(1940) Articles divers (1938-1940) « « Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938) » p. 505

« Comment libérer l’État de la tyrannie de l’Argent ? » (10 juin 1938)c

Nous sommes en train de passer du règne de la finance totalitaire (libéralisme) au règne de l’État totalitaire, par une logique dont la rigueur montre assez que les facteurs humains ont cessé d’y jouer.

Comme on ne peut supprimer ni l’État ni l’argent, le problème que pose l’homme est celui-ci : remettre l’État et l’argent à leur place d’instruments techniques.

Schéma : un État souverain dans l’aire délimitée de sa capacité ; administrant les entreprises qui échappent par leurs dimensions mêmes à la souveraineté communale, telles que chemins de fer, postes, statistiques économiques ; fournissant aux communes et aux entreprises privées certains crédits et la main-d’œuvre indifférenciée (service civil) ; privé de toute autorité politique, celle-ci appartenant au gouvernement proprement dit, émanation des communes fédérées et des patries locales, et seule expression unitaire de la Nation ; jouissant d’un pouvoir dictatorial dans l’application de ses pouvoirs strictement définis par le gouvernement, et de nature technique ; répartissant ses bénéfices sous forme de minimum vital distribué par l’entremise des communes.

Ainsi serait évitée la collusion des puissances financières avec le Parlement et l’exécutif, collusion responsable de la mauvaise marche des administrations publiques, et de cette erreur économique — entre autres — qu’est la guerre totale, cancer de notre « paix ».

Il n’y a de liberté possible pour les communes et les personnes que sur la base d’une organisation rationnelle des servitudes publiques, c’est-à-dire d’une dichotomie rigoureuse entre ce qui relève de l’exécution technique et ce qui relève de l’opinion et de la création, toujours personnelle. C’est la confusion des pouvoirs matériels et de l’autorité, ded l’organisé et de l’organisateur, de l’État et de la Nation, qui conduit au désordre flagrant des démocraties, et à cette fixation brutale du même désordre qu’on nomme l’ordre totalitaire.

Telle est mon « utopie » : c’est la solution pratique proposée par l’Ordre nouveau. Quant aux moyens d’y parvenir, de l’imposer, ils relèvent d’une action spirituelle au premier chef, et vous savez que je n’entends pas le spirituel au sens évanescent des libéraux, mais bien comme une action, tant publique que secrète, qui mobilise le tout de l’homme, et qui seule est transformatrice. Mais ce n’est pas sur ces voies que vous m’interrogez, je crois.