consentie ◀de▶ républiques soviétiques socialistes égales en droit. » Suit ◀l’▶énumération des 11 républiques qui constituaient ◀la▶ Russie des derniers tsars, à quoi s’ajouteront en 1940 et 1941 ◀les▶ provinces occupées puis annexées par ◀l’▶URSS : ◀les▶ trois États baltes (indépendants depuis 1918) et ◀la▶ Moldavie, prise à ◀la▶ Roumanie.
◀Les▶ art. 22 à 29 détaillent ◀les▶ subdivisions ◀de▶ plusieurs républiques fédératives en territoires, régions, régions autonomes et républiques socialistes autonomes. On peut voir là l’un des aspects ◀les▶ plus précisément fédéralistes ◀de▶ cette constitution.
Sont du ressort ◀de▶ ◀l’▶Union, selon ◀l’▶art. 14, ◀les▶ compétences caractéristiques ◀de▶ la plupart des pouvoirs fédéraux existants, tels que : relations extérieures, défense, transports et PTT, législation du travail, lois sur ◀la▶ citoyenneté fédérale, à quoi s’ajoutent dans ◀le▶ cas ◀de▶ ◀l’▶URSS « ◀la▶ sécurité ◀de▶ ◀l’▶État », ◀l’▶établissement des plans économiques et « ◀l’▶établissement des principes fondamentaux dans ◀le▶ domaine ◀de▶ ◀l’▶instruction publique », ainsi que ◀la▶ totalité ◀de▶ ◀l’▶organisation et ◀de▶ ◀la▶ procédure judiciaires.
Enfin, deux articles ◀de▶ ce chapitre méritent une mention spéciale :
— art. 17 : « Chaque république fédérée conserve ◀le▶ droit ◀de▶ sortir librement ◀de▶ ◀l’▶URSS ».
— art. 20 : « En cas ◀de▶ divergence entre ◀la▶ loi ◀d’▶une république fédérée et ◀la▶ loi fédérale, c’est ◀la▶ loi fédérale qui joue ».
Ici encore, dans ◀la▶ pratique, et compte tenu du rôle omniprésent du Parti à tous ◀les▶ échelons ◀de▶ ◀l’▶organisation et du mode ◀d’▶élection des pouvoirs locaux, régionaux, républicains, fédérés et fédéraux, ◀l’▶art. 20 annule sans recours toute portée réelle ◀de▶ ◀l’▶art. 17, lequel soulignons-◀le▶, peut sembler plus radicalement fédéraliste que tout ce que prévoient ◀les▶ constitutions fédérales existantes.
◀Le▶ chapitre III définit ◀les▶ Organes supérieurs du pouvoir ◀d’▶État de l’URSS. Selon ◀l’▶art. 31, « ◀le▶ Soviet suprême ◀de▶ ◀l’▶URSS exerce tous ◀les▶ droits attribués à ◀l’▶Union » (art. 14) et qui « ne sont pas ◀de▶ ◀la▶ compétence des organes du pouvoir ◀de▶ ◀l’▶URSS dépendant du Soviet suprême ◀de▶ ◀l’▶URSS, du Présidium du Soviet suprême ◀de▶ ◀l’▶URSS, du Conseil des commissaires du peuple ◀de▶ ◀l’▶URSS, et des Commissariats du peuple ◀de▶ ◀l’▶URSS ».
Ce tout-puissant « Soviet suprême ◀de▶ ◀l’▶URSS », qui exerce ◀le▶ pouvoir législatif selon ◀l’▶art. 32, se compose ◀de▶ deux chambres : ◀le▶ Soviet ◀de▶ ◀l’▶Union et ◀le▶ Soviet des nationalités. Ce qui correspond exactement au système bicaméral des États-Unis et ◀de▶ ◀la▶ Suisse, notamment. Mais voici qui est nouveau : à ◀l’▶art. 48 apparaît ◀le▶ Présidium du Soviet suprême ◀de▶ ◀l’▶URSS, composé comme suit : « ◀le▶ président du Présidium du Soviet suprême, ses 15 vice-présidents, un par république fédérée, ◀le▶ secrétaire du Présidium et 24 membres du Présidium. »
Selon ◀l’▶art. 49, ce Présidium convoque ◀les▶ sessions du Soviet suprême, interprète ◀les▶ lois ◀de▶ ◀l’▶URSS, édicte des décrets, dissout ◀le▶ Soviet suprême et fixe ◀de▶ nouvelles élections, procède aux consultations populaires, annule ◀les▶ arrêtés et décisions du Conseil des commissaires du peuple, décerne ◀les▶ décorations, exerce ◀le▶ droit ◀de▶ grâce, nomme et relève ◀le▶ haut-commandement des forces armées, ordonne ◀la▶ mobilisation générale, ratifie ◀les▶ traités, nomme et rappelle ◀les▶ représentants diplomatiques.
Ce qui revient à donner tout ◀le▶ pouvoir réel en URSS au Présidium du Soviet suprême.
◀Le▶ chapitre IV prévoit pour ◀les▶ Organes supérieurs du pouvoir ◀d’▶État des républiques fédérées une structure qui reproduit fidèlement celle ◀de▶ ◀l’▶URSS.
◀Le▶ chapitre V définit ◀les▶ Organes ◀de▶ ◀l’▶administration ◀d’▶État de l’URSS. ◀L’▶art. 64 porte que « ◀l’▶organe exécutif et administratif supérieur du pouvoir ◀d’▶État de l’URSS est ◀le▶ Conseil des commissaires du peuple ◀de▶ ◀l’▶URSS, responsable devant ◀le▶ Soviet suprême et dans ◀les▶ intervalles des sessions, devant ◀le▶ Présidium. » Il s’agit en fait du Conseil des ministres qui exerce (art. 77) toutes ◀les▶ compétences fédérales ◀de▶ ◀l’▶Union (Défense, Affaires étrangères, etc.), ◀les▶ autres étant du ressort des « Commissaires du peuple fédéraux, républicains et fédéraux-républicains-autonomes » (chap. VI et VII).
◀Les▶ Organes locaux du pouvoir ◀d’▶État (chapitre VIII) reflètent ◀les▶ structures des républiques fédérées et des républiques autonomes, aux échelons des « régions, régions autonomes, arrondissements, districts, villes, localités rurales, hameaux » (art. 94).
Passons sur ◀le▶ chap. IX, concernant ◀les▶ tribunaux et ◀le▶ parquet, qui ne contient rien ◀d’▶original, si ce n’est ◀le▶ droit ◀de▶ « contrôle ◀de▶ ◀l’▶activité judiciaire ◀de▶ tous ◀les▶ organes judiciaires ◀de▶ ◀l’▶URSS et des républiques fédérées » donné à ◀la▶ Cour suprême ◀de▶ ◀l’▶URSS.
Plus original est ◀le▶ chapitre X qui traite des Droits et devoirs fondamentaux des citoyens.
◀Les▶ citoyens ◀de▶ ◀l’▶URSS bénéficient et sont assurés par ◀l’▶État des droits suivants (art. 118 à 126) :
— droit au travail (assuré « par ◀la▶ croissance continue des forces productives ◀de▶ ◀la▶ société soviétique » et par « ◀la▶ liquidation du chômage ») ;
— droit au repos (assuré par ◀la▶ réduction du travail à 7 h par jour) ;
— droit ◀d’▶être assurés (vieillesse, maladie, perte ◀de▶ capacité ◀de▶ travail) ;
— droit à ◀l’▶instruction (gratuit à tous ◀les▶ degrés, supérieur compris, donné dans ◀la▶ langue maternelle) ;
— droits égaux des femmes et des hommes, avec protection par ◀l’▶État des intérêts ◀de▶ ◀la▶ mère et ◀de▶ ◀l’▶enfant droits égaux sans distinction ◀de▶ nationalité et ◀de▶ race ;
— liberté ◀de▶ conscience, c’est-à-dire « Église séparée ◀de▶ ◀l’▶État, et ◀l’▶école ◀de▶ ◀l’▶Église » ;
— liberté des cultes ainsi que liberté ◀de▶ propagande antireligieuse ;
— liberté ◀de▶ parole, ◀de▶ ◀la▶ presse, des réunions et meetings, liberté des cortèges et démonstrations dans ◀la▶ rue.
Ces droits sont assurés par « ◀la▶ mise à ◀la▶ disposition des travailleurs » des imprimeries, des stocks ◀de▶ papier, des édifices publics, des rues, des moyens ◀de▶ communication et autres conditions matérielles nécessaires à ◀la▶ réalisation ◀de▶ ces droits.
◀L’▶inviolabilité ◀de▶ ◀la▶ personne et ◀l’▶inviolabilité du domicile et ◀de▶ ◀la▶ correspondance sont « garanties aux citoyens ◀de▶ ◀l’▶URSS » et « protégées par ◀la▶ loi ».
◀Le▶ droit ◀d’▶association (syndicats, coopératives, sports, culture, etc.) est également assuré aux citoyens, « alors que ◀les▶ citoyens ◀les▶ plus actifs et ◀les▶ plus conscients ◀de▶ ◀la▶ classe ouvrière et des autres couches ◀de▶ travailleurs s’unissent dans ◀le▶ Parti communiste ◀de▶ ◀l’▶URSS, qui est ◀l’▶avant-garde des travailleurs dans leur lutte pour ◀l’▶affermissement et ◀le▶ développement du régime socialiste, et qui représente ◀le▶ noyau dirigeant ◀de▶ toutes ◀les▶ organisations ◀de▶ travailleurs, tant sociales que ◀d’▶État » (art. 126). Il paraît évident que ce privilège ◀de▶ noyau dirigeant accordé au Parti relativise, pour dire ◀le▶ moins, ◀les▶ autres droits.
Quant aux devoirs, ils se ramènent à celui ◀de▶ « service militaire général » qui est une loi mais aussi « un devoir ◀d’▶honneur pour ◀les▶ citoyens ◀de▶ ◀l’▶URSS ». ◀Le▶ trahir serait « ◀le▶ pire forfait », aux yeux de ◀la▶ loi.
◀Le▶ chapitre XI, sur ◀le▶ Système électoral, rappelle que ◀les▶ élections aux soviets des treize degrés existants du Soviet ◀de▶ hameau au Soviet suprême, « se font par ◀les▶ électeurs au suffrage universel, égal et direct, au scrutin secret » (art. 134).
Cependant, ◀l’▶art. 141 précise que « ◀le▶ droit ◀de▶ présenter ◀les▶ candidats est garanti aux organisations sociales et aux associations ◀de▶ travailleurs : aux organisations du Parti communiste, aux syndicats et coopératives, aux organisations ◀de▶ ◀la▶ jeunesse, aux sociétés culturelles ».
Ce qui revient en fait (voir supra, art. 126) à subordonner toute proposition ◀de▶ candidats à ◀l’▶aval du Parti communiste, « noyau dirigeant ◀de▶ toutes ◀les▶ organisations ◀de▶ travailleurs, tant sociales que ◀d’▶État ».
◀La▶ Constitution ◀de▶ 1977
◀La▶ Constitution ◀de▶ 1977, dite « ◀de▶ Brejnev », est pour ◀l’▶essentiel une révision ◀de▶ ◀la▶ Constitution « ◀de▶ Staline », qu’elle modifie sur une centaine ◀de▶ points ◀d’▶importance très inégale.
◀Les▶ principes directeurs ◀de▶ ◀la▶ révision paraissent être : a) une volonté ◀de▶ rendre ◀les▶ textes constitutionnels ◀de▶ 1936 mieux compatibles avec ◀l’▶usage établi ; b) ◀le▶ souci ◀d’▶affirmer plus expressément ◀la▶ primauté ◀de▶ fait du Parti communiste, et ◀de▶ subordonner ◀l’▶État fédératif au Parti centralisé, dès qu’on en vient aux décisions opérationnelles.
Quelques exemples suffiront à illustrer ces deux principes.
Lors des discussions publiques organisées par ◀le▶ pouvoir durant quatre mois avant ◀la▶ proclamation ◀de▶ ◀la▶ nouvelle Loi fondamentale, 750 000 propositions ◀de▶ rectifications ont été envoyées à ◀la▶ presse, 650 000 meetings ◀d’▶entreprises ont eu lieu réunissant plusieurs dizaines ◀de▶ millions ◀de▶ travailleurs, et quant au PC il a organisé 180 000 meetings ◀de▶ ses adhérents. Il est intéressant ◀de▶ relever qu’au cours de ces débats, selon ◀la▶ presse soviétique, « certains voulaient aller trop vite », et par exemple « abolir ◀le▶ fédéralisme », tandis que d’autres n’avaient pas compris que « ◀le▶ socialisme développé n’est pas encore ◀le▶ communisme », et demandaient « des salaires égaux pour tous ». ◀Le▶ nouveau texte, publié ◀le▶ 4 juin 1977 par ◀la▶ presse soviétique, est annoncé comme « devant tenir compte ◀de▶ tous ◀les▶ changements intervenus dans notre pays depuis quarante ans ».
◀La▶ principale innovation réside dans ◀l’▶abandon ◀de▶ toute référence à ◀la▶ « dictature du prolétariat ». ◀L’▶art. 1 proclame que « ◀l’▶URSS est un État socialiste du peuple tout entier » et non plus seulement, comme dans ◀les▶ précédentes constitutions, « ◀l’▶État des ouvriers, paysans et soldats ». En même temps, selon ◀la▶ présentation qu’en donnait ◀la▶ Pravda (26 mai 1977), ◀l’▶insistance est mise sur « ◀le▶ rôle essentiel et dirigeant du PC ».
◀La▶ contradiction fondamentale entre ◀le▶ fédéralisme allégué et ◀le▶ totalitarisme pratiqué s’exprime à nouveau dans ◀l’▶art. 3 qui introduit « ◀le▶ principe du centralisme démocratique », selon lequel « tous ◀les▶ organes du pouvoir ◀d’▶État, ◀de▶ ◀la▶ base au sommet, sont élus et doivent rendre compte ◀de▶ leur activité au peuple. ◀Les▶ décisions des organes supérieurs sont obligatoires pour ◀les▶ organes inférieurs. ◀Le▶ centralisme démocratique allie ◀la▶ direction unique à ◀l’▶initiative et à ◀l’▶activité créatrice locale, à ◀la▶ responsabilité ◀de▶ chaque organe ◀d’▶État et ◀de▶ chaque fonctionnaire pour ◀la▶ tâche qui leur est assignée ». Il est certain — sinon clairement dit — que ◀l’▶équilibre entre centralisation fédéraliste et autonomie ◀de▶ base est désormais rompu au profit des « organes supérieurs ◀de▶ ◀l’▶État », comme ◀le▶ confirme ◀l’▶art. 6 : « ◀le▶ Parti communiste est ◀la▶ force qui dirige et oriente ◀la▶ société soviétique, c’est ◀l’▶élément central ◀de▶ son système politique ».
Certes, ◀le▶ droit ◀de▶ « quitter librement ◀l’▶Union » est maintenu pour chaque république fédérée, mais tout comme ◀les▶ droits garantis aux citoyens, il est soumis à ◀la▶ restriction fondamentale posée par ◀l’▶art. 39 : « ◀L’▶exercice des droits et libertés ne doit pas porter atteinte aux intérêts ◀de▶ ◀la▶ société et ◀de▶ ◀l’▶État ». Or ◀le▶ fait que ◀le▶ PC jugera toujours en dernier ressort des vrais intérêts ◀de▶ ◀l’▶État, suffit à vider ◀de▶ toute substance cet article et tous ceux qui réaffirment ◀les▶ droits et libertés déjà définis en 1936, ainsi que ◀le▶ droit nouveau introduit en 1977 ◀de▶ « faire des suggestions aux organismes ◀d’▶État concernant ◀l’▶amélioration ◀de▶ leur activité et ◀d’▶en critiquer ◀les▶ insuffisances » (art. 49) ou ◀de▶ « faire des recommandations aux députés », droits assortis ◀d’▶une clause selon laquelle « toute poursuite pour fait ◀de▶ critique est interdite. ◀Les▶ personnes qui s’en rendent coupables ont à en répondre ».
Pouvait-on déduire ◀de▶ ces articles que ◀les▶ dissidents étaient en liberté, que ◀les▶ camps du goulag étaient vides, et que ◀l’▶URSS était une démocratie fédéraliste ?
Bibliographie
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